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Marketing TDS taille originale : 3 fois 29,7 x 21 cm |
« Pourquoi est-ce que ç’a été si long avant que je trouve quelqu’un avec qui mes perversions étaient non seulement compatibles, mais aussi parfaitement appariées ? Dès nos débuts, et maintenant encore, tu écartes mes jambes avec tes jambes, tu pousses ton pénis à l’intérieur pendant que tes doigts remplissent ma bouche. Tu fais comme si tu m’utilisais, tu montes une pièce où on ne voit que ton plaisir, mais tu t’assures vraiment que je trouve le mien. Au fond, c’est plus encore qu’un match parfait, parce qu’un match parfait implique une sorte de stase. Tandis que nous sommes toujours en mouvement, toujours en transformation. Peu importe ce que nous faisons, ç’a toujours l’air sale sans avoir l’air paresseux. Parfois les mots font partie du jeu. C’était une de nos premières nuits, je me souviens, je me tenais à côté de toi dans le studio caverneux d’une amie au quatrième étage dans Williamsburg (elle était en voyage), flambant nue, il y avait encore des ouvriers en bâtiment à l’extérieur, ceux-là construisaient une sorte de gratte-ciel luxueux de l’autre côté de la rue, leurs phares plongeant le studio dans un jeu d’ombres et de rayons orange alors que tu me demandais ce que je voulais que tu me fasses. Tout mon corps se tendait pour trouver une phrase dicible. Je savais que tu étais un animal bienveillant, mais je me sentais au pied d’une énorme montagne : toute une vie d’incapacité à affirmer ce que je voulais, à le demander. Maintenant tu te tenais là, ton visage près du mien, en attente. Ce que j’ai fini par dire, c’était peut-être Argo, mais c’est ma propre bouche qui l’a dit, et je sais dorénavant que rien ne peut remplacer ça. »
« Image fréquente : celle du vaisseau Argo (lumineux et blanc), dont les Argonautes remplaçaient peu à peu chaque pièce, en sorte qu’ils eurent pour finir un vaisseau entièrement nouveau, sans avoir à en changer le nom ni la forme. Ce vaisseau Argo est bien utile : il fournit l’allégorie d’un objet éminemment structural, créé, non par le génie, l’inspiration, la détermination, l’évolution, mais par deux actes modestes (qui ne peuvent être saisis dans aucune mystique de la création) : la substitution (une pièce chasse l’autre, comme dans un paradigme) et la nomination (le nom n’est nullement lié à la stabilité des pièces) : à force de combiner à l'intérieur d’un même nom, il ne reste plus rien de l’origine : Argo est un objet sans autre cause que son nom, sans autre identité que sa forme. » (Roland Barthes)
« Tout comme les pièces de l’Argo peuvent être remplacées à travers le temps, alors que le bateau s’appelle toujours Argo, chaque fois que l’amoureux prononce la formule “je t’aime”, sa signification doit être renouvelée, comme “le travail même de l’amour et du langage est de donner à une même phrase des inflexions toujours nouvelles”. »
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Slogan |
« L’homonormativité me semble être une conséquence naturelle de la décriminalisation de l’homosexualité : une fois qu’un phénomène n’est plus illicite, punissable, considéré comme une pathologie, ou utilisé comme fondement légitime d’une discrimination brutale ou d’actes de violence, il ne sera plus en mesure de représenter de la même manière ou d’agir encore comme une subversion, une sous-culture, un underground, une marge. C’est pourquoi les pervers nihilistes comme le peintre Francis Bacon sont allés jusqu’à affirmer qu’ils souhaitaient qu’il y ait toujours la peine de mort pour punir l’homosexualité, ou pourquoi des fétichistes de l’illégalité comme Bruce Benderson cherchent à avoir des aventures homosexuelles dans des pays comme la Roumanie, où on risque encore la prison pour avoir simplement dragué une personne du même sexe. “Je considère toujours l’homosexualité comme un récit d’aventure urbaine, la chance de franchir non seulement des barrières sexuelles mais aussi des barrières de classe sociale et d’âge, tout en piétinant quelques lois au passage - et tout ça pour le plaisir. Sinon, j’aimerais mieux être hétéro”, dit Benderson.
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Mot d’ordre |
Le contraste a de quoi décourager quand, avec un tel récit en tête, on se trouve à patauger dans les déchets dangereux pour l’environnement d’une Gay Pride, ou à entendre Chaz Bono se marrer avec David Letterman parce que la T [testostérone] aurait fait de lui un trou du cul avec sa copine vraiment casse-couilles qui voudrait encore qu’ils passent des heures en préliminaires dans le genre lesbien-féminin tant redouté. Je respecte Chaz pour plusieurs raisons, dont la moindre n’est pas qu’il soit déterminé à dire le fond de sa pensée devant un public prêt à l’injurier. Mais son appropriation enthousiaste de certains des pires stéréotypes d’hommes hétéros concernant les lesbiennes est décevante (même si elle est stratégique). (“Mission accomplie”, a répondu Letterman de façon sardonique.)
Les gens sont différents les uns des autres. Malheureusement, c’est une vérité presque toujours gommée dans le processus qui fait d’une personne un porte-parole. Vous pouvez bien continuer de dire que vous ne parlez que pour vous-même, votre seule présence dans la sphère publique amorce la fusion de plusieurs différences en une seule figure, et la pression se met à peser fort sur elle. Vous n’avez qu’à penser à la façon dont certaines personnes ont paniqué en entendant l’actrice-activiste Cynthia Nixon décrire l’expérience de sa sexualité comme “un choix”. Mais alors que Je ne peux pas changer, même si j’essayais est peut-être une formule vraie et porteuse pour certains, elle est minable pour d’autres. À un moment, il faut peut-être sortir de son trou et explorer un peu le monde. »
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Accroche |
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