dimanche 2 octobre 2011

Amour, sexualité et mélancolie…

Taille originale : 27 x 36 cm


Chez les Achuar (le véritable nom des Jivaros) :
« Dans sa forme la plus extrême, l'affliction amoureuse devient une mélancolie pathologique, reconnue comme un trouble de la personnalité et causée, comme il se doit, par un chamane malveillant. Elle affecte surtout des gens jeunes, hommes ou femmes, qu'ils soient ou non mariés. Sombrant dans l'abattement et le dégoût de soi-même, en particulier au crépuscule, la victime est agitée de pulsions suicidaires et de désespoirs incontrôlables. Shakaim, un gendre encore presque adolescent de Naanch, m'a ainsi confié son chagrin à Capahuari : le cœur gros d'une indéfinissable insatisfaction, il contemple chaque jour le lever et le coucher du soleil en pleurant silencieusement, persuadé contre toute évidence que sa jeune et tendre épouse ne l'aime plus. D'une voix entrecoupée de sanglots, il me disait l'irrépressible désir de quitter sa belle-famille, la vision du soleil posé sur l'horizon étant comme la promesse d'un ailleurs radieux qui rendait plus pénible sa condition présente. Préoccupé par l'état pitoyable de Shakaim, Naanch était résolu de conduire son gendre à Montalvo pour qu'un chamane le délivre de sa neurasthénie.
Que l'amour soit une tension vers une plénitude inaccessible plutôt qu'un état de bonheur satisfait se trouve bien exprimé dans la sémantique du terme qui est le plus proche équivalent en achuar : aneamu combine étroitement affection, vouloir, tendresse, souvenir et désir de la présence de l'être cher. L'organe en est le cœur, ininti, siège de la pensée, des émotions et de l'intentionnalité, racine aussi d'une constellation de mots apparentés : aneajai, "je languis pour", "j'ai la nostalgie", inatamprajai "je me souviens de", initaimsajai "je pense à", j'agis par la pensée sur". Le désir charnel, kunkatmamu, et la copulation, nijirmamu, n'appartiennent pas à cette configuration terminologique, portant témoignage que, pour ce qui est du sens en tout cas, le domaine de l'affectivité et celui de la sexualité sont relativement séparés. »