dimanche 20 novembre 2016

Choses vues [11]

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Taille originale : 29,7 x 42

Un type lit une anthologie de poésie anglaise, assis sur une chaise au milieu d’un jardin désert. Deux jeunes femmes en minijupe et tee-shirt moulant surviennent et l’interpellent sans succès. Collées l’une à l’autre, elles commencent à se caresser et à s’embrasser comme si le type n’existait pas, puis viennent s’asseoir de chaque côté de la table de jardin. Face l’une à l’autre, elles soulèvent leur jupe, écartent les cuisses, se dévoilent mutuellement leur sexe dans lequel elles font bientôt glisser leurs doigts. La jeune femme aux longs cheveux noirs plonge même ses doigts dans un plat de crème anglaise qui est au milieu de la table, et elle s’en pourlèche avant d’en humecter les lèvres de sa chatte. Le type intervient alors et s’énerve, mais les deux complices saisissant le plat le lui reversent sur la tête en éclatant de rire.
Couvert de crème, il retire sa chemise et s’en sert pour s’essuyer et tombe bientôt le pantalon (il ne porte pas de slip) dévoilant un pénis de belle dimension.
Toujours riant, les deux filles s’approchent à ses côtés et commencent à frôler la chose du bout des doigts avant de s’agenouiller et de la prendre en bouche. Elles lèchent le gland, se passent et repassent la chose, puis la fille aux cheveux noirs, ouvrant largement les lèvres, commence à le pomper de manière plus décidée tandis que la rousse lèche les couilles avant d’en prendre une en bouche. Cela ne les empêche pas de rire par instants devant la mine déconfite du personnage ou de l’absurdité de la situation. La pine passe encore plusieurs fois d’une bouche à l’autre.
Accoudée contre la table et les jambes légèrement écartées, la noire se fait ensuite pénétrer par-derrière, tandis que la rousse assise en dessous d’eux lèche les couilles qui vont et qui viennent au-dessus de son visage. Les jupes sont relevées, mais les deux jeunes femmes ont gardé leurs minces vêtements alors que le gars est lui tout nu : à un moment d’ailleurs, il s’écarte de sa partenaire et sort sa bite pour la donner en bouche à la rousse totalement complaisante. Puis il revient dans la chatte tout en profitant des coups de langue sur ses couilles. Il répète ce petit jeu à plusieurs reprises.
La rousse à son tour se fait pénétrer par l’engin impressionnant du gars, couchée sur la table de jardin. Sa compagne en a profité pour s’agenouiller au-dessus d’elle, les lèvres de sa chatte collées à la bouche de la rousse qui la lèche du mieux qu’elle peut. Longuement pénétrée, la rousse profite en plus des caresses sur ses seins prodiguées par celle dont elle embrasse le sexe.
Le type cependant en veut plus, et la noire se met ensuite à quatre pattes au-dessus sa compagne, en tête-bêche, cuisses et fesses bien écartées pour se faire sodomiser. Venant se placer à son tour sur la table derrière elle, il s’enfonce effectivement dans son anus, tandis que la rousse toujours couchée sur le dos contemple le spectacle au-dessus, tout en caressant du bout des doigts le clitoris et les lèvres de la noire qui se fait enculer et qui elle aussi caresse la chatte rousse devant sa bouche.
Mais, à nouveau, le gars s’écarte de sa partenaire et approche sa bite de la bouche qui est ouverte en dessous de lui et qui ne refuse pas de la sucer bien qu’elle sorte d’un anus (dont on peut croire qu’il a été préalablement soumis à un important lavement). Il revient bientôt dans le trou du cul de la noire où il s’active un long moment. Ensuite, ce sera à la rousse à se faire sodomiser, tout en suçant la chatte de la noire, jusqu’à ce que leur compagnon les fasse une dernière fois changer de position pour recevoir son éjaculation.
Debout, il se branle au-dessus de la bouche ouverte de la noire qui est agenouillée devant lui et qui reçoit les principaux jets de sperme sur ses lèvres et sa langue offerte. Quand il a fini, elle se penche vers sa compagne couchée sous eux et recrache sperme et salive dans la bouche de la rousse qui en goûte brièvement la saveur avant de le recracher par les commissures de ses lèvres. Penchées l’une sur l’autre, les deux filles, le menton dégoulinant de sperme, s’embrassent doucement.

samedi 19 novembre 2016

Soirée littéraire…

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taille originale : 24 x 32

James sortit sur le pas de la porte avec le poète et son ami. Le poète à l’écriture médiévale continuait sa conversation avec la femme de théâtre qui lui expliquait qu’elle n’écrivait plus de pièces et travaillait à présent comme régisseuse. James s’éloigna de quelques pas avec l’ami du poète et perdit le fil de la conversation. L’ami en profita pour allumer sa pipe dont l’odeur de tabac fruité un peu oubliée réjouit James. Il avait invité les deux hommes à prendre un dernier verre, mais la femme de théâtre également invitée avait refusé sous prétexte qu’elle était pressée de rentrer chez elle. La rue des Écoles se vidait. La conversation du poète semblait pourtant s’éterniser.
L’homme à la pipe était grand et mince, sa barbe et ses cheveux étaient complètement blancs. Il devait être un peu plus âgé que James, soixante-cinq ans sans doute. Même si James se trouvait beaucoup plus jeune, il savait qu’il avait changé et que lui aussi devait avoir l’apparence d’un vieillard, peut-être un beau vieillard mais un vieillard quand même. Soixante ans, la limite de validité. Les marques du vieillissement sur la peau, au coin des yeux, dans les paupières affaissées, dans le cou violemment ridé par instants…
L’homme à la pipe interrompit sa rêverie : « Il ne peut pas s’empêcher de draguer. » Il parlait du poète. « Il ne peut pas s’empêcher, il faut qu’il essaie, obstinément, à chaque fois, dès que l’occasion se présente. Il drague sans relâche. Il ne lâche pas, il ne la lâchera jamais, il continuera jusqu’à ce qu’elle cède, et il y arrive. Il est gros, petit et vieux mais il ne renonce pas. Il y arrive. Et il trompe sa femme continuellement. »
James regarda la femme. Il ne la trouvait pas séduisante. Elle lui paraissait trop âgée. Il se dit qu’il avait sans doute des exigences trop élevées. Il ne répondait pratiquement pas au monologue de l’homme à la pipe qui continuait.
« Avant, j’étais comme lui. Je draguais, je draguais sans relâche. Et j’y arrivais toujours. Enfin le plus souvent. Mais c’est du boulot, c’est du temps, du temps passé pendant des heures à faire du baratin pour une relation d’un soir. Juste une fois. Et puis recommencer un autre soir pendant des heures pour baiser une seule fois. Et surtout, je ne savais pas si elles avaient envie, si elles baisaient parce qu’elles en avaient vraiment envie ou par lassitude, si je les avais forcées à force de baratin à baiser… Jamais forcées physiquement, hein, ce n’est pas ça. Simplement s’il y avait du désir. Une envie aussi forte que la mienne. Et puis quand j’éjaculais, le moment d’après, immédiatement après, je me disais que tout ce temps passé pour arriver à ça, seulement à ça… J’ai arrêté. »
Le mot éjaculais sonna de manière crue aux oreilles de James. Le type à la pipe qu’il ne connaissait pas depuis plus de vingt minutes lui parlait de façon tout à fait naturelle de sa sexualité la plus physiologique. Il eut envie de parler de sa propre expérience, mais il avait le sentiment qu’il devrait se lancer dans de trop longues narrations.
Le poète finalement renonça, et ils allèrent boire un verre à trois dans une brasserie proche. La conversation déboucha rapidement sur le terrorisme car c’était l’anniversaire des attentats. Le serveur s’en mêla exprimant son émotion encore palpable, puisque quelques heures avant les attentats, il prenait un verre près des lieux touchés. Le Poète entreprit de lui parler de son recueil, comme s’il était susceptible de l’acheter. Quand il s’absenta au bar, l’ami à la pipe sermonna son ami en lui disant qu’il ne fallait pas solliciter quelqu’un comme ça dans le cadre d’une relation professionnelle où le serveur était obligé d’être complaisant, mais l’autre s’en moquait, et il rouvrit le recueil en priant le serveur revenu avec une bouteille de Bourgogne d’en lire quelques lignes. Il s’exécuta puis remarqua une page couverte de caractère hébraïques. Il décida soudain d’acheter le livre pour sa grand-mère qui était juive !
À nouveau, l’homme à la pipe fit des remontrances à son ami l’accusant d’avoir dragué le serveur comme il avait essayé de draguer la femme de théâtre à la sortie de la librairie. L’autre rit au milieu de son visage rond, orné d’une fine moustache et d’une barbichette blanche. Lui aussi avait plus de soixante ans. Il était heureux. Il parla encore de sa femme qui avait une confiance absolue en lui et qui était sa meilleure lectrice bien qu’elle ne lût pas le moindre de ses recueils. Mais elle savait qu’ils étaient géniaux et avait une totale confiance. Oui. Il l’adorait. Il l’adorait, même s’il la trompait sans cesse. C’est elle qu’il aimait. Les autres ne comptaient pas.
James s’étonna mais resta silencieux. Même si tout cela pouvait paraître banal, il ne comprenait pas qu’on puisse se satisfaire de relations d’un soir où l’intensité du désir, du plaisir ne soit pas partagée. Il aurait voulu parler de passion, expliquer ce qu’est la passion érotique, souligner qu’il se souvenait de chaque moment, de chaque instant d’une telle passion, mais il était déjà trop saoul. Ils se quittèrent après avoir bu une deuxième bouteille. Le poète s’entretint encore un moment chaleureusement avec le serveur.

dimanche 6 novembre 2016

Choses vues [10]



La scène se passe au milieu d’un entrepôt : la jeune femme blonde est assise sur un banc et est vêtue seulement d’un slip rose et d’un tee-shirt blanc à bretelles étroites. Deux types debout l’entourent, et celui à sa gauche s’adresse à elle en saisissant son visage comme s’il allait l’embrasser : il lui explique ce qu’ils attendent d’elle et lui demande si elle y consent. Elle rit et ne semble nullement effrayée. L’autre type lui caresse d’ailleurs déjà les seins et n’hésite pas à remonter son tee-shirt. Elle s’agenouille rapidement, les seins dénudés, tout en continuant à sourire à celui qui est en train de lui parler, mais qui déjà, lui prenant la tête, la fait se détourner vers l’autre gars qui a sorti sa bite de son pantalon. Bien qu’elle soit encore molle, elle la prend aussitôt en bouche et commence à la sucer.
Après quelques pompages, elle détourne un instant le regard pour voir ce que fait le premier, et, constatant qu’il est déculotté, elle le suce à son tour tout en gardant la première bite en main. Puis passe de l’un à l’autre. Eux en profitent à certains moments pour lui caresser les seins, mais également pour écarter son slip et lui caresser le sexe. Ils lui saisissent également la tête pour l’inciter à les sucer plus profondément jusqu’aux couilles et n’hésitent même pas à s’enfoncer dans sa bouche à coups de hanche comme s’il s’agissait de pénétrer son sexe. Elle ne se laisse pas faire et recrache la bite pour reprendre sa respiration, mais cela ne l’empêche pas de rire devant l’excitation de ses compagnons.


Elle se couche ensuite sur le banc, et tandis qu’à l’une des extrémités, elle commence à sucer les couilles de celui qui se dresse au-dessus d’elle les jambes légèrement pliées, l’autre la déculotte et, comme elle écarte aussitôt les cuisses, lui enfonce un doigt dans l’anus puis deux avec lesquels il lubrifie longuement le sphincter. Pendant ce temps, le premier abaissant sa queue l’enfonce verticalement dans la bouche de la jeune femme dont la tête renversée en arrière pend pratiquement dans le vide. L’autre, relevant sa cuisse gauche contre sa poitrine, s’introduit finalement dans son anus et la sodomise profondément. Les deux types vont ainsi un long moment en elle à leur guise pénétrant son corps aux deux extrémités du banc sur lequel elle semble s’abandonner même si par moment elle arrête de sucer le gars au-dessus de sa tête qu’elle relève alors pour éviter les courbatures. Mais le plus surprenant survient quand le gars sortant de son cul vient présenter sa queue devant son visage et qu’elle la saisit de la main pour le prendre en bouche : on doit supposer que toute la scène a été préparée et que la jeune femme a fait préalablement un lavement pour accepter ainsi de sucer la bite qui sort directement de son anus. L’autre type vient d’ailleurs à son tour s’installer au bas du banc et encule à son tour sa partenaire.



Puis, de nouveau, ils échangent leur position, et elle accepte de nouveau sans sourciller de prendre en bouche le gland qui vient de la sodomiser. Mais l’autre lui demande alors de se coucher à plat ventre sur le banc et de lui présenter ainsi ses fesses rondes et levées entre lesquelles il glisse sa bite pour la sodomiser tout à son aise.

dessin pornographique jeune femme sodomisée
taille originale : 21 x 29,7

mardi 1 novembre 2016

Bêtise innommable

deux pédés s'enculent
taille originale : 21 x 29,7

« Micha ! tu ne dis rien ? Dis quelque chose ! Tu ne trouves pas ça scandaleux ?
— Si, si. Ce sont des propos stupides. Et insupportables, même de la part d’un grand artiste. Surtout de la part d’un grand artiste.
— Pour moi, c’est pas un grand artiste ! C’est juste un con !
— Oui… Mais je pense qu’il y a toujours une différence, enfin il faut faire une différence entre la personne et l’œuvre. On n’est pas obligé de prendre tout, on peut séparer…
— Je ne sais pas, je ne crois pas…
— Mais ce chanteur-là qui a tué sa femme… Tu continues à l’écouter.
— Oui mais il a payé.
— L’autre, il n’a dit que des conneries, il n’a frappé personne.
— N’empêche, c’est grave.
— Oui, oui… Mon sentiment… c’est difficile à expliquer… Comment dire ? Ce sont des propos pitoyables, scandaleux, mais sans aucune portée… Il y a une écart entre la généralité du propos : les femmes ceci, les femmes cela… et puis de l’autre côté, le côté dérisoire de l’attaque… C’est ça qui est pitoyable dans la misogynie, dans cette misogynie-là, qui ne vise en fait qu’une personne ou deux… Il parle prétendument des femmes en général, mais en fait il ne parle de que de sa femme ou de son ex-femme, peut-être sa maîtresse, mais je ne crois pas… Il en veut à sa femme, je n’entends que cela dans ses propos haineux, misogynes… C’est d’une médiocrité absolue, ce sont des propos de bistrot. C’est le genre de choses qu’on entendait à une époque où les bistrots dans ce pays, il n’y pas si longtemps que cela, étaient réservés aux hommes, où les hommes s’y retrouvaient après le boulot pour boire et vider tout leur sac d’insatisfaction, une insatisfaction de leur propre vie, une vie difficile sans doute, mais surtout avec un sentiment d’échec, l’échec d’une vie, l’échec de ne pas avoir réussi à s’en sortir, l’échec de n’avoir accompli aucun de leurs rêves, l’échec de s’être marié aussi sans véritable passion. C’est rare la passion, c’est même exceptionnel. La plupart des hommes (et des femmes aussi sans doute) se mariaient avec la première fille rencontrée (le premier mec) ou à peu près. Et puis ils restaient avec elle jusqu’au bout. Ça dégénérait souvent. Et c’était plein de ressentiment. Et les bistrots étaient pleins de ressentiment, ressentiment contre les femmes, contre les patrons, contre les chefs, contre les hommes politiques lointains qu’on ne voyait que comme de pâles figures à la télévision, et puis contre le monde dans l’absolu, le monde qui les avait déçus. Et ça parlait des femmes en général, les femmes qui râlent, les femmes qui n’aiment pas la baise, les femmes qui sont des salopes, des emmerdeuses, des chieuses, des femmes qui ne pensent qu’aux enfants, ou au ménage, ou à l’argent, qui sont tout le temps malades, qui ont des maladies étranges, qui sont démangées par leurs ovaires… Chaque mec en rajoutait une couche sur les bonnes femmes mais il ne pensait en fait qu’à la sienne… qui allait râler quand il rentrerait bourré. Ce qu’il n’osait pas lui dire en face, il le sortait au bistrot. Il vidait son sac, tout son gros sac de ressentiment contre sa femme qui l’attendait à la maison.
— Mais lui là, il était pas au bistrot et c’était pas un prolo. Il était célèbre, il était cultivé… C’était même un poète paraît-il.
— C’est sûr qu’il aurait mieux fait de fermer sa gueule. Et puis on n’aurait jamais dû filmer ça. C’est le fétichisme de l’artiste. Tout ce qui sort de l’artiste — même la pire merde — on considère que c’est artistique ou du moins que ça a de la valeur. Tout ce qu’il pense du monde en général et des femmes en particulier. Et là on est en face d’une misogynie épouvantable, d’une bassesse incroyable, de… d’une bêtise innommable même si à l’époque c’était le genre de choses qui se disait couramment.
— C’est l’excuse ça, l’excuse de l’époque. À cette époque-là… etc. etc.
— Non, je n’excuse pas. Tout le monde ne pensait pas comme ça à cette époque. Simone de Beauvoir, on peut dire ce qu’on veut, mais elle avait balisé les choses, et pas elle toute seule. L’égalité, c’est pas super-difficile à comprendre comme concept. Mais je ne cherche pas à excuser ni même à comprendre. J’interprète juste, j’entends seulement dans cette interview le propos de bistrot, le ressentiment. C’est pas un discours politique au sens fort terme, pas un discours philosophique, j’entends juste ça, le type qui râle sur sa femme, sur son ex-femme, sur la pension alimentaire, ou simplement sur les années passées à se disputer avant de pouvoir se quitter.
— Mais toi, Micha, tu n’as jamais été misogyne !
— Non, j’ai toujours trouvé ça con. Fondamentalement con. Et puis j’ai été élevé par des femmes, enfin pas uniquement, mais principalement. J’aurais pas pu les considérer comme des personnes inférieures. C’était presque instinctif, je dirais. Je ne sais pas. On ne peut pas aimer quelqu’un en le considérant comme inférieur. C’est peut-être pour ça que la misogynie, enfin que moi je ressens la misogynie comme un ressentiment, quelque chose qui vient après, après l’amour déçu, c’est la haine de l’amour déçu, une haine qui se donne des grands airs et qui parle des femmes en général…
— Mais ta mère était féministe…
— Oui, oui… sans doute qu’après son divorce, ça s’est accentué, quand elle a tout pris en charge, le ménage, les enfants, son boulot surtout, à la fac’. Il y avait tout de même une femme de ménage qui venait tous les jours, toutes les après-midis, je crois, quand on était petit. Pour nous garder. Mais tu imagines la différence de salaire. Maintenant ça ne serait plus possible je crois. Aujourd’hui, une femme de ménage, c’est une demi-journée par semaine. Je me souviens, cette femme de ménage, que j’aimais beaucoup, c’était une espèce de seconde mère pour nous puisqu’on la voyait tous les jours, elle m’avait repris, je devais avoir dix ans à peine, j’avais parlé de servante et elle m’avait dit qu’elle n’était pas une servante. C’était encore une autre époque ça, les servantes… Une époque encore plus ancienne. Ma grand-tante avait été servante… elle vivait chez des notables à la campagne à cent ou deux cent kilomètres de sa famille dans son village à l’écart. On n’imagine plus. Une gamine de treize quatorze ans envoyée seule chez des notables à leur service… sans téléphone, avec juste du courrier envoyé une fois par semaine ou par mois, je ne sais plus… elle écrivait à sa mère qui elle-même ne savait pas lire… Et la famille avait une résidence d’hiver et une autre d’été… Ça partait par charrettes entières avec des meubles, des kilos de vêtements et d’ustensiles, d’une résidence en ville à une espèce de château à la campagne. Quand elle me parlait de ça, elle avait quatre-vingt-dix ans, ça devait se passer dans les années 1910 à mon avis ou juste après la guerre. La Première Guerre mondiale je veux dire. Oui les années 20 sans doute. On n’imagine plus.
— C’est donc ta mère qui t’a appris le féminisme alors…
— Je me souviens oui, à l’adolescence, elle a pu dire des choses dans ce sens-là. Mais c’était une évidence pour moi. À cause d’elle sans doute, je ne pouvais pas imaginer les choses autrement. Ça n’avait pas besoin d’être explicite. Mais je me souviens dans l’enseignement secondaire, un prof de latin et de grec que j’admirais un peu nous invite à assister à un débat sur le féminisme où il devait intervenir avec un prof de fac, un sociologue. Je sortais très peu à l’époque. J’en parle à ma mère qui manifeste l’envie d’y aller avec moi. Et je me souviens ce prof de grec qui nous explique que c’était mieux avant, quand les femmes cuisaient le pain et qu’il restait frais pendant une semaine alors qu’aujourd’hui le pain industriel il sèche en un jour… Moi, ça devait être une des premières fois que j’étais confronté à un débat d’idées, à un débat d’opinions… En allant là, je n’avais aucune opinion, je ne pensais même pas qu’on pouvait être pour ou contre une idée… Oui j’étais con, stupide quoi, j’étais pas encore sorti de l’enfance en fait, je ne savais pas ce que c’était l’exercice de la pensée… Il n’empêche, j’étais pas du tout d’accord avec ce que le prof en question racontait. L’autre, le sociologue, me paraissait beaucoup plus sensé… Spontanément, je trouvais que l’idée de l’égalité hommes-femmes était la seule raisonnable, je voyais pas comment on pouvait croire autre chose… Et puis l’histoire du pain cuit à la maison qui reste frais, ça me paraissait vraiment stupide comme raisonnement. C’était une question de farine ou de cuisson, pas de sexe évidemment ! Mais j’étais quand même pas trop assuré, parce que c’était vraiment la première fois que je me posais ce genre de questions sur la justesse d’une idée. Donc en sortant, je demande un peu l’avis de ma mère : je savais absolument pas ce qu’elle pensait, je n’aurais pas été étonné qu’elle me dise que oui, la place de la femme est à la maison, à faire la cuisine, à élever les enfants et à cuire le pain, mais là, d’abord c’est net elle me dit qu’elle est complètement opposée à toute forme d’inégalité hommes-femmes et puis elle ajoute : N’empêche, ils auraient quand même bien fait d’inviter une femme plutôt que deux hommes pour parler des femmes ! J’étais estomaqué ! Je n’y avais pas du tout pensé. D’un coup ça me paraissait tout à fait juste et en même temps, ça chiffonnait mon universalisme de principe : si tous et toutes sont égaux ou égales, ben n’importe qui a le droit de donner un avis sur n’importe quoi. Mais je n’ai rien dit. Bien sûr, ce sont des questions qui sont revenues plus tard, chez les Noirs américains, dans les groupes féministes, chez les LGBT…
— Mais elle n’a jamais affirmé ses principes, elle ne vous a pas éduqués dans cette idée-là ?
— Peut-être, sans doute oui. Enfin ça ne passait pas par les mots. Quand on te dit de faire la vaisselle ou de débarrasser la table… enfant, tu trouves ça naturel, tu ne t’interroges pas, sauf s’il y a un con d’adulte qui intervient et qui dit que c’est un boulot de femmes… Mais ça n’arrivait pas chez moi. Même pas mon père. C’est sûr qu’il y avait des différences dans certains comportements, mais assez peu marqués. Et puis il n’aurait jamais dit des choses comme ça. Peut-être parce que lui-même venait d’une famille où c’était la mère (ma grand-mère donc) qui portait le pantalon comme on disait à l’époque. Mais je ne les ai pas assez connus, surtout qu’ils étaient partis vivre loin à l’âge de la retraite. Et puis le divorce de mes parents faisait que je savais très peu de choses de mon père de toute façon. C’est resté une figure, une figure souvent effrayante pour moi, mais pas un être humain, jusqu’à ce que je devienne adulte.
— Tu as été élevé seulement par des femmes alors…
— Principalement, disons. Je me souviens… Je me souviens d’un détail… Oui, ça peut expliquer… C’est un détail révélateur. Chez ma grand-mère, l’autre, la grand-mère maternelle… C’était une paysanne, j’allais souvent chez elle, les week-ends, les vacances… Ma mère nous casait là, parce qu’elle n’avait pas trop le choix je pense. Mais pour moi, c’était très bien, pas le paradis (maintenant je pense que c’était le paradis, el paradis de mon enfance), mais j’aimais bien y aller, je n’ai jamais senti ça comme une contrainte. Et ma grand-mère tricotait beaucoup, à la main, avec des aiguilles évidemment, même si elle avait aussi une machine ; en tout cas, à un moment elle a acheté une machine, elle nous a tricoté des pulls, toute mon enfance et mon adolescence. Enfin, un pull, un pull ou deux. À cette époque, je crois qu’on gardait le même pull pendant deux ou trois années successives. Mais auparavant, quand elle tricotait à la main (et même avec la machine, elle continuait à tricoter certaines choses à la main je crois), ça me fascinait. Je devais avoir huit, neuf, dix ans au maximum, et ça me fascinait à un tel point que je lui avais demandé de m’apprendre… et j’ai appris, j’ai dû tricoter deux trois trucs… d’abord, au début, j’étais pas trop habile, je transpirais des doigts, c’est vrai, je serrais trop fort la laine à tel point que les boucles étaient tellement étroites qu’elles ne glissaient plus sur l’aiguille. Et puis j’ai dû faire une écharpe ou deux. Je ne maîtrisais pas suffisamment le truc pour faire un pull ou des chaussettes ! Mais je me souviens que, pour moi, c’était normal d’avoir envie d’apprendre à faire ça… ce n’était pas du tout connoté féminin, ce n’était pas du tout connoté d’ailleurs. Et puis ma grand-mère a dû dire que c’était rare pour un garçon de faire un tricot… Et ça m’a étonné. Je ne comprenais pas pourquoi. Peut-être que c’était un avertissement, un avertissement de ne pas en parler aux autres, pour ne pas me ridiculiser aux yeux des condisciples, mais je ne crois pas. D’ailleurs j’ai continué, et puis ma grand-mère m’a encouragé à continuer. Donc ce n’était pas un avertissement. Et puis finalement je n’ai continué qu’un temps… On se lasse vite quand on est enfant. Mais bon, c’est juste pour dire que, oui, ça devait être une éducation égalitaire, même si ça ne passait pas par les mots. Surtout même que ça ne passait pas par les mots. Enfin, je crois. Il y a tellement de temps de ça. Tout ça s’efface, tu comprends. Il y a tellement de temps. Parfois j’ai l’impression que mon enfance est un rêve, que c’est irréel…
— Je comprends…
— Mais Olia, tu pleures, Olia ? Qu’est-ce que j’ai dit ?
— Ce n’est rien. Ce n’est rien. Ça fait du bien de pleurer. Laisse-moi. Ce n’est rien. »