samedi 31 juillet 2021

Elle regardait mon sein

Taille originale : 29,7 x 21 cm
« Con gli occhi spalancati guardava il mio seno.
– Com'è grande e sodo! È piú bello di quello della tata e anche il capezzolo... è chiaro. Quello della tata era nero. Mi dài il latte?
Senza lasciarmi il tempo di dire niente, con le labbra si mise a succhiare come se veramente bevesse.
– Io non ho piú sete, ora. Tocca a te.
Con gesto sicuro si tirò fuori il seno e mi costrinse, con la mano diventata inaspettatamente forte, a bere dal suo capezzolo cosí come lei aveva fatto.
– Ecco, cosí, bevi. Devi chiudere gli occhi, ti disseta di piú. »
Taille originale :21 x 29,7 cm

vendredi 30 juillet 2021

Une grande pruderie

« Les gens de cour suivaient, pour ce qui est de la structure de leur personnalité, un modèle de civilisation qui exigeait de l’individu un degré considérable de réserve et d’autodiscipline. Mais les jeux des hommes et des femmes - quand bien même ces jeux étaient soumis à des formatages très particuliers - constituaient une partie conséquente de la vie sociale et mondaine de ces personnes. La sociabilité de cour fut, pendant longtemps, une sociabilité mixte - elle incluait des hommes et des femmes, et par conséquent aussi les tensions entre les sexes, sérieuses ou ludiques, auxquelles leur cohabitation donnait lieu.
Brouillage
Taille originale : 21 x 29,7 cm

Par rapport aux gens de cour, les bourgeois du classicisme allemand portaient à un degré beaucoup plus haut ce que Freud appellerait sans aucun doute le refoulement. Ils voulaient se libérer du fardeau de l’absolutisme de cour. Mais, comme dans beaucoup de groupes en pleine ascension sociale, ce désir de liberté et d’égalité dans leur relation avec les membres des couches supérieures qu’avaient les bourgeois, se combinait avec une insistance particulièrement forte sur l’inégalité dans les relations entre hommes et femmes, et avec une restriction sexuelle renforcée. Une grande pruderie se répandit et se manifesta dans le jugement que les représentants de la littérature classique portèrent sur la littérature de cour. Ils ne pouvaient plus supporter que l’on intègre directement dans les poèmes, sans trop les travestir, de manière badine ou avec sérieux et mesure, les éléments sexuels de la vie humaine. »

jeudi 29 juillet 2021

Le piquant de l'interdit

Effacement
Taille originale : 29,7 x 21 cm

 

« Mais si, bien sûr. Justement. C’est ce qui donne du piquant. Le piquant de l’interdit. Tiens, je vais te raconter une histoire. Ça se passait l’été dernier. Un dimanche après-midi, j’étais assis dans le jardin, je parcourais les journaux, et chez les voisins les gosses jouaient dans une de ces piscines gonflables. Il faisait très chaud ce jour-là. Ils avaient des visiteurs, ce qui faisait en tout deux garçons et deux petites filles à peu près du même âge, entre quatre et six ans, j’imagine. Je ne pouvais pas les voir à cause de la haie, mais pour les entendre, je les entendais. Tu sais comme l’eau a le don de surexciter les mômes - elle les rend encore plus bruyants que d’habitude. Et ça criait, ça hurlait, ça éclaboussait… J’ai commencé à m’énerver un peu. On n’a pas eu tellement de week-ends l’été dernier où il a fait assez beau pour rester assis dehors, et voilà qu’on me gâchait mon précieux repos dominical. Alors j’ai fini par m’extraire de la chaise longue et je suis allé vers la haie, pour les prier de baisser d’un ton. En m’approchant, j’ai entendu l’une des petites filles qui disait, manifestement à l’un des garçons : “Vous avez pas la permission de nous baisser la culotte.” J’avoue que j’étais plié en deux. J’ai été obligé de me fourrer un poing dans la bouche pour ne pas rugir de rire. Il n’y avait pas trace d’implication sexuelle dans la phrase de la petite, bien entendu. Mais pour moi, ça résumait toute l’affaire. Le monde est rempli de femmes désirables et on n’a pas la permission de leur baisser la culotte - à moins d’être marié avec elles, et dans ce cas ce n’est plus amusant. Mais il arrive qu’on ait de la chance et qu’elles se laissent faire. C’est toujours pareil, évidemment, sous la culotte. Le trou éternel, je veux dire. Mais en même temps, c’est toujours différent, à cause de la culotte. “Vous avez pas la permission de nous baisser la culotte.” Tout est là. »

lundi 26 juillet 2021

Un instrument délicat


 

« - Tu es belle, et forte, et tu me veux. Tu le sais que tu me veux ?
J'allais le frapper à nouveau, mais la vérité de ces mots me foudroya. C'était vrai. Comment pouvais-je le savoir s'il ne me le disait pas ? Et moi qui croyais que le tremblement qui me prenait en sa présence était tout simplement de la haine. Il me fallait fuir. Et pourquoi ? Jamais je n'avais éprouvé cette fureur qui se déchaînait dans mon sang sous forme de haine. C'était un plaisir effrayant que je n'avais jamais éprouvé, et pour l'éprouver à nouveau je recommençai à frapper. Il me laissa faire. Mes bras et mes poings me faisaient mal à force de cogner sur cette poitrine de marbre, au point que je m'effondrai dans ses bras immobiles. Ce fut le signe. Comme s'il n'avait attendu que cela, voici que ses mains me serrent à la taille et me soulèvent, me faisant voler comme un objet léger. C'était comme de regarder dans un ravin. Plus la terreur augmentait et plus le désir de la chute grandissait à l'intérieur de moi. Je me retrouvai par terre avec lui sur moi. Il ne m'avait pas déshabillée, ni ne s'était déshabillé. Je le sentais à l'intérieur de moi, il ne faisait pas mal, il bougeait doucement. Quand il sortit, rien qu'à la façon dont il laissa aller la tête sur mon épaule, je compris qu'il devait avoir joui. Mais il ne disait rien et je brûlais tout entière sans qu'aucun frisson ne vînt me calmer.
- Excuse-moi, petiote, de cette précipitation, ça fait si longtemps que je te voulais et toi tu ne sais vraiment rien faire. Tout doucement, avec le temps, je vais t'apprendre à prendre ton plaisir toi aussi. Vos mères ne vous apprennent rien, et c'est à l'homme, après...
Et il m'apprit. Tous les matins, juste après l'aube, d'abord à comprendre le cheval, et puis, là chez lui, dans cette petite pièce nue et embaumant le tabac :
- C'est comme avec le cheval. Tu dois serrer tes cuisses autour de moi, et tu dois bouger avec moi. C'est comme faire le cheval et le cavalier. Laisse-toi aller, ma fille, ne te pétrifie pas comme ça, comme si je voulais te tuer. Maintenant tu connais l'animal, et je veux te donner du plaisir comme tu m'en donnes à moi. Tu vois, ma fille, l'amour n'est pas comme le disent tant d'hommes qui n'en sont pas et aussi des femmes qui ne sont pas des femmes, et qui se précipitent d'un côté à l'autre sans presque rien sentir.
Avec l'amour, quand tu le trouves… à moi ça m'est arrivé une seule fois… non, pas avec la mère de Béatrice, cette malade de la tête comme tous ceux du palais, pleine de manies, un jour elle voulait et puis elle pleurait… non, avec une femme, une vraie, que j'ai eue pendant des années ; et puis je l'ai perdue. Mais ce n'est pas ça que je voulais te dire. La vérité, c'est que quand tu trouves la femme ou l'homme qu'il te faut, alors il faut absolument arriver à s'entendre. Le corps est un instrument délicat, plus qu'une guitare, et plus tu l'étudies et plus tu l'accordes à l'autre, plus le son devient parfait et fort le plaisir. Mais il faut que tu t'aides et que tu m'aides. Il ne faut pas que tu aies honte. Voilà, je vais lentement, là, bien lentement et toi, suis-moi. Et quand tu sens augmenter la chaleur il faut que tu me le dises, que je t'attende, et qu'on se pâme ensemble. Mais pourquoi ne veux-tu pas me le dire, eh, pitchounette, quand tu sens la chaleur grandir ? Si tu ne veux pas me le dire avec la voix, fais-moi un signe, serre-moi avec tes bras, mords-moi l'oreille, comme tu veux. Tu es toute chaude et tremblante, mais je sais bien que tu n'éprouves qu'un léger plaisir. Voilà, comme ça, tranquille, bien tranquille, n'aie pas honte.
Et comment pouvais-je le savoir s'il ne me le disait pas ? Tout doucement, j'appris à le suivre dans cette eau profonde pleine de frissons. Et la première fois que je jouis vraiment, ce fut un plaisir tellement fort que je crus rester foudroyée.
- Bravo, maintenant oui, tu es une femme, et j'ai crié en même temps que toi. Je parie que tu ne m'as pas entendu si fort tu as joui.
Pendant des jours et des jours je crus ne pas avoir bien appris la leçon. Et si je glissais sur la selle, j'avais peur de tomber... Et si, sans un mot, il me prenait par la taille, me faisant voler sur le lit, et que je sentais mes jambes se raidir, je craignais toujours que ne vienne pas ce frisson qui me comblait. Mais Carmine était talentueux et patient. Il me guidait de ses paumes, il calmait l'angoisse qui m'ankylosait, et toujours, avec lui, après la course, je tombais dans le ravin éblouissant et sans fond.
- Courage, petite, au galop. Hier tu t'es un peu effrayée, mais si aujourd'hui tu ne laisses pas à la peur le temps d'effacer le souvenir du plaisir, tu n'auras plus peur. La peur, comme les pensées noires, est une mauvaise herbe puissante et il faut tout de suite se l'arracher du corps. »
Taille originale : 21 x 29,7 cm

vendredi 16 juillet 2021

La réalité de son corps

Fenêtre aveugle

 
taille originale : 10,4 x 14,8 cm

« Un après-midi où elle se promenait à Times Square, son appareil à la main, elle avait engagé la conversation avec le portier d’un bar-discothèque topless. Il faisait chaud, et Maria était vêtue d’un short et d’un T-shirt, une tenue plus légère qu’à son habitude. Mais elle était sortie ce jour-là avec l’envie qu’on la remarque. Elle souhaitait affirmer la réalité de son corps, faire tourner les têtes, se prouver qu’elle existait encore aux yeux des autres. Maria était bien bâtie, avec de longues jambes et de jolis seins, et les sifflements et réflexions obscènes qu’on lui avait adressés ce jour-là lui avaient remonté le moral. Le portier lui avait dit qu’elle était une belle fille, aussi belle que celles qu’on voyait à l’intérieur, et au fil de la conversation elle s’était soudain entendue proposer un emploi. L’une des danseuses s’était fait porter malade, disait le portier, et si elle voulait prendre sa place, il la présenterait au patron et on verrait bien si ça pouvait s’arranger. Presque sans réfléchir. Maria avait accepté. C’est ainsi que naquit son œuvre suivante, qui fut connue finalement sous le titre : la Dame nue. Maria avait demandé à une amie de venir ce soir-là prendre des photos d’elle pendant son exhibition — sans intention de les montrer à qui que ce fut, juste pour elle-même, afin de satisfaire sa propre curiosité quant à son apparence. Elle se muait délibérément en objet, en image anonyme du désir, et il lui paraissait capital de comprendre avec précision en quoi consistait cet objet. Elle n’avait fait cela que cette seule fois, travaillant par périodes de vingt minutes de huit heures du soir à deux heures du matin, mais elle n’y avait mis aucune retenue et, tout le temps qu’elle avait passé sur scène, perchée derrière le bar avec des lumières stroboscopiques colorées rejaillissant sur sa peau nue, elle avait dansé de tout son cœur. Vêtue d’un string orné de strass et chaussée de talons aiguilles, elle agitait son corps au rythme d’un rock and roll assourdissant en regardant les hommes la fixer. Elle tortillait du cul vers eux, se passait la langue sur les lèvres, leur faisait des clins d’œil aguichants tandis qu’ils l’encourageaient à continuer en lui glissant des billets de banque. Comme dans toutes ses entreprises, Maria était bonne à ce jeu. Du moment qu'elle était lancée, on n’aurait guère pu l’arrêter. »
Sous l'œil de la caméra
taille originale : 14,8 x 10,4 cm

dimanche 11 juillet 2021

La métamorphose des armadilles (vulgaires)

Ma vengeance est perdue
S'il ignore en mourant que c'est moi qui le tue.

Jean Racine, Andromaque

La journée avait été effroyable. À croire que tous les cons avaient décidé de se liguer contre lui. Tous ces petits merdeux et ces petites merdeuses qui faisaient des boulots de merde. Et qui avaient toujours quelque chose à dire, à critiquer, à discuter. Avec leurs sourire béats, leurs sourires hypocrites. Des connards et des connasses qui ne sortaient jamais de leur bureau, mais qui savaient, prétendaient connaître la réalité de terrain. Mais quand il y avait de la merde à éponger, c'était pour lui, c'était à lui à régler les problèmes, tous les problèmes, les ordinateurs qui plantent, les serveurs inaccessibles, les clients qui râlent, les ouvriers qui débraient, les cuves qui débordent, les pigeons qui vous chient dessus et les chiens qui vous pissent sur les pompes ! C'étaient ses subordonnés, pas ceux de tout en bas dont il se foutait, non c'étaient ses subordonnés directs, grassement payés, planqués derrière leurs écrans en train de lire le journal ou de partager des photos idiotes de leurs gosses, de leurs vacances, de leur chien ou de leur poisson rouge (ou de leur bite peut-être !), ceux-là, celles-là le faisaient enrager à ne pas le soutenir, à le laisser se démerder dans les ennuis et puis à le flinguer par derrière ! Mais cette boîte, c'est lui qui l'avait construite, c'est lui qui avait eu les idées et qui avait trouvé le pognon, c'est lui qui les avait engagés, toutes et tous ! C'est grâce au pognon et surtout aux idées qu'il avait eues qu'elles avaient trouvé du boulot, toutes ces feignasses !

Putain, il avait envie de les buter toutes et tous. Mais les buter vraiment à coups de flingue. Avoir dans la famille des militaires, ça facilite les choses, ça vous familiarise avec le maniement des armes… et à un moment donné, il faut passer à l'acte. Ce n'est rien, juste une détente sur laquelle appuyer, et avoir suffisamment de colère pour flinguer celui-là qui n'arrête pas de te mettre des bâtons dans les roues, d'ergoter, de râler, de répéter que oui, mais non, de se plaindre derrière ton dos, d'aller se plaindre sans cesse, de geindre, de geindre, de geindre et d'être incapable d'avancer, de faire avancer les choses. Il faut avoir ce courage-là, le regarder en face avec ses cheveux roux en bataille, avec son air dégingandé, avec ses attitudes de jean-foutre, et lui dire : Non, ça ne va pas, tu m'asphyxies, tu m'empêches de vivre, c'est toi ou moi… et c'est moi qui ai le flingue. Et tirer, lui éclater la tête juste pour qu'il se taise. Comme une mouche, comme une guêpe, comme une mite dans la farine, tu l'élimines… Tant pis pour la cervelle qui gicle sur les murs.

Peu à peu, il élabora un scénario, passant en revue tous ceux, toutes celles qui, à un moment ou l'autre, s'étaient révélés insupportables, qu'il aurait voulu voir disparaître comme par enchantement. Malheureusement, la magie ne fonctionne pas, il faut passer à l'acte, imaginer un plan, construire une stratégie cohérente et réfléchie. Comme dans un polar, mais remis dans l'ordre, parce que les polars commencent toujours par le crime avec des indices ténus qui permettent de remonter dans le passé, de retrouver l'assassin qui a commis des crimes immondes et répugnants, de découvrir comment tout cela est arrivé… Mais cette fois, on connaîtrait les vraies raisons, non pas l'argent, ni une supposée perversité, ni même le Mal incarné, non juste la colère, la juste colère de celui qui, harcelé, trahi, enquiquiné, bafoué, moqué, maltraité, emmerdé, se venge enfin.

Il fallait d'abord trouver une arme, des armes. Dans les scénarios merdiques, elles apparaissent naturellement, miraculeusement comme si on pouvait les acheter au marché ou au supermarché. Mais ici, ça ne fonctionne pas comme ça, c'est très contrôlé, surtout pour les honnêtes citoyens qui auraient la malencontreuse idée de vouloir buter leur légitime… ceux-là doivent se rabattre sur le couteau de cuisine ou le marteau du magasin de bricolage au coin. Il envisagea toutes les possibilités qui s'offraient raisonnablement à lui.

Taille originale : 59,4 x 21
  1. Il y avait l'oncle d'abord, militaire et collectionneur d'armes comme tous les militaires, même si comme agent de télécommunication, il avait passé beaucoup plus de temps à étudier le morse qu'à flinguer des ennemis sanguinaires. N'ayant sans doute jamais goûté à ce plaisir exquis, il se contentait de tirer sur des ombres chinoises au stand de tir. Bien entendu, il conservait ses armes - au moins une dizaine - dans une armoire blindée. Mais ça ne devait pas être impossible de profiter d'un instant de distraction. Et puis, il était naturellement introduit dans le milieu des collectionneurs qui s'échangent des flingues comme d'autres les pièces de monnaie ou les œuvres d'art. Il suffirait de les fréquenter un peu pour devenir un familier et leur faire croire que la seule passion des armes, objets d'une grande pureté esthétique et d'une grande subtilité mécanique, l'animait et non pas le sombre dessein d'aller buter quelques connards et emmerdeuses patentées ! Et tout naturellement en passant d'un chargeur à une plaquette de crosse puis à une lunette de visée, on en viendrait à évoquer quelques armes non déclarées, mais qui pourraient être cédées à un prix intéressant. Et les cartouches ? oui, c'est possible, on en garde toujours l'une ou l'autre en revenant du stand, hein, le compte n'est jamais tout à fait exact…
  2. Ou alors la méthode brutale : braquer un porte-flingue ! un flic bien sûr, mais pas un homme, non, une policière, une petite blonde qui est persuadée que rien ne l'empêche d'être l'égale de son collègue masculin ! Ah, c'est sûr pour le salaire, c'est pareil, mais quand il s'agit de ramasser un poivrot de 100 kilos, elle préfère passer la main au brigadier qui est deux fois comme elle. Et puis surtout, les mecs ont toujours un reste de virilité qui leur fera croire qu'ils peuvent jouer aux héros quand on leur colle un flingue derrière la nuque… tandis qu'une bonne femme, même si le truc est factice, elle préférera obéir en espérant que, non, on ne va pas la violer… alors que oui, on va lui piquer le pistolet bien réel qu'elle garde bien précautionneusement à son ceinturon avec la sûreté mise et aucune cartouche engagée dans le canon ! Mais comme son flingue à lui serait factice, il faudrait tout de même d'abord l'attacher rapidement pour la mettre hors d'état de nuire (et de lui nuire en particulier) avant de la buter avec son propre flingue.
  3. Bien entendu, il y avait aussi le réseau électronique souterrain, mais pas si souterrain que cela. Il ne suffit pas d'un pare-feu, ni d'un réseau crypté, ni d'un Réseau Virtuel supposément Privé, ni même d'un routeur réputé en forme d'oignon pour échapper à la police dite scientifique. Faut pas les prendre pour des cons, c'est pas des flics de quartier ni de la circulation. Et il ne suffit pas de naviguer masqué. Il faut en outre trouver des supposés vendeurs et puis passer bien évidemment par des cryptomonnaies. Risques élevés donc. Incertitude maximale.
  4. La solution la plus simple : le fusil de chasse avec le permis. Qui tue un sanglier tue un porc (ou une truie). Inconvénient : les armes restent traçables. Ou alors il faut entrer en contact avec le monde des armuriers. Il y a toujours des armes qui circulent clandestinement entre leurs mains, même si la surveillance policière est toujours plus étroite. On en revient en fait à la solution 1.
  5. Restaient les vrais délinquants, les vrais trafiquants. Il avait fréquenté le monde des bars et des cafés, et il savait que des malfrats se retrouvaient dans certains d'entre eux. Mais on ne débarque pas comme ça dans ce genre d'endroits en apostrophant les gens et en leur demandant s'ils n'ont pas un flingue à vendre. Cela prendrait des semaines sinon des mois avant de trouver des contacts fiables. Mais ce n'était pas beaucoup plus difficile que d'acheter de l'herbe ou de la coke. Il fallait simplement prendre le temps. La drogue était d'ailleurs une bonne porte d'entrée sur ce monde-là. On passe ainsi de la fumette à l'enfumage des ordures !

Les ordures, oui. Celle-là, d'abord, Constance qui refusait d'aller visiter le chantier sous prétexte que ce n'était pas son rôle, qu'il valait mieux que ce soit quelqu'un d'autre plus au fait des choses, et pourquoi ne pas engager quelqu'un ? alors que l'argent filait de tous côtés et que les banques étaient déjà aux aguets pour mettre la main sur la boîte !

Deux feuilles en accolade

Il avait envie de l'abattre d'une balle en pleine tête, mais non, ce n'était pas possible. Il ne pourrait jamais tuer une femme, la viser froidement, la regarder fixement dans les yeux soudainement terrifiés. Plutôt la violer, la renverser, la jeter par terre, elle se débattrait, il faudrait la gifler pour la calmer, non lui foutre une bonne grosse beigne dans la gueule pour qu'elle la ferme, qu'elle arrête de raisonner, de répliquer, d'argumenter, de pinailler, de rétorquer, de répondre « Oui, mais… » Oui, mais quoi ? connasse. Tu te tais maintenant, tu te tais, je ne veux plus t'entendre. Je vais te démolir la gueule. Non, il ne peut pas. C'est un cliché sexiste, mais exactement inverse de celui qu'on dénonce. Un homme ne frappe pas une femme, jamais ! Ce sont les lâches qui font ça justement, ceux qui n'ont pas de couilles, les faux durs, ceux qui font croire qu'ils sont forts, mais qui en réalité sont faibles et lâches… Non, il ne pourrait jamais frapper une femme. Dommage, car elle le mérite, elle le mérite comme tous les autres, toutes les autres. Elle mériterait d'être violée, oui, mais par trois nègres qui la tiendraient fermement sans la frapper. Un la tient par les épaules, l'autre lui déchire son chemisier puis son soutien-gorge, le troisième maintient ses jambes avant d'abaisser brutalement son pantalon. Ils la plaquent au sol. Le premier s'agenouille sur elle, l'autre saisit ses chevilles, le troisième arrache sa culotte. Ils sont nus instantanément. Une grosse bite noire se frotte déjà sur son visage, mais non, elle ne veut pas la sucer. Quoi ? t'as jamais sucé une bite ? Elle ne répond pas. T'as jamais sucé une queue ? Réponds, salope. Mais réponds nom de Dieu ! Si, si, mais… Oui mais quoi ? La mienne ne te plaît pas ? T'es raciste, c'est ça ? Non, je vous en supplie… Mais finalement elle sait qu'elle devra ouvrir la bouche et l'avaler. Elle en a déjà avalé des couleuvres, après tout ! hein ! Alors, celle-là, tu peux bien l'avaler. Elle voudrait que ça s'arrête là, mais il faut qu'elle apprenne, qu'elle comprenne, qu'elle admette qu'elle a entièrement tort et qu'elle va se faire violer. On lui écarte les jambes, des longs doigts épais la pénètrent et découvrent qu'elle est mouillée. Oui, la salope est mouillée, il faut qu'elle soit mouillée sinon ça ne serait pas amusant. Il faut qu'elle admette que c'est cela qu'elle aime au fond. Elle discute, elle discute, elle discute parce que personne n'a le courage de lui dire : ferme ta gueule ! Tout le monde est trop gentil, personne n'ose la plaquer au sol et puis s'enfoncer en elle jusqu'aux couilles. Personne n'ose lui demander : tu aimes ça, hein salope ! surtout pas son mec, l'autre emmerdeur, qui n'a jamais réussi, qui n'a jamais voulu l'engrosser alors que c'est ce qu'elle demande, ce qu'elle quémande, ce qu'elle supplie qu'il lui fasse. Et au lieu de ça, c'est moi qu'elle vient emmerder… Allez, qu'un bon nègre la baise jusqu'aux couilles et l'engrosse fissa ! Mais elle mérite d'être punie, il faut qu'elle soit bien punie, alors ces trois bâtards la retournent, la couchent sur le ventre, s'agenouillent sur son dos, lui écartent les jambes, lui ouvrent les fesses, et le troisième-là, il s'approche la queue à la main, il approche sa grosse bite, oui, au bord des fesses, et puis elle sent le gros gland contre son cul, tout contre le trou de son cul, et elle sait qu'elle va se faire enculer juste avant que le type ne crache sur sa bite et ne répande sa salive entre ses fesses, et que oui, il l'encule. Elle hurle parce qu'elle croit qu'elle va avoir mal, mais le gars fait doucement, très doucement, il recrache encore et il s'enfonce lentement, très lentement. Et elle sent la grosse bite, le gros gland, l'énorme chose qui lui entre dans le cul. Elle se fait violer, elle se fait enculer contre son gré, mais elle sait qu'elle aime ça. Ça lui fait un peu mal, le passage est étroit, mais elle sait que l'engin va passer outre, elle sait qu'elle va sentir les grosses couilles du nègre venir frapper contre ses fesses et qu'elle va jouir. À ce moment-là exactement, quand il sera entièrement en elle, elle jouira sans retenue. Et lui aussi jouira. Il l'enculera longuement, lentement puis plus rapidement, et puis il jouira sachant que la salope a déjà bien pris son pied. Et elle, pâmée, extasiée, défaillante, évanouie de plaisir, ne bougera plus quand le second puis le troisième l'enculeront encore à tour de rôle.

Mais non, un viol, c'est toujours moche, dégueulasse, immonde. Là, c'est un film porno, un bon film porno, mais un film porno tout de même. C'est d'ailleurs ce qu'elle devrait faire cette connasse, faire du porno, actrice porno ! Là, elle agiterait son cul au lieu d'agiter sa langue, ou alors elle agiterait sa langue bien baveuse autour d'un gros gland dégoulinant de foutre, et on l'entendrait seulement gémir de plaisir, cette supposée spécialiste des ressources humaines ! Elle la fermerait, elle la fermerait enfin, et elle montrerait qu'il y a au moins une chose qu'elle sait faire, écarter les cuisses et se faire mettre…

Et il ne faudrait pas oublier sa collègue de bureau, celle à la gueule de travers qu'on croirait qu'elle a pris un camion dans la façade. Qui se mettait à pleurer dès qu'on lui posait une question qui l'ennuyait, qui chialait qu'on ne savait même pourquoi, alors qu'on n'avait même pas élevé la voix… mais qui avait toujours quelque chose à dire, à reprocher, à baver, mais par-derrière, en douce, en cachette… Il l'avait appris par des personnes « bien intentionnées », mais anonymes bien sûr : cette ordure avait publié sur une saleté de réseau social un « récit de vie » où elle racontait à mots couverts son « expérience » dans l'entreprise et où elle disait avoir été victime de solitude affective, d'ingratitudes répétées, d'injustices diverses, et même de violences ! des violences, oui, verbales sans doute, mais des violences tout de même. Et tout cela de la part d'un « responsable » direct qui n'était pas nommé, mais bien reconnaissable ! C'était lui évidemment dont elle dressait un portrait infamant en tyran au petit pied, en persécuteur à la petite semaine, en monstre abusant de son médiocre statut de petit chef ! Évidemment, elle aurait été incapable, l'Ursule en question, d'élever la voix, de faire la moindre objection, de signaler le moindre problème, sans se noyer dans un torrent de larmes. C'était un surnom qu'il lui avait donné - silencieusement - parce qu'elle avait été élevée dans une institution catholique, et qu'aujourd'hui il pensait qu'elle aurait bien mérité le sort d'une de ces martyres idiotes comme cette stupide Ursule effectivement, criblée de flèches par des conquérants sanguinaires, ou l'exécrable Blandine qui avait été heureusement flagellée, enchaînée sur un gril brûlant puis livrée dans un filet à un taureau qui, on ne sait comment, parvint à l'encorner et à la jeter en l'air, ou encore l'insupportable Eulalie narguant ses tortionnaires qui l'avaient mise à nu, puis torturée à l'aide de crochets de boucher et brûlée à l'aide de torches qui l'ont finalement asphyxiée, ou bien évidemment l'obstinée Agathe qui n'a rien trouvé de mieux que de se promener avec un plateau d'argent sur lequel elle avait artistiquement disposé ses deux nichons qu'on venait de lui arracher avec des pinces avant de la balancer au cachot. Voilà de vraies violences qu'elle aurait mérité d'endurer, cette pleureuse, cette geignarde à la peau plus sensible qu'une princesse, cette connasse persuadée d'être une universelle victime de la domination masculine, patriarcale, coloniale et patronale ! Pauvre cloche ! Si au moins elle avait eu le talent musical de sainte Cécile, si elle avait pu faire entendre une musique divine, mais non, son seul talent était de faire du tricot, oui, du tricot, de pulls infâmes aux couleurs aussi détestables que sa gueule défoncée. Et sinon, elle se contentait de faire son boulot comme une fonctionnaire, pas une minute de plus, pas une minute de moins, et sans oublier un seul jour de congé, même si lui, il savait qu'elle était loin de s'épuiser à la tâche, rendant ses petits projets vite bouclés, vite rédigés, vite balancés. Elle, personne ne voudrait la violer, mais il faudrait quand même qu'elle comprenne ce que c'est la violence, la violence réelle, la violence brutale qui vous brise les os, et non pas seulement votre âme sensible de petite fille naïve qui n'a jamais grandi ! On l'enfermerait dans un cachot, immobilisée dans un carcan, et on lui passerait vingt-quatre heures durant des films pornos ! les films pornos les plus dégueulasses, les plus violents, les plus humiliants, les plus insupportables, avec de bonnes flagellations qui vont jusqu'au sang, des culs brutalement défoncés par des poings serrés ou des godes démesurés, des peaux brûlées au chalumeau, des aiguilles qui s'enfoncent dans les nichons, des pinces accrochées aux lèvres du sexe, de la bouche ou du prépuce et longuement étirées jusqu'à se détacher douloureusement, des choses que cette crétine suffisante n'oserait même pas imaginer…

Taille originale : 21 x 29,7 cm

Et à l'autre étage, la subordonnée supposée parfaite, la petite langue de pute, la bouche en cul de poule. Au début, elle lui plaisait bien avec ses faux airs d'ingénue, son nombril qu'elle exhibait autant qu'elle pouvait sous ses tops toujours plus courts, ses petits seins pointus qui vous faisaient des sourires en coin. Au début, il l'avait surnommée la flammèche, parce qu'elle était mince et évanescente… Enfin, c'était un surnom muet parce que ce genre de surnom, à l'heure actuelle, c'était la dénonciation immédiate pour harcèlement sexuel ! C'est sûr, il n'était pas question de dire que sa petite bouche était taillée pour les pipes, et son minuscule popotin un sens unique pour la sodomie ! La moindre allusion sexuelle, c'était direct au trou, mais pas le trou du cul malheureusement, mais le cul de basse-fosse, oui ! Cul de basse-fosse, c'est le genre d'expression qu'elle ne maîtrisait pas cette connasse, elle n'avait pas dépassé le niveau du langage SMS. Quant au subjonctif imparfait, elle eût été bien incapable d'en saisir ni la saveur ni l'orthographe ! Mais bordel de merde, comment avait-elle obtenu un doctorat, oui, un doctorat en communication ! Mais quel était le connard, la connasse qui avait pu inventer une telle spécialisation ? Les langues orientales antiques, oui ! mais la communication ? les ressources humaines ? l'administration des affaires (occupe-toi des tiennes !) ? le management (branle-toi, connard, ça donnera du boulot à ta main droite) ? Et cette petite connasse avec son petit cul et ses petits seins pointus et son doctorat en commumu' était bien incapable d'écrire un communiqué de presse qui ait du sens ! C'était du français, oui, du français élémentaire sans doute, du français de la fin de l'enseignement primaire années 1960. Mais du sens non. La première fois, il lui avait fait une remarque gentiment, mais quand les journaleux de merde leur étaient tombés dessus sous prétexte qu'un sous-traitant de merde avait engagé un immigré clandestin de merde qui était tombé d'un échafaudage de merde, alors que lui-même ne savait strictement rien de cette affaire de merde, et que cette petite connasse avait suggéré qu'en plus des frais d'hospitalisation, on fasse un don à une ONG militant contre l'exploitation des immigrés de merde, il s'était un peu énervé, il avait essayé d'expliquer qu'une telle stratégie ne ferait que relancer les fouille-merdes, qu'il fallait au contraire affirmer que la faute entière incombait au sous-traitant de merde et que toute autre attitude risquait bien de nous foutre dans la merde, dans une position juridique intenable, et qu'elle m'avait répondu que « oui, mais il faut quand même se mettre à la place de cet ouvrier… et de sa famille… tout de même… il me semble… » Mais verse-lui ton salaire, connasse, avec ton treizième mois et tes congés payés en plus ! Ça, il ne l'avait pas dit. Ni le mot merde. Pas une seule fois. Il lui avait réexpliqué ce qu'il pensait, même s'il ne se souvenait plus exactement des mots employés, mais avec de l'exaspération croissante dans la voix à chacune de ses réparties de merde. Et là, alors qu'il essayait de sauver la boîte, que les actionnaires étaient en train de se barrer et les fournisseurs de réclamer aussitôt le paiement de leurs factures, sans oublier les sous-traitants qui soudainement avaient décidé de sous-traiter ailleurs, cette petite flammèche d'érotisme brûlant avait décidé d'aller se plaindre à la déléguée syndicale, au service des ressources humaines (sa collègue préférée) et pourquoi pas à la conseillère en prévention du harcèlement (oui, c'est pas un métier d'homme, on est d'accord, il vaut mieux être noire et avoir une gueule d'excentrique avec des babouches aux pieds et des dreadlocks bien gris, bien sales et bien graisseux pour exercer le rôle). Oui, oui, elle avait affirmé qu'il était caractériel, qu'à la moindre contrariété, il s'énervait, oui, qu'il avait l'air menaçant, qu'il haussait la voix, qu'il qu'il qu'il… qu'il roulait des yeux, oui… non elle ne se souvenait pas qu'il ait proféré des injures, ni des insultes sexistes… mais c'était un homme, en position de pouvoir, hétérosexuel certainement, cisgenre incontestablement… oui, mais c'était il y a longtemps, il avait dansé avec une collègue de façon obscène, il y a cinq ou dix ans, celle-là n'avait pas protesté, elle avait même l'air consentante, non, ce n'était pas une preuve, un indice, mais une somme d'indices peut faire une preuve, vous voyez ! Donc, il s'énervait, et on peut certainement le qualifier de caractériel. Le mot avait été écrit noir sur blanc. Caractériel moi ? Moi, je suis caractériel ? Et je ne peux pas dire que tu es hystérique ? je ne peux pas dire que tu es hystérique quand tu minaudes avec la bouche en cul-de-poule pour parler d'Omega 3 et de massages subabdominaux. Hystérique, oui, quand tu glousses, que tu te tortilles sur ta chaise quand ta copine te parle de son stage en permaculture où elle a fait plus monter des courgettes turgescentes que de haricots en espaliers ! Hystérique oui, quand tu ris trop fort, que tu souris béatement à n'importe quel imbécile qui pousse la tête à la porte ! que tu souris, que tu ris, que tu t'exclames comme si, oui, tu allais lui faire une pipe, illico presto ! D'ailleurs je n'ai jamais dit ça, même si moi j'ai lu Freud et même un peu Lacan (quand j'étais jeune, très jeune même avant de retourner en psychothérapie parce que…). Mais je n'ai jamais utilisé ce mot-là. Je suis trop prudent.

Et il faut reconnaître qu'effectivement, il était prudent. Dans son esprit, ce n'était pas de l'hypocrisie, juste du savoir-vivre. Depuis longtemps, il avait compris que le pouvoir ne sert à rien, que le pouvoir ne fait pas jouir, qu'il ne donne même pas du plaisir contrairement à ce que croient les imbéciles, il donne juste des responsabilités, des emmerdes, des angoisses et puis des nuits blanches (et puis un peu d'argent dont on espérerait qu'un jour, plus tard, on jouirait enfin). Alors, ce soir-là, il se persuada que Léopoldine méritait effectivement d'être punie, qu'il était juste qu'elle subisse les foudres d'un dieu en colère, que désormais les hommes seulement ne devaient pas affronter la colère de Jupiter et que les femmes et les transgenres méritaient également de subir ses foudres, rendant inutiles les longs discours. Il ne serait que l'instrument d'un dieu vengeur, le héros épique d'une fureur qui le dépasse, Achille, oui, l'Achille finalement sacrifié à la vindicte d'Apollon. Mais l'innocence aussi stupide qu'orgueilleuse des femmes modernes et intersectionnelles éloignait sans aucun doute Léopoldine de toute conscience tragique. Ce serait le rôle d'Achille de faire renaître en elle ce sentiment grâce non pas à un pistolet Glock que sa vulgaire postmodernité privait désormais de toute aura, mais plutôt à un Beretta M9 à l'élégance italienne ou à la rigueur à un antique Colt 45 automatique qui avait acquis une forme de classicisme goethéen magnifié par le prix élevé de ses cartouches.

Il l'appellerait en fin de journée pour lui confier une tâche rédactionnelle subalterne dont son évidente incompétence justifierait le recommencement à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'elle dépasse l'heure réglementaire de la fermeture de tous ces lieux d'administration prosaïque. Il lui suffirait alors de l'appeler à nouveau dans son bureau à un étage supérieur protégé des regards indiscrets (même si la très grande majorité de ces cloportes besogneux se seraient déjà empressés de profiter de leur soi-disant bonheur domestique). Enfin, bon, à la fin de la journée, il escomptait bien la faire venir dans son bureau et lui agiter soudain un pistolet sous le nez, avec un air aussi menaçant que possible, en grognant de façon lugubre, qu'il allait la flinguer, qu'elle était trop conne et trop insupportable, que c'était bien de sa faute à elle, tout ce bordel, toute cette colère qu'il avait en lui, et puis qu'il allait lui exploser la cervelle et la répandre sur tous les murs si elle n'obéissait pas. Il n'avait pas besoin de la terrifier, de la traumatiser, cette hystérique, juste de l'effrayer suffisamment non pas pour qu'elle ait peur pour sa vie, mais qu'elle puisse seulement dire ensuite qu'elle ne pouvait rien faire d'autre, qu'elle avait été obligée, qu'il l'avait obligée, oui, que, sous la menace de cet immense pistolet de 220 mm approximativement, elle avait été obligée de se mettre à genoux, elle avait dû se mettre à genoux, et il avait exhibé, ce porc, son sexe, même pas dur, juste un peu, elle avait pleuré, supplié, elle n'avait pas pu invoquer sa virginité parce que la virginité de la bouche, ça n'existe pas, mais enfin elle se doutait bien qu'après sa bouche, elle devrait lui abandonner - toujours sous la menace de ce pistolet de 22 centimètres de long - son sexe et puis, elle n'osait pas le dire, mais son cul aussi, on connaît les hommes à présent, les hétéros blancs cisgenres, ils sont comme ça, ils ne pensent qu'à ça, au cul, seulement au cul, comme dans les films pornos, même si elle, bien sûr, elle n'aimait pas ça, elle ne regardait ce genre de choses que rarement, très rarement même. Heureusement, la policière devant prendre son témoignage était formée à l'écoute des victimes de sexisme, de transphobie, d'homophobie, de racisme anté- et post-colonial.

Il en jouissait, rien que d'y penser, d'imaginer la scène, Léopoldine en train de raconter avec ses larmes d'hystérique comment elle s'était mise à genoux devant lui, comment il avait posé le canon noir du pistolet sur sa tempe en ordonnant froidement : ouvre la bouche, suce-moi la bite, avale-la, avale bien jusqu'aux couilles, avale mon foutre jusqu'à la dernière goutte comme une vraie putain… ! Haha ! Il en jouissait d'imaginer comment elle raconterait avec toute l'hypocrisie dont elle était capable qu'il l'avait obligée à faire des gestes… qui n'étaient pas racontables, mais qu'il fallait bien raconter puisqu'il s'était retourné et qu'elle avait bien dû… oui, lui lécher le cul et qu'il insistait pour qu'elle enfonce sa langue dans ce trou dégoûtant et poilu, oui, c'était abominablement dégoûtant, mais il la menaçait toujours et la tenait par les cheveux avant que soudainement il se retourne et jouisse sur son visage. Elle avait été humiliée, oui, mais ce qu'elle ne raconterait jamais à ces collègues émoustillées par tous ces détails pervers c'est qu'elle n'avait pas pu s'empêcher de se doigter pendant tout ce temps, faisant dégouliner sa chatte jusqu'au sol ! 

Mais non, ce n'était pas possible, il ne banderait pas, cela ne le ferait pas bander, ça le ferait même débander… Il le savait. D'ailleurs même maintenant, il ne bandait pas. Pourtant, elle méritait d'être punie : son incompétence notoire, sa suffisance béate, sa morgue insolente, son caquet impertinent le rendaient blanc de colère quand elle l'interpellait au téléphone sous prétexte que c'était lui le responsable de toutes ces erreurs et qu'elle n'avait rien à voir avec toutes ces bévues. Connasse ! Incapable de te servir correctement du moindre programme informatique sans fouiller dans tes notes manuscrites que tu n'étais même pas capable de relire correctement. Il ruminait sans trouver de scénario meurtrier à la hauteur de sa colère. Et puis, il eut l'intuition inattendue, mais parfaite. C'était tout un sous-genre pornographique qui ne l'avait jamais vraiment intéressé, à la fois trop spécialisé et trop infantile, mais il en comprenait soudain le sens profond : la fessée ! Attraper cette petite impertinente par les cheveux, la faire se plier en deux, l'amener à genoux sur les cuisses de son maître, soulever son popotin obscène et le déculotter brutalement après avoir relevé sa jupette (c'est vrai qu'elle n'en mettait pas, mais ce serait là une licence de l'imagination créatrice). Et enfin, lever la main et appliquer un coup sec et violent. Ne pas retenir son geste, oser donner une vraie claque ! Foin de toute timidité ! Une première claque qui claque, puis une seconde, puis une rafale de claques sur cet odieux popotin ! Une fessée ininterrompue pour punir de façon ô combien justifiée l'impertinence de ce derrière rebondi. Oui, il faudrait une vraie fessée, pas seulement un jeu qui laisse les fesses un peu rougies, non une fessée qui dure suffisamment longtemps pour que cela devienne insupportable et qu'elle le supplie d'arrêter et qu'elle reconnaisse enfin ses torts et son incompétence. Mais même à ce moment-là, il ne s'arrêterait pas malgré ses cris et ses pleurs, malgré ses faux airs de petite fille innocente : il continuerait, car sa colère était trop grande et il fallait qu'elle s'épuise dans ce geste répété aussi violemment que possible, jusqu'à ce que le bras lui fasse mal, et que la fatigue physique remonte vers son âme endolorie, finalement épuisée, mais toujours inassouvie. Ça, elle pourrait le raconter ! qu'il lui aurait donné une fessée sur son cul dénudé ! Et le ridicule serait pour elle, et il en jouirait de cette histoire qui passerait de bureau en bureau… Oui, il serait sanctionné, il y aurait sans doute procès et dédommagements importants, mais il n'y aurait pas de huis clos, l'affaire serait rendue publique, personne ne pourrait s'empêcher de rire en évoquant l'affaire malgré les remontrances scandalisées des contemptrices de la supposée domination masculine…

Taille originale : 24 x 34 cm

Restait la troisième, non, la quatrième, Brigitte, la gauchiste de service, la trotskyste qui parlait au nom du prolétariat et des travailleuses de la base, mais qui empochait un bon gros salaire, moins que le sien de patron, mais juste en dessous, la n-1 comme disent ces imbéciles de RH (les supposées Ressources Humaines pour ceux qui vivent encore dans un monde normal, le monde d'avant où les mots avaient encore un sens). La frontière, elle la faisait passer là, juste au-dessus d'elle, là où lui, le patron, était en principe assis, et elle le secouait, elle l'interpellait, elle râlait, elle pétitionnait, elle écrivait, elle justifiait, elle dénonçait… elle critiquait tout, absolument tout, il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas, à gauche, à droite ou au milieu, et c'était lui le responsable, c'est lui aurait dû voir, c'est lui qui aurait dû intervenir, réformer, entendre, corriger, motiver, solutionner, sévir même, diriger, transformer, activer, dynamiser, etc. etc. etc. C'était fou, tous les services fonctionnaient mal, sauf le sien, elle seule faisait correctement le boulot. Même mieux ! en pleine réunion des différents secteurs, elle avait affirmé en toute bonne conscience que le travail de son équipe était excellent, qu'il n'y a avait rien à redire, mais qu'elle n'était pas suffisamment soutenue, secondée, épaulée, remerciée, félicitée, encouragée pour l'immensité des tâches effectuées et leur exceptionnelle qualité. Et elle le croyait vraiment, elle était tellement infatuée qu'elle pensait bien que son travail était parfait et que tous les problèmes venaient des responsables des autres services qui étaient soit caractériels, soit incompétents, soit démotivés, soit excessivement autoritaires ou au contraire je-m'en-foutiste. Le problème, c'est qu'elle était incapable de faire un budget et encore moins de le tenir, qu'elle égarait les factures et même les contrats qu'elle avait signés, qu'elle passait des heures et des heures en réunions oiseuses en se plaignant ensuite d'être surchargée de travail. Parce qu'en fait, elle était incapable de prendre la moindre décision, il lui fallait un avis, un deuxième avis, un troisième, un avis d'équipe, d'une autre équipe… et elle harcelait tout le monde jusqu'à ce que tout le monde épuisé lui réponde « OK, fais comme ça, c'est bon, ça devrait aller… ». Et puis quand ça foirait, ce n'était pas de sa faute puisque tout le monde était d'accord (mais d'accord d'épuisement), c'était la faute des clients, des vendeurs, du représentant, et puis c'était surtout sa faute à lui : c'était lui le patron tout de même, c'est lui qui aurait dû la guider, la conseiller, lui faire prendre la bonne orientation… Sauf que non bien sûr. Lui, il avait mille autres choses à penser, à faire, à régler… Ce n'était pas à lui à trouver les solutions à ses problèmes à elle ! C'est pour cela qu'elle avait été nommée chef de service, nom de nom ! (même si ce n'était pas lui qui l'avait engagée : c'était évidemment le service RH qui s'était occupé de l'affaire, et il lui avait fait confiance sur base d'un CV arrangé et d'une attitude de petite fille polie et réservée.)

Mais il y avait autre chose. Il lui avait fallu des années pour s'en rendre compte, car au début, elle restait assise comme une élève docile à son bureau avec ses lèvres pincées et son chignon serré. Elle râlait déjà sur tout, mais pas en son nom propre : elle dénonçait, enfin non, elle critiquait « l'organisation », c'était, disait-elle, un problème de système, il fallait voir les problèmes structurels. C'est tout ce qu'elle avait retenu de ses études universitaires, des grands mots : structure, système, organisationnel, domination, fondamental… Et chaque réunion était l'occasion de sortir des phrases alambiquées où la domination structurelle se conjuguait avec la faiblesse systémique pour aboutir au désordre bureaucratique institutionnel. Connasse prétentieuse ! Il s'en serait bien foutu de ses pseudo-analyses politico-philosophiques, sauf qu'il s'était aperçu qu'elle avait entrepris par ailleurs un véritable travail de sape auprès de ses collègues notamment féminines. Des rumeurs avaient commencé à circuler. On lui avait rapporté à mots couverts que plusieurs personnes se plaignaient de son autoritarisme, de ses manières brutales, de son arbitraire, mais aussi de supposées lâchetés… mais tout cela restait vague, anonyme, cotonneux. Et l'on se taisait soudainement quand il passait dans les bureaux, on lui répondait de façon indécise, on ne l'appelait plus quand il y avait un problème, on lui cachait même des difficultés d'approvisionnement ou de production. Alors, oui, il s'énervait, il criait sur le ou la supposée responsable qui, bien entendu, ouvrait largement le parapluie en renvoyant au supérieur hiérarchique ou même à l'inférieur qui n'avait pas fait son boulot convenablement… Et puis les accusations de harcèlement avaient fusé au milieu d'un flot de calomnies. Oui, plainte avait été portée, paraît-il, auprès des représentants du personnel. L'Inspection du travail aurait même été prévenue. On ne parlait d'abord que d'un climat de travail détestable, mais certains auraient évoqué des gestes déplacés. Mais ce n'était que des rumeurs, rien ne lui avait communiqué officiellement, personne ne lui avait transmis d'avertissement.

Et puis d'un coup, c'était sorti dans la presse. Du moins, la presse locale. Ou plus exactement un torchon régional où un scribouillard rapportait à mots à peine voilés des accusations de toutes sortes, l'autoritarisme, les violences verbales, les licenciements arbitraires (des incompétents, oui !), un « management pitoyable et impitoyable », des manières de « petit chef » et puis finalement des « gestes obscènes » d'un tyran bouffi d'orgueil : il se serait touché la bite pendant une réunion, il regardait de manière insistante dans le décolleté des secrétaires, il engageait les femmes uniquement en fonction de leurs critères physiques (il les préférait manifestement avec de fortes poitrines), il regardait vraisemblablement des vidéos pornos qu'il fermait précipitamment dès qu'une collaboratrice pénétrait dans son bureau, il souriait de manière grivoise à toute femme passant dans les parages, il masquait ses penchants libidineux derrière des manières affables, mais on voyait bien où il voulait en venir… Et puis de manière générale, il avait laissé s'installer une culture du harcèlement sexuel même si la plupart de ses collaborateurs étaient des femmes (mais c'était justement la preuve que…). Tout cela sous couvert d'anonymat, car bien sûr on craignait les représailles sanglantes du tyran ! Mensonges, mensonges, mensonges ! Les accusations de harcèlement sexuel l'ulcéraient particulièrement. En vingt-cinq ans de carrière, il n'avait pas eu le moindre geste déplacé, pas fait la moindre allusion salace, pas entrepris la moindre tentative de séduction même lors des soirées de bureau trop arrosées. Mais, à présent, il avait envie de hurler à pleins poumons : « Brigitte suce-moi la bite ! »

Et c'était elle qui manigançait tout cela. Il en était certain. Elle avait construit patiemment une ligue qui n'avait rien de souriant avec des affidés de différents secteurs, et elle avait fomenté un mini-coup d'état bolchevique digne d'une petite Trotski de bureau. Elle voulait le pouvoir, elle ne le savait pas elle-même, car elle se gargarisait de grands mots, travailleurs, travailleuses, chevilles ouvrières, productivité accrue, motivation retrouvée, rentabilité assurée, esprit nouveau… Ne manquait que le plan quinquennal ! Mais elle voulait le pouvoir indéniablement, et en fine politicienne, elle avait noué toutes les alliances nécessaires jusqu'au conseil d'administration dont elle avait circonvenu les principaux membres. Ne restait plus qu'à porter l'estocade. L'article tombait à point. La réputation de l'entreprise était mise à mal ! La responsabilité des administrateurs était engagée ! Il fallait envoyer un message fort aux clients et surtout aux clientes qui ne pouvaient admettre de traiter avec un personnage à la réputation aussi douteuse ! Et elle se présentait évidemment comme la sauveuse de la situation.

Dans ces cas-là, il vaut mieux avoir un bon avocat. Mais comme on doit agir dans la précipitation, on morfle. C'est sûr, il n'avait rien vu venir, et quand il avait été convoqué au conseil d'administration, il pensait devoir faire face à de vagues rumeurs anonymes, mais c'était un véritable acte d'accusation qui était porté à son encontre, avec des témoignages supposés irréfutables qui étaient aux mains du conseil, mais qui ne pouvaient pas être dévoilés sous peine de mettre en danger les accusatrices, mais également les accusateurs. L'ensemble était suffisamment probant pour exiger sinon une mise à pied, du moins une sérieuse réorganisation du management. On fit appel à un ancien administrateur délégué, vieux retraité qui dut pisser de joie dans son pantalon en apprenant qu'on faisait à nouveau appel à ses services. Lui était rétrogradé au rang de vice-directeur où il devait désormais agir en tandem avec Brigitte. Et bien entendu, elle se trouverait devant et aurait le guidon en mains ! Bien sûr, tout cela n'était que temporaire le temps de mener une enquête approfondie sur ces agissements suspects. Il n'eut même pas la présence d'esprit de répliquer que c'étaient les accusations qui étaient suspectes. Tout cela était survenu il y a une quinzaine de jours à présent.

Et il se sentait réduit à l'impuissance. Toute remarque, toute décision, toute intervention de sa part pourrait être retournée contre lui. Et chaque collaborateur et collaboratrice devenait une énigme : ennemi, allié, neutre ? Toute cette affaire aurait mérité une tuerie de masse, comme cet employé licencié qui débarque un jour matin au bureau et qui flingue tout le monde sans distinction jusqu'à ce que la police arrive avec armes et gilets pare-balles et qu'il se fasse éclater la cervelle en laissant ouverte à la presse stupide l'énigme supposée de ses motivations. Non, c'était une démarche trop insatisfaisante, trop peu ciblée, où la démonstration n'atteignait pas la personne visée ! Seule Brigitte, dont il avait senti l'hostilité croissante depuis des années, s'était révélée au grand jour. Cette salope, cette putain, cette crapule, cette pétasse, cette morue même pas salée, était bien à l'origine de tout ce bordel infect. Elle paierait, oui, elle paierait en larmes d'humiliation pour cette infamie. Et il continuait à échafauder des plans complexes en avalant une troisième ou quatrième bière en attendant la livraison de sa pizza aux quatre fromages (ce n'était plus l'heure des préoccupations diététiques).

Il devrait l'enlever. Mais un enlèvement est très difficile à organiser dans cette saleté de société hyper-fliquée. Il fallait d'abord un véhicule, une camionnette de préférence avec de fausses plaques d'immatriculation, sans doute volées sur un autre véhicule. Et puis trouver le lieu. Ça impliquait de la suivre pendant plusieurs jours pour connaître ses déplacements. Toute action au centre-ville était impossible vu le nombre de caméras de surveillance. Il devrait agir en périphérie en vérifiant néanmoins l'absence de ces maudites caméras. Et puis il aurait besoin de vêtements anonymes, genre sweat à capuche, noir, bleu foncé, gris anthracite, quelque chose qui vous invisibilise. Et puis du matériel, des liens, des cagoules, des menottes, mais pas des menottes de sex-shop en plastique rose, de vraies menottes de flic qu'on ne crochète pas avec une épingle à cheveux ! Le plus délicat serait le moment et le lieu de l'enlèvement. Il devrait s'assurer que l'endroit serait désert et parvenir à l'effrayer suffisamment pour qu'elle obéisse rapidement. Il n'était pas question de tirer un coup de feu, ce qui attirerait inévitablement l'attention, mais il faudrait la brutaliser suffisamment - coup de crosse, bourrade dans le dos, poing sur la gueule… - pour la rendre docile et surtout silencieuse. La faire basculer dans le van, l'attacher sommairement, fermer aussi rapidement que possible les portières, lui mettre un bâillon, l'attacher plus solidement, démarrer sans précipitation. L'énorme décharge d'adrénaline. Enfin, il y avait encore pas mal de détails à régler.

Mais il avait l'endroit où l'enfermer et surtout où faire éclater la vérité qu'il jetterait à la face de cette pouffiasse bouffie d'orgueil. C'était un gîte dit rural (dieu, que les expressions modernes étaient ronflantes de stupidité !) qu'il pouvait louer au mois en dehors de la période des vacances scolaires et qui se trouvait à l'écart d'un village quasiment déserté. L'aménagement surtout était intéressant. La maison étant construite sur une pente, le garage en sous-sol était dirigé vers le jardin à l'arrière et à l'abri de la route principale. Il donnait par ailleurs accès à une pièce enterrée sans aucune ouverture si ce n'est un vague soupirail fermé par quelques dalles de verre trempé. Ce débarras pourrait facilement être transformé en donjon sadien où satisfaire toutes ses envies de revanche. Un peu de bricolage suffirait à fixer solidement quelques crochets et barres de suspension dans les hourdis du plafond. Un attirail supplémentaire - croix de Saint-André, cage, carcan, chevalet… - pourrait facilement être installé, sans oublier un lit à barreaux métalliques : quelque chose de très solide qui résisterait à tout effort et tentative de fuite.

Il imagina d'abord la suspendre par les mains au plafond, les pieds maintenus bien écartés par une barre qu'il ne faudrait pas négliger de fixer au sol. Dans cette position, elle serait entièrement disponible pour subir toutes les punitions et humiliations qu'elle méritait. On n'était pas dans des jeux de cadres quinquagénaires qui se prenaient pour des petits marquis, et il utiliserait de vrais fouets de vénerie et des cravaches qui impriment immédiatement des marques sanglantes. Il oubliait cependant un point important : il fallait insonoriser l'endroit, vérifier préalablement qu'aucun cri ne pourrait être entendu de l'extérieur. Car il fallait qu'elle crie de douleur à chaque coup de fouet qui lui assènerait sur les fesses, dans le dos, à l'intérieur des cuisses, sur le sexe, sur le clitoris découvert par un écarteur des lèvres… Et puis il l'insulterait, il lui hurlerait dessus, il la giflerait de toutes ses forces en criant comme un animal féroce.

Mais le rêve s'achevait trop vite, même s'il pourrait recourir ensuite à des aiguilles, à des pinces, à des crochets, à des scalpels pour lui entailler la chair. Il ne serait pas capable d'aller jusqu'au bout, jusqu'à la mise à mort cruelle et sadique comme celle d'une sainte quelconque à qui l'on coupe la langue, les seins, les paupières, qu'on pénètre au fer rouge, dont on ouvre les entrailles pour qu'elles se répandent devant elle encore vivante, horrifiée à l'image de sa propre fin qui dégouline à ses pieds. Non, c'était des rêves ou des cauchemars trop souvent illustrés, trop souvent racontés, dont on se délecte en cachette dans des livres vaguement scandaleux. Et puis la découverte de ses exactions donnerait à nouveau lieu à un déluge de propos scandalisés de la part de matrones abjectes, à un flot de plaintes larmoyantes sur l'innocence d'une victime de la plus cruelle domination masculine, à la vomissure ininterrompue de dénonciations convenues du pouvoir, du fascisme, du patriarcat, du mal incarné. Heureusement, cette salope était blanche et on échapperait au moins au couplet antiraciste et décolonial. Mais ce n'était pas lui le bad guy, ce n'était pas lui le méchant, ce n'était pas lui le monstre ! C'était elle ! Quand est-ce que tous ces connards et connasses comprendraient cela ! La victime innocente de toute cette tragédie, c'était lui ! C'était lui qui méritait la pitié des spectateurs ! Et puis, surtout, c'est lui qui était du côté de la Justice, du bon droit et du Bien.

Taille originale : 29,7 x 42 cm

Alors, il fallait trouver autre chose, renoncer à ces fantasmes rebattus et trouver un châtiment en accord avec la justesse de sa cause. Il fallait obliger cette salope à reconnaître ses torts, lui faire avouer qu'elle n'était qu'une merde, une connasse, une enquiquineuse, une vicieuse hypocrite, une méchante femme, oui ! Pas une perverse narcissique, non, pas une manipulatrice exerçant une pernicieuse emprise mentale, pas un de ces diagnostics modernes à la con ! Non, une méchante femme !

Il imagina plus ou moins comment, plus tard, l'événement serait raconté par les journalistes. Il était même prêt à rédiger leur papier !

Animé d'une terrible soif de vengeance, il l'avait suivie dans une camionnette banalisée dès sa descente du tram. Il se gara le long du trottoir une centaine de mètres devant elle et il ouvrit immédiatement les portières à l'arrière. Selon les dires de la victime, il portait un de ses masques en latex qui ont une apparence humaine suffisamment réaliste pour faire illusion et tromper un passant inattentif à la faveur de l'obscurité. Il l'avait immédiatement menacée d'un pistolet et précipitée à l'arrière de la camionnette. Menottée, bâillonnée, aveuglée, elle avait rapidement perdu conscience du moment et du lieu où elle se trouvait. Après un voyage qui dura certainement plusieurs heures, la camionnette s'arrêta enfin, et elle entendit les portières s'ouvrir. Seuls ses pieds furent déliés, et, toujours aveuglée, elle fut emmenée dans ce qu'elle découvrit bientôt être une pièce close sans autre ouverture qu'une porte métallique. Elle dut s'allonger sur un matelas recouvert sans doute d'un plastique, et ses pieds furent attachés au bas du lit, puis ses mains au sommet. Ses quatre membres étaient immobilisés, largement écartés. Le masque lui fut enlevé et elle put découvrir son ravisseur armé d'une large paire de ciseaux. Il découpa complètement ses vêtements, ne lui laissant que sa culotte et son soutien-gorge. Elle crut qu'il allait la violer, mais il commença par lui tenir un discours abracadabrantesque sur de supposées fautes qu'elle aurait commises, sur des malversations, des manœuvres vicieuses, des complots dont elle se serait rendue coupable. Elle reconnut bientôt la voix légèrement assourdie de son supérieur hiérarchique dans l'entreprise où elle travaillait (ex-supérieur en fait, car elle venait d'être promue à un niveau équivalent au sien), mais elle se tut craignant la réaction de ce fou furieux. De toute façon elle était toujours bâillonnée et solidement attachée. Pour terminer, il déclara que l'heure de la justice avait enfin sonné et que la sentence sera bientôt exécutée. Elle craignit pour sa vie, mais il lui signala seulement une sonnette à portée de main qu'elle pourrait actionner pendant la nuit en cas de besoin. L'exécuteur des hautes œuvres se présenterait le lendemain matin à l'aube pour l'exercice du châtiment, déclara-t-il encore avant de s'en aller et de la laisser seule dans cette espèce de cachot qui fut aussitôt plongé dans le noir. Elle essaya de défaire ses liens, mais ses efforts furent inutiles, et elle aperçut en outre la lampe témoin rouge d'une caméra de surveillance. Plus tard, elle dut se résoudre à actionner la sonnette qui pendait près de sa main d'abord pour avoir à boire, puis pour satisfaire un besoin naturel. Elle passa évidemment une nuit agitée, plongeant pour de courts moments dans le sommeil. Tout son corps était engourdi et lui faisait de plus en plus mal. Elle avait l'impression que le sang s'était arrêté de couler dans ses membres fortement contraints par les menottes et les liens. Le jour se leva comme elle s'en aperçut grâce à la lumière qui traversait une espèce de lucarne mal occultée. Pourtant, elle dut encore attendre plusieurs heures (même s'il lui était difficile d'estimer le temps passé) avant que son bourreau ne réapparaisse. Elle l'entendit et devina sa présence bien qu'il n'allumât aucune lumière. Il vint bientôt s'agenouiller au-dessus d'elle, et elle sentit ses mollets nus contre ses flancs avant qu'elle ne découvre avec horreur qu'il approchait son fessier lui aussi dénudé de son visage. C'est dans cette position, assis sur sa victime, pratiquement tête-bêche, qu'il lui ordonna selon ses termes exacts de lui « lécher le cul ». Il y a aujourd'hui dispute entre l'accusé et sa victime pour savoir si elle s'exécuta. Quoi qu'il en soit, elle sentit avec horreur qu'il commençait à lui déféquer dessus. Il se vida littéralement les intestins, qui étaient bien remplis, et couvrit non seulement la bouche de la pauvre femme, mais également tout son visage de ses déjections, lui bouchant même les narines. Elle l'entendit alors crier de façon horrible : « Je te chie à la gueule, salope » (ce qui fut bien entendu retenu par le tribunal comme injure sexiste). Il lui ordonna d'ailleurs aussitôt d'avaler ses fèces, ce qu'elle fit malgré elle dans ses tentatives désordonnées pour reprendre son souffle. L'odeur infecte et la situation abjecte où elle se trouvait provoquèrent en elle une violente réaction de rejet, et, tournant la tête désespérément sur le côté, elle vomit légèrement, mais trop peu pour se débarrasser complètement des matières fécales qui lui encombraient la bouche. En outre, son bourreau poursuivait ses basses œuvres même si c'était de façon moins abondante et plus intermittente. Finalement, il se releva et quitta la pièce sans une parole en abandonnant sa victime dans cette abominable position. Ce n'est qu'après un long moment (plus de deux heures selon la reconstitution policière) qu'il réapparut, éclairant cette fois violemment la pièce, muni d'un tuyau d'arrosage avec lequel il nettoya sommairement sa victime. Il lui fournit ensuite un training, et, toujours sous la menace d'un pistolet, la fit remonter dans la camionnette où il l'attacha sommairement et lui banda une nouvelle fois les yeux. Après un long périple, il la fit descendre sur une route de campagne isolée et l'abandonna seule sans aucune indication du lieu où elle se trouvait. Après une heure de marche, elle arriva à un village inconnu où elle put, après plusieurs tentatives auprès d'habitations apparemment désertes, enfin trouver de l'aide et appeler la police.

Oui, c'était une belle histoire, assez charmante et très satisfaisante au final. C'est comme cela que les journalistes de merde raconteraient la chose, en donnant le beau rôle à cette pouffiasse, mais ils ne pourraient pas empêcher le ridicule de la situation de transparaître dans leurs comptes rendus. Oui, la salope se serait fait chier dessus. Et de quoi pourrait-on d'ailleurs l'accuser lui ? Pas de viol puisqu'il n'y aurait même pas eu de pénétration. Ni de violence si l'on considère uniquement le geste technique consistant à couler un étron malodorant sur un visage honni. Était-ce cela qu'on appelle des voies de fait ? Après la sixième ou septième bière, il s'esclaffa à plusieurs reprises en pensant au gueuleton qu'il s'offrirait pour réaliser cette superbe défécation. Et puis, il faudrait prendre quelques photos du visage de cette petite merdeuse qu'il enverrait le jour même à tous ses collègues, subordonnés ou supérieurs, via ce superbe réseau de messagerie interne qui jouerait là enfin un rôle véritablement utile plutôt que de nous inonder d'informations superflues. Et pourquoi pas l'une ou l'autre vidéo ! C'est sûr qu'après cela, elle n'oserait plus réapparaître au bureau, mais elle pourrait toujours invoquer le stress post-traumatique pour justifier ses six mois d'absence (minimum !) et son changement d'emploi… Encore une fois, ce n'était pas une vengeance, mais un acte de justice.

Taille originale : quatre fois 21 x 29,7 cm

Restait le quatrième homme (ou la quatrième femme puisque le genre était supposé ne plus exister, ni le sexe d'ailleurs). Mais sa colère s'était assoupie avec les brumes de l'alcool et les lourds fromages de l'épaisse pizza. Lui, c'était l'associé qui avait trahi. Ça datait de plusieurs années à présent, mais tout cela était remonté comme une envie de vomir provoquée par les événements récents. Julien, le beau gosse charmeur et grande gueule, tellement sûr de son aura qu'il avait publié sur les réseaux sociaux une photo de lui de profil, le crane finement rasé et surtout le regard tourné vers le ciel, vers l'ailleurs, vers un au-delà glorieux. C'était bien cela qui transparaissait immédiatement, l'assurance, l'assurance de sa propre beauté comme de sa supériorité intellectuelle et morale. Ça, pour faire la morale, il était champion ! Champion de l'antiracisme, du féminisme, de la bonne conscience, du refus des compromis et des compromissions, de la dénonciation des inégalités et des injustices. Le vrai patron de gauche. L'ancien associé, la crapule qui était partie avec la marque déposée, la liste des clients, les deux brevets qu'il avait eu l'intelligence de mettre à son nom, alors que c'était lui, c'était moi, l'autre associé qui avait tout imaginé, mis en place, expérimenté… C'est quelque chose que l'on ne peut pas comprendre, le sentiment de la trahison si on ne l'a pas vécu. Bien sûr, la vengeance et la colère, c'est évident : un abruti vous brûle la priorité et au lieu de s'excuser, vous injurie… et vous avez envie de le tuer. Ou bien, ils débarquent à plusieurs chez vous à la tombée de la nuit et violent votre femme en vous décochant dans les couilles des coups de pied et en chantonnant des paroles d'amour… Ne reste plus que la fureur d'Achille évidemment.

Mais la trahison, c'est autre chose. C'est d'abord une confiance qui s'est installée au fil des mois, au fil des années, imperceptiblement. Il y a un laisser-aller, un abandon dont on n'a pas conscience, oui, on ne se méfie jamais assez. Au cinéma ou en littérature, la trahison est toujours trop simple, trop évidente, car il faudrait passer beaucoup de temps à exposer ce qui s'est lié, ce qui s'est construit lentement, ce qui s'est noué inconsciemment entre les individus… Oui, il faut ressentir de l'amour, et même un amour réciproque, pour que la trahison soit aussi violente. Le coup de poignard dans le dos. Vous n'êtes pas face à un ennemi, mais à un ami, et, en un mouvement inattendu, il vous plante soudain un couteau dans le ventre. Tout s'effondre, et surtout l'amitié, une amitié dont on avait à peine conscience.

Ce ne serait pas seulement un acte de vengeance, mais bien de justice, mais il faudrait qu'il soit le juge et le bourreau. Il ne pourrait pas être lâche, simplement décréter la sentence de mort puis l'exécuter à distance, d'une balle dans la tête avec un fusil à lunette. Il faudrait qu'il le torture en face à face, que le coupable sache pourquoi on le fait souffrir autant et pourquoi on le fait mourir aussi lentement. La colère devrait être entretenue pour ne pas fléchir, pour ne pas céder à la pitié, à la faiblesse sentimentale. Il devrait être cruel, abominablement cruel pour que la justice donne raison à la vengeance. Le prix en serait qu'il devrait assumer le rôle du bourreau jusqu'au bout. Il pensa à ces gravures ou peintures anciennes qui montrent des suppliciés que l'on écorche vivants en découpant de longues lanières de peau d'abord sur les membres inférieurs puis dans le dos ou sur la poitrine, ou bien que l'on attache sur des grils au-dessus d'un feu que l'on entretient pendant des heures et des heures. Il se souvint également d'un film où de sauvages africains saisissent des blancs arrogants et recouvrent l'une de leurs victimes d'une couche épaisse de boue avant de le suspendre par les genoux, attaché à une broche et lentement cuit à l'étouffée ! pas brûlé vif, non, littéralement cuit ! Et il ne faudrait pas oublier d'enfoncer deux pailles dans ses narines pour qu'il puisse respirer tout le temps de la cuisson. Et puis il y avait toutes ces petites cruautés, morceaux de bambous enfoncés en dessous des ongles, phalanges découpées à la pince, tétons arrachés, castration à vif, énucléation avec une cuillère aiguisée… Sa colère le soutiendrait-elle suffisamment sa nécessaire cruauté ? Ou bien non. Il lui faudrait plutôt la froide indifférence d'Apollon écorchant Marsyas : Apollon ne se venge pas, il punit l'insolence sans passion égoïste, même s'il est l'offensé.

Il avait trop bu et commençait à avoir mal à la tête. Il s'endormit dans le canapé devant la télé allumée sans le son.

Taille originale : 21 x 29,7 cm

Il fut brutalement arraché du sommeil à trois heures du matin par la vibration de son téléphone. Un employé de la société de télésurveillance lui signalait qu'une alarme s'était déclenchée suite à une possible intrusion au siège central de l'entreprise. Il demanda d'abord où se situait précisément le détecteur en cause : il s'agissait d'un détecteur du premier étage dans un bureau à l'arrière du bâtiment. Il répondit qu'il allait se rendre sur place. Heureusement, cette fois, il n'était pas en pyjama. L'entreprise était à une quinzaine de minutes en auto, et il devait en tant que responsable prendre en charge ce genre de problèmes, même s'il s'agissait vraisemblablement d'une fausse alarme.

Sur place, il ne constata aucune effraction apparente. Il entra dans le bâtiment où une sirène hurlait sans fin. Il débrancha sur un petit clavier numérique le système d'alarme avant d'entreprendre une inspection plus approfondie des lieux. En principe, les cambrioleurs s'attaquent aux portes ou aux fenêtres du rez-de-chaussée et ils ne s'amusent pas à faire de l'escalade. Mais un bâtiment adjacent moins élevé pouvait donner accès aux étages supérieurs. Il monta lentement et ouvrit avec une légère appréhension les portes avec l'énorme jeu de clés dont il avait la charge. Il savait exactement où se trouvaient les interrupteurs. Mais il n'y avait rien ni personne. Il allait conclure qu'un rat ou une souris était certainement le responsable de cette histoire quand il remarqua une fenêtre ouverte, certainement oubliée par un employé accablé par la canicule : le vent de l'orage qui arrivait avait certainement secoué le store à lamelles, dont les mouvements suspects avaient fait réagir le capteur et déclenché l'alarme. Mais c'était le bureau de Brigitte. C'était elle la coupable qui avait négligé de vérifier la fermeture des fenêtre avant de quitter les lieux. Il referma la fenêtre, puis s'attarda un moment. Il imagina un court instant se déculotter et chier sur le bureau de cette salope. Mais il renonça.

Il rentra chez lui et s'endormit.

Faits et personnages sont créatures de fiction, et toute ressemblance avec la réalité serait purement fortuite ou due au manque d'imagination de l'auteur.
Aucun animal ni être humain n'a été soumis pour la réalisation de cette séquence à un quelconque traitement malodorant.
Aucune personne racisée n'a été soumise à une quelconque forme de discrimination systémique.


Taille originale : 21 x 29,7 cm