vendredi 18 décembre 2020

Vulgaire ou peu convenable

Avant
Après
« Je le croyais aussi. Mais tout était simulacres, comme ceux de l’alcool, comme toutes les dissimulations de ma vie, seulement c’était bien moi le plus abusé. Je croyais voir et je ne voyais rien, je croyais savoir et j’ignorais tout, je croyais avoir de l’expérience avec les femmes et c’était faux, si j’étais mort sans avoir rencontré Susana je n’aurais jamais su ce que c’est que désirer vraiment et avoir du plaisir avec une femme. Cela va vous paraître vulgaire ou peu convenable, mais cela est certain, et je ne peux pas le dire, même à elle, cela me fait honte, je jure que je ne savais pas que cela pouvait être ainsi, si doux et si fort, si facile, et pardonnez-moi d’être venu vous raconter un adultère, vous le raconter pas le confesser, ni vous demander l’absolution. Je ne me sens pas le cœur douloureux, comme vous autres disiez, je n’ai pas non plus le projet de m’amender. J’étais avec elle il y a encore un moment, c’est la première fois que je dormais chez elle.
Gauche
Droite

Je n’ai jamais connu quelqu’un qui ait autant de livres, autant de disques de tant de musiques dont j’ignorais jusqu’à l’existence, c’est pourquoi je me sentais comme un apprenti, en apprentissage de toutes choses, à mon âge, avec presque vingt ans de plus qu’elle, cela fait que je me demande à quoi j’ai vraiment consacré le temps que j’ai vécu, à part au travail, au travail et à l’alcool et à toujours dissimuler et me cacher. Une autre chose aussi qui ne m’était jamais arrivée, ni avec les femmes ni avec les hommes, l’envie d’écouter quelqu’un, d’apprendre ce que sait un autre, pas comme ces pédants qui étaient à l’université quand je faisais mes études, qui savaient tout et humiliaient celui qui n’était pas aussi vif et cultivé qu’eux. Quelqu’un qui sait quelque chose vraiment, je veux dire avec naturel, comme elle le sait, elle, Susana, même en se moquant un peu d’elle-même, elle dit qu’elle n’aurait pas lu autant de livres ni écouté autant de disques si elle s’était un peu mieux débrouillée avec les hommes. Quelle honte, et moi maintenant qui découvre que je ne sais rien, qu’en réalité je ne me suis pas préoccupé d’apprendre ni de rien comprendre, soudain je ne sais pas à quoi j’ai passé ma vie, à part avoir peur, poursuivre des terroristes et boire du whisky. Je me sentais intimidé hier soir quand je suis arrivé chez Susana je lui avais acheté des fleurs et une bouteille de vin mais dans l’ascenseur je me suis mis à penser que les fleurs devaient être très vulgaires et le vin très mauvais. Jusqu’à présent je n’avais pas fait attention à ces choses-là. C’est soudain comme si j’étais au commencement de tout. Je sais que c’est faux, en partie, mais cela me plaît de le penser, et ce qui est certain c’est que beaucoup de choses m’arrivent pour la première fois. Cela va vous sembler bizarre mais jamais je n’avais dormi avec une femme qui ne soit pas la mienne, jamais comme cela, enlacés, nus tous les deux, je m’entends vous raconter cela et je me sens un peu ridicule, mais je me sens fier aussi. »
Vulgaire…

… et peu convenable