dimanche 27 septembre 2015

L'image polyphonique

dessin pornographique, fellatio, rimming, threesome
taille originale : 21 x 29,7

« On ne peut pas prévoir pencher si
soudainement vers un visage et vouloir lécher
le corps entier de l'âme jusqu'à ce que le regard
étincelle de toutes les fureurs et les abandons.
On ne peut pas prévoir l'emportement du corps
dans l'infini des courbes, des sursauts, chaque
fois que le corps se soulève on ne voit pas
l'image, la main qui touche la nuque, la langue
qui écarte les poils, les genoux qui tremblent, les
bras qui par tant de désir entourent le corps
comme un univers. On ne voit que le désir. On
ne peut pas prévoir l'image, les fous rires, les cris
et les larmes. L'image est tremblante, muette et
polyphonique. »

dimanche 13 septembre 2015

Vénus transgenre

Taille originale : 29,7 x 21 cm

« L’art de Praxitèle trahit l’apparition d’une sorte de sensualisme cérébral qu’on voit apparaître à la même heure chez tous ses contemporains. On oublie peu à peu la charpente profonde pour caresser par le désir la surface des formes, comme la surface des visages par l’intention psychologique. Quand la statue reste vêtue, les robes se font plus légères qu’une brise sur l’eau. Mais, pour la première fois, le statuaire grec dévoile tout à fait la femme, dont la forme est surtout significative par les frémissements de sa surface, comme la forme masculine qui lui avait dicté sa science l’est avant tout par la logique et la rigueur de sa structure. Pour la première fois, il rejette les étoffes que les élèves de Phidias commençaient à draper en tous sens, au risque d’oublier la vie qui bougeait sous elles, il exprime sans voiles l’ascension mouvante des torses, l’animation des plans que la lumière et l’air modèlent en frissons puissant, la jeunesse des poitrines, la vigueur des ventres musculeux, le jet pur des bras et des jambes. Il parle du corps de la femme comme on n’en avait jamais parlé, il le dresse er l’adore dans sa rayonnante tiédeur, ses ondulations fermes, dans sa splendeur de colonne vivante où la sève du monde circule avec le sang. Ces statues mutilées confèrent à la sensualité de l’homme la noblesse la plus haute. Pleines et pures, semblables à une source de lumière, confiées par tous leurs profils à l’espace qui s’immobilise autour d’elles comme saisi de respect, ces grandes formes sanctifient le paganisme tout entier. Et si nous avons pour Praxitèle une reconnaissance intime, un sentiment attendri, c’est qu’il nous a appris que le corps féminin, par sa montée dans la lumière et la fragilité émotionnante du ventre, des flancs, des seins où sommeille notre avenir, résume l’effort humain dans son invincible idéalisme exposé à tant d’orages. »


dimanche 6 septembre 2015

Pansexualisme

Taille originale : 21 x 29,7

« L'idée qu'il y aurait un “vrai sexe”, des “genres distincts” et des sexualités spécifiques a constitué pour de très nombreuses féministes un point de référence stable dans leur travail théorique et politique. Ces catégories identitaires sont des constructions servant de point de départ pour faire émerger la théorie et donner forme à la politique elle-même. Dans le cas du féminisme, la politique est apparemment faite pour exprimer les intérêts, les perspectives des “femmes”. Mais la catégorie “femme” n'est-elle pas une construction politique qui précède et préfigure la manière dont les intérêts et le point de vue épistémique des femmes seront politiquement formulés ? Comment façonne-t-on leur identité ? Est-ce un façonnement politique qui se fonde sur la morphologie et la frontière même du corps sexué comme s'il était une surface ou un lieu d'inscription culturelle ? Comment comprendre que ce lieu soit défini comme le “corps féminin”? Le “corps” ou le “corps sexué” est-il le fondement inébranlable sur lequel opèrent le genre et les systèmes de sexualité obligatoire ? Ou serait-ce plutôt que le “corps” est façonné par des forces politiques ayant stratégiquement intérêt à faire en sorte qu'il reste fini et constitué par les marqueurs du sexe ?
La distinction sexe/genre et la catégorie de sexe semblent présupposer que le “corps” existe en général avant de prendre sa signification sexuée. Ce “corps” apparaît souvent comme un simple véhicule prenant une signification par l'inscription d'une source culturelle supposée “extérieure” au corps. Toute théorie envisageant le corps comme un construit culturel devrait tout de même mettre en question la généralité suspecte de ce construit lorsque le “corps” est représenté comme passif et pré-discursif. Il existe des précédents chrétiens et cartésiens à de telles conceptions qui, avant l'émergence des biologies vitalistes du XIXe siècle, comprenaient le “corps” comme autant de matière inerte dépourvue de signification. Plus précisément, le corps signifiait un vide profane, l'état de la chute : la tromperie, le péché, les métaphores prémonitoires de l'enfer et de l'éternel féminin. À de nombreuses reprises, dans les œuvres de Sartre et de Beauvoir, le “corps” est représenté comme un fait silencieux, en attente de signification que seule une conscience transcendante, au sens cartésien, c'est-à-dire radicalement immatérielle, est en mesure d'attribuer. Mais qu'est-ce qui établit ce dualisme pour nous ? Qu'est-ce qui distingue le “corps” non signifié de la signification elle-même comme l'acte d'une conscience radicalement désincarnée ou plutôt comme l'acte qui désincarne fondamentalement la conscience ? Dans quelle mesure le dualisme cartésien corps/esprit, présupposé dans la phénoménologie, est-il adapté au cadre structuraliste où il apparaît sous la forme de l'opposition nature/culture ? Si l'on considère le langage du genre, dans quelle mesure ces dualismes problématiques opèrent-ils encore dans les descriptions censées précisément nous faire sortir de cette binarité et de sa hiérarchie implicite ? Comment les contours du corps sont-ils clairement marqués comme base ou surface évidente, sur laquelle les significations de genre s'inscrivent comme sur des faits bruts, dépourvus de valeur avant toute signification ?  »