vendredi 26 février 2021

La Couronne, conte non cruel

La reine monta sur le trône à l'âge de dix-sept ans et trois mois. Sa beauté, sa gentillesse, son affabilité la rendirent immédiatement populaire. Son aisance verbale, sa diction parfaite, son élégance, son intelligence étaient même capables de séduire les plus républicains du royaume. Contrairement à son oncle qui, pour ne pas exposer la couronne aux polémiques politiques, était toujours resté silencieux dans l'ombre de ses premiers ministres aussi détestables soient-ils, et qui s'était contenté chaque année de souhaiter ses meilleurs vœux à ses concitoyens et concitoyennes dans un discours sirupeux et inintelligible, elle affirma à travers de multiples interviews des prises de position fermes et audacieuses. Mais elle sut porter les espérances d'une jeunesse en proie à l'anxiété tout en rassurant une vieillesse éprise de stabilité et de confort. Elle se déclara partisane d'une transition écologique rapide, des énergies renouvelables et sûres, de la permaculture, d'une égalité sociale générale dans tous les domaines de la vie, du végétarisme (sans condamner cependant les flexitariens), de la bicyclette, de la reconversion de l'armée en forces de protection civile et d'un protocole royal simplifié. Elle affirma également qu'il fallait mettre fin aux violences policières injustifiées et déployer des agents de proximité non armés et bienveillants. Face à l'inaction des partis politiques pris dans leurs querelles internes, ses propos suscitèrent un étonnant enthousiasme débouchant même sur d'immenses manifestations de soutien pacifique à ses propositions.

C'est ainsi que la nouvelle reine parvint en quelques mois à modifier profondément la constitution du pays. Elle établit un contact direct avec la population via un nouveau réseau social, PeopleBook (appelé d'abord QueenBook, une dénomination jugée finalement inadéquate), mais, loin de toute démagogie, elle soumettait des propositions simples et sensées à ses interlocuteurs à qui elle répondait toujours avec courtoisie. Il est vrai que toute agressivité était bannie de ce réseau, grâce à un système d'intelligence artificielle capable d'interpréter les émotions humaines et de débusquer les expressions de haine, de mépris, d'arrogance, de dénigrement, tous ces sentiments négatifs qui pourrissent les débats et entraînent des cycles de violence verbale puis réelle. Mais de tels propos n'étaient pas supprimés mais seulement réécrits ou réinterprétés oralement de façon neutre et positive, ce qui permettait un dialogue toujours constructif avec la reine.

taille originale : 24 x 32 cm

 

Son extrême popularité lui permit ainsi de nommer à sa guise l'équipe gouvernementale et de diriger seule l'ensemble du pays. Le système électoral et représentatif fut supprimé, même si le parlement resta en place, bien que profondément transformé : il n'y avait plus de députés ni de sénateurs, et chacun pouvait venir s'asseoir sur les bancs des deux chambres pour discuter librement des propositions de lois rédigées par la reine. Une modification constitutionnelle essentielle exigeait cependant que les décisions soient prises à la majorité des deux tiers, afin d'arriver à un large consensus populaire. Et les débats sur le même point ne pouvaient pas se prolonger au-delà d'une journée pour éviter l'obstruction parlementaire.

Les premiers jours, une foule immense d'anciens politiciens, de tribuns autoproclamés, d'individus en mal d'audience se précipita sur les bancs des deux assemblées, et les huissiers durent fermer les portes cinq minutes à peine après l'ouverture… Les points à aborder étaient soumis par la reine, et les débats retransmis sur la grande Toile furent houleux, mais aucune majorité - des deux tiers donc - ne réussit à se manifester. La représentante de la souveraine lui rapporta les principales interventions en soulignant l'agressivité, l'arrogance et la suffisance d'une majorité de membres masculins. La reine écouta avec beaucoup d'attention, prit quelques notes, écrivit une résolution qu'elle publia sur PeopleBook. Elle répondit aux commentaires et aux objections éventuelles de sa façon posée et courtoise. On ne le savait pas à l'époque mais, outre de nombreux assistants, elle disposait des ressources les plus neuves de l'intelligence artificielle, ce qui lui permettait de répondre rapidement de façon personnalisée à une multitude d'interlocuteurs et interlocutrices. Loin d'être mécaniques, ces réponses étaient basées sur le style, la manière, les valeurs et les considérations générales de ses courriers antérieurs. Elle prenait d'ailleurs le temps de relire tous ces textes et d'en corriger certains. Les réactions furent très positives, et la proposition de loi qui avait été mise en vain en discussion à l'assemblée fut adoptée sans réelle opposition. Un revenu minimum était assuré à l'ensemble de la population, et un système unifié de sécurité sociale mis en place pour garantir à chacun une vie décente.

La même situation se répéta le lendemain, puis le surlendemain, puis les jours suivants. À chaque fois les querelleurs s'invectivaient, se disputaient, s'injuriaient et en venaient pour quelques-uns aux mains. Et ils étaient incapables de former une majorité suffisante, trois ou quatre partis se formant inévitablement, qui le lendemain disparaissaient comme ils étaient apparus la veille. En outre, les participants découvraient les problèmes que suscitaient toutes les décisions qui devaient être confirmées sinon validées par des experts de toutes sortes, notamment juridiques. D'aucuns s'époumonaient en affirmant que la souveraineté populaire était absolue et que même la constitution pouvait être changée, mais ils étaient bien incapables de rallier une majorité à leurs audacieuses propositions de réforme. Faire payer les riches ou taxer les grosses voitures ou encore combattre le fanatisme sectaire étaient des slogans faciles mais bien plus difficiles à mettre en œuvre et à transformer en textes de lois. 

Décor baroque

 

Grâce à son intelligence exceptionnelle, la reine était à chaque fois amenée à prendre les décisions les plus sages et les plus avisées qu'elle faisait ensuite approuver par la population. Elle imposa une réduction importante du temps de travail pour faciliter les déplacements lents, elle modifia les règles d'urbanisme pour limiter l'extension urbaine et favoriser la mixité sociale, elle interdit pratiquement toute publicité commerciale (et l'on vit fleurir en revanche sur les palissades de belles reproductions d'art ancien exposé dans les meilleurs musées du pays) et taxa tous les produits dont le bilan énergétique (à la production comme à la consommation) fut jugé excessif. Les vacances furent allongées si le lieu de résidence était local. Le transport aérien disparut bientôt, et l'éclairage nocturne qui empêche de voir les étoiles supprimé. Toutes les industries polluantes furent réformées, et le tri des déchets porté à la perfection tout en garantissant la qualité sanitaire des denrées. La taxation des revenus et des fortunes fut audacieusement réformée pour limiter grandement les écarts de richesses. La reine elle-même transforma cinq des palais dont elle avait hérités en logements pour les sans-abris alors que, par ailleurs, un programme de construction d'habitations sociales de qualité était mis en œuvre. Elle ne garda à sa disposition que le palais royal destiné aux fonctions officielles et une résidence secondaire au bord de la mer. Des panneaux solaires furent installés sur le palais, et un champ d'éoliennes dans les grandes prairies de la résidence secondaire.

Les râleurs continuèrent à râler, mais peu à peu l'ensemble de la population se désintéressa de la politique et les assemblées parlementaires furent progressivement désertées. Nombreux étaient celles et ceux qui admiraient la sagesse de la reine, son expertise, sa capacité à trouver les solutions les meilleures et les plus justes. Sa politique avisée nous évitait désormais des querelles inutiles, des débats interminables, des décisions impopulaires et toujours reportées. Moi-même, après une adolescence agitée par la passion politique, j'en étais venu à considérer que le peuple était bien incapable de se diriger lui-même, et que ce doux despotisme était préférable à la haine qui imprégnait désormais les régimes démocratiques incapables de toute réforme décisive. Bien entendu, l'expérience de l'histoire suffisait pour m'avertir des dangers dont sont porteurs les soi-disant leaders charismatiques, fascistes, communistes, islamistes ou autres adeptes d'une quelconque forme de totalitarisme. Mais la souveraine n'était pas une démagogue prompte à désigner un bouc émissaire à tous les maux de la terre, et son intelligence exceptionnelle s'appliquait aux choses sociales et plus généralement humaines. En outre, le système judiciaire garant des libertés individuelles restait en place en toute autonomie. Et au niveau gouvernemental, la reine excellait à prendre les décisions qui permettaient de rassembler une large partie de la population. Comme un vieux sage africain, elle parvenait à organiser à travers PeopleBook de véritables palabres à l'issue desquels la solution originale qu'elle avait imaginée s'imposait à tous. 

Toucher royal

 

Son renoncement à l'usage de la force policière en particulier eut des effets inattendus. Au début de son règne, des mécontents organisèrent quelques manifestations ayant des objets divers, et elles donnèrent lieu - comme toute manifestation - à des débordements et à des incidents violents : biens publics ou biens privés saccagés, détruits, pillés, incendiés… Mais la police avait ordre de rester à distance sans casques ni boucliers de protection, et de ne pas opposer de résistance sinon pacifique. Les émeutiers les plus violents s'en donnèrent à cœur joie, mais leur vandalisme suscita une large réprobation. Une manifestation ultérieure donna lieu à une scène inédite. Furieux de ne pas rencontrer d'adversaire sur qui déverser leur rage, les plus déterminés se dirigèrent vers le palais royal qu'ils menacèrent d'envahir malgré les grilles qui l'entouraient et les militaires en costumes d'opérette bleus qui étaient censés le garder sinon le protéger. Face à cet afflux de manifestants, l'inattendu se produisit : la reine elle-même vint à leur rencontre alors qu'ils commençaient à s'agglutiner devant les grilles de l'entrée principale. Les cris fusaient menaçants : les aristocrates à la lanterne ! Le pouvoir au peuple ! Ni Dieu ni maître ! Ni État ni patron ! Réveillez-vous ! Non au grand mensonge ! Non au contrôle des esprits ! Le palais nous appartient ! Loin de se démonter, la souveraine entama la discussion sous l'œil de dizaines de caméras de télévision. Plutôt que de répondre aux invectives, elle posa de multiples questions, demanda que le silence se fasse pour qu'elle puisse entendre ses interlocuteurs, suggéra que la foule se disperse en petits groupes dans les jardins de la résidence royale, affirma qu'elle passerait auprès des uns et des autres pour entendre leurs revendications dont un secrétaire qui l'accompagnait prendrait note, répéta à tous qu'elle était prête à accueillir les plus motivés au sein de son gouvernement… En une demi-heure à peine, toute la colère accumulée était retombée et la manifestation se transformait bientôt en un pique-nique estival aux abords du palais. Seuls quelques ambitieux et une ambitieuse affirmèrent vouloir participer à l'action gouvernementale, ce qui leur fut accordé sans discussion. Mais lors des premières réunions, ils furent confrontés aux autres ministres, aux experts et aux responsables de l'administration qui mirent en lumière toutes les difficultés et complexités de l'action politique avec le problème de l'envasement du port principal du pays qui imposait des travaux importants menaçant une réserve naturelle adjacente alors que, par ailleurs, l'inexorable montée des eaux menaçait d'envahir la région. Riverains, militants activistes, responsables portuaires et autres s'affrontaient depuis des semaines et en étaient venus aux mains en certaines occasions. Propositions et objections se multiplièrent au conseil des ministres, et les leaders de la rue se révélèrent incapables d'imaginer une solution qui réponde de façon satisfaisante à cette situation complexe. Les arguments des uns et des autres semblaient irréconciliables. Encore une fois, c'est la reine qui imagina un plan d'action tenant compte des différents points de vue exprimés. Bien qu'imparfait, le plan favorisait subtilement l'opinion des leaders populistes qui étaient d'ailleurs en désaccord les uns avec les autres. Le consensus se fit rapidement, et la proposition fut publiée sur le réseau PeopleBook où elle fut rapidement approuvée. Mais surtout l'attitude de la reine venant à la rencontre des manifestants qui, pour certains, la menaçaient d'un sort similaire à celui de Marie-Antoinette ou pire de celui de la princesse de Lamballe, suscita une admiration générale et une condamnation des violences des quelques enragés saisis en gros plan par les caméras de télévision.

Sa popularité était alors immense mais ne nuisait en aucune manière à l'intelligence de sa politique. Sa grande humanité, son sens profond de la justice, son souci constant de l'avenir, sa capacité à synthétiser des informations complexes et à susciter l'adhésion populaire donnait à toutes et à tous (ou du moins à la plupart) le sentiment d'un progrès réel et durable qui profitait à l'ensemble de la population. La qualité de vie devenait un objectif social largement partagé, et le pays prit l'apparence d'une contrée tranquille et paisible où la consommation de psychotropes, d'anxiolytiques et d'antidépresseurs diminua fortement. À la réflexion, j'estimai que l'on était sans doute au plus près de l'idéal communiste tel que Marx le concevait, où chacun doit recevoir en fonction de ses besoins et non de ses capacités. Bien entendu, la propriété privée n'était pas complètement abolie, la division du travail non plus, des inégalités multiples subsistaient mais de façon supportable, et chacun n'était pas entièrement libre de se consacrer à une occupation de son choix comme le rêvait Marx, même si le nombre d'artistes ou prétendus artistes augmenta de manière exponentielle (mais comme le nombre de galeries resta sensiblement le même, l'art resta principalement une occupation d'amateurs non rémunérés).

Bien entendu, ce n'était pas non plus le pays rêvé du poète, où tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Conflits et querelles n'avaient pas disparu, même si leur niveau avait diminué. La beauté était désormais invisible, car considérée comme une création arbitraire résultant du regard masculin sur les corps féminins. L'accumulation de richesses, fortement freinée par le système de contribution sociale, restait bien présente de façon moins ostentatoire et surtout plus hypocrite. La jeunesse était toujours agitée de passions inassouvies, de rêves violents, de défis risqués, d'une volonté de vaincre et de triompher dans les moindres compétitions. Quant à la vieillesse, elle ne se résignait pas à mourir tranquillement, rechignant, grommelant, maudissant celles et ceux qui devaient prendre leur place.

taille originale : 24 x 32 cm
Espace muséal inoccupé

Restait la volupté. C'est là sans doute que la mémoire populaire trouva ses plus beaux, non, ses meilleurs souvenirs de ce règne unique en son genre. Ce fut d'abord une rumeur relayée sur la grande Toile qui faisait état d'ébats sexuels intenses au palais et dans la résidence secondaire de la souveraine. Si d'aucuns furent d'abord choqués, les propos rapportés restaient étonnamment respectueux, et personne n'employa d'expressions vulgaires comme partouzes, orgies ou gangbangs. C'était bien de cela qu'il s'agissait pourtant, puisque la reine accueillait pratiquement chaque semaine quatre, cinq ou six partenaires, sinon plus, avec qui elle baisait toute la nuit. Il s'agissait aussi bien d'hommes que de femmes ou de transgenres, d'âges très différents, et l'on rapporta qu'elle s'adonnait à une grande variété de pratiques, mêlant sodomie, fellations, cunnilingus, analinctus, positions actives ou passives, masturbations diverses, recours à de multiples ustensiles comme des godemichés, des menottes, des fouets, des entraves, des chevalets plus ou moins élaborés sans oublier des lingeries raffinées… L'atmosphère était toujours décrite comme très joyeuse et enthousiaste. Mais la reine opérait une rotation importante parmi ses partenaires qui n'avaient généralement qu'une ou deux occasions de participer à ces festivités. Tout appareil de prises de vues était interdit, et les descriptions orales ou écrites des participants furent d'abord accueillies avec scepticisme. Mais le palais ne démentit jamais ces rumeurs que des témoignages multiples vinrent corroborer au fil du temps avec une multitude de détails vraisemblables. Dans la presse internationale, on compara bientôt la reine à la grande Catherine, tsarine de Russie, et des journaux dans l'ombre d'un Kremlin cherchant toujours à troubler la paix civile dans les contrées voisines ou lointaines n'hésitèrent pas à la qualifier de nymphomane mais réfutèrent la comparaison avec la tsarine, sous prétexte qu'aucun pays ne pouvait se comparer à la Sainte Russie et que notre souveraine n'avait pas encore invité de véritable étalon à participer à ses ébats. Les États-Unis en pleine décadence évoquèrent les mânes de leur fameux président mais ne parvinrent pas à faire une comparaison raisonnable avec Marilyn Monroe. Et puis on n'était plus à l'époque des journaux à scandale se délectant des propos de princesses énamourées se plaignant de leur ménage à trois obligé… C'est sur la grande Toile que la question - mais y avait-il vraiment question ? - fut abordée. Lors d'un débat politique qui portait sur la répartition de subventions entre différentes institutions culturelles, un intervenant affirma que la réputation artistique, musicale, théâtrale et muséale du pays risquait d'être mise à mal par la conduite « graveleuse » (c'était le terme employé) de la souveraine, aussi intelligente, aussi respectable, aussi admirable soit-elle. L'intervenant (la police politique aux compétences désormais extrêmement restreintes put identifier son sexe masculin sans pouvoir néanmoins déterminer sa taille) précisait que la République n'aurait jamais pu être accusée en la matière, aucune assemblée de parlementaires dignement élus ne s'étant livrée collectivement à de telles pratiques. Le système d'intelligence artificielle fut incapable d'élaborer une réponse cohérente mais envoya une alerte à la souveraine qui donna une explication originale de sa politique en matière sexuelle.

Sans nier que la sexualité put être une question politique, elle affirma que les valeurs fondamentales de la démocratie, à savoir la liberté, l'égalité et la sororité, étaient en l'occurrence respectées. La liberté était d'abord celle de la souveraine qui rejetait la stigmatisation associée à la nymphomanie et considérait qu'il s'agissait là de l'extrémité droite d'une courbe de Gauss (représentée par un petit schéma très éclairant) de la fréquence des relations sexuelles. Il n'y avait aucune raison politique qui justifiât que la souveraine dût se situer à l'autre extrémité de la courbe, ni qu'une politique du « juste milieu » soit une meilleure position que l'extrémité droite. La liberté impliquait la diversité des désirs, des positions, des attitudes et des pénétrations. L'égalité des partenaires était également respectée puisqu'aucun des partenaires de la reine n'était en position de subordination sociale, politique ou administrative à son égard (même si elle admit dans des conversations ultérieures qu'elle aimait que d'aucuns se soumettent temporairement à certains de ses désirs particuliers de préférence à quatre pattes en exhibant un fessier musclé à l'anus d'une parfaite rotondité). Quant à la sororité, quel meilleur exemple en donner que celui consistant à accepter dans sa couche une multitude d'individus en manque de relations sociales et sexuelles ?

La reine affirma qu'elle ne s'imposerait aucune hypocrisie silencieuse, même si elle répugnait personnellement à toute prise de vue de ses rencontres sexuelles. Elle n'interdisait pas à ses amantes ou amants d'en faire des comptes rendus, aussi détaillés soient-ils, et elle-même répondit occasionnellement à la curiosité du public. L'intérêt fut d'ailleurs beaucoup plus vif que pour les questions proprement politiques qui n'occupaient plus qu'une minorité de personnes, ce dont se plaignirent quelques sévères intellectuels dénonçant l'intérêt du public pour les affaires privées des supposées grandes de ce monde. L'intelligence artificielle permit ici aussi de modérer les débats et les expressions des désirs avivés par la personnalité exceptionnelle de la reine.

Certains détails furent cependant crûment exposés. Ainsi, l'on apprit que la reine avait eu un maximum de quinze partenaires, tous masculins, lors d'une même soirée. Elle les avait abondamment sucés, l'un après l'autre, et s'était offerte à leurs éjaculations concomitantes ou successives dans une magnifique scène de bukkake, selon l'expression d'un des participants. Mais, si l'ensemble de l'expérience lui avait beaucoup plu, elle en avait gardé pendant quelques jours de pénibles contractures de la mâchoire, ce qui l'incitait à ne pas multiplier à l'envi les partenaires. Elle décida que cinq - masculins ou féminins ou autres - était le maximum de personnes avec qui une relation sexuelle pouvait être satisfaisante et réciproque. Cela correspondait selon elle aux cinq organes essentiels de la sexualité : la bouche, l'anus, le vagin, le clitoris et la main gauche (car elle était gauchère). Elle avait d'ailleurs fait aménager au palais un vaste lit circulaire pouvant accueillir six personnes. Dans sa résidence secondaire, elle avait dû se contenter par manque de place d'installer plusieurs fauteuils et canapés profonds susceptibles d'accueillir des ébats prolongés et multiples.

Ces révélations eurent pour effet de créer une énorme demande populaire qui, malgré la bonne volonté royale, ne pourrait pas être satisfaite. Les prétendantes et prétendants sinon au trône du moins à la couche de la souveraine se manifestèrent en masse parfois de façon exubérante sur la grande Toile électronique. Tout le monde voulait en être, jeunes et vieillards, lesbiennes ou hétéronormés, adeptes du triolisme et voyeurs solitaires, adolescentes timides et quinquagénaires ventripotents… Comme les stars de la pornographie, la reine était assaillie de demandes en mariage ou au moins en concubinage, de prétentions exagérées de certaines personnes quant à leur capacité à la satisfaire analement, oralement, sexuellement ou clitoridiennement, de récriminations de solitaires narcissiques s'indignant qu'on puisse leur refuser une gâterie offerte par ailleurs généreusement à d'autres médiocres selon les informations effectivement en leur possession. Un mouvement de Fronde semblait poindre même si aucun grand Condé ne semblait vouloir en prendre la tête, ni de grande Mademoiselle faire tonner le canon. Une insurrection inattendue allait-elle mettre fin au Nouveau Régime ? 

taille originale : 24 x 32 cm

 

Encore une fois, l'intelligence de la reine résolut l'affaire aussi habilement que d'Artagnan celle des ferrets. Mais l'histoire fut plus plaisante. Elle suggéra l'organisation de jeux érotiques dont les vainqueurs, quel que soit leur sexe, pourraient prétendre à ses faveurs. Bien entendu, elle ferait partie du jury, et seule l'onction royale sanctifierait les éventuels prétendants ou prétendantes. Cette organisation nécessita cependant de multiples réflexions, modifications et aménagements avant que de tels jeux puissent effectivement avoir lieu. La notion même de compétition était problématique. Il ne s'agissait pas de mesurer la durée des érections, ni les dimensions des pénis, ni les quantités de cyprine émise. Le culte de la performance était antinomique, selon la reine, avec le plaisir inhérent à la sexualité sous sa forme érotique. La jouissance ne se mesure pas, elle s'apprécie, elle s'apprécie, dit-elle à son cabinet, comme la beauté… la beauté de la danse, de la gymnastique, du patinage artistique pour citer des sports communément reconnus. Ce que les juges devront apprécier, c'est, précisa-t-elle, la beauté de l'orgasme. Il ne fallait pas se méprendre : on ne jouerait pas au meilleur amant ou à la meilleure maîtresse, même si ces qualités d'altruisme érotique pouvaient suffire à la victoire, mais, en aucun cas, un orgasme sublime ne pouvait être synonyme de défaite. Personne ne pouvait rivaliser avec l'extase de sainte Thérèse d'Avila sculptée par le Bernin ou avec la jouissance masochiste de saint Sébastien percé de flèches sous le pinceau de Guido Reni (aux musées du Capitole) ! Bien entendu, l'originalité des chorégraphies serait un critère important, ajouté à l'élégance des gestuelles et des attitudes. Aucune figure ni aucune position ne serait imposée, et les rencontres seraient l'occasion d'une exhibition des perversions les plus inédites. Cependant, seules les personnes adultes seraient autorisées à concourir après des examens médicaux visant à vérifier leur bonne santé et l'absence de dopage.

Aucune discrimination liée au genre, à l'âge, à l'orientation sexuelle ni à l'apparence physique ne serait tolérée, et tout un chacun serait admis à concourir pour autant qu'il ou qu'elle ait l'âge requis. Mais cela posait de nouveaux problèmes. Car les rencontres risquaient d'être fortement déséquilibrées ou en tout cas mal assorties si seul le hasard d'un tirage au sort présidait à leur organisation. On envisagea des catégories comme dans la boxe ou le judo, et l'on rappela qu'une division genrée s'impose naturellement dans maintes compétitions sportives. Mais aucune logique ne semblait possible dans l'établissement de telles catégories. Finalement, la reine suggéra de recourir à l'intelligence artificielle pour fixer les partenaires des rencontres éliminatoires, de façon à favoriser leur complémentarité en matière de sexualité. Les concurrents seraient d'abord invités à répondre à un questionnaire visant à déterminer leurs goûts, orientations et préférences. Puis, un programme d'intelligence artificielle apparierait les individus en fonction de leurs affinités : le masochiste rencontrerait une maîtresse sévère, le gérontophile une vieillarde encore fraîche (pour éviter des fractures du col du fémur), la voyeuse un exhibitionniste, la lesbienne une autre lesbienne, l'ambisexuelle un hétérosexuel affirmé ou une homosexuelle assumée… La reine, qui avait de grandes compétences en intelligence artificielle, ne souhaitait cependant pas que ces jeux ressemblent à un site de rencontres où l'on cherche sinon trouve le ou la partenaire idéale. Il fallait une part de surprise, et, comme les critères émis par les uns et les autres étaient multiples, il était toujours possible que l'admiratrice d'athlètes musculeux se retrouve confrontée à un philosophe aux épaisses lunettes, ou que l'amateur des blondes platine doive goûter à la peau noire d'une femme fière de son ascendance africaine. Plus subtilement, elle s'arrangea pour qu'au moins une des préférences signalées par les concurrents ne soit pas rencontrée afin de tester leur ouverture d'esprit en matière érotique.

La pluie nous a débués et lavés

 

Se posa également la question de la participation possible de couples à ces jeux, et non pas seulement d'individus isolés. Ne risquait-on pas en effet de privilégier des binômes concurrentiels alors que la mise en scène de la sexualité devrait dépasser ce cadre limité, passer donc du 2 au 2 + 1 ? Après tout, le patinage artistique se pratique en solo mais également en couple (sans oublier la natation synchronisée où les équipes peuvent comporter une, deux, huit ou dix personnes). D'aucuns évoquèrent également la situation des zoophiles dont les passions exigeraient la participation de leur animal favori (pour autant que celui-ci ne soit l'objet d'aucune maltraitance). Il s'en suivit d'ailleurs un débat sur l'antispécisme qui donna lieu à d'intéressantes publications philosophiques.

Le triolisme était une idée plaisante pour la souveraine, mais l'on risquait encore une fois de multiplier les catégories ou de confronter certains concurrents de façon inopinée à des dizaines d'adeptes du bukkake. Il fallait un peu d'arbitraire royal, et il fut décidé qu'aucune limite du nombre de compétiteurs ne serait fixée au stade des éliminatoires, mais qu'un seul compétiteur pourrait être déclaré vainqueur au terme de chaque épreuve. Néanmoins, la reine suggéra que certaines rencontres de plus haut niveau implique trois compétiteurs et non pas seulement deux, pour éviter de faire du couple la norme implicite de la compétition. Encore une fois, elle recourut à l'intelligence artificielle combinée à une part de hasard pour parvenir à une organisation optimale et équilibrée de ces rencontres. Certains soupçonnèrent néanmoins la reine dont les compétences en informatique étaient remarquables d'avoir favorisé par un système complexe de pondération certains goûts et certaines préférences qui lui étaient particulièrement chères. Néanmoins, le soupçon ne fut jamais réellement étayé.

Bien entendu, les épreuves seraient filmées et retransmises par les télévisions et les chaînes vidéo de la Grande Toile. La souveraine défendit notamment la vertu éducative de ces jeux érotiques pour l'ensemble de la population et notamment pour les plus jeunes. À ses yeux, il était important d'illustrer de façon plaisante la diversité des pratiques sexuelles qui devait être une source de joie et de plaisir pour l'ensemble de la population et lui éviterait ainsi de s'égarer dans les galeries marchandes au luxe clinquant ou de se perdre dans des jeux vidéos aliénants. Et elle était persuadée que la misère sexuelle pourrait être éradiquée du royaume comme l'avait été la misère sociale. Loin de toute tentative de normalisation comportementale, elle affirmait que seule une illustration explicite des différentes formes de sexualité pouvait libérer les individus de la honte de leur propre corps et des secrets pesants des familles. Au lieu d'un modèle unique de conjugalité, les jeunes découvriraient des exemples variés de pratiques qui constitueraient autant de modèles possibles d'apprentissage sexuel. Si cette diversité semblait déjà présente sur les sites pornographiques, l'approche serait ici différente et privilégierait, comme cela avait déjà été dit, la jouissance plutôt que la performance. En outre, pour les spectateurs comme pour les compétiteurs, l'intérêt des rencontres résiderait dans le caractère inédit des rencontres et dans l'ouverture d'esprit érotique que cela impliquerait : il ne s'agissait pas de s'enfermer dans ses fantasmes, ni de chercher à les satisfaire avec le ou la partenaire adéquate, mais de mettre en scène, en geste et en copulation une véritable rencontre avec l'autre. Le chemin à parcourir pourrait parfois être bref mais, long ou court, ce chemin importait sans doute plus que la destination à atteindre. Le partage, le consentement, l'ouverture spirituelle et corporelle, l'abandon à un désir inconnu étaient, selon la reine, les maîtres mots de ces jeux d'un genre nouveau.

D'une main assurée

 

La mise en place de tout le dispositif prit quelques mois et coïncida avec l'arrivée d'un printemps toujours propice à l'éveil sexuel. Évidemment, les concurrents furent en moins grand nombre que les prétendant qui s'étaient manifestés précédemment. Tout le monde n'était pas prêt à passer de telles épreuves au vu de ses proches, de ses amis, de ses collègues… Mais les premières éliminatoires réunirent déjà plus d'une centaine de personnes. Toutes les formes de sexualité, toutes les ortho- et paraphilies, toutes les combinaisons, toutes les gestuelles et expressions corporelles furent pratiquement représentées. Le système d'intelligence artificielle mis en place par la reine se révéla très efficace assurant des rencontres aussi équilibrées que diverses. La surreprésentation masculine que l'on avait redoutée fut rapidement compensée par la composition de trios et s'atténua rapidement aux niveaux supérieurs de la compétition.

La curiosité du public fut d'abord immense. La variété des épreuves fut certainement une des raisons de ce succès, même si certaines pratiques suscitèrent autant de fascination que de rejet. Un scatophile réussit à convaincre sa partenaire d'occasion de complaire à son étrange penchant : ce fut à la fois beau et effrayant comme une décollation du Caravage. La reine elle-même reconnut que la mise en scène de cette passion singulière avait quelque chose de sublime dans son esthétique corporelle, mais que le trouble qu'elle avait pu ressentir ne surmonterait pas son dégoût de la chose. Heureusement, d'autres passions rencontrèrent une large approbation et certaines extases furent aussi admirées que celle de la Marie-Madeleine du même Caravage.

Le public enfantin manifesta d'abord un intérêt très vif mais qui s'émoussa rapidement : dès qu'un couple s'embrassait la plupart des enfants manifestaient leur dégoût pour ces échanges corporels, ricanaient devant ce qu'ils estimaient être quelque chose de profondément ridicule puis se détournaient rapidement pour se consacrer à leurs activités ludiques préférées. C'est à l'adolescence seulement que les jeunes spectateurs ou spectatrices commençaient à s'enthousiasmer pour la chose, désignaient leur joueur ou joueuse favorite, élisaient leurs premières idoles, pariaient même sur le succès de l'un ou l'autre champion ou championne.

Quelques personnes, quelques groupements, quelques mouvements d'opinion s'offusquèrent cependant de ces compétitions qu'ils qualifièrent d'obscènes, d'immorales et même de répugnantes. D'aucuns parlèrent d'une exploitation éhontée du corps masculin et féminin et même d'une atteinte innommable à la dignité humaine. À ce titre, ils réclamaient l'interdiction pure et simple de telles épreuves. Mais ils ne parvinrent pas à définir un critère déterminant pour distinguer ces jeux des autres épreuves sportives où les corps étaient soumis à une exploitation similaire, ni même de différentes formes artistiques comme la danse ou la musique dont la pratique exige de ses jeunes adeptes des exercices constants et souvent douloureux. La fédération de boxe manifesta elle aussi son soutien à l'initiative royale, car le noble art fut lui aussi pris comme cible par les contempteurs de l'initiative royale sous prétexte qu'aucune société civilisée ne pouvait admettre que les chairs des unes et autres soient ainsi martyrisées pour la satisfaction du voyeurisme le plus vil. Il s'ensuivit un long débat au parlement sur la moralité du plaisir et les usages légitimes ou illégitimes de nos organes génitaux sans heureusement qu'aucune majorité (des deux tiers) ne se dégage. Tous ces échanges me consternèrent tant l'obsession monogame était patente ainsi que la honte qui s'attachait encore et toujours à toute représentation de la sexualité (sans oublier le refus obstiné de toute dissociation de l'Amour et de la sexualité…).

Il faut dire que j'étais passablement déprimé au sortir d'une rupture difficile, consécutive à une infidélité de ma part avec une collègue de bureau qui mettait une évidente passion à me sucer la bite lorsque les locaux étaient déserts. Voulant jouer au grand seigneur, j'avais laissé la maison achetée en commun à mon ex-femme, et je m'étais retrouvé dans un appartement meublé de trois pièces à peine. Malgré ma générosité, j'étais menacé d'une importante saisie sur salaire destinée à satisfaire ses besoins en coiffure et en maquillage (j'étais effectivement alors empli de ressentiment et j'adhérais en mon for intérieur aux pires clichés masculinistes). Quant à ma maîtresse d'occasion, elle avait satisfait ses pulsions orales avec un autre collègue plus jeune et sans doute mieux membré (oui, j'étais bien enfermé dans l'aigreur de la jalousie). C'est donc du fond d'un canapé défoncé et tâché de traces suspectes que je regardai sur mon ordinateur portable - dernier vestige de mon ancienne gloire - les premières retransmissions des Jeux érotiques de la Reine. Au début, ce n'était pour moi qu'une distraction, une manière de détourner mon ressentiment dans la contemplation de ce que je considérais comme une bestialité généralisée : tous des porcs, toutes des salopes, tou·te·s des troublé·e·s dans le genre… J'étais disposé à visionner ces jeux comme des sites pornographiques que l'on déroule page après page à la recherche désespérée d'une image qui suscite enfin l'excitation avant que ne renaissent l'ennui et l'écœurement devant cette répétition inlassable des mêmes corps, des mêmes gestes, des mêmes contorsions posturales…

Mais, alors que commençaient les premières épreuves de ces jeux, je découvris assez rapidement que le spectacle proposé était relativement différent de l'ordinaire pornographie. Les prises de vue ne se limitaient pas à des gros plans obscènes et s'attachaient à montrer les partenaires en action sans en privilégier l'un ou l'autre. L'on devinait un travail préalable de mise en scène destiné à valoriser les concurrents en tenant compte aussi bien de leurs postures que de leurs pratiques ou de leurs caractéristiques corporelles. Il ne s'agissait pas d'une esthétisation uniforme des épreuves dans le style mielleux d'un cinéma faussement érotique, et, si certaines scènes étaient prises dans des jeux d'ombres et de lumières diffuses, d'autres étaient violemment éclairées comme une corrida sexuelle. Affalé distraitement dans mon canapé, je fus réellement stupéfait à la troisième ou quatrième rencontre que je regardai. C'était un couple hétérosexuel assez ordinaire, d'une apparence agréable sans être immédiatement remarquable. C'est la femme qui dirigeait la manœuvre, et, en l'occurrence, elle guidait les doigts de son partenaire vers son anus, tout en l'embrassant à pleine bouche.

Elle s'est mise à quatre pattes pour qu'il voie bien ses fesses, ses cuisses, son cul qui l'excitaient manifestement. Elle lui a dit qu'elle était prête, qu'elle était disposée sans que l'on comprenne de quoi il retourne exactement. Mais lui le savait déjà, il connaissait son désir, il savait qu'elle voulait lui donner son cul entièrement. Il lubrifia ses doigts, sa main, son poignet sous son regard; il fit couler du lubrifiant entre ses fesses, dans son cul déjà ouvert; et elle dut sentir le lubrifiant un peu froid qui coulait aussitôt à l'intérieur de son trou. On voyait le trouble de son regard. Et puis il vint en elle. Le pouce d'abord. Puis l'autre pouce, en même temps. Il les a écartés pour voir le cul s'ouvrir, pour voir le cul déjà ouvert. Il disait qu'elle l'excitait, qu'elle l'excitait démesurément, que, s'il ne se retenait pas, il jouirait déjà dans sa bouche ou sur son visage ou sur ses fesses offertes.

Oui, j'étais stupéfait alors qu'ils passaient à présent aux choses sérieuses. Il agissait doucement, lentement, mais elle l'encourageait à y aller plus rapidement. Elle voulait lui donner son cul, elle voulait qu'il entre entièrement en elle. Je me sentis bander brutalement, et je dus ouvrir mon froc pour commencer à me masturber. Je montai le son pour bien entendre ce qu'elle murmurait. Elle acquiesçait à ses gestes précautionneux. Trois doigts d'abord pour bien assouplir l'orifice. Trois doigts entiers qui s'arrêtent au bord infranchissable pour le moment. Il lui demande si elle en a envie, si c'est bien cela qu'elle demande en gémissant, si c'est bien comme cela qu'elle veut jouir, qu'elle veut le faire jouir. Ses doigts reculent, un quatrième se joint à eux. C'est plus gros, beaucoup plus gros, cette fois, il faut qu'il force l'entrée même si son cul est entièrement lubrifié. Il lui demande de le guider, de l'encourager à s'enfoncer en elle, à forcer la porte étroite de son cul. À ce moment, je suis persuadé qu'il n'y a rien de plus beau que de voir ce cul s'ouvrir, cette main distendre l'anus offert. Elle me fait bander, et je devine qu'elle est complètement mouillée. Pourtant, il n'y a encore que quatre doigts, le début de la main. C'est elle qui le supplie encore d'y aller plus fort, d'y mettre le pouce aussi, le poing entier. Elle est magnifique à quatre pattes devant lui, devant la caméra, le cul bien levé, bien exposé, bien offert.

Alors il le fait. Il retire sa main, il joint ses cinq doigts bien serrés, bien enfilés les uns contre les autres, et il les enfonce fermement dans son cul. À présent, c'est elle qui vient vers lui, c'est elle qui prend littéralement sa main dans le cul. Il est entièrement en elle, son poing est au fond de son fion. Mais ils ne jouissent pas encore. Il est encore suffisamment maître de lui-même pour ressortir lentement puis s'enfoncer à nouveau entièrement en elle, pour regarder (et nous montrer) ce cul qui s'ouvre et se referme sous la poussée de son poing. À plusieurs reprises, de plus en plus facilement, de plus en plus rapidement. Et elle gémit chaque fois qu'il force l'entrée étroite. Et je vois finalement la main disparaître entièrement dans son trou, l'avant-bras seul encore visible.

Elle remporta la manche haut la main. J'étais encore sous le choc, stupéfait de l'émotion que cette séquence avait suscitée en moi (sans oublier mon éjaculation, impossible à retenir). J'avais déjà vu des vidéos de fist fucking qui m'avaient cependant toujours paru exagérées, artificielles même : ce n'était donc pas le caractère extrême de la pratique qui était fascinante, mais la vérité de la jouissance de cette femme. Bien sûr, des sceptiques de mauvais poil décrétèrent que cette jouissance comme celle d'autres concurrents était certainement simulée ou provoquée par des substances plus ou moins illicites. J'étais pourtant convaincu du contraire, tant les spasmes du plaisir étaient visibles sur son visage et dans l'abandon de ses membres tremblants. Les commentateurs sportifs furent d'ailleurs extrêmement élogieux, comparant cette performance au jeu de jambes d'un Maradona ou aux exploits de Sergueï Bubka.

J'étais décontenancé. Est-ce qu'il était possible de rencontrer cette femme ? Y avait-il d'autres femmes qui puissent jouir comme elle ? Est-ce que moi-même je pourrais connaître un jour avec quelqu'un une telle jouissance, parvenir à une extase aussi sublime ? Ou bien allais-je continuer à me morfondre sur mon canapé ou partir seulement à la recherche de partenaires d'occasion ? Je ruminai toutes ces questions pendant un long moment. Puis l'évidence me sauta aux yeux. Je devais participer à ces jeux. Tout un chacun était admis à concourir sur base d'un curriculum vitae accompagné d'une lettre de motivation. Évidemment, si j'étais sélectionné, je devrais prendre un congé sans solde durant la période des jeux. Et je devais également redouter une atteinte possible à mon prestige de professeur auprès de mes élèves. Mais participer à une telle aventure n'était-ce pas en soi l'assurance d'une popularité nouvelle ? Ma décision était prise. Ce n'était pas seulement une question de plaisir sexuel mais de quelque chose qui se situe au-delà de la simple jouissance organique, quelque chose qui s'apparente à l'extase, au nirvana ou à la béatitude, quel que soit le nom qu'on lui donne, mais qui n'est connu que de quelques-uns ou de quelques-unes comme cette femme-là, indéniablement. Ou plus exactement, il fallait une rencontre avec une femme comme celle-là pour connaître une telle jouissance. C'est la rencontre, le partage, la compréhension absolue, la compréhension la plus intime de ce que l'autre ressent qui était en jeu ici. C'était cela que je voyais désormais dans ces rencontres érotiques, c'était cela que la reine avait réussit à susciter, même si tout le monde ne le percevait pas. Et c'est ce que j'essayai d'expliquer dans ma lettre de motivation. Je fus effectivement sélectionné pour les nouvelles éliminatoires.

taille originale : 24 x 32 cm

 

Après quelques examens de contrôle, le tirage au sort décida de la première rencontre, de ma première rencontre. Il n'y avait heureusement pas de ridicule présentation des épreuves par un animateur ou une animatrice en paillettes et au sourire crispé. Les concurrents entraient immédiatement dans la chambre de l'épreuve par deux portes séparées. Le lieu était neutre, occupé par un lit de grandes dimensions, par un sofa ainsi que par quelques meubles pouvant servir de bar et par une douche immédiatement visible et accessible. Cela ressemblait à une chambre d'hôtel relativement banale mais avec plus d'espace. Les concurrentes ou concurrents pouvaient y disposer à leur convenance de différents accessoires comme des godes, des chevalets, des menottes, des cages, des chaînes ou n'importe quel objet susceptible de servir à leur plaisir (pour autant que ses dimensions ne soient pas excessives : une mise en croix christique n'était pas encore possible lors de ces premières épreuves avant qu'on n'adapte certaines chambres à des rencontres dignes du saut à la perche).

L'entrée en matières se faisait sans fioritures et je fus amené rapidement sur le lieu de la compétition. Je pénétrai en même temps que ma concurrente que je découvris avec surprise vêtue d'une robe d'aristocrate du XVIIIe siècle avec panier et corset remontant et exhibant deux seins rebondis. Moi-même, j'étais vêtu d'un costume sobre, plutôt banal, ayant préféré éviter une tenue sportive plutôt inadéquate en ces circonstances. Je réprimai un sourire mais en m'approchant (j'étais légèrement myope), je constatai immédiatement que cette belle dame devait avoir au moins soixante-cinq ans… Malgré le maquillage, les rides étaient visibles sur le visage et entre les seins en particulier, et je ne pus m'empêcher de constater que la peau était également relâchée dans le cou et les mains couvertes de petites taches brunes. Je fus décontenancé, m'interrogeant sur la part du hasard et des algorithmes qui avaient présidé à une telle rencontre. Mais il n'était plus temps de reculer.

Elle m'interpella en souriant : « Et bien, Chérubin, tu ne me salues pas ? Tu as peur d'embrasser ta marraine ? » Je compris aussitôt le rôle joué par l'intelligence artificielle et surtout par le long questionnaire qu'on nous avait fait remplir : il y était demandé de préciser nos goûts musicaux et de citer une œuvre particulièrement appréciée. Et j'avais mentionné la célèbre Cavatine de Barberina dans les Noces de Figaro. Mozart nous avait réunis et fournissait maintenant l'ambiance musicale dans laquelle nous étions plongés (même si les responsables de ce choix avaient préféré des œuvres concertantes au célèbre opéra). Âgé de plus de trente ans, je n'avais cependant plus l'âge de jouer le rôle Chérubin, même si la comtesse supposée m'invitait déjà à me plonger dans les bras de ma marraine…

C'est elle qui mena d'abord la danse en raison sans doute de son rôle d'aînée. Elle m'embrassa délicatement, me couvrit de mots doux et sensuels, me caressa légèrement en me conseillant de me détendre, de me mettre à l'aise… Nous nous assîmes au bord du lit, et elle continua à me couvrir de charmants baisers. Mais elle se fit bientôt plus audacieuse, posant sa main sur ma cuisse, puis entre mes cuisses, remontant jusqu'à mon entre-jambes. C'est alors qu'elle évoqua mon petit oiseau qui était en cage et qu'il était temps de libérer. Ne voulait-il pas prendre son envol ? ajouta-t-elle en ouvrant ma braguette et en faisant surgir mon membre dressé qu'elle caressa avec une fermeté inattendue pour le faire bien durcir. J'avais oublié l'âge de ma supposée comtesse, et je voyais seulement une marraine dont le caractère affectueux n'était que le masque d'une lubricité sans nom. Décalottant mon gland, elle se pencha vers mon sexe qu'elle prit aussitôt en bouche. Il n'était plus question de baisers délicats ni d'afféteries calculées mais d'une vigoureuse fellation pratiquée par une experte qui avait dû longuement s'exercer à cet art difficile. Malgré la perruque volumineuse, elle me pompait rapidement sans même s'aider de la main qu'elle utilisait judicieusement pour me caresser les couilles. Je crus que j'allais rapidement jouir dans cette bouche experte au fond de laquelle je rêvais déjà d'envoyer de longs jets de foutre que je la supplierais de consentir à avaler illico presto. Mais elle devinait tous mes soubresauts, et, s'immobilisant, elle interrompit ce que je percevais déjà comme son grand œuvre oral.

Elle me fit basculer en arrière, mon pantalon encore largement ouvert, mes jambes pendant aux bord du lit, et elle vint s'agenouiller au-dessus de mon visage. Je crus que le panier de sa robe serait un empêchement à son luxurieux dessein, mais l'ensemble du dispositif se rétracta en hauteur pour que ma bouche atteigne sans encombre le clitoris gonflé qu'elle m'offrait. Son extrême lubricité se concentrait en cet organe érectile dont l'expressivité était manifeste. Je n'avais aucune difficulté à le stimuler, à le lécher, à l'embrasser, à m'en repaître même, tant ses mouvement étaient vifs et réactifs. Moi-même, je bandais comme un âne furieux (même si je surestimais certainement la taille de mon membre), alors que la cyprine dégoulinait sur mon menton, dans mon cou, sur tout mon visage même quand elle m'incita à plonger ma langue au plus profond de sa chatte poilue. Les premiers moments d'une rencontre sont sans doute le plus mémorables, et je me souviens encore d'un filet de mouille coulant dans ma bouche ouverte, alors qu'elle se penchait en arrière pour me caresser la bite d'une main experte.

Cette étrange compétition dura encore deux heures environ (la durée était laissée à l'appréciation des participants même si une limite de huit heures était fixée), et nous nous retrouvâmes bientôt entièrement nus, pratiquant avec entrain fellations multipliées et cunnilinctus obstinés avec quelques touchers vaginaux et rectaux complémentaires. Les mots se révèlent rapidement insuffisants, vides et répétitifs pour décrire les rencontres sportives, et il serait bien difficile d'en faire un compte-rendu complet qui serait visuellement et sensuellement satisfaisant. Je dirai seulement que, lorsque je sentis monter le premier orgasme chez ma partenaire dont le clito réagissait comme un violon sous l'archet qui le fait vibrer, cette violente jouissance entra en moi par ma bouche, par ma gorge, par mon ventre, jusqu'à bon bas-ventre qu'elle fit se dresser et éjaculer sans même que ma main n'y vienne.

Les juges attribuaient, comme on l'a dit, des notes différentes à la beauté de l'orgasme, au don de soi, à l'élégance des gestuelles, à l'originalité des figures. Mais en tant que participant, il était bien difficile de prévoir le résultat, surtout lors d'une première participation. Ainsi, je fus déclaré vainqueur sans que je puisse décider si c'était réellement mérité. J'exultais cependant et j'embrassai à pleine bouche celle qui m'avait si bien accompagné au cours de cette première manche. La huitième de finale à laquelle j'accédais n'aurait lieu cependant qu'une semaine après.

Passage à l'acte au coin de la rue

 

J'avais compris que les rencontres devaient être inattendues, et qu'il s'agissait d'amener les concurrents ou concurrentes à éprouver leurs limites ou au moins certaines d'entre elles. Je ne fus donc pas vraiment surpris quand je découvris mon nouveau partenaire, un type de plus d'un mètre quatre-vingts, adepte manifeste des salles de musculation. J'avais précisé mon orientation hétérosexuelle dans le questionnaire préalable, mais la reine éprouvait sans doute un subtil plaisir à placer certains d'entre nous dans ce genre situation délicate. Le type portait des survêtements de sport de grande marque et avait amené avec lui un sac volumineux rempli semble-t-il d'accessoires sur lesquels je m'interrogeais déjà. Sa première remarque fusa : c'est quoi cette musique de merde ! Il parlait du vingt-troisième concerto pour piano de Mozart. Lui aussi voyait certaines de ses préférences musicales bousculées, mais heureusement son jugement ne portait que sur l'Allegro et non sur le sublime Adagio qui devait suivre. Il s'approcha sans hésiter de moi en me demandant si j'étais prêt à entrer en compétition avec lui. J'hésitai et finalement j'avouai que je n'avais jamais baisé avec un homme. Il fut à peine surpris et me répondit avec un léger sourire : « Dans ce cas, il vaut mieux que ce soit moi qui mène la danse. Et ça tombe bien, je suis plutôt du genre dominant. Mais ne t'en fais pas, je sais y faire et tu ne seras pas le premier que je dépucèle. - Mais je ne sais pas si… - Mais si, tu vas voir comment tu vas aimer ça ! ». J'étais troublé à la fois par sa beauté et par l'arrogance avec laquelle il me traitait. Il me donnait déjà des ordres, me rappelant que le public était là et qu'il attendait de l'action et des exploits. Il exigea immédiatement que je me défasse de mes habits ridicules (à savoir un costume sombre de belle facture que j'avais voulu me payer pour cette seconde épreuve) et que je me « mette en tenue » à savoir complètement nu, couvert seulement d'un string minuscule, sorti de son sac, complété par un débardeur en résille noire. Je découvris qu'il amenait également avec lui des godes, des plugs, des menottes, des lanières, des fouets… même s'il n'avait pas apparemment l'intention immédiate de s'en servir. Il décréta que j'étais trop maigre et que je devrais faire un peu de musculation, même si j'avais un beau cul, selon ses dires, après qu'il m'eut fait tourner sur moi-même. La situation était troublante : j'étais nu devant lui qui avait gardé ses habits, et j'étais incapable de prendre la moindre initiative sinon celle très vague de reprendre mes habits et de m'enfuir de cette chambre. Mais il était trop tard, et j'étais déjà top attiré par ce qu'il me promettait.

Il me saisit fermement par la taille, son bras gauche glissé derrière mon dos, tandis que sa main droite glissait dans le string et faisait jaillir ma bite sous ses yeux. Il me branla jusqu'à ce que je commence à bander. Il eut un sourire de satisfaction en me murmurant à l'oreille : « T'aimerais que je te la suce, hein ! » C'était vrai, j'aurais voulu qu'il avale ma bite ou qu'il m'embrasse à pleine bouche tout en continuant à me branler, mais il affirma qu'il y avait un prix à payer pour cela. « Mets-toi à genoux et montre ce que tu sais faire ». Je ne pouvais que m'exécuter. Pour la première fois de ma vie, j'étais face à un pénis dressé devant mon visage, un pénis bien érigé d'au moins quinze ou vingt centimètres qui se frottait contre mes joues, contre mes lèvres, qui me forçait à ouvrir la bouche et à l'avaler. La sensation était délicieuse, c'était chaud, dur et tendre à la fois, et cette bite magnifique réagissait à chaque mouvement de ma langue, de ma bouche, de tout mon corps avide de l'engloutir. Je la pompais sans relâche et j'aurais déjà voulu goûter la chaleur épaisse de son sperme que j'imaginais dégoulinant dans ma gorge. « C'est bien, petit pédé, je vois que tu apprends vite » déclara-t-il à haute voix. L'humiliation me fit rougir mais surtout bander encore plus. Il savait que j'étais désormais son esclave. Il se retira bientôt de ma bouche et se déshabilla à son tour. Il avait effectivement un corps musclé, à la peau mate et parfaitement épilée. Il se pencha vers son sac où il prit d'abord un collier avec une laisse qu'il m'attacha autour du cou. Puis il abaissa mon string, se moqua de ma bite à moitié érigée et l'obligea à rentrer dans une cage de chasteté trop étroite dont il ferma évidemment le cadenas. Je dus ensuite me mettre à quatre pattes en creusant le dos de façon à exposer mon fessier. Je savais ce qui m'attendait, mais, après avoir glissé un doigt bien lubrifié dans mon cul, il força l'entrée non pas avec sa superbe bite mais avec un plug qui me parut toutefois énorme. Il s'y reprit à plusieurs fois ressortant l'engin, rajoutant du lubrifiant, ouvrant mon trou avec ses doigts, enfonçant à nouveau l'engin jusqu'à ce qu'il surmonte l'obstacle et entre entièrement en moi. C'est dans cet état qu'il me promena à quatre pattes au bout de ma laisse dans toute la chambre. Je fus également fouetté (légèrement), ce qui me rendit encore plus impatient de conclure.

J'étais devenu en quelques minutes son esclave, et je devais désormais obéir à mon maître ou plus exactement à sa bite exigeante. C'est elle que je devais servir sans relâche, dont je devais satisfaire tous les caprices, que je devais adorer comme un dieu vigoureux et implacable. Je dus la lécher, l'avaler, la caresser, la sucer, promener ma langue sur son gland, sur son prépuce, sur son urètre, m'abaisser en dessous de ses couilles, les lécher elles aussi, les avaler. Il enfonça également ses doigts dans ma bouche à plusieurs reprises. Il me fit coucher par terre et s'assit sur mon visage afin que je lui lèche le cul et enfonce ma langue dans son trou. Il tirait de façon répétée sur ma laisse pour que j'exécute ma mission au rythme souhaité. Il se frotta à plusieurs reprises sur mon visage, m'ordonna encore et encore de rendre un hommage appuyé au trou de son cul.

Il se releva. « Allez, petit pédé, il est temps maintenant ! À quatre pattes ! » Je m'exécutai, et il retira ma bite de sa cage ainsi que le plug de mon cul. Il me lubrifia à nouveau abondamment, puis frotta son gland contre mes fesses, descendant jusqu'aux couilles, frottant même sa queue contre la mienne qu'il saisit pour la caresser un instant. Ses mains caressaient mes fesses, les écartaient, les battaient, les ouvraient encore. Il m'interdit cependant de me branler, affirmant que je ne devais me préoccuper que de mon cul. Et c'est vrai que j'attendais avec impatience qu'il entre en moi jusqu'aux couilles. Une intuition me traversa cependant l'esprit et je m'exclamai : « Maître, je vous en supplie, baisez-moi comme une femme, baisez-moi en missionnaire pour que je puisse voir votre sceptre dressé ! » Il éclata de rire : « Ha ha, tu parles comme une princesse ! ».

Je me couchai sur le dos, les fesses au bord du lit, les jambes bien relevées jusqu'aux épaules et tenue de mes deux mains pour lui offrir un accès facile à mon postérieur. Je tremblais, oui, je tremblais de peur et d'excitation mêlées, comme une adolescente qui va faire l'amour pour la première fois, qui va sentir un homme venir en elle. Il se positionna enfin devant moi, son gland au bord de mon anus et commença à s'enfoncer dans mon cul. La sensation était délicieuse, à la fois forte et douce. La pression était continue mais il la relâchait par instants pour revenir ensuite lentement en moi et pour m'habituer à la pénétration. Son gland était souple et n'eut pas de difficulté à franchir ce que je percevais comme le premier obstacle. Mais le manche était beaucoup plus dur, et j'eus soudain l'impression de me faire défoncer. Je gémis : « Non, non, elle est trop grosse, je n'y arriverai pas, ton braquemart est énorme… Mais reste en moi, continue, je t'en supplie ». À partir de ce moment, je ne cessai de m'exprimer confusément, déplorant sans cesse les dimensions extrêmes de son pénis mais sollicitant continûment qu'il poursuive son œuvre héroïque (oui, il était un redoutable guerrier). Je répétai également que je voulais être son épouse selon les normes sociales les plus archaïques, et qu'il devait me prendre toute (j'usais spontanément du féminin à mon égard), comme il en avait le droit et l'envie. J'étais devenue folle, et, tout en souffrant cette pénétration démesurée, j'appelais de tout mon corps, de tout mon être qu'elle s'accomplisse enfin, qu'elle parvienne à son but ultime. Ce salaud savait y faire, il franchit le dernier obstacle et je crus que j'aillais défaillir, mais, deux secondes après, je sentais avec ravissement ses couilles contre mon cul. Il était entièrement en moi, je lui appartenais entièrement, il m'appartenait entièrement. Il allait me faire jouir, j'en étais sûr, sans que je ne puisse me retenir ni me contrôler. Il saisit effectivement ma bite et me branla au rythme de ses pénétrations de plus en plus souples, de plus en plus rapides, de plus en plus profondes. Et je gémissais de plus en plus passionnément, ma tête ballant de gauche à droite, mon corps secoué de spasmes, jusqu'à ce que je me répande enfin sur mon ventre en pensant silencieusement : « Je suis une femme à présent ». C'était stupide bien sûr, mais l'imaginaire sexuel n'a rien à voir avec les normes de la convenance sociale.

Mais il n'en avait pas fini avec moi. Alors que je me remettais à peine de mes émotions, il sortit sa bite d'un mouvement rapide de mon fessier, l'essuya sommairement, puis m'intima l'ordre de terminer mon rôle d'épouse soumise. Je dus me remettre à genoux et prendre en bouche cette queue infâme qui l'instant d'avant était encore au fond de mon cul et me faisait jouir comme une folle. La suite fut aussi attendue et convenue que cette dernière formule : je le suçai longuement, puis il sortit sa bite de ma bouche pour se branler et éjaculer sur mon visage, il m'obligea encore à sucer sa queue couverte de foutre, il ramassa finalement avec ses doigts le sperme qui dégoulinait sur moi et me le fit avaler. J'étais alors complètement euphorique comme si j'avais bu très rapidement quelques verres de vin ou fumé quelques joints de cannabis.

C'est dans cet état que j'appris que j'avais remporté cette seconde manche. Cette fois, c'est mon concurrent qui s'approcha de moi pour m'embrasser puis me murmurer à l'oreille : « C'est quand tu veux mon chou ! »

Dans les jours qui suivirent, mon humeur s'assombrit quelque peu. Je reçus beaucoup de messages désapprobateurs, orduriers même. La liberté des mœurs était sans doute une illusion. L'être humain est profondément moralisateur. En fait, il est extrêmement susceptible et ne supporte pas qu'on ne lui ressemble pas. Ce furent mes premières réflexions, mais certaines injures me furent insupportables et je contactai le service juridique des Jeux érotiques. La réponse fut dilatoire. Il fallait considérer qu'il s'agissait là des réactions d'une minorité de personnes, une minorité sans doute importante : entre vingt-cinq et trente pour cent environ, mais une minorité. Engager une action juridique serait hasardeux et d'un médiocre profit. Je ruminai un peu. Je me déconnectai du monde.

La troisième rencontre commença, comme les autres, par un moment d'indécision, celle qui survient lors de la mise en présence de deux individus qui ne se connaissent absolument pas. Cette fois, il s'agissait d'une femme, une jeune femme d'une singulière beauté à mon estime. Il ne servirait à rien d'essayer de la décrire, car ce ne serait que des mots communs, sinon des clichés, qui seraient incapables de rendre compte de l'impression unique qu'elle a aussitôt produite sur moi. Oui, elle avait un corps voluptueux, des seins rebondis, des hanches en amphore, de longs cheveux sombres, et un visage très fin avec une intelligence exceptionnelle dans le regard. Bien sûr, nous sommes toutes et tous plus ou moins sensibles à la beauté - qu'il s'agisse de fleurs, de femmes ou d'Adonis - mais il y a des affinités qui dépassent cette beauté supposée commune et qui nous sont singulières, ressenties parfois de façon instantanée : ce sont des affinités électives qu'on cherchera vainement à expliquer par l'alchimie des sentiments, la chimie des hormones ou l'effet de l'imaginaire inconscient…

Et puis surtout, elle a légèrement souri au moment où son regard croisait le mien. Nous étions complices, immédiatement. Je sus que c'était l'amour fou, même si bien sûr c'était certainement une illusion. Jamais une femme ne m'avait paru aussi attirante et surtout jamais je n'avais perçu chez une femme un désir aussi intense, un désir qui s'adressait directement à moi. Nous nous rapprochâmes immédiatement. Nous échangeâmes quelques mots à peine. Nous échangeâmes nos prénoms. On commença à s'embrasser, à se caresser, très naturellement, sans préméditation, sans même se concerter. Je devinais, ce dont elle avait envie, où elle voulait que je pose la main, comment il fallait lui caresser doucement les seins, glisser une main entre ses cuisses déjà dénudées, m'approcher de sa fente qui était humide, aller et venir lentement du bout des doigts pour ouvrir les lèvres trempées, tout en l'embrassant dans le cou, sur la bouche, et venir à la rencontre de la pointe de sa langue tendue… Je lui murmurais des mots de passion enflammée, sans doute convenus mais toujours efficaces.

À un moment pourtant, alors que je m'enfonçais plus profondément en elle, j'eus l'impression qu'elle resserrait les cuisses, que mes gestes devenaient maladroits, que nous nous désaccordions. J'étais peut-être allé trop vite et je voulus recommencer ce qui avait déjà été largement entamé, comme si j'avais laissé passer le bon moment. Je me sentis débander. De plus en plus concentré sur ses réactions, attentif à ses moindres mouvements, je perdais contenance, je me vidais de toute l'excitation qui m'avait envahi au premier regard échangé. Et je devenais réellement maladroit avec des gestes erratiques et sans conviction. Caressant ma bite dès le moment où on s'était embrassé, elle sentit bien mon désarroi.

Mais elle reprit les choses en main si je puis dire. Elle me dit doucement de me laisser faire. Elle me déshabilla complètement, se défit de ses derniers vêtements, m'embrassa sur tout le corps jusqu'à parvenir à ma bite qui était totalement languissante. Elle la prit en bouche mais une angoisse incommensurable rendait la débandade absolue. Elle changea de stratégie, tout en continuant à me caresser, à m'embrasser, à me réconforter. Sa main me guida à nouveau vers sa chatte. J'y glissai un doigt juste au bord comme elle me l'indiquait. Je compris à nouveau ses gestes, ses envies. Je continuai à la caresser, à aller et venir le long de sa chatte qui s'humidifiait et s'ouvrait de plus en plus. Elle me retenait pourtant, ne me laissant glisser qu'une phalange à peine. Mais elle réagissait de plus en plus, accompagnant le moindre mouvement de ma main, gémissant légèrement pendant que j'allais et venais entre ses cuisses. Elle se coucha sur le dos en écartant largement les cuisses et en m'invitant à venir au-dessus d'elle pour admirer sa chatte ouverte et y plonger mes doigts de plus en plus profondément. Elle me dit que je pouvais continuer comme cela, que ce n'était pas grave si je ne bandais pas, que je l'excitais terriblement à la pénétrer ainsi. Ces paroles eurent l'effet d'une baguette magique qui fit remonter la mienne, mais elle m'incita à continuer ma besogne avec tout le doigté nécessaire. Le plaisir qu'elle prenait était cependant spectaculaire. Tout son corps chaloupait et tanguait sous mes caresses comme si une marée tempétueuse l'envahissait. Elle haletait, me regardait fixement avec des yeux égarés, m'incitait muettement à ne pas relâcher mon effort, cherchait son souffle avec la langue pointée entre ses lèvres, jusqu'à ce qu'elle jouisse avec un mouvement brutal de la tête, le regard vacillant avant qu'elle ne ferme les yeux et serre fortement les cuisses sur ma main emprisonnée.

Plus tard, quand elle constata que j'étais toujours bien bandé, elle vint s'asseoir sur moi, saisissant ma bite qu'elle glissa dans sa chatte avant de monter et descendre sur mes hanches avec des mouvements calculés destinés à lui faire ressentir de façon intense les mouvements de la pénétration. Ses seins volumineux dansaient au-dessus de mon visage et maintenaient mon excitation en alerte. Elle commença à se caresser et eut un nouvel orgasme, son regard semblant une nouvelle fois couler en elle-même. Elle resta sur moi. Puis me fit encore l'amour deux ou trois fois de la même manière avec des orgasmes qui s'atténuaient progressivement. Après un instant de repos, elle prit mon sexe (qui cette fois était bien dur) en bouche et me fit jouir rapidement. Elle avala mon foutre, tout en me caressant fermement les couilles.

Elle remporta la manche, ce qui me sembla évident, mais j'étais persuadé que nous nous reverrions. Comment ne pas prolonger cette relation qui me semblait unique, cette harmonie ineffable qui s'était créée entre nous, même si ce n'était que pour un trop court moment ? Avant que nous nous séparions, je lui demandai si l'on pouvait prendre un verre ensemble ou sinon, quel était son numéro de téléphone. Elle me répondit qu'elle me trouvait effectivement sympa mais qu'elle était désolée et qu'elle ne souhaitait pas poursuivre cette rencontre. Elle avait d'autres choses en vue, et puis, je n'étais pas son genre, ajouta-t-elle. J'étais abasourdi. Je balbutiai qu'on pouvait apprendre à mieux se connaître, mais, après une hésitation, elle a ajouté qu'en fait, elle était lesbienne. Je me souvins que c'était une excuse fréquente pour des adolescentes souhaitant décliner les avances d'un soupirant inopportun. L'histoire, mon histoire s'arrêta là.

Version urbaine

 

Quelques années plus tard, la reine mourut victime d'un glioblastome multiforme, une tumeur cérébrale très agressive. Ce fut un choc immense et une longue douleur pour une population soudain privée de leadership. Certains prétendus moralistes y virent la conséquence d'une vie dissolue, mais il s'agit en fait d'une tumeur relativement rare sans cause connue. Un très long attroupement se forma quelques jours après l'annonce de son décès pour lui rendre un dernier hommage dans son palais exceptionnellement ouvert pour la circonstance. Beaucoup y découvrirent le fameux lit hexagonal où elle accueillait, paraît-il, ses multiples amants et amantes. Moi-même, je me rendis sur place sans trop savoir ce que j'espérais recueillir de cette visite et de cet hommage collectif. C'était une page qui se tournait et même une époque qui disparaissait.

Plus tard, beaucoup plus tard, des journalistes soucieux de vérités scandaleuses découvrirent que la reine avait, malgré ses déclarations égalitaires, conservé quelques châteaux en Espagne et quelques comptes bancaires en Suisse. Mais le mythe subsista pratiquement intact. Personne n'avait pu en effet lui succéder, et, en quelques mois à peine, les passions politiques réapparurent dans toute leur violence. Les arts périclitèrent, la civilité déclina, l'érotisme fut dévalorisé, les boutiques de luxe comme les supermarchés attirèrent à nouveau des foules de clients aliénés, les touristes en mal de vivre s'enfuirent au quatre coins du monde… La haine recouvrit de son écume le cours des choses.

vendredi 5 février 2021

Régime matriarcal

Couloir muséal
taille originale : 21 x 29,7 cm

 

« Mais je vivais seul, je n’avais avec moi ni femme, ni mère, ni sœur et par conséquent aucune femme ne pouvait entrer seule chez moi. Ainsi le voulait l’antique coutume, qui est à la base du rapport entre les sexes. L’amour ou l’attrait sexuel est considéré comme une force de la nature, d’une puissance telle qu’aucune volonté n’est en mesure de s’y opposer. Si un homme et une femme se trouvent ensemble à l’abri et sans témoin, rien ne peut empêcher qu’ils ne s’étreignent. Ni les résolutions prises, ni la chasteté, ni aucun autre obstacle ne peut les retenir, et si par hasard ils ne s’unissent pas effectivement, c’est comme s’ils l’avaient fait. Se trouver ensemble équivaut à faire l’amour. La toute-puissance de ce Dieu est telle et si simple est l’instinct qu’il ne peut y avoir de vraie morale sexuelle, ni même de véritable réprobation sociale pour les amours illégitimes. Très nombreuses sont les filles mères et elles ne sont pas mises au ban de la société ni désignées au mépris public. (...)
Mais s’il ne peut exister de frein moral contre la violence du désir, la coutume intervient pour en rendre difficile l’assouvissement. Aucune femme ne peut fréquenter un homme, si ce n’est en présence d’autres personnes, surtout si l’homme n’est pas marié, et l’interdiction est très rigide. L’enfreindre même de la façon la plus innocente est pécher. La règle concerne toutes les femmes car l’amour ne connaît pas d’âge. (...)
Il n’est d’habitude, ni de règles, ni de lois qui résistent à une nécessité ou à un désir violent : et cet usage se réduit pratiquement à une formalité : mais la formalité est respectée. Cependant la campagne est vaste, les occasions nombreuses et il ne manque pas de vieilles entremetteuses ni de jeunes filles complaisantes. Les femmes cachées sous leurs voiles sont comme des animaux sauvages. Elles ne pensent qu’à l’amour physique et avec le plus grand naturel ; elles en parlent avec une liberté et une simplicité de langage étonnantes. Dans la rue elles vous regardent en dessous de leurs yeux noirs inquisiteurs pour peser votre virilité, puis vous les entendez derrière votre dos murmurer jugements et louanges sur votre beauté cachée. Si vous vous retournez elles se cachent le visage entre leurs mains et vous regardent à travers leurs doigts. Aucun sentiment n’accompagne ce désir, si puissant qu’il déborde de leurs yeux et remplit l’air du pays, si ce n’est la sujétion à une puissance supérieure et inéluctable. Même l’amour s’accompagne, plutôt que d’enthousiasme ou d’espoir, d’une sorte de résignation. Si l’occasion est fugitive il ne faut pas la laisser échapper, on se comprend vite et sans paroles. Ce qu’on raconte et ce que moi-même je croyais vrai de la sévérité féroce des moeurs, de la jalousie à la turque, du sens sauvage de l’honneur familial qui porte aux crimes et aux vengeances, n’est ici que légende. Peut-être était-ce une réalité à une époque pas très lointaine et il en reste une trace dans ce formalisme rigide. Mais l’émigration a tout changé. Les hommes font défaut et le pays appartient aux femmes. Un grand nombre d’épouses ont leur mari en Amérique. Celui-ci écrit la première année, et même la deuxième. Après quoi on n’en entend plus parler, peut-être s’est-il crée une autre famille là-bas, de toute façon il disparaît pour toujours et il ne revient plus. La femme l’attend la première année, l’attend la deuxième puis une occasion se présente et il naît un enfant. L’autorité des mères est souveraine. Gagliano a douze mille habitant et il y a en Amérique deux mille Gaglianésiens. Grassano en compte cinq mille et un nombre à peu près égal de ces hommes est aux Etats-Unis. Au pays il reste beaucoup plus de femmes que d’hommes. Le nom du père ne saurait donc ici avoir une grosse importance. Le sentiment de l’honneur est distinct de celui de la paternité : le régime est matriarcal. »
Vis-à-vis
taille originale : 24 x 32 cm

mercredi 3 février 2021

Les frissons oubliés du plaisir

« Les choses se passèrent au début comme d'habitude, c'est-à-dire plutôt bien : elles louaient un joli studio près de la place Monge, elles avaient fait brûler de l'encens et mis de la musique douce genre chant de baleines, je les pénétrai et les enculai tour à tour, sans fatigue et sans plaisir. Ce n'est qu'au bout d'une demi-heure, alors que je prenais Luisa en levrette, que quelque chose de nouveau se produisit : Rachida me fit la bise, puis, avec un petit sourire, se glissa derrière moi ; elle posa d'abord une main sur mes fesses, puis approcha son visage et commença à me lécher les couilles. Peu à peu je sentis renaître en moi, avec un émerveillement croissant, les frissons oubliés du plaisir. Peut-être le mail de Myriam, le fait qu'elle me quitte en quelque sorte officiellement, avait-il libéré quelque chose en moi, je ne sais pas. Éperdu de reconnaissance, je me retournai, arrachai le préservatif et m'offris à la bouche de Rachida. Deux minutes plus tard, je jouis entre ses lèvres ; elle lécha méticuleusement les dernières gouttes pendant que je lui caressais les cheveux. »
bénie entre toutes les femmes…
taille originale : 29,7 x 21 cm