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L’Eldorado (Berlin) Taille originale : 29,7 x 21 cm |
[En Allemagne, après la Première Guerre mondiale], « les films prétendant s’occuper d’éducation sexuelle [versèrent] dans la description copieuse de débauches sexuelles. [Dans cette production], deux films, significativement intitulés Aus eines Mannes Mädchenjahren (Les années de jeunes filles d’un homme) et Anders als die Andern (Différent des autres) jouaient sur des tendances homosexuelles ; ils exploitaient la résonance tapageuse de la campagne du Dr Magnus Hirschfeld contre le paragraphe 175 du code pénal qui définissait le châtiment de certaines pratiques sexuelles anormales. […]
Les films sexuels témoignent des besoins primitifs qui s’élèvent dans tous les pays belligérants après une guerre. La nature elle-même pousse ces gens qui, pendant une éternité, ont affronté la mort et la destruction, reconfirmant leurs instincts vitaux violés par des excès. C’était presque un processus automatique ; l’équilibre ne pouvait être rétabli sur-le-champ. Cependant, même si les Allemands ont survécu à la boucherie uniquement pour endurer ensuite les difficultés de la guerre civile, cette mode des films sexuels ne peut être entièrement expliquée en tant que symptôme d’un relâchement soudain de la pression, pas plus qu’elle n’implique une idée révolutionnaire. Quand bien même certains affectaient d’être scandalisés par l’intolérance du code pénal, ces films n’avaient rien de commun avec la révolte d’avant-guerre contre les conventions sexuelles passées de mode, pas plus d’ailleurs qu’ils ne reflétaient les sentiments érotiques révolutionnaires qui palpitaient dans la littérature contemporaine. C’était simplement des films vulgaires pour vendre du sexe au public. Que le public les demandât indiquait plutôt une répugnance à se laisser entraîner dans des activités révolutionnaires ; autrement, l’intérêt pour le sexe aurait été absorbé par le désir d’atteindre des buts politiques. La débauche est souvent une tentative inconsciente de noyer la conscience d’une profonde frustration intérieure. Ce mécanisme psychologique semble s’être imposé à de nombreux Allemands. C’étaient comme s’ils se sentaient paralysés devant la liberté qui leur était offerte et qu’ils se jetaient instinctivement dans les plaisirs sans problème de la chair. Une aura de sadisme entourait les films sexuels.
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Gemeinschaft der Eigenen |
Comme il fallait s’y attendre, au succès remporté par ces films se mélangeait une opposition rigide. À Dusseldorf, le public de Vœu de chasteté alla jusqu’à lacérer l’écran ; à Baden, le procureur public saisit les copies de Prostitution d’Oswald et recommanda que ce dernier soit traduit en justice. Partout la jeunesse se trouvait en tête. Dresde manifestait contre Fräulein Mutter (Fille-mère), tandis que les boy-scouts (Wandervögel) de Leipzig publiaient un tract désapprouvant toutes les fadaises de l’écran et leurs promoteurs, parmi lesquels les acteurs et les propriétaires des salles de cinéma.
Ces croisades étaient-elles le résultat de l’austérité révolutionnaire ? Le fait que les jeunes manifestants de Dresde distribuaient des tracts antisémites révèle que cette campagne locale était une manœuvre réactionnaire pour détourner les ressentiments de la petite bourgeoisie face à l’ancienne classe dirigeante. En rendant les Juifs responsables des films sexuels, ceux qui tiraient les ficelles à Dresde pouvaient être sûrs d’influencer les couches les plus basses de la classe moyenne comme ils l’entendaient. Ces orgies et ces extravagances furent condamnées avec une indignation morale qui était encore un poison plus violent puisqu’il marquait de l’envie envers ceux qui entraient dans la vie sans hésitation. Les socialistes eux aussi attaquèrent les films sexuels. À l’Assemblée nationale et dans la plupart des Diètes, ils déclarèrent que leur volonté de socialiser et de communaliser l’industrie cinématographique servirait à mieux venir à bout des fléaux de l’écran. Mais suggérer la socialisation pour des raisons de morale conventionnelle fut un argument qui discrédita la cause qu’ils soutenaient. La cause était un changement révolutionnaire ; l’argument procédait d’un esprit philistin. Cela donnait une idée du clivage entre les convictions de bon nombre de socialistes et leurs conceptions relevant des classes moyennes.
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Libération des normes ? |
Le fléau fit rage en 1919 et continua. En mai 1920, l’Assemblée nationale rejeta plusieurs motions demandant la socialisation et fit simultanément passer une loi supervisant toutes les affaires cinématographiques du Reich. La censure nationale recommençait. » (1947)
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Beauté urbaine |
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