jeudi 29 décembre 2016

De la sodomie et de la causalité en sciences sociales

dessin d'une femme se faisant enculer les cuisses ouvertes
Variation 1
taille originale : 21 x 29,7

Très chère,
C’est une erreur de dire, comme d’aucuns le prétendent ou le sous-entendent de façon souvent naïve, que les sciences sociales et même les sciences humaines en général expliquent les comportements : elles expliquent des différences de comportement et même plus précisément des variations dans les comportements, mais pas les comportements eux-mêmes. La démonstration la plus nette en est donnée par le fondateur même de la sociologie, Émile Durkheim, dans son étude exemplaire sur le Suicide. Ce à quoi il s’attache, c’est précisément les variations du taux de suicide en fonction des différentes sociétés, et il en conclut que ce taux augmente avec l’anomie, c’est-à-dire l’absence de lien social pour le dire simplement. Durkheim ne dit pas que le protestantisme ou le célibat sont la « cause » du suicide, il dit seulement que le catholicisme et le mariage (pour l’homme…) sont des facteurs de protection contre le suicide, et donc que son taux augmente avec l’anomie. C’est bien dire que la « cause » au sens courant du terme est ailleurs. Il est intéressant de remarquer que l’anomie est un des rares concepts propres à la sociologie alors que la plupart des « causes » mises en avant dans les explications sociologiques relèvent plutôt du sens commun, de cette sociologie « compréhensive » chère à Dilthey : on vole parce qu’on est pauvre, ce qui est une « explication » que tout le monde comprend facilement… Et de fait, les querelles entre sociologues prennent souvent la forme de querelles de sens commun : la pauvreté n’expliquerait pas tout, réplique-t-on alors…
Pour en revenir à Durkheim, même quand il affirme que le taux constant de suicides au cours du temps dans la même société doit être le résultat d’un penchant collectif de la société en cause et qu’il ne résulte donc pas de facteurs individuels éminemment variables comme le désespoir amoureux — ce qui est un argument très fort en faveur d’une « cause » sociale agissant de façon relativement continue —, il postule ce penchant mais il ne peut pas le décrire, le définir, le déterminer précisément. C’est d’ailleurs sur ce point qu’il sera questionné par Maurice Halbwachs dans son ouvrage subséquent, les Causes du suicide, où il envisage le rôle des « motifs et circonstances individuelles » comme une « cause » à part entière. Bien entendu, vous maîtrisez mieux que moi les outils statistiques, et les analyses de régression comme d’autres instruments permettent de mieux isoler aujourd’hui les variables déterminantes, mais, derrière l’appareillage technique (et vous savez d’ailleurs que les sociologues, dans leur majorité, maîtrisent assez mal ces instruments, comparativement à d’autres disciplines), c’est bien de variations qu’on parle en définitive.
Si donc un ministre de sinistre mémoire a pu affirmer de façon caricaturale que la sociologie « excuse » les terroristes — il aurait mieux valu qu’il dise que certains sociologues aiment trop facilement « accuser » la société de tous les maux de la terre, quitte à transformer la Société en une espèce de mana tout puissant et malfaisant, mais aussi indéterminé que ne le disait Lévi-Strauss lorsqu’il expliquait que le mana n’a guère plus de consistance que le concept de truc et ou de machin chez nous —, il est sans doute tout aussi naïf de prétendre « expliquer » le terrorisme, d’abord parce que le nombre de ces assassins est si réduit qu’il est bien difficile d’élaborer des statistiques sérieuses sur des séries aussi faibles (il faut, me semble-t-il, distinguer les quelques terroristes qui ont frappé ici et tous ceux, beaucoup plus nombreux, qui sont partis en Syrie ou ailleurs combattre au nom du djihad et dont les motivations relèvent peut-être de motivations assez banales comme le goût de l’aventure, alors que le passage à l’acte terroriste implique, je crois, une motivation supplémentaire qui devrait être étudiée en tant que telle), et surtout parce que, encore une fois, les sciences humaines expliquent des variations, pas les comportements. En l’espèce, les causes sociales habituellement mises en avant, la pauvreté, les discriminations, la relégation, n’ont vraisemblablement que peu d’influence sur les comportements : vous pouvez augmenter les minima sociaux de 10, 20 ou même 50%, vous ne diminuerez pas en conséquence le nombre d’individus décidés à mourir pour une cause qu’ils jugent sacrée !
Dès lors, prétendre qu’il faut expliquer pour agir, prétendre qu’il faut agir sur les « vraies causes » pour être réellement efficace, comporte une bonne dose de naïveté sinon d’arrogance, celle de croire que l’on connaît, comme sociologue ou spécialiste des sciences humaines, la « cause » cachée des comportements. Il suffit de lire les débats sur ces questions épineuses pour constater que les supposés experts ne sont pas d’accord entre eux sur ces explications en définitive hypothétiques. Bien entendu, il y a des travaux sérieux, plus sérieux que d’autres : même l’analyse qualitative, lorsqu’elle est basée sur un vrai travail d’observation et de recueil de données, apporte des éclairages importants sur ces phénomènes. Mais l’action n’est pas directement liée à l’explication : après tout, à Stalingrad, il s’agissait de combattre le nazisme, pas d’expliquer pourquoi les nazis menaient une guerre d’extermination ! L’exemple est caricatural, mais il permet de questionner les motivations des sociologues (et notamment des plus médiatiques d’entre eux) : pourquoi cherchent-ils à « expliquer » certains phénomènes plutôt que d’autres ? Peu de monde semble s’intéresser aux « raisons » des militants d’extrême-droite ou des groupuscules racistes : ne faudrait-il pas d’abord les « expliquer » avant de les combattre ? Aucun militant antiraciste ne penserait ça… Il est certain que les sociologues ne sont pas plus que vous, pas plus que moi, dépourvus de toute passion « politique ».
Je vais encore vous raconter brièvement une querelle anthropologique qui permet de mettre en lumière cette thèse sur l’explication des variations de comportements et non des comportements eux-mêmes. Vous connaissez certainement cet ouvrage qui fit la gloire de Margaret Mead sur les supposées Mœurs et sexualité en Océanie. Cette querelle constitue une intéressante construction à trois étages dont je ne soulèverai que la tabatière.
Mead décrit une espèce d’île paradisiaque où les jeunes hommes et les jeunes femmes ont des relations sexuelles libres, « décomplexées », sans tabou, n’accordant aucune importance à la virginité des filles et multipliant les partenaires d’une nuit. Dans l’hypothèse et la conviction culturalistes qui étaient les siennes, c’était faire là le portrait inversé de la société puritaine américaine où elle avait grandi et qui était déjà en proie aux supposées « crises de l’adolescence » (que d’aucuns estimaient alors universelles, liées à l’âge, ce que Mead entendait précisément réfuter).
Et puis, en 1983, un anthropologue australien Derek Freeman ayant revisité les lieux démolit complètement la thèse de Mead qui a, prétend-il, été abusée notamment par une de ses informatrices : celle-ci aurait laissé entendre, sur un mode faussement sérieux, à l’ethnologue inexpérimentée ce qu’elle avait envie de croire mais qui n’était que plaisanterie ou fantasme, à savoir une foule d’escapades nocturnes et de rencontres sexuelles sans lendemain. Des décennies après l’enquête de Margaret Mead, il a en effet retrouvé cette informatrice âgée alors de quatre-vingt-sept ans affirmant qu’elle-même et ses amies avaient répondu aux questions insistantes de la jeune ethnologue par des histoires complètement inventées. Freeman souligne à l’inverse de Mead que la culture de Samoa valorise précisément la virginité féminine pré-maritale. Mais il met également en évidence de nombreux cas de viols, d’agressions sexuelles, de véritables chasses nocturnes aux jeunes filles, très éloignés de la supposée liberté vantée par Margaret Mead.
Freeman tourne alors un cran supplémentaire, et, recourant à une éthologie élémentaire, affirme que les adolescents sont partout sujets à une montée de testostérone, ce qui explique à son sens cette agressivité masculine et ces violences à l’égard des jeunes filles. Autrement dit, Margaret Mead aurait ignoré « l’influence de la biologie sur les comportements ». Ce n’était pas le retour des crises d’adolescence mais bien de pulsions pubertaires dont tous les adolescents ici et ailleurs sont ou seraient l’objet…
Et puis un ethnologue, enseignant de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, Serge Tcherkézoff, va intervenir et construire, si je puis dire, le troisième étage de cette querelle théorique. C’est un homme de terrain ou du moins il a l’intuition du terrain : il essaie de comprendre ce qui s’est dit, ce qui s’est fait, non pas avec des idées préconçues mais en connaissant cette société, celle des îles Samoa, dans ses différentes facettes et composantes. Il comprend que Mead a été abusée par ses informatrices mais surtout par ses informateurs masculins dont elle ne parle pas dans son livre et qui littéralement multiplient les fanfaronnades, c’est-à-dire leurs supposés exploits sexuels nocturnes avec des jeunes filles prétendument insatiables sexuellement. Mais ces fanfaronnades s’expliquent par un système social complexe et en partie contradictoire. D’un côté, la sexualité des jeunes filles, qui doivent rester vierges, est surveillée par les femmes plus âgées, et dans la vie courante — celle du jour — hommes et femmes se comportent comme frères et sœurs sur le mode essentiel du respect. Mais la nuit, ou plus exactement dans l’univers mental qui est vu comme la « nuit », règne le sexe animal, il n’y a plus que des mâles et des femelles en rut, et les mâles y jouent le rôle dominant et actif. Cette sexualité animale est permise aux jeunes hommes alors même que la société valorise de manière générale le plaisir sexuel qu’il soit masculin ou féminin. On voit l’espèce de contradiction mentale que cela entraîne chez les jeunes filles qui, d’un côté, veulent éviter le déshonneur de la perte de la virginité mais qui, de l’autre, sont renvoyées à l’image d’une sexualité « libérée » et valorisée (surtout pour et par les hommes). La contradiction se résout alors par le discours fantasmatique qui se donnera libre cours face à une ethnologue trop peu expérimentée.
L’interprétation de Tcherkézoff est manifestement solide et appuyée sur des observations ethnographiques pertinentes, mais sa véritable cible est Freeman à qui il donne finalement une leçon d’épistémologie en anthropologie. Il rappelle d’abord que ce dernier insiste sur la dimension biologique de l’agressivité et de la sexualité masculines, soulignant que les comportements de viols nocturnes commencent vers seize ou dix-sept ans quand leur taux de testostérone grimpe en flèche. Mais, réplique Tcherkézoff, ce n’est pas là l’objet de l’anthropologie qui laisse à la biologie le soin de répondre à la question de savoir pourquoi le viol n’est pratiqué ni par les gamins de huit ans ni par les vieillards de soixante-dix-huit (sauf exception en ce qui concerne ces derniers). L’anthropologie cherche précisément à comprendre ce qui différencie la manière d’envisager la sexualité à Samoa de celle d’autres sociétés dont la nôtre (et sur ce point il donne raison à Mead même si ses réponses étaient erronées), comprendre par exemple pourquoi les Samoans distinguent ces viols nocturnes appelés moetotolo du fait général de « forcer une fille » (ce qui est condamnable). Ainsi encore, demande Tcherkézoff, « pourquoi le moetotolo entretient-il un rapport avec le rite du mariage (défloration manuelle dans les deux cas opérée exactement de la même façon) ? Pourquoi un rapport avec les assassinats de chefs à l’époque des guerres ? Pourquoi un rapport au monde des esprits ? ». Autant de significations attachées à ces faits, qui sont spécifiques donc à la société et même plus spécifiquement à la « mentalité » samoanes. Autrement dit, si l’on rencontre des violences sexuelles partout dans le monde, c’est peut-être une question pour la biologie des hormones, mais pas du tout pour l’ethnologie-anthropologie dont les représentants n’ont pas de raison d’aller observer dans une île du Pacifique un phénomène qui serait universel. Si les ethnologues se déplacent à Samoa, « c’est afin voir ce qu’il y a de “samoan” dans ce phénomène ». La question de principe pour eux c’est bien « l’autonomie méthodologique de cette petite part du comportement humain que les sciences sociales se sont données pour objet ».
La petite part du comportement humain… c’est étonnant comme formule parce qu’elle témoigne d’une modestie rare chez les représentants des sciences humaines, mais vous voyez que nous y retrouvons sous une forme à peine différente cette idée que ces savoirs n’expliquent pas les comportements mais seulement les variations observables entre comportements. La seule chose que j’ajouterai est qu’il n’est évidemment pas possible de déterminer quelle est « cette petite part du comportement », ni d’en fixer a priori ou a posteriori les limites épistémologiques (ce qui bien sûr permet toutes les fanfaronnades pseudo-scientifiques de certains), mais j’aurais peur néanmoins que la thèse de Tcherkézoff donne prise à une interprétation de la violence masculine en termes exclusifs de nature humaine et de poussée d’hormones… Je n’ai pas d’explication, mais vous savez combien je suis révulsé par cette violence : je ne peux m’empêcher de penser que de tels comportements sont loin d’être généraux et encore moins universels et qu’ils résultent donc d’une construction psychologique singulière même si je ne peux démêler quelle interaction complexe entre des dispositions génétiques et l’intériorisation d’un environnement et d’une histoire personnelle y conduisent.
Vous savez aussi que la domination érotique qui seule me fait bander n’est que la face voyante d’une soumission absolument consentie et beaucoup plus essentielle, la perception de la moindre réticence, du plus petit éloignement de mon esclave me faisant singulièrement débander. Mais tout cela résulte certainement d’une construction complexe sur laquelle je n’ai pas vraiment de prise.
dessin d'une femme se faisant enculer les cuisses ouvertes
Variation 2
Je termine là.
Ainsi, très chère, nous nous verrons demain. Je vous demanderai de bien vouloir vous mettre dans le cul le plug qui accompagne cet envoi afin que votre anus soit bien distendu à votre arrivée et que je puisse vous sodomiser sans plus de circonvolutions. Vous procéderez également aux quelques accommodements nécessaires pour que je puisse jouir à ma guise et alternativement de votre bouche comme de votre cul que vous vous plairez à mettre pareillement et sans manières à ma disposition. Je vous suggérerai, même s’il s’agit bien là d’un ordre impérieux, de vous mettre immédiatement à quatre pattes devant moi, la robe relevée sur vos hanches, la culotte baissée sur les genoux et votre superbe fessier bien levé vers le ciel et offert à mon regard concupiscent. Je vérifierai immédiatement d’un doigt habile que vous êtes mouillée, mais je tarderai le moins possible à vous enculer comme vous le méritez, dès que j’aurai ôté le plug en votre anus enfoncé. Je plongerai en vous jusqu’aux couilles, jusqu’à sentir vos fesses s’écraser sous mes hanches. Vous les écarterez des deux mains et vous me supplierez de continuer sur ma lancée, d’entrer et de ressortir à de multiples reprises dans votre cul de déesse débauchée. Vous prendrez alors le gode, également joint à cet envoi, que malgré ses belles dimensions, vous enfoncerez avidement dans votre chatte luisante pendant que je vous enculerai sans faiblir. Vous déchirerez bientôt le string qui vous entrave. Je vous saisirai par les cheveux. Je vous sentirai entièrement sous moi.
Nous changerons de position, mais il vaut mieux que le scénario ne soit pas trop écrit et que l’imagination ait la plus grande part dans la manière dont je vous baiserai et vous enculerai à de multiples reprises, sans oublier votre bouche qui sera également mise à contribution pour avaler ma bite, pour lécher baveusement mes couilles, pour embrasser profondément mon cul. L’issue de toute façon ne fait pas de doute, et vous vous mettrez à genoux devant moi pour que je puisse me répandre aussi généreusement que possible sur votre visage et votre bouche offerte.
C’est sur ces propos insuffisamment orduriers, insuffisamment obscènes, que je termine et vous prie de croire, très chère, en mes sentiments les meilleurs
dessin d'une femme se faisant enculer les cuisses ouvertes
Variation 3

jeudi 22 décembre 2016

l'absence de vocable

Taille originale : 21 x 29,7 cm

 

Argent sale…

Même à demi mot, je ne sais comment t’appeler

Ni te décrire

Les formules font défaut

Les locutions me manquent

Tu es un peu trop

Comme c’est ce qui me plait

Je n’insiste pas

Je pallie l’absence de vocable

Par la chaleur

 

Taille originale : 21 x 29,7 cm

 
Circuit court…

dimanche 18 décembre 2016

Choses vues [12]

dessin pornographique pénétration vaginale et clitoris
taille originale : 34 x 24 cm

La petite noire se fait baiser la première, à genoux au bord du lit, couchée à plat ventre, les fesses exposées. Le jeune homme n’hésite pas, et il se glisse rapidement en elle, allant et venant à sa guise dans sa chatte, tandis que devant elle, sa copine, légèrement plus âgée, plus mûre, ouvre les cuisses, découvrant son sexe rasé, s’abandonnant le bras relevé derrière la tête. La petite noire essaie de lécher la chatte qui s’offre à elle, mais les mouvements profonds de son compagnon l’empêchent d’être réellement efficace.
Pourtant, ils veulent plus d’elle ; alors, son compagnon se glisse en dessous d’elle et lui donne sa bite à sucer pendant que lui-même lui lèche le clitoris. L’autre femme vient également se poster derrière elle et, la surplombant, lui écarte les fesses des deux mains et entreprend de lui lécher l’anus, bavant abondamment dans le trou qu’elle entreprend d’entrouvrir.
Bientôt, la petite noire se relève et peut venir s’asseoir sur son compagnon, sa compagne dirigeant la bite de celui-ci vers le petit trou où elle s’enfonce largement. Elle se caresse alors tout en se faisant sodomiser pendant que sa compagne regarde de près le va-et-vient de l’engin dans l’anus de sa copine.
Bientôt, c’est à elle qu’il revient de s’asseoir sur le jeune homme et d’accueillir sa bite dans le trou de son cul. Elle n’hésite pas à demander en outre à sa jeune compagne de lui lécher la chatte. Celle-ci s’exécute, et sa langue se mêle à ses doigts et à ceux de sa compagne qui semble vouloir profiter longuement de la position et de l’action conjuguée de ses deux acolytes.
Quand elle a joui, le jeune gars réclame encore un geste supplémentaire : il les fait s’installer tête-bêche, enculant celle qu’il vient pourtant de longuement pénétrer et qu’il a placée au-dessus de l’autre. Ainsi, quand il s’apprête à jouir, il retire rapidement sa bite de l’anus, et, l’abaissant vers la bouche de la jeune fille en dessous de lui, jouit directement entre les lèvres ouvertes qui recueillent plusieurs jets de sperme avant même d’embrasser la bite qui vient d’enculer sa copine.

dimanche 11 décembre 2016

Nature/culture ?

dessin pornographique érotique lesbienne lèche une chatte
taille originale : 24 x 34
« ...
— Je n’aime pas cette idée d’une nature qui nous contraindrait, qui nous obligerait à être ceci ou cela…
— Oui, mais les choses ne sont pas aussi tranchées, aussi nettes, répondit Julie de sa voix grave.
— Je suis un peu sartrien sur cette histoire-là : l’être humain n’a pas d’essence, il existe d’abord, il est fondamentalement libre…
— C’est quand même un peu daté, dit-elle avec un léger sourire.
— Oui, mais affirmer que les choses sont naturelles, qu’on ne peut pas les changer, et tout ça, on entend revenir ça régulièrement…
— Bien sûr, mais précisément, ceux qui parlent de cette façon-là ont une vision simpliste des choses, caricaturale même. L’opposition nature/culture est pensée en termes simplistes, ou plus exactement elle n’est pas pensée en tant que telle — ou elle n’est plus pensée en tant que telle —, et n’étant plus pensée, elle sert seulement à penser de manière simpliste…
— Tu es trop intelligente pour moi. Je ne comprends pas. Pourquoi c’est simpliste ? C’est les nazis qui étaient simplistes en croyant qu’il y avait une hiérarchie naturelle des races… Les races, ça n’existe pas, c’est une construction culturelle !
— Ne t’énerve pas. Je sais très bien que la Nature sert à justifier n’importe quoi. Comme femme, je le sais trop bien, qu’il s’agisse de me renvoyer aux tâches domestiques ou qu’on me parle d’instinct maternel sous prétexte que je ne veux pas d’enfant…
— Oui, enfin, c’est quand même l’instinct qui nous pousse à baiser comme des bêtes…
— Ha ha, tu vois ! quand ça t’arrange, tu n’hésites pas resservir l’argument de la Nature, force irrépressible qui nous pousse à ceci ou à cela.
— Mais non, c’était de l’humour !
— Et c’est la nature qui te pousse à te faire fouetter par des courtisanes, comme tu dis ? et à te faire attacher la bite et les couilles avec une corde qu’elles tirent ensuite d’un coup sec pour te faire jouir ?
— Mais ce n’est arrivé qu’une seule fois ! Je t’avais raconté ça comme un secret entre nous, pas pour que tu me le ressortes comme un contre-argument !
— Je te taquine, tu le sais bien, ajouta-t-elle en souriant.
— Mais enfin, reprit-il sérieux, comment peut-on se passer de cette distinction ? Et pourquoi ? Est-ce que ce n’est pas encore une fois vouloir resservir une supposée nature humaine là où il n’y a que des différences culturelles ? Et sociales surtout.
— Je vais d’abord te répondre du point de vue politique. Puis épistémologique.
— J’adore ta manière de raisonner, point par point, paragraphe par paragraphe, scolie par scolie. Ça ne m’étonne pas que tu aimes tant citer Spinoza !
— Pas si souvent que ça… Spinoza avait l’avantage d’être extrêmement cohérent, logique, alors que la plupart des essayistes et polémistes changent leur fusil d’épaule quand ça les arrange !
— Fusil ? quel langage guerrier ! C’est rare que tu emploies ce genre d’expressions !
— Comme quoi, ce n’est pas une question de genre ! Mais ce n’est pas le propos. Il faut d’abord te demander pourquoi tu tiens tant à cette distinction.
— Euh… je sais pas moi. Elle est évidente. Et vraie. Il n’y a pas de nature, seulement des différences culturelles.
— Il faut faire la sociologie de la sociologie, surtout quand elle devient de la sociologie spontanée. C’est une opposition politique : la droite voudrait fonder en nature des différences et des inégalités sociales, alors que, quand on est de gauche comme toi et moi — tu es toujours de gauche, hein, Denis ? tu n’es pas devenu un vieux réac ! —, quand on est de gauche, on affirme que ce sont des constructions culturelles, c’est-à-dire qu’elles sont arbitraires, variables selon les sociétés et donc qu’on peut les transformer. Puis on généralise et on affirme que tout ce qui est humain est culturel. Ou au moins a une part, a une dimension culturelle, comme le montrent bien les ethnologues avec les manières de manger — qui répond à un besoin universel pourtant —, la sexualité ou même la façon de dormir (chez certains peuplades, on dort assis paraît-il). Du culturel on passe au social et enfin au politique : tout est politique selon le slogan des années 60… 1960, je veux dire.
— C’est toujours d’actualité ! non ? Le sexe, la procréation, le mariage, le genre, on voit bien que tout ça est politique.
— Oui, oui. Mais pour quelqu’un marqué par la sociologie comme moi — même si je ne suis pas réellement une sociologue —, il y a une part d’illusion dans l’affirmation que, si c’est culturel, tout peut se transformer, et surtout on peut tout transformer facilement. Ce serait juste une question de volonté. Comme dans le Discours de la servitude volontaire de La Boétie : il suffirait de se déprendre de l’illusion sociale, il suffirait de ne plus croire en la puissance du maître, de nos maîtres, pour nous défaire de leur emprise. Ce que montre la sociologie, ce n’est pas un déterminisme général ou mécanique, mais plutôt des contraintes ou plus exactement des déterminations fortes qui pèsent sur les individus. L’exemple le plus évident est celui de la langue : on sait bien que les langues sont des constructions arbitraires, et n’importe quel être humain est capable en principe de parler n’importe quelle langue ; mais je ne peux pas décider du jour au lendemain de ne plus parler le français et de pratiquer le chinois… Et je ne peux pas modifier seule les règles du français même si la langue me permet également de m’exprimer de milliers sinon de millions de façons différentes.
— Oui mais personne ne veut changer la langue, ni changer de langue…
— Les poètes si… et l’on sait bien aussi que les parlers populaires sont stigmatisés. Il y a aussi différentes formes de domination linguistique que l’on pourrait vouloir changer. Et tout le monde pourrait parler comme les jeunes de banlieue ! Mais qui est-ce qui a envie de changer sa manière de parler ?
— Bon ! Donne-moi d’autres exemples pour que je comprenne bien…
— Je ne sais pas moi… Toutes les structures hiérarchiques… On pourrait répartir le pouvoir autrement. Moi, je le vois bien où je travaille. Mais cela suppose aussi un partage de responsabilité, une prise d’initiative, une réflexion aussi, et tout ça exige du travail, du temps de travail, ça implique de l’énergie, une dépense d’énergie parfois considérable. Cela explique que beaucoup préfèrent rester, comme on dit, là où ils sont. Ce n’est pas un jugement moral : on peut avoir mille bonnes raisons — la vie de famille, ses loisirs, son jardin secret… — pour préférer ne pas se lancer dans la concurrence pour le pouvoir. Mais ça explique aussi la permanence de ce type de structures hiérarchiques même là où il n’y a pas d’intérêt économique au sens étroit du terme, comme dans les administrations. Ce type de structure convient aussi à ceux qui sont au bas de l’échelle, au moins pour une part.
— Là, c’est toi que je vais soupçonner de virer à droite ! Les patrons des grandes administrations, ils touchent des salaires faramineux…
— Oui, mais il y a plein de niveaux intermédiaires où les choses sont nettement moins évidentes. Aujourd’hui, les candidats et les candidates ne se bousculent pas pour les postes de direction dans les écoles par exemple. Parce que les responsabilités, les tracas et les problèmes rencontrés ne sont pas compensés par une différence salariale suffisante. C’est plus facile d’obéir, même en râlant, que d’exercer le pouvoir. C’est fatiguant d’exercer le pouvoir ! Et puis je n’ai pas dit que toutes les hiérarchies se valaient d’un point de vue politique ou éthique. Il y a des formes de contrôle du pouvoir, des contre-pouvoirs, qui pour moi sont nécessaires et légitimes. Mais je me situe à un niveau explicatif : pourquoi toutes les organisations sociales — entreprises mais aussi partis politiques de gauche comme de droite, syndicats, coopératives, administrations… —, dès qu’elles deviennent complexes, adoptent ce type de structuration hiérarchique. Tout le monde râle en apparence mais personne ne juge nécessaire de faire l’effort d’imagination pour en changer. La grande majorité préfère laisser les choses en l’état, s’en accommoder et râler dès que possible…
— On ne peut rien changer alors ? Tout doit rester en place ?
— Si, les choses peuvent changer, les choses changent en réalité, mais elles ne changent pas nécessairement comme on le voudrait, comme on le pensait, elles changent souvent de manière inattendue, imprévisible parce qu’on ne connaît pas ou peu toutes ces déterminations complexes et contradictoires qui pèsent sur les individus. Et en plus, on est surtout sensible aux changements spectaculaires — les élections, le pouvoir politique, ce genre de choses… —, moins aux changements profonds…
— D’accord, la société est complexe, les forces sociales sont pesantes, mais ça n’invalide pas la distinction entre nature et culture…
— Ce que je veux dire, c’est que, lorsqu’on est de gauche, on a besoin de cette distinction pour affirmer que les choses, ou en tout cas certaines choses, peuvent changer, qu’elles ne sont pas effectivement immuables. Mais, même à gauche, on est souvent incohérent, et on recourt aussi à la nature quand ça nous arrange : par exemple, les gays américains ont affirmé, face à la droite conservatrice qui prétendrait les « réorienter » par la prière et ce genre de conneries, que l’orientation sexuelle était inscrite génétiquement, donc naturelle. Moi, je suis lesbienne, mais je vois bien que le recours à la génétique, à la nature, est dans ce cas spécieux.
— Waw, spécieux ! J’adore ta manière de parler !
— Ne te moque pas de moi. J’aime le langage littéraire, même si ou précisément parce que c’est une construction culturelle extrêmement élaborée. Oui, il y a des constructions culturelles hautement élaborées, l’art, la littérature, les philosophie, la musique, auxquelles je n’ai pas de raison de renoncer, auxquelles je n’ai pas envie de renoncer parce qu’elles sont inscrites au plus profond de moi. C’est comme l’orientation sexuelle : culturelle ou naturelle, je m’en moque, mais à un moment, c’est tellement inscrit profondément en moi, de façon tellement intime et personnelle, que je ne peux plus en changer sans renoncer à être moi, à être moi-même. La langue, oui, je sens à certains moments qu’il faut employer le subjonctif imparfait, même si plus personne ne l’emploie… je parle de la langue écrite, hein, pas dans le parler oral.
— Tu parlais donc d’incohérence…
— Oui, on peut prendre une notion que la gauche utilise de manière spontanée, irréfléchie, ce que Bourdieu appelle une prénotion : c’est le concept même d’égalité. Pour la gauche et pour les démocrates en général, l’égalité serait une espèce de réalité naturelle. Les hommes seraient naturellement égaux, tu vois, dans leur petite tribu primitive, entre copains singes. Et il le faut parce qu’autrement, si l’égalité n’est pas naturelle, c’est une construction culturelle, et il n’y a pas de raison d’être pour l’égalité plus que pour l’inégalité. L’égalité naturelle, c’est inattaquable ! C’est Jean-Jacques qui, le premier, a affirmé dans son fameux Discours que, dans l’état de nature, tous les hommes sont égaux. Et bien sûr, il visait les hiérarchies d’Ancien Régime, l’aristocratie, la hiérarchie nobiliaire, les Grands qui méprisaient le Tiers État, etc. Mais lui-même, à la première occasion, il change d’avis ! Les hommes sont égaux, oui, mais les femmes un peu moins, et même beaucoup moins ! Je ne lui pardonnerai jamais l’Émile !
— Oui, mais précisément, il recourt à la nature pour justifier une inégalité…
— Non, il s’en sert comme d’un argument à géométrie variable : une fois pour justifier l’égalité entre les hommes (même s’il sous-entend les porteurs de pénis !), et une autre fois pour rabaisser les femmes ! La nature ne légitime rien ! ni l’égalité ni l’inégalité ! Pour moi, l’égalité, la revendication d’égalité — et pour moi, c’est ce qui distingue fondamentalement la gauche de la droite politique —, c’est une question éthique, une question de droit. Pas seulement au niveau strictement juridique, mais au niveau des valeurs les plus fondamentales de la société où on vit, où on veut vivre. Cela dit, c’est avant tout une construction culturelle, puisque l’égalité n’est pas plus naturelle que l’inégalité ; c’est d’ailleurs dans nos sociétés démocratiques que l’obsession de l’égalité est aussi grande : dans beaucoup de sociétés notamment celles étudiées par les ethnologues, la question de l’égalité ou de l’inégalité ne se pose pas ou n’est pas posée de façon aiguë alors même qu’elles sont fortement hiérarchisées selon l’âge ou selon le genre. Il n’y a pas de revendication d’égalité comme cela s’est manifesté en France au XVIIIe siècle, personne ne défend l’idée d’une égalité universelle de tous les hommes, une telle affirmation n’a pas de sens ou pas de pertinence. Sans doute parce que membres de ces sociétés ont d’autres préoccupations ou d’autres urgences, notamment négocier avec la nature environnante pour qu’elle continue à les nourrir. Mais savoir qu’on est le produit de l’histoire, d’une histoire, d’une société, d’une culture, ne signifie pas, n’implique pas qu’on doive y renoncer parce qu’on pourrait être le produit d’une autre histoire ou d’une autre culture…
— Je ne comprends pas bien ta position : qu’en est-il alors de la distinction nature/culture ? Tout est culturel alors ? Comment…
— J’y arrive, j’en viens donc à mon second volet, le point de vue épistémologique. Sans remonter trop loin, il faut se souvenir que cette opposition a d’abord été pensée en Occident sur le modèle du contraste entre villes et campagnes, par exemple chez Jean-Jacques. Le contraire de la nature pour lui, c’était le monde de la Cour, le monde des salons de l’aristocratie, le monde de la ville corrompue et corruptrice qui vivait d’ailleurs très largement sur les surplus dégagés par les campagnes même s’il n’était pas dans une analyse de type marxiste. Pour lui, les petites communautés paysannes étaient plus proches de l’état de nature que les citadins et les Parisiens en particulier. Et la nature était encore directement accessible pour le promeneur solitaire qui s’éloignait un peu des chemins battus. Chez beaucoup de nos contemporains, l’opposition nature/culture est encore pensée sur ce modèle-là et ils quittent la ville corrompue ou polluée pour s’installer à la campagne censée être plus naturelle… Pour les penseurs sociaux par contre, l’opposition s’est déplacée et se calque désormais sur la distinction entre l’homme et l’animal, entre l’humain et tout le reste de la nature limitée cependant implicitement au biologique. Un singe, c’est naturel, un homme, c’est culturel. Il faut toujours rappeler que nos distinctions les plus abstraites s’appuient sur ces exemples concrets, même si ces exemples sont rarement explicités.
— Au fait ! au fait ! au fait !
— Mais tu ne peux pas raisonner comme ça ! N’importe qui peut affirmer n’importe quoi, mais une thèse ça se démontre ou du moins ça s’inscrit dans un contexte, un contexte de pensée, et ça nécessite, oui, des circonvolutions ou, plus noblement, des développements. S’il y a bien une chose qu’a montrée l’épistémologie moderne, c’est qu’un énoncé, que la validité d’un énoncé dépend toujours d’un contexte…
— Mais dès que je dis quelque chose, tu repars dans de nouveaux développements ! C’est à devenir fou !
— Bon. Pour faire court, la distinction nature-culture a notamment été repensée sous l’influence de la sociologie et de l’ethnologie naissante. C’est une décision épistémologique de Durkheim et de tous les sociologues qui l’ont suivi, d’affirmer que les phénomènes sociaux doivent s’expliquer par d’autres faits sociaux et non par des faits de nature. C’est une décision extrêmement fructueuse parce qu’elle a permis effectivement de mettre en évidence le poids des déterminismes sociaux sur les comportements humains, que ce soit à travers l’éducation ou l’apprentissage, par la situation proprement sociale où se trouvent les individus (ce qu’on réduit de façon abusive au SES, le statut économique et social) ou encore par la recherche d’intérêt de toute nature (économique mais aussi symbolique, religieux ou que sais-je encore). Mais cette décision épistémologique reste une décision : elle s’appuyait sur une série d’arguments et de faits d’évidence, par exemple la diversité des sociétés, ou le poids de traditions, ou même les structures sociales extrêmement élaborées des sociétés qu’on qualifiait de primitives et censées être plus proches de l’état de nature… Mais ça reste une décision, une décision de couper dans la réalité entre le monde proprement humain et le monde naturel. Un sociologue, qui réfléchissait là-dessus récemment a dit quelque chose comme : le tournant durkheimien repose sur une « dénaturalisation » de l’homme… Autrement dit, l’homme ne serait pas un être naturel comme le singe ou la mouche. Et dans le même mouvement, le règne du culturel, opposé au naturel, n’a cessé de s’étendre : la nourriture devient quelques chose de culturel avec les manières de table, la folie n’est plus un désordre mental mais… comment dire ? une construction du savoir des aliénistes sinon des philosophes de la raison comme Descartes, le genre devient un construction de l’ordre hétérosexuel et se surajoute sinon se substitue au sexe naturel… Et il s’agit là incontestablement d’avancées théoriques mais également politiques. Hein ? c’est ce dont je parlais tout à l’heure.
— Oui, oui, je me souviens…
— C’est juste que tu as l’air hagard ou dubitatif… tu me fais rire tellement tu as l’air perplexe.
— Mais je ne vois pas où tu veux en venir…
— J’y arrive, j’y arrive. Un peu de patience. Il faut d’abord relever que l’opposition en elle-même a quelque chose d’absurde. Il n’y a pas d’un côté la nature et de l’autre la culture comme si c’était deux choses distinctes, opposées même, contradictoires. Personne ne dirait que la chimie organique par exemple est opposée au reste de la chimie : elle en fait partie, même si elle a ses spécificités. On doit donc dire que la culture humaine, que l’humanité fait pleinement partie de la nature. Il faut dire que la diversité des cultures est pleinement naturelle. L’homosexualité est aussi naturelle que l’hétérosexualité, et il n’est pas nécessaire d’aller chercher des exemples de comportements homosexuels chez d’autres espèces animales. Et se faire fouetter les testicules est un comportement aussi naturel que la position du missionnaire entre hétérosexuels !
— Encore ! Prends d’autres exemples !
— Ce qu’on appelle la liberté de choix fait partie de la nature même s’il reste à définir ce qu’on désigne exactement par ça. Et on ne peut plus opposer la Nature comme étant le règne des déterminismes durs à la Culture qui serait l’effet de l’arbitraire humain : les éthologues qui observent notamment les primates montrent précisément qu’il y a seulement des différences de degrés, même s’il y a beaucoup, beaucoup de degrés, entre les sociétés humaines et les sociétés animales, qui ont elles aussi leurs savoirs, leurs traditions et leurs coutumes différentes des autres groupes. La diversité sociale et culturelle apparaît déjà dans le règne animal. Cette continuité-là — espèces animales / espèce humaine — reste à étudier, à moins de supposer que l’humanité a surgi de manière immaculée avec toutes ses cultures multiples, ses outils de toute sorte et la diversité de ses langues… Mais de ces études-là, encore une fois, on ne peut tirer aucune conclusion politique, du genre les femmes au foyer et les hommes à la niche !
— Pour quoi à la niche ?
— Il paraît que certains d’entre eux aiment ça…
— Arrête ! Ou alors passe aux actes !
— Comment ça ?
— Traite-moi comme un chien ! comme une chienne ! baise-moi et défonce-moi le cul ! mets-moi une laisse et oblige-moi à sucer ton gode et à te lécher le cul !
— Tu es bien excité tout d’un coup ! C’est vrai que tu bandes depuis un bon moment, depuis que tu es couché à côté de moi en fait… Tu es en train de te toucher là ?
— Oui, tu sais bien que tu m’excites…
— Oui, oui… Ecoute, je termine et puis je te baiserai… Je te baiserai bien. Tu veux avec le gode-ceinture ?
— Oui, ou de n’importe quelle autre manière si tu en as envie…
Elle se releva, sortit du lit et prit un gode-ceinture qu’elle s’attacha soigneusement autour des cuisses, puis se recoucha aux côtés de Denis.
— Il faut voir, continua-t-elle, qu’aujourd’hui, les termes de l’opposition ont été redéfinis. La Nature scientifiquement, désormais, c’est la génétique, le patrimoine génétique. Et la culture, c’est tout ce qui vient de l’extérieur en fait, c’est tout l’environnement qui est absorbé par différentes voies par le corps humain. C’est pour cela que la nourriture est effectivement culturelle. C’est peut-être pour ça qu’on y accorde tant d’importance, qu’il y a tant de sortes de régimes : comme on croit que le patrimoine génétique ne peut pas être modifié, on agit sur ce qu’on pense pouvoir maîtriser, en particulier la nourriture. Parce qu’évidemment la consommation d’œuvres d’art a sans doute peu d’influence sur la santé. Du moins la santé physique. Après tout l’art c’est sans doute bon pour la santé mentale… plus que la religion, je crois…
— Il y a d’autres choses qui sont bonnes pour la santé mentale, répondit doucement Denis qui caressait le gode noir qui se dressait près de lui. Il eut envie de le sucer, mais elle le retint.
— J’ai pas fini ! Ecoute-moi, sinon je te laisserai en plan, la bite entre les jambes ! Écoute, je vais te donner un autre exemple pour que tu comprennes la différence entre une position dogmatique sur la question et une attitude scientifique comme celle des éthologues. Les éthologues sont darwiniens. Un éthologue qui n’est pas fondamentalement darwinien est un menteur. Bien. Pour Darwin, la nature n’est pas figée. Elle évolue. Et cette évolution est commandée par le caractère adaptatif des espèces au milieu. Ça veut dire très exactement que certaines espèces, qui sont voisines, deux espèces d’oiseaux tout à fait similaires sinon par quelques traits secondaires, sont… eh bien, l’une sera mieux adaptée que l’autre au milieu environnant : parce que certains oiseaux ont le bec courbe et pas pointu, parce qu’ils ont des pattes de cinq millimètres plus longues que les autres, ou des plumes plus fournies ou des griffes plus crochues…
— Ou une plus grosse bite ! Ah, ce que j’aurais aimé avoir une bite comme un acteur porno… Tu vois, je dis pas : vingt-cinq centimètres… mais vingt… ou vingt-deux… Un truc bien dur… toujours en action…
— T’es vraiment con quand tu veux ! Tu m’écoutes, là ! L’adaptation au milieu, c’est pas une question de tout ou rien, certaines espèces sont mieux adaptées au milieu tel qu’il existe actuellement, c’est une question juste de degré, tu vois, c’est pas une question de nature ou d’essence des choses, juste une question de degré. Les espèces animales n’ont pas de « nature », ni d’essence comme le croyait Sartre, elles sont pas ceci ou cela à cause de leur « nature » ni même de leur patrimoine génétique, tu comprends ?
— Non, enfin, si, c’est juste que je bande et que je n’écoute plus très bien…
— Adapte-toi, connard ! Si tu veux vraiment que je t’encule, faudra que tu m’écoutes jusqu’au bout !
— J’adore quand tu fais semblant de te mettre en colère. Je suis sûr que tu vas m’enculer avec plein de sauvagerie.
— Ça te ferait trop plaisir ! J’ai envie que tu souffres encore un peu…
— Allez, continue, je souffre trop…
— Je vais prendre un autre exemple que tu comprendras immédiatement. Bon, si tu veux attraper une souris, tu prendras quoi pour l’appâter ? Hein ? du fromage oui. C’est pas une légende. Les souris aiment le fromage… si tu en mets dans un piège, c’est sûr que tu as plus de chances de les attraper… Bon, c’est objectif, c’est mesurable, mais, pour un défenseur de la Nature des choses et des espèces en particulier, c’est incompréhensible parce que les souris en principe, elles sont granivores… Comment se fait-il qu’elles préfèrent le fromage qui n’existe pas dans la « Nature » ? Pour un darwinien, c’est évident : les espèces ne sont pas fixées, et chaque espèce a une faculté d’adaptation plus ou moins grande… C’est ce qui explique que des espèces herbivores ou fructivores soient devenues carnivores : si l’on pense que la Nature fixe la nature des choses, il est incompréhensible que certaines espèces soient devenues carnivores… C’est pour cela que les crudivores qui prétendent que les humains ne sont pas « faits » pour manger des aliments cuits ont une vision fausse, délirante même, de ce qu’est la nature. Nous avons une capacité d’adaptation qui nous permet de manger des aliments cuits comme certains herbivores sont devenus carnivores… Une telle idéologie est le contraire même du darwinisme qui est une théorie scientifique, pas une idéologie…
— Ou la ! tu t’emballes, là ! Tu as l’air très maîtresse sévère là, j’adore ça.
— Ben oui, parce que ce genre d’attitudes témoigne d’une incompréhension totale de ce qu’est la science, de ce qu’est le darwinisme et de ce qu’il nous apprend ou devrait nous avoir appris. La nature n’est pas fixiste, elle ne nous dit pas que nous devons nous comporter comme les singes nos ancêtres parce qu’autrement, tout ira mal et nous tomberons malades… On cuit nos aliments depuis des dizaines de milliers d’années et ça n’a eu aucune influence sur notre longévité… En plus, derrière tout ça, derrière toute cette idéologie soi-disant naturelle, tu as des gourous qui te facturent le week-end de naturopathie à mille euros et la boîte de gélules aux extraits de plantes à cinquante…
— Je vois, je vois, mais tu reviens sur le plan politique, non ?
— Oui, je parlais de l’adaptation… Le modèle darwinien est juste mais il induit facilement un biais : c’est de ne considérer qu’un seul trait, qu’une seule caractéristique de l’animal pour déterminer quel avantage cette caractéristique apporte à l’animal… On découpe alors facilement l’animal en tranches sans considérer l’interaction entre différentes caractéristiques. L’exemple le plus clair de ce biais, c’est celui de l’agressivité de l’espèce humaine : c’est un trait observable qui explique certainement que cette espèce ait eu un tel succès dans l’écosphère, mais cette tendance n’agit pas seule, et, dans un bouquin connu, un éthologue dont j’ai oublié le nom a pu montrer que la coopération, l’empathie, joue un rôle tout aussi important dans les sociétés humaines (mais aussi animales) et bien sûr favoriser leur réussite. Et ce trait a certainement lui aussi une base génétique…
— Oui, tout à l’heure tu parlais de génétique, mais tu as dévié…
— Attends… Juste pour dire que vouloir expliquer chaque comportement humain, la monogamie ou la curiosité intellectuelle, comme un trait adaptatif est tout à fait abusif. Sinon, oui, la génétique, la génétique change notre définition de la nature, parce que d’abord on partage un patrimoine génétique avec tous les êtres vivants, même les plantes… On connaît aujourd’hui la base de l’inné… On sait que les gènes constituent quelque chose d’inné qui est construit ou se construit au moment de la conception. Ce n’est pas modifiable, actuellement en tout cas. On ne peut pas modifier le code génétique qui se trouve dans chacune de nos cellules.
— Donc on sait ce qui est acquis ?
— Pas du tout. D’abord parce qu’il y a une grande variabilité génétique entre les individus : il y a les roux, les petits, les bruns de peaux, les cheveux lisses, les femmes, les hommes… Et toutes ces variations interagissent avec l’environnement, ce qu’on considère comme acquis…
— Bref, on n’en sait pas beaucoup plus…
— Au fond non… parce que les gènes déterminent des potentialités, des capacités, mais qui ont besoin d’être exercées pour se développer. Et l’exercice modifie les capacités de façon singulière et irréversible. Pour reprendre l’exemple des langues, les bébés ont la capacité de distinguer tous les phonèmes, comment dire ? les différents sons d’une langue, tu sais le the anglais ou le ich allemand ou la jota espagnole, mais une fois qu’ils ont acquis les phonèmes de leur langue maternelle, ils perdent cette capacité à distinguer mais aussi à articuler les phonèmes d’une autre langue. Un Italien ne parviendra jamais à bien nasaliser le in ou les on du français, et un Français ne prononcera jamais correctement le the anglais.
— On parvient tout de même à parler des langues étrangères…
— Oui, mais c’est pour cela qu’on conseille de les apprendre jeunes, pas tellement pour le vocabulaire mais pour la phonologie, pour les structures grammaticales profondes. Pour un Allemand, c’est naturel de rejeter le participe passé en fin de phrase, pas pour un Français.
— Donc, tout ça est mélangé…
— On sait en tout cas que les singes ne parlent pas… Ils communiquent entre eux mais pas comme nous.
— Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire…
— Et toi, à part te branler en te frottant contre moi, hein ?
— Allez, continue, je t’écoute.
— On a fait des observations avec des vrais jumeaux qui ont le même patrimoine génétique mais qui ont été séparés à la naissance… C’est intéressant mais c’est difficile d’en tirer de véritables conclusions… ça vire facilement au sensationnalisme… des ressemblances troublantes mais qui peuvent être dues au hasard. Et quand on te dit que la religion, la croyance religieuse est déterminée à 50 ou à 60% par la génétique, tu te dis que ces gens-là ne connaissent pas grand-chose à la sociologie des religions… ils croient que la religion est un pur choix subjectif, du style fromage ou dessert à la fin du repas. La religion aux États-Unis, ce n’est tout de même pas la même chose qu’en France ou même en Italie… sans compter que pour certaines personnes, l’art peut être comme une religion. Ou la diététique. Ou le sport. Je ne sais pas. Ou le sexe. Toi, tu crois au sexe non ?
— Dans ce cas, je suis surtout un croyant pratiquant !
— Mais le plus intéressant, ce sont les études qui essaient de mettre en relation les fonctions dites évoluées de l’humanité, par exemple la capacité à construire du sens ou à percevoir les choses sur le mode esthétique et ce que nous savons des autres organismes vivants… qui montrent par exemple que l’esprit est chose naturelle et se trouve déjà sous une forme élémentaire chez je ne sais plus quel organisme qui réagit à la lumière…
— Comprends pas…
— Moi non plus ! Mais non, il y a toute une série de développements que je suis incapable de refaire. Je me souviens d’une chose, c’est l’idée qu’un signe est nécessairement discriminant, le signe se distingue évidemment de ce qu’il représente, de ce qu’il désigne, et le signes se distinguent entre eux, alors que la « nature » serait elle continue, elle formerait un continuum, et ce serait nécessairement un « sujet » qui établirait des discontinuités, des oppositions. Ça, c’est la conception traditionnelle en sémantique et en sémiotique. Mais ce phénomène de seuil apparaît très tôt chez les êtres vivants : ils sont équipés d’organes qui permettent la comparaison… soit ils ont deux récepteurs, soit ils ont un appareillage qui leur permet de comparer deux états à des moments différents, par exemple la perception de l’intensité lumineuse ou de la chaleur. Ou le vent sur la peau. On ne perçoit pas le vent de façon isolée, on le perçoit par comparaison avec l’absence de vent. Ce principe-là, la perception différenciée, discontinue, de quelque chose qui physiquement continu, de grandeurs continues comme l’intensité lumineuse, ce truc-là c’est général dans la nature. On est plongé dans toutes sortes de flux, le vent, l’eau, la terre qu’avale continument le ver de terre, la chaleur du soleil, la pesanteur, la nourriture, les sons, les tremblements… Mais toutes ces grandeurs continues, on les discrimine par comparaison… Je disais comparaison dans le temps, présence absence de lumière, et donc on perçoit deux fois, mais aussi comparaison au même moment grâce à deux récepteurs. Ça, c’est fascinant comme explication : pourquoi on a deux yeux, deux oreilles, deux narines, deux mains, deux demi-cerveaux… C’est un extraordinaire avantage adaptatif parce que ça nous permet d’avoir une perception différenciée du même objet. Même le ver de terre, il perçoit à un endroit de son corps ce qui est dur et à un autre ce qui l’est moins et vers quoi il se dirigera… C’est une question de perception mais aussi d’action. Pour se mouvoir, la chenille la plus élémentaire a besoin de deux muscles, un pour s’étendre vers l’avant, et l’autre pour se replier et quitter son premier point d’appui. En anatomie aussi, tu connais ça : tu as un muscle pour plier le bras et un autre pour le déplier…
— C’est fascinant mais quand même un peu obscur… What's the point?
— Et bien, là où les linguistes et sémioticiens établissent une coupure radicale entre le mental et le physique ou entre le sujet et l’objet, les recherches récentes substituent la description de transformations sans doute profondes mais compréhensibles. Je me souviens de l’exemple de la vision. La rétine est constituée, tu le sais bien, d’environ 100 millions de bâtonnets et je ne sais plus combien de millions de cônes. Tu imagines la quantité d’information à transmettre au cerveau. Il y a donc regroupement de l’information à travers différents paliers, notamment le nerf optique qui contient un million de fibres nerveuses. L’information est réduite au moins par un facteur 100. À chaque niveau, le nombre de neurones diminue, et chaque neurone transmet vers le cerveau une espèce de synthèse des signaux qu’il a reçus en provenance de la rétine. Là où il y avait des millions de bâtonnets excités, il y a une surface colorée qui apparaît : il y a perte d’information mais gain de sens ! Euh, non, c’est les cônes qui distinguent les couleurs, mais le principe reste le même. C’est le système perceptuel, celui des animaux comme le nôtre, qui opère des regroupements, selon un principe d’économie et qui crée du continu. Mais le même dispositif perceptuel tend à créer et même à exagérer les démarcations entre ces unités continues, c’est-à-dire à les discriminer, à les segmenter. Comme entre deux notes de musique alors que les hauteurs sonores sont continues. Ou entre deux zones colorées, même si c’est un dégradé.
— Et donc nature et culture ?
— Là, il ne s’agit plus de rabattre la culture sur la nature de façon sommaire… il s’agit de comprendre les continuités entre notre système perceptuel et ce qu’on appelle l’esprit, comment l’esprit se construit sur le corps, la culture sur la nature, même si ces mots n’ont plus vraiment le même sens…
— On en revient un peu à Locke et Condillac, non ?
— Oui, sans doute. Il y a une tradition empiriste, matérialiste. Mais à présent, on est dans des observations beaucoup plus fines, pas seulement dans une réflexion philosophique en chambre. Et on observe les continuités entre les différentes espèces animales, même les plus élémentaires…
— Je suis pas convaincu…
— Mais j’essaie pas de te convaincre… Ce sont des études qui montrent que l’opposition entre nature et culture n’est pas épistémologiquement valide et qu’il y a des continuités à observer et à comprendre. Dans une perspective matérialiste qui ne soit pas réductrice… Il ne s’agit pas de tout ramener à une question de gènes ou d’environnement : 50% l’un 50% l’autre, ou vingt d’un côté et quatre-vingts de l’autre… Non comprendre comment ça interagit… Et c’est sûr qu’on sait encore très peu de choses… Mais toutes ces caractéristiques prétendument humaines, spécifiquement humaines, — attends, je te lis un truc en diagonale — la conscience, la vie mentale, la culture, peuvent être comprises comme un niveau d’intégration fonctionnelle spécifique de la vie biologique. Et elles peuvent être expliquées comme des faits évolutifs qui sont l’aboutissement d’une complexification locale de mécanismes de feedback informationnel présents dès les premiers stades de l’évolution du vivant.
— Je ne comprends plus rien du tout là.
— Je te relis : la conscience, la vie mentale, la culture, peuvent être expliquées comme des faits évolutifs qui sont l’aboutissement d’une complexification locale de mécanismes de feedback informationnel présents dès les premiers stades de l’évolution du vivant. C’est le feedback qui est le truc important : la conscience, c’est un feedback, comme l’animal qui sursaute au bruit… c’est un feedback.
— Euh, oui. Mais tu me parlais d’esthétique…
— Là, tu me décourages… J’ai plus trop envie de continuer.
— Mais si, vas-y. Allez, parle-moi d’esthétique, parle-m’en encore et encore.
— Parle-m’en, parlement, parlemente… C’est juste pour dire que les meilleures analyses actuelles de l’expérience esthétique ne se focalisent plus sur la supposée spécificité de cette expérience qui serait foncièrement différente des autres expériences humaines… redevable d’un faculté particulière… et donc spécifique à l’espèce humaine… L’expérience esthétique dépend d’évaluations affectives, même si ces émotions n’accèdent pas nécessairement au niveau de la conscience phénoménale. Les réactions affectives à des stimulus extérieurs ont au moins deux voies d’accès au système nerveux central, l’une courte — et la réaction est immédiate comme la surprise — et une plus longue qui implique un traitement cognitif parfois complexe : tous les amateurs d’art comme toi distinguent l’objet représenté et la manière de le représenter, il y a une élaboration cognitive. L’information délivrée par l’environnement — l’information au sens le plus large — entraîne normalement des réactions adaptatives — fuite, éloignement, désir, chasse, cueillette… — mais dans la réception esthétique, elle peut faire l’objet d’un processus attentionnel détaché de l’investissement pratique, pragmatique habituel. Un peu comme une attention flottante, une attention qui porte sur l’information elle-même, ses caractéristiques, sa valence émotionnelle, positive ou négative d’ailleurs : c’est le paradoxe des émotions négatives en art ou au cinéma… tu vois, les films d’horreur, le deuil chez Bergman…
— Et les limaces dans tout ça ?
— Les limaces je ne sais pas, mais le simple fait qu’un singe puisse goûter à certaines nourritures plaisantes alors qu’il n’a pas faim, qu’il est rassasié, est sans doute le premier état esthétique…
— Ben non, c’est de la gourmandise !
— Si. D’ailleurs l’art culinaire s’est développé sur cette attention esthétique à la nourriture, ou du moins à son goût. Et la vache qui regarde passer le train est l’ancêtre du peintre paysagiste. Et le chat qui ronronne est sensible aux caresses…
— Je ne suis pas convaincu.
— Et le fouet, tu es convaincu ? Ce n’est pas un plaisir esthétique de se faire fouetter ?
— Non, c’est purement sexuel !
— Tu m’énerves, tu m’énerves à faire le con. Là, j’ai envie de te battre, de te faire mal ! Arrête de te branler contre ma jambe et de me contredire sans arrêt. Tu es de mauvaise foi ! Je vais te le faire payer.
— Ah, j’adore quand tu es en colère. Je sens que tu vas me punir enfin.
Elle le fit mettre à quatre pattes, et le sodomisa en tirant brutalement sur la laisse qu’elle lui avait attachée autour du cou. Il la supplia de lui tordre les génitoires, mais, retirant le gode de son cul, elle préféra lui donner un coup de genou dans les testicules. Il s’affala de tout son long. Elle en profita pour le pénétrer à nouveau d’un seul mouvement. Elle l’injuria de mots sexistes et homophobes qui, dans ce contexte, n’avaient qu’une valeur érotique et esthétique. »

Bibliographie mise à jour :
Frans de Waal, Différents. Le genre vu par un primatologue. Paris, Les Liens qui libèrent, 2022.
Groupe µ, Principia Semiotica. Aux sources du sens. Bruxelles, Les Impressions Nouvelles,2015.
Bernard Lahire, Les Structures fondamentales des sociétés humaines. Paris, La Découverte, 2023.

dimanche 20 novembre 2016

Choses vues [11]

dessin pornographique masturbation pénis éjaculation
Taille originale : 29,7 x 42

Un type lit une anthologie de poésie anglaise, assis sur une chaise au milieu d’un jardin désert. Deux jeunes femmes en minijupe et tee-shirt moulant surviennent et l’interpellent sans succès. Collées l’une à l’autre, elles commencent à se caresser et à s’embrasser comme si le type n’existait pas, puis viennent s’asseoir de chaque côté de la table de jardin. Face l’une à l’autre, elles soulèvent leur jupe, écartent les cuisses, se dévoilent mutuellement leur sexe dans lequel elles font bientôt glisser leurs doigts. La jeune femme aux longs cheveux noirs plonge même ses doigts dans un plat de crème anglaise qui est au milieu de la table, et elle s’en pourlèche avant d’en humecter les lèvres de sa chatte. Le type intervient alors et s’énerve, mais les deux complices saisissant le plat le lui reversent sur la tête en éclatant de rire.
Couvert de crème, il retire sa chemise et s’en sert pour s’essuyer et tombe bientôt le pantalon (il ne porte pas de slip) dévoilant un pénis de belle dimension.
Toujours riant, les deux filles s’approchent à ses côtés et commencent à frôler la chose du bout des doigts avant de s’agenouiller et de la prendre en bouche. Elles lèchent le gland, se passent et repassent la chose, puis la fille aux cheveux noirs, ouvrant largement les lèvres, commence à le pomper de manière plus décidée tandis que la rousse lèche les couilles avant d’en prendre une en bouche. Cela ne les empêche pas de rire par instants devant la mine déconfite du personnage ou de l’absurdité de la situation. La pine passe encore plusieurs fois d’une bouche à l’autre.
Accoudée contre la table et les jambes légèrement écartées, la noire se fait ensuite pénétrer par-derrière, tandis que la rousse assise en dessous d’eux lèche les couilles qui vont et qui viennent au-dessus de son visage. Les jupes sont relevées, mais les deux jeunes femmes ont gardé leurs minces vêtements alors que le gars est lui tout nu : à un moment d’ailleurs, il s’écarte de sa partenaire et sort sa bite pour la donner en bouche à la rousse totalement complaisante. Puis il revient dans la chatte tout en profitant des coups de langue sur ses couilles. Il répète ce petit jeu à plusieurs reprises.
La rousse à son tour se fait pénétrer par l’engin impressionnant du gars, couchée sur la table de jardin. Sa compagne en a profité pour s’agenouiller au-dessus d’elle, les lèvres de sa chatte collées à la bouche de la rousse qui la lèche du mieux qu’elle peut. Longuement pénétrée, la rousse profite en plus des caresses sur ses seins prodiguées par celle dont elle embrasse le sexe.
Le type cependant en veut plus, et la noire se met ensuite à quatre pattes au-dessus sa compagne, en tête-bêche, cuisses et fesses bien écartées pour se faire sodomiser. Venant se placer à son tour sur la table derrière elle, il s’enfonce effectivement dans son anus, tandis que la rousse toujours couchée sur le dos contemple le spectacle au-dessus, tout en caressant du bout des doigts le clitoris et les lèvres de la noire qui se fait enculer et qui elle aussi caresse la chatte rousse devant sa bouche.
Mais, à nouveau, le gars s’écarte de sa partenaire et approche sa bite de la bouche qui est ouverte en dessous de lui et qui ne refuse pas de la sucer bien qu’elle sorte d’un anus (dont on peut croire qu’il a été préalablement soumis à un important lavement). Il revient bientôt dans le trou du cul de la noire où il s’active un long moment. Ensuite, ce sera à la rousse à se faire sodomiser, tout en suçant la chatte de la noire, jusqu’à ce que leur compagnon les fasse une dernière fois changer de position pour recevoir son éjaculation.
Debout, il se branle au-dessus de la bouche ouverte de la noire qui est agenouillée devant lui et qui reçoit les principaux jets de sperme sur ses lèvres et sa langue offerte. Quand il a fini, elle se penche vers sa compagne couchée sous eux et recrache sperme et salive dans la bouche de la rousse qui en goûte brièvement la saveur avant de le recracher par les commissures de ses lèvres. Penchées l’une sur l’autre, les deux filles, le menton dégoulinant de sperme, s’embrassent doucement.

samedi 19 novembre 2016

Soirée littéraire…

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taille originale : 24 x 32

James sortit sur le pas de la porte avec le poète et son ami. Le poète à l’écriture médiévale continuait sa conversation avec la femme de théâtre qui lui expliquait qu’elle n’écrivait plus de pièces et travaillait à présent comme régisseuse. James s’éloigna de quelques pas avec l’ami du poète et perdit le fil de la conversation. L’ami en profita pour allumer sa pipe dont l’odeur de tabac fruité un peu oubliée réjouit James. Il avait invité les deux hommes à prendre un dernier verre, mais la femme de théâtre également invitée avait refusé sous prétexte qu’elle était pressée de rentrer chez elle. La rue des Écoles se vidait. La conversation du poète semblait pourtant s’éterniser.
L’homme à la pipe était grand et mince, sa barbe et ses cheveux étaient complètement blancs. Il devait être un peu plus âgé que James, soixante-cinq ans sans doute. Même si James se trouvait beaucoup plus jeune, il savait qu’il avait changé et que lui aussi devait avoir l’apparence d’un vieillard, peut-être un beau vieillard mais un vieillard quand même. Soixante ans, la limite de validité. Les marques du vieillissement sur la peau, au coin des yeux, dans les paupières affaissées, dans le cou violemment ridé par instants…
L’homme à la pipe interrompit sa rêverie : « Il ne peut pas s’empêcher de draguer. » Il parlait du poète. « Il ne peut pas s’empêcher, il faut qu’il essaie, obstinément, à chaque fois, dès que l’occasion se présente. Il drague sans relâche. Il ne lâche pas, il ne la lâchera jamais, il continuera jusqu’à ce qu’elle cède, et il y arrive. Il est gros, petit et vieux mais il ne renonce pas. Il y arrive. Et il trompe sa femme continuellement. »
James regarda la femme. Il ne la trouvait pas séduisante. Elle lui paraissait trop âgée. Il se dit qu’il avait sans doute des exigences trop élevées. Il ne répondait pratiquement pas au monologue de l’homme à la pipe qui continuait.
« Avant, j’étais comme lui. Je draguais, je draguais sans relâche. Et j’y arrivais toujours. Enfin le plus souvent. Mais c’est du boulot, c’est du temps, du temps passé pendant des heures à faire du baratin pour une relation d’un soir. Juste une fois. Et puis recommencer un autre soir pendant des heures pour baiser une seule fois. Et surtout, je ne savais pas si elles avaient envie, si elles baisaient parce qu’elles en avaient vraiment envie ou par lassitude, si je les avais forcées à force de baratin à baiser… Jamais forcées physiquement, hein, ce n’est pas ça. Simplement s’il y avait du désir. Une envie aussi forte que la mienne. Et puis quand j’éjaculais, le moment d’après, immédiatement après, je me disais que tout ce temps passé pour arriver à ça, seulement à ça… J’ai arrêté. »
Le mot éjaculais sonna de manière crue aux oreilles de James. Le type à la pipe qu’il ne connaissait pas depuis plus de vingt minutes lui parlait de façon tout à fait naturelle de sa sexualité la plus physiologique. Il eut envie de parler de sa propre expérience, mais il avait le sentiment qu’il devrait se lancer dans de trop longues narrations.
Le poète finalement renonça, et ils allèrent boire un verre à trois dans une brasserie proche. La conversation déboucha rapidement sur le terrorisme car c’était l’anniversaire des attentats. Le serveur s’en mêla exprimant son émotion encore palpable, puisque quelques heures avant les attentats, il prenait un verre près des lieux touchés. Le Poète entreprit de lui parler de son recueil, comme s’il était susceptible de l’acheter. Quand il s’absenta au bar, l’ami à la pipe sermonna son ami en lui disant qu’il ne fallait pas solliciter quelqu’un comme ça dans le cadre d’une relation professionnelle où le serveur était obligé d’être complaisant, mais l’autre s’en moquait, et il rouvrit le recueil en priant le serveur revenu avec une bouteille de Bourgogne d’en lire quelques lignes. Il s’exécuta puis remarqua une page couverte de caractère hébraïques. Il décida soudain d’acheter le livre pour sa grand-mère qui était juive !
À nouveau, l’homme à la pipe fit des remontrances à son ami l’accusant d’avoir dragué le serveur comme il avait essayé de draguer la femme de théâtre à la sortie de la librairie. L’autre rit au milieu de son visage rond, orné d’une fine moustache et d’une barbichette blanche. Lui aussi avait plus de soixante ans. Il était heureux. Il parla encore de sa femme qui avait une confiance absolue en lui et qui était sa meilleure lectrice bien qu’elle ne lût pas le moindre de ses recueils. Mais elle savait qu’ils étaient géniaux et avait une totale confiance. Oui. Il l’adorait. Il l’adorait, même s’il la trompait sans cesse. C’est elle qu’il aimait. Les autres ne comptaient pas.
James s’étonna mais resta silencieux. Même si tout cela pouvait paraître banal, il ne comprenait pas qu’on puisse se satisfaire de relations d’un soir où l’intensité du désir, du plaisir ne soit pas partagée. Il aurait voulu parler de passion, expliquer ce qu’est la passion érotique, souligner qu’il se souvenait de chaque moment, de chaque instant d’une telle passion, mais il était déjà trop saoul. Ils se quittèrent après avoir bu une deuxième bouteille. Le poète s’entretint encore un moment chaleureusement avec le serveur.

dimanche 6 novembre 2016

Choses vues [10]



La scène se passe au milieu d’un entrepôt : la jeune femme blonde est assise sur un banc et est vêtue seulement d’un slip rose et d’un tee-shirt blanc à bretelles étroites. Deux types debout l’entourent, et celui à sa gauche s’adresse à elle en saisissant son visage comme s’il allait l’embrasser : il lui explique ce qu’ils attendent d’elle et lui demande si elle y consent. Elle rit et ne semble nullement effrayée. L’autre type lui caresse d’ailleurs déjà les seins et n’hésite pas à remonter son tee-shirt. Elle s’agenouille rapidement, les seins dénudés, tout en continuant à sourire à celui qui est en train de lui parler, mais qui déjà, lui prenant la tête, la fait se détourner vers l’autre gars qui a sorti sa bite de son pantalon. Bien qu’elle soit encore molle, elle la prend aussitôt en bouche et commence à la sucer.
Après quelques pompages, elle détourne un instant le regard pour voir ce que fait le premier, et, constatant qu’il est déculotté, elle le suce à son tour tout en gardant la première bite en main. Puis passe de l’un à l’autre. Eux en profitent à certains moments pour lui caresser les seins, mais également pour écarter son slip et lui caresser le sexe. Ils lui saisissent également la tête pour l’inciter à les sucer plus profondément jusqu’aux couilles et n’hésitent même pas à s’enfoncer dans sa bouche à coups de hanche comme s’il s’agissait de pénétrer son sexe. Elle ne se laisse pas faire et recrache la bite pour reprendre sa respiration, mais cela ne l’empêche pas de rire devant l’excitation de ses compagnons.


Elle se couche ensuite sur le banc, et tandis qu’à l’une des extrémités, elle commence à sucer les couilles de celui qui se dresse au-dessus d’elle les jambes légèrement pliées, l’autre la déculotte et, comme elle écarte aussitôt les cuisses, lui enfonce un doigt dans l’anus puis deux avec lesquels il lubrifie longuement le sphincter. Pendant ce temps, le premier abaissant sa queue l’enfonce verticalement dans la bouche de la jeune femme dont la tête renversée en arrière pend pratiquement dans le vide. L’autre, relevant sa cuisse gauche contre sa poitrine, s’introduit finalement dans son anus et la sodomise profondément. Les deux types vont ainsi un long moment en elle à leur guise pénétrant son corps aux deux extrémités du banc sur lequel elle semble s’abandonner même si par moment elle arrête de sucer le gars au-dessus de sa tête qu’elle relève alors pour éviter les courbatures. Mais le plus surprenant survient quand le gars sortant de son cul vient présenter sa queue devant son visage et qu’elle la saisit de la main pour le prendre en bouche : on doit supposer que toute la scène a été préparée et que la jeune femme a fait préalablement un lavement pour accepter ainsi de sucer la bite qui sort directement de son anus. L’autre type vient d’ailleurs à son tour s’installer au bas du banc et encule à son tour sa partenaire.



Puis, de nouveau, ils échangent leur position, et elle accepte de nouveau sans sourciller de prendre en bouche le gland qui vient de la sodomiser. Mais l’autre lui demande alors de se coucher à plat ventre sur le banc et de lui présenter ainsi ses fesses rondes et levées entre lesquelles il glisse sa bite pour la sodomiser tout à son aise.

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mardi 1 novembre 2016

Bêtise innommable

deux pédés s'enculent
taille originale : 21 x 29,7

« Micha ! tu ne dis rien ? Dis quelque chose ! Tu ne trouves pas ça scandaleux ?
— Si, si. Ce sont des propos stupides. Et insupportables, même de la part d’un grand artiste. Surtout de la part d’un grand artiste.
— Pour moi, c’est pas un grand artiste ! C’est juste un con !
— Oui… Mais je pense qu’il y a toujours une différence, enfin il faut faire une différence entre la personne et l’œuvre. On n’est pas obligé de prendre tout, on peut séparer…
— Je ne sais pas, je ne crois pas…
— Mais ce chanteur-là qui a tué sa femme… Tu continues à l’écouter.
— Oui mais il a payé.
— L’autre, il n’a dit que des conneries, il n’a frappé personne.
— N’empêche, c’est grave.
— Oui, oui… Mon sentiment… c’est difficile à expliquer… Comment dire ? Ce sont des propos pitoyables, scandaleux, mais sans aucune portée… Il y a une écart entre la généralité du propos : les femmes ceci, les femmes cela… et puis de l’autre côté, le côté dérisoire de l’attaque… C’est ça qui est pitoyable dans la misogynie, dans cette misogynie-là, qui ne vise en fait qu’une personne ou deux… Il parle prétendument des femmes en général, mais en fait il ne parle de que de sa femme ou de son ex-femme, peut-être sa maîtresse, mais je ne crois pas… Il en veut à sa femme, je n’entends que cela dans ses propos haineux, misogynes… C’est d’une médiocrité absolue, ce sont des propos de bistrot. C’est le genre de choses qu’on entendait à une époque où les bistrots dans ce pays, il n’y pas si longtemps que cela, étaient réservés aux hommes, où les hommes s’y retrouvaient après le boulot pour boire et vider tout leur sac d’insatisfaction, une insatisfaction de leur propre vie, une vie difficile sans doute, mais surtout avec un sentiment d’échec, l’échec d’une vie, l’échec de ne pas avoir réussi à s’en sortir, l’échec de n’avoir accompli aucun de leurs rêves, l’échec de s’être marié aussi sans véritable passion. C’est rare la passion, c’est même exceptionnel. La plupart des hommes (et des femmes aussi sans doute) se mariaient avec la première fille rencontrée (le premier mec) ou à peu près. Et puis ils restaient avec elle jusqu’au bout. Ça dégénérait souvent. Et c’était plein de ressentiment. Et les bistrots étaient pleins de ressentiment, ressentiment contre les femmes, contre les patrons, contre les chefs, contre les hommes politiques lointains qu’on ne voyait que comme de pâles figures à la télévision, et puis contre le monde dans l’absolu, le monde qui les avait déçus. Et ça parlait des femmes en général, les femmes qui râlent, les femmes qui n’aiment pas la baise, les femmes qui sont des salopes, des emmerdeuses, des chieuses, des femmes qui ne pensent qu’aux enfants, ou au ménage, ou à l’argent, qui sont tout le temps malades, qui ont des maladies étranges, qui sont démangées par leurs ovaires… Chaque mec en rajoutait une couche sur les bonnes femmes mais il ne pensait en fait qu’à la sienne… qui allait râler quand il rentrerait bourré. Ce qu’il n’osait pas lui dire en face, il le sortait au bistrot. Il vidait son sac, tout son gros sac de ressentiment contre sa femme qui l’attendait à la maison.
— Mais lui là, il était pas au bistrot et c’était pas un prolo. Il était célèbre, il était cultivé… C’était même un poète paraît-il.
— C’est sûr qu’il aurait mieux fait de fermer sa gueule. Et puis on n’aurait jamais dû filmer ça. C’est le fétichisme de l’artiste. Tout ce qui sort de l’artiste — même la pire merde — on considère que c’est artistique ou du moins que ça a de la valeur. Tout ce qu’il pense du monde en général et des femmes en particulier. Et là on est en face d’une misogynie épouvantable, d’une bassesse incroyable, de… d’une bêtise innommable même si à l’époque c’était le genre de choses qui se disait couramment.
— C’est l’excuse ça, l’excuse de l’époque. À cette époque-là… etc. etc.
— Non, je n’excuse pas. Tout le monde ne pensait pas comme ça à cette époque. Simone de Beauvoir, on peut dire ce qu’on veut, mais elle avait balisé les choses, et pas elle toute seule. L’égalité, c’est pas super-difficile à comprendre comme concept. Mais je ne cherche pas à excuser ni même à comprendre. J’interprète juste, j’entends seulement dans cette interview le propos de bistrot, le ressentiment. C’est pas un discours politique au sens fort terme, pas un discours philosophique, j’entends juste ça, le type qui râle sur sa femme, sur son ex-femme, sur la pension alimentaire, ou simplement sur les années passées à se disputer avant de pouvoir se quitter.
— Mais toi, Micha, tu n’as jamais été misogyne !
— Non, j’ai toujours trouvé ça con. Fondamentalement con. Et puis j’ai été élevé par des femmes, enfin pas uniquement, mais principalement. J’aurais pas pu les considérer comme des personnes inférieures. C’était presque instinctif, je dirais. Je ne sais pas. On ne peut pas aimer quelqu’un en le considérant comme inférieur. C’est peut-être pour ça que la misogynie, enfin que moi je ressens la misogynie comme un ressentiment, quelque chose qui vient après, après l’amour déçu, c’est la haine de l’amour déçu, une haine qui se donne des grands airs et qui parle des femmes en général…
— Mais ta mère était féministe…
— Oui, oui… sans doute qu’après son divorce, ça s’est accentué, quand elle a tout pris en charge, le ménage, les enfants, son boulot surtout, à la fac’. Il y avait tout de même une femme de ménage qui venait tous les jours, toutes les après-midis, je crois, quand on était petit. Pour nous garder. Mais tu imagines la différence de salaire. Maintenant ça ne serait plus possible je crois. Aujourd’hui, une femme de ménage, c’est une demi-journée par semaine. Je me souviens, cette femme de ménage, que j’aimais beaucoup, c’était une espèce de seconde mère pour nous puisqu’on la voyait tous les jours, elle m’avait repris, je devais avoir dix ans à peine, j’avais parlé de servante et elle m’avait dit qu’elle n’était pas une servante. C’était encore une autre époque ça, les servantes… Une époque encore plus ancienne. Ma grand-tante avait été servante… elle vivait chez des notables à la campagne à cent ou deux cent kilomètres de sa famille dans son village à l’écart. On n’imagine plus. Une gamine de treize quatorze ans envoyée seule chez des notables à leur service… sans téléphone, avec juste du courrier envoyé une fois par semaine ou par mois, je ne sais plus… elle écrivait à sa mère qui elle-même ne savait pas lire… Et la famille avait une résidence d’hiver et une autre d’été… Ça partait par charrettes entières avec des meubles, des kilos de vêtements et d’ustensiles, d’une résidence en ville à une espèce de château à la campagne. Quand elle me parlait de ça, elle avait quatre-vingt-dix ans, ça devait se passer dans les années 1910 à mon avis ou juste après la guerre. La Première Guerre mondiale je veux dire. Oui les années 20 sans doute. On n’imagine plus.
— C’est donc ta mère qui t’a appris le féminisme alors…
— Je me souviens oui, à l’adolescence, elle a pu dire des choses dans ce sens-là. Mais c’était une évidence pour moi. À cause d’elle sans doute, je ne pouvais pas imaginer les choses autrement. Ça n’avait pas besoin d’être explicite. Mais je me souviens dans l’enseignement secondaire, un prof de latin et de grec que j’admirais un peu nous invite à assister à un débat sur le féminisme où il devait intervenir avec un prof de fac, un sociologue. Je sortais très peu à l’époque. J’en parle à ma mère qui manifeste l’envie d’y aller avec moi. Et je me souviens ce prof de grec qui nous explique que c’était mieux avant, quand les femmes cuisaient le pain et qu’il restait frais pendant une semaine alors qu’aujourd’hui le pain industriel il sèche en un jour… Moi, ça devait être une des premières fois que j’étais confronté à un débat d’idées, à un débat d’opinions… En allant là, je n’avais aucune opinion, je ne pensais même pas qu’on pouvait être pour ou contre une idée… Oui j’étais con, stupide quoi, j’étais pas encore sorti de l’enfance en fait, je ne savais pas ce que c’était l’exercice de la pensée… Il n’empêche, j’étais pas du tout d’accord avec ce que le prof en question racontait. L’autre, le sociologue, me paraissait beaucoup plus sensé… Spontanément, je trouvais que l’idée de l’égalité hommes-femmes était la seule raisonnable, je voyais pas comment on pouvait croire autre chose… Et puis l’histoire du pain cuit à la maison qui reste frais, ça me paraissait vraiment stupide comme raisonnement. C’était une question de farine ou de cuisson, pas de sexe évidemment ! Mais j’étais quand même pas trop assuré, parce que c’était vraiment la première fois que je me posais ce genre de questions sur la justesse d’une idée. Donc en sortant, je demande un peu l’avis de ma mère : je savais absolument pas ce qu’elle pensait, je n’aurais pas été étonné qu’elle me dise que oui, la place de la femme est à la maison, à faire la cuisine, à élever les enfants et à cuire le pain, mais là, d’abord c’est net elle me dit qu’elle est complètement opposée à toute forme d’inégalité hommes-femmes et puis elle ajoute : N’empêche, ils auraient quand même bien fait d’inviter une femme plutôt que deux hommes pour parler des femmes ! J’étais estomaqué ! Je n’y avais pas du tout pensé. D’un coup ça me paraissait tout à fait juste et en même temps, ça chiffonnait mon universalisme de principe : si tous et toutes sont égaux ou égales, ben n’importe qui a le droit de donner un avis sur n’importe quoi. Mais je n’ai rien dit. Bien sûr, ce sont des questions qui sont revenues plus tard, chez les Noirs américains, dans les groupes féministes, chez les LGBT…
— Mais elle n’a jamais affirmé ses principes, elle ne vous a pas éduqués dans cette idée-là ?
— Peut-être, sans doute oui. Enfin ça ne passait pas par les mots. Quand on te dit de faire la vaisselle ou de débarrasser la table… enfant, tu trouves ça naturel, tu ne t’interroges pas, sauf s’il y a un con d’adulte qui intervient et qui dit que c’est un boulot de femmes… Mais ça n’arrivait pas chez moi. Même pas mon père. C’est sûr qu’il y avait des différences dans certains comportements, mais assez peu marqués. Et puis il n’aurait jamais dit des choses comme ça. Peut-être parce que lui-même venait d’une famille où c’était la mère (ma grand-mère donc) qui portait le pantalon comme on disait à l’époque. Mais je ne les ai pas assez connus, surtout qu’ils étaient partis vivre loin à l’âge de la retraite. Et puis le divorce de mes parents faisait que je savais très peu de choses de mon père de toute façon. C’est resté une figure, une figure souvent effrayante pour moi, mais pas un être humain, jusqu’à ce que je devienne adulte.
— Tu as été élevé seulement par des femmes alors…
— Principalement, disons. Je me souviens… Je me souviens d’un détail… Oui, ça peut expliquer… C’est un détail révélateur. Chez ma grand-mère, l’autre, la grand-mère maternelle… C’était une paysanne, j’allais souvent chez elle, les week-ends, les vacances… Ma mère nous casait là, parce qu’elle n’avait pas trop le choix je pense. Mais pour moi, c’était très bien, pas le paradis (maintenant je pense que c’était le paradis, el paradis de mon enfance), mais j’aimais bien y aller, je n’ai jamais senti ça comme une contrainte. Et ma grand-mère tricotait beaucoup, à la main, avec des aiguilles évidemment, même si elle avait aussi une machine ; en tout cas, à un moment elle a acheté une machine, elle nous a tricoté des pulls, toute mon enfance et mon adolescence. Enfin, un pull, un pull ou deux. À cette époque, je crois qu’on gardait le même pull pendant deux ou trois années successives. Mais auparavant, quand elle tricotait à la main (et même avec la machine, elle continuait à tricoter certaines choses à la main je crois), ça me fascinait. Je devais avoir huit, neuf, dix ans au maximum, et ça me fascinait à un tel point que je lui avais demandé de m’apprendre… et j’ai appris, j’ai dû tricoter deux trois trucs… d’abord, au début, j’étais pas trop habile, je transpirais des doigts, c’est vrai, je serrais trop fort la laine à tel point que les boucles étaient tellement étroites qu’elles ne glissaient plus sur l’aiguille. Et puis j’ai dû faire une écharpe ou deux. Je ne maîtrisais pas suffisamment le truc pour faire un pull ou des chaussettes ! Mais je me souviens que, pour moi, c’était normal d’avoir envie d’apprendre à faire ça… ce n’était pas du tout connoté féminin, ce n’était pas du tout connoté d’ailleurs. Et puis ma grand-mère a dû dire que c’était rare pour un garçon de faire un tricot… Et ça m’a étonné. Je ne comprenais pas pourquoi. Peut-être que c’était un avertissement, un avertissement de ne pas en parler aux autres, pour ne pas me ridiculiser aux yeux des condisciples, mais je ne crois pas. D’ailleurs j’ai continué, et puis ma grand-mère m’a encouragé à continuer. Donc ce n’était pas un avertissement. Et puis finalement je n’ai continué qu’un temps… On se lasse vite quand on est enfant. Mais bon, c’est juste pour dire que, oui, ça devait être une éducation égalitaire, même si ça ne passait pas par les mots. Surtout même que ça ne passait pas par les mots. Enfin, je crois. Il y a tellement de temps de ça. Tout ça s’efface, tu comprends. Il y a tellement de temps. Parfois j’ai l’impression que mon enfance est un rêve, que c’est irréel…
— Je comprends…
— Mais Olia, tu pleures, Olia ? Qu’est-ce que j’ai dit ?
— Ce n’est rien. Ce n’est rien. Ça fait du bien de pleurer. Laisse-moi. Ce n’est rien. »