mardi 6 juin 2023

Ni soumission ni consentement…

L’emprise du regard
« Il y a des êtres qui sont submergés par la réalité des autres, leur façon de parler, de croiser les jambes, d’allumer une cigarette. Englués dans la présence des autres. Un jour, plutôt une nuit, ils sont emportés dans le désir et la volonté d’un seul Autre. Ce qu’ils pensaient être s’évanouit. Ils se dissolvent et regardent leur reflet agir, obéir, emporté dans le cours inconnu des choses.
Ils sont toujours en retard sur la volonté de l’Autre. Elle a toujours un temps d’avance. Ils ne la rattrapent jamais.
Ni soumission ni consentement, seulement l’effarement du réel qui fait tout juste se dire “qu’est-ce qui m’arrive” ou “c’est à moi que ça arrive” sauf qu’il n’y a plus de moi en cette circonstance, ou ce n’est plus le même déjà. Il n’y a plus que l’Autre, maître de la situation, des gestes, du moment qui suit, qu’il est seul à connaître.
Puis l’Autre s’en va, vous avez cessé de lui plaire, il ne vous trouve plus d’intérêt. Il vous abandonne avec le réel, par exemple une culotte souillée. Il ne s’occupe plus que de son temps à lui. Vous êtes seul avec votre habitude, déjà, d’obéir. Seul dans un temps sans maître.
D’autres ont beau jeu alors de vous circonvenir, de se précipiter dans votre vide, vous ne leur refusez rien, vous les sentez à peine. Vous attendez le Maître, qu’il vous fasse la grâce de vous toucher au moins une fois. Il le fait, une nuit, avec les pleins pouvoirs sur vous que tout votre être a suppliés. Le lendemain il n’est plus là. Peu importe, l’espérance de le retrouver est devenue votre raison de vivre, de vous habiller, de vous cultiver, de réussir vos examens. Il reviendra et vous serez digne de lui, plus même, vous l’éblouirez de votre différence en beauté, savoir, assurance, avec l’être indistinct que vous étiez auparavant.
Tout ce que vous faites est pour le Maître que vous vous êtes donné en secret. Mais, sans vous en rendre compte, en travaillant à votre propre valeur vous vous éloignez inexorablement de lui. Vous mesurez votre folie, vous ne voulez plus le revoir jamais. Vous vous jurez d’oublier tout et de ne jamais en parler à personne. »
Taille originale : deux fois 21 x 29,7 cm

Cum grano salis

« Transcrire en droit une notion psychologique comme celle de l’emprise mentale peut avoir des conséquences importantes, imprévues mais intéressantes à considérer en toute objectivité. Là où règnent le flou, l’approximation, l’intuition, l’à-peu-près des sciences dites humaines, on va en effet établir une distinction nette, tranchée, catégorique, même si celle-ci peut comporter des degrés. L’emprise sera ou ne sera pas. Mais cette affirmation implique que la victime d’une telle emprise est aliénée à autrui, à sa volonté ou à son désir. Autrement dit, elle n’est plus un sujet libre, un sujet de droit, et doit être considérée comme un mineur d’âge ou un animal qui doit être protégé mais qui n’a pas de personnalité juridique.

Dès lors, pour le bien de cette personne, l’on pourra exercer une contrainte à son égard, en particulier si l’on estime que son intégrité physique (et/ou mentale) est en danger. Cela peut sembler être une considération abstraite, mais il suffit de suivre les équipes policières qui interviennent dans les affaires de violences conjugales, notamment lorsqu’elles répondent à des appels des voisins : très souvent, la personne victime de telles violences refuse de porter plainte, arguant de l’alcoolémie, d’une incompréhension temporaire ou d’une dispute sans gravité, et cela malgré l’insistance des policiers et policières qui se retrouvent ainsi dans l’incapacité d’agir. Et la répétition de tels faits ne change rien au déni de la victime. Les proches témoins de tels actes, qui bien souvent évoquent une nécessaire séparation du conjoint violent (plus rarement d’une conjointe), sont également dans l’impossibilité de surmonter les résistances de la victime. Faut-il dès lors considérer que celle-ci est sous emprise et que la contrainte est justifiée et même indispensable au nom de la nécessaire assistance à personne en danger ? L’emprise n’est-elle pas en effet comparable à une addiction sévère ou à la crise psychotique qui impose un internement immédiat ?

On l’a bien vu avec cette femme battue pendant de longues années et assassinant finalement son mari, ensuite condamnée puis graciée présidentiellement : la société n’aurait-elle pas dû intervenir autoritairement bien avant le drame et la soustraire à l’emprise de cet homme brutal ?

Mais les violences physiques ne sont pas seules en cause, on le sait bien. À partir de quand le rabaissement répété, l’humiliation consentie, la colère subie, la violence verbale, le non-partage des tâches domestiques sont-ils les révélateurs d’une emprise, d’une aliénation, d’une dépossession de soi qui privent l’individu de sa liberté subjective et le transforment en mineur à protéger. Si la victime ne s’appartient plus, n’est-ce pas à la société à la protéger ? Et ne convient-il pas de considérer de façon suspicieuse toutes les relations inégalitaires (par l’âge, par la situation professionnelle ou sociale, par le prestige intellectuel ou autre) qui se masquent derrière le voile trompeur de l’amour ? Une police des mœurs ne devrait-elle pas intervenir préventivement pour évaluer la dangerosité des relations amoureuses dans une société patriarcale où les femmes sont dominées de façon systémique ? Comment pourrait-on croire en effet que, dans un tel système, ce sont des sujets réellement libres et non pas des êtres aliénés, dépendants et victimes d’une illusion mortifère ? Ne faut-il pas enfin soumettre les pratiques sexuelles à une évaluation plus fine afin d’en mesurer le caractère inégalitaire et aliénant (comme l’est de toute évidence l’éjaculation faciale, mais sans doute aussi la fellation, la sodomie, l’usage de liens, l’anulingus ou la levrette) ? Tout est politique, on le sait, et il temps qu’un regard politique soit jeté sur l’ensemble des relations sexuelles et amoureuses pour mettre fin de façon décidée à toute aliénation féminine. »

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