mercredi 15 décembre 2010

Dessin érotique…

dessin erotique

Il s'agit d'un des rares dessins de ce blog qui ne soit pas sexuellement explicite. On pourrait donc le qualifier d'érotique, mais je n'aime pas la distinction entre érotique et pornographique comme s'il était possible de fixer une limite objective entre ces deux domaines. À l'inverse, je ne crois pas non plus qu'il n'y ait pas de limite et que la pornographie soit simplement, selon une célèbre formule, l'érotisme des autres.
Je pense en effet que la pornographie joue sur une limite qui existe chez tous les individus, même si elle est extrêmement variable et diverse. Car, sans cette limite, il n'y aurait pas d'excitation voyeuriste : érotisme et/ou pornographie dévoilent une réalité habituellement cachée, montrent une sexualité qui ne devrait pas s'afficher, exhibent des corps, des gestes, des postures normalement invisibles, et c'est bien cette exhibition qui crée l'excitation, le désir, le trouble chez le spectateur. Mais, pour chacun de nous, cette limite est flottante, car au-delà d'un certain point, le dévoilement bascule dans un obscénité insoutenable, ce que l'on traduit alors par des expressions comme « c'est de la viande », « c'est vulgaire, laid, répugnant ou dégueulasse », ou encore « c'est toujours la même chose et sans intérêt »…
Cette limite au-delà de laquelle on bascule dans l'insoutenable ou le non-regardable est souvent celle des perversions « extrêmes » (scatologie, zoophilie, gérontophilie…), mais elle est éminemment variable selon la subjectivité individuelle puisque ces pratiques sont effectivement représentées dans des sous-genres spécialisés de la pornographie actuelle, appréciés par certains spectateurs sans doute minoritaires. À l'autre extrême des sensibilités, on trouve des personnes qui ne supportent même pas l'exhibition du sexe féminin considéré comme « laid », « pas joli », « moche » (comme cela s'écrit notamment sur des forums féminins, mais, contrairement à ce que l'on pense trop souvent, certains hommes sont également allergiques à toute espèce de pornographie, même la moins « osée »).
Il ne s'agit cependant pas de simples « préjugés », et chacun de nous, je pense, peut être confronté à une image qui « va trop loin », qui n'est pas regardable… Il est donc très difficile que les personnes s'accordent sur ce qui serait érotique et/ou pornographique, car ce qui est révélation excitante pour l'une est facilement perçu par l'autre comme réalité crue et obscène. Et surtout l'excitation liée éventuellement à ces images naît non pas de la réalité représentée (ou pas seulement) mais du fantasme, de l'imaginaire qu'elle éveille en nous (et parfois malgré nous). Il y a évidement une part essentielle de projection fantasmatique dans l'image pornographique qui est indispensable à son fonctionnement, et ce mécanisme de projection fragile et variable selon les individus risque aussi à tout moment d'être confronté à une « réalité » (sexuelle) insoutenable.
J'évoque ici cette question car l'art a une stratégie propre pour atténuer cette obscénité inhérente à l'exhibition sexuelle, à savoir l'esthétisation de la réalité. Ainsi, même au dix-neuvième siècle prude et bourgeois, la nudité (surtout féminine) a pu être largement représentée en peinture, sans doute avec une grande hypocrisie (la mythologie grecque et l'Orient de pacotille avaient bon dos), mais grâce surtout à une beauté qui « déréalisait » les corps ainsi exhibés. Cette tendance à l'esthétisation est d'ailleurs toujours présente en photographie ou au cinéma qui, « sous le voile de la beauté », peuvent aujourd'hui représenter de façon explicite des formes diverses de sexualité. On peut penser, parmi beaucoup d'autres, à un artiste comme Mapplethorpe qui photographiait les sexes comme des fleurs orientales, mais on constate que les grands producteurs américains de pornographie privilégient également une telle recherche esthétique dans leurs réalisations (qu'on qualifie facilement de « léchées »). À l'inverse, beaucoup de productions européennes ont préféré jouer la carte du caractère brut, « amateur », sans artifice, de leurs images où ressort alors le caractère « obscène » de la réalité.
Aujourd'hui, alors que l'art érotique et/ou pornographique n'est évidemment plus contraint à la clandestinité, les artistes sont, me semble-t-il, confrontés à ce dilemme d'une esthétisation (plus ou moins plaisante) de la sexualité et des corps sexuels, qui risque alors de se complaire dans le beau, le joli ou le gracieux, au détriment de la puissance d'ébranlement de l'obscène.

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