vendredi 7 juillet 2023

Le langage romantique de la jalousie

« Assouvir un certain fantasme… »

Anthropologue chez les vendeurs de drogue de East-Harlem

« Tout le monde soutint Candy quand elle finit par tirer sur Félix : une balle à l’estomac. À l’époque, je pris ça pour un acte de résistance émancipateur. Pourtant Candy entendait son acte de libération comme l’éclat traditionnel de la femme jalouse incontrôlablement amoureuse de son mari infidèle. Elle s’accrochait désespérément aux valeurs familiales traditionnelles d’un passé où l’affrontement entre les sexes et l’affirmation des droits individuels s’exprimaient dans le langage romantique de la jalousie. Bien sûr, dans le contexte de la cité, les scénarios anciens sont poussés à leur paroxysme. La facilité avec laquelle on accède aux stupéfiants et aux armes fait monter les enjeux et les niveaux de souffrance humaine lors des traditionnelles bagarres entre les sexes au sein du foyer.
Comme pour la fugue amoureuse, l’amour romantique dans la relation conjugale permet à une femme soumise d’affirmer ses besoins individuels tout en restant attachée au principe du foyer nucléaire dominé par l’homme. Candy était très claire sur le fait que la trahison sexuelle par Félix de leur relation conjugale avait été le catalyseur de son geste. Elle savait depuis toujours que Félix “avait des femmes ici et là”, mais quand il viola les règles de la solidarité familiale, elle en finit avec sa dépendance de femme battue :
Candy : Les femmes pensent que le pire trauma qui peut leur arriver, c’est quand leur homme va avec une autre femme; mais c’est pas ça. [Attrapant le magnétophone] Et je le dis à toutes les femmes de New York : vous croyez que, quand votre homme vous la joue avec une autre femme, c’est mal. Non ! Le pire qui peut vous arriver c’est quand il couche avec votre propre sœur — votre propre sang ! »
« Une pratique toujours aussi inavouable ? »
« Les rages violentes et parfois suicidaires de Candy étaient destinées à conserver fidèlement un foyer sacré. Il lui fallut encore quatre mois de maltraitance pour qu’elle finisse par appuyer sur la gâchette. Condamnant son mari dans les limites des règles culturelles en vigueur du temps de sa mère et de sa grand-mère, elle exprimait son désespoir et sa colère par une jalousie hystérique dont la cause fut le manquement par son mari à respecter l’intégrité de leur conjugalité. Et si l’on suit la façon dont Candy définit ses droits individuels en termes d’amour romantique classique, c’est une trace de rouge à lèvres qui mit le feu aux poudres :
Candy: Un jour, j’étais allée chez sa mère pour savoir ce qu’il faisait. On était dehors à parler, et je vois qu’il avait du rouge à lèvres sur la bouche, alors je suis devenue folle. Tu vois, je savais qu’il sortait avec une autre femme — avec moi, ma sœur et une autre femme ! J’ai pété les plombs. Et j’ai toujours une arme avec moi, pour ma protection. Elle était dans mon sac à main.
Et c’est ce que j’ai fait. Je l’ai sortie et j’l’ai fait. J’ai carrément pété les plombs. Je lui ai tiré dessus. J’sais pas. C’est mes nerfs. »
« Un jeu sexuel… Un plaisir purement cérébral… »
Taille originale : 21 x 29,7 cm
« Candy, sa famille et son réseau d’amis avaient une explication populaire traditionnelle portoricaine pour rendre compte de son acte spectaculaire. C’étaient “ses nerfs”— ce qu’on appelle ataque de nervios sur l’ile de Porto Rico. Les psychiatres portoricains identifient ces ataques comme un “syndrome lié à la culture portoricaine” que l’on rencontre le plus souvent chez les femmes maltraitées par les hommes dès l’enfance. L’équivalent le plus proche dans la culture classe moyenne anglo-saxonne est sans doute la crise d’angoisse (panic attack). Dans la culture portoricaine rurale et ouvrière, les ataques sont un espace légitime, où une femme peut donner libre cours à sa colère contre l’homme dominant dans sa vie quand la maltraitance outrepasse les limites acceptées. La cause la plus souvent invoquée de ces éclats de violence féminins, inscrits dans la culture, est la jalousie pure et simple. En d’autres termes, quand elle a tiré sur Félix, Candy suivait dans ses plus petits détails le scénario traditionnel de la victime de maltraitance. Elle réaffirmait en fait, plutôt qu’elle ne violait, l’étiquette patriarcale quand elle brisa cathartiquement les chaînes d’une maltraitance intergénérationnelle dont elle était régulièrement victime en logeant une balle dans l’estomac de son mari. »
Dolmancé : Parlons moins, chevalier, et agissons beaucoup davantage. Je vais diriger la scène, c’est mon droit; l’objet de celle-ci est de faire voir à Eugénie le mécanisme de l’éjaculation; mais, comme il est difficile qu’elle puisse observer un tel phénomène de sang-froid, nous allons nous placer tous quatre bien en face et très près les uns des autres. Vous branlerez votre amie, madame; je me chargerai du chevalier.
Mme de Saint-Ange : Ne sommes-nous pas trop près ?
Dolmancé, s’emparant déjà du chevalier : Nous ne saurions l’être trop, madame; il faut que le sein et le visage de votre amie soient inondés des preuves de la virilité de votre frère; il faut qu’il lui décharge ce qui s’appelle au nez. Maître de la pompe, j’en dirigerai les flots, de manière à ce qu’elle s’en trouve absolument couverte.
 
[Le marquis nous permettra ainsi d'utiliser un nouveau libellé : la décharge au nez !]

Taille originale : 21 x 29,7 cm

« … faisait pénitence avec des pierres, des fouets ou d'autres moyens »
Taille originale : 29,7 x 21 cm

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