samedi 15 juillet 2023

Le paradis les avait abandonnés

Taille originale : 29,7 x 21 cm (trois dessins)
« l’exaspération du mouvement et de la torsion »
Ni un cri ni une pipe

Un couple adultère…

« Mais avant que ne viennent la honte et la culpabilité, ils avaient compris que le paradis les avait abandonnés, que sans s’en rendre compte ils en étaient sortis, qu’ils avaient perdu ou cessé de mériter un état de grâce dont ils n’avaient pas non plus été responsables tant qu’il durait, aussi étranger à la volonté de chacun d’eux qu’un vent favorable qui les aurait élevés au-dessus des accidents quotidiens et des limitations de leurs deux vies et qui maintenant, comme il était venu, s’était arrêté. Le désir n’était pas moins intense mais comportait à présent un rien d’exaspération : à peine satisfait il se dissolvait en solitude, pas en reconnaissance, entaché non pas d’inappétence mais d’une secrète déception, d’une espèce de discrédit. Le refuge de temps où ils s’enfermaient quand ils étaient ensemble ne leur offrait plus son sanctuaire habituel : ils ressentaient comme un affront renouvelé le luxe de bordel de la chambre de Madame Mathilde, la vulgarité blessante du papier peint des murs, les effilochures du tapis ; ils sentaient le désinfectant bon marché, l’hygiène insuffisante de la salle de bains derrière le paravent oriental à demi recouvert par un châle. Ils étaient rentrés de leurs journées trop fugaces dans la maison du bord de mer et la chaleur de juin à Madrid était irrespirable, l’air sec comme à la bouche d’un four ; l’infinie lassitude des journées suffocantes et nuageuses, l’hostilité du regard des gens dans la rue, les corps renfrognés transpirant à l’intérieur des tramways. Pour la première fois, ils étaient l’un et l’autre capables d’imaginer un avenir où l’amour ne les illuminerait plus : dans des moments fugitifs de lucidité et de remords ils se voyaient à nouveau comme s’ils ne se connaissaient pas, secrètement honteux d’eux-mêmes, dégradés par la défaillance d’une excitation soutenue sans trêve depuis trop longtemps. Peut-être devaient-ils s’accorder une respiration, se libérer pour un temps de l’obsession insensée d’être ensemble, d’écrire tant de lettres et de toujours attendre leur arrivée. »
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Après effacement…

et remise en couleur

On ne la fera pas taire…

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