vendredi 20 mai 2022

La présentation d'une seule chose : le sexe

Taille originale : 21 x 29,7 cm
« Et celui ou cela qui est photographié, c’est la cible, le référent, sorte de petit simulacre, d’eidôlon émis par l’objet, que j’appellerais volontiers le Spectrum de la Photographie, parce que ce mot garde à travers sa racine un rapport au “spectacle” et y ajoute cette chose un peu terrible qu’il y a dans toute photographie : le retour du mort.
On dirait que, terrifié, le Photographe doit lutter énormément pour que la Photographie ne soit pas la Mort. Mais moi, déjà objet, je ne lutte pas. Je pressens que de ce mauvais rêve il faudra me réveiller encore plus durement ; car ce que la société fait de ma photo, ce qu’elle y lit, je ne le sais pas (de toute façon, il y a tant de lectures d’un même visage); mais lorsque je me découvre sur le produit de cette opération, ce que je vois, c’est que je suis devenu Tout-Image, c’est-à-dire la Mort en personne ; les autres – l’Autre – me déproprient de moi-même, ils font de moi, avec férocité, un objet, ils me tiennent à merci, à disposition, rangé dans un fichier, préparé pour tous les truquages subtils. »
La voiture disparaîtra… et le reste
« Si la Photo me paraît plus proche du Théâtre, c’est à travers un relais singulier (peut-être suis-je le seul à le voir) : la Mort. On connaît le rapport originel du théâtre et du culte des Morts : les premiers acteurs se détachaient de la communauté en jouant le rôle des Morts : se grimer, c’était se désigner comme un corps à la fois vivant et mort : buste blanchi du théâtre totémique, homme au visage peint du théâtre chinois, maquillage à base de pâte de riz du Katha Kali lndien, masque du Nô japonais. Or c’est ce même rapport que je trouve dans la Photo ; si vivante qu’on s’efforce de la concevoir (et cette rage à “faire vivant” ne peut être que la dénégation mythique d’un malaise de mort), la Photo est comme un théâtre primitif, comme un Tableau Vivant, la figuration de la face immobile et fardée sous laquelle nous voyons les morts. »
mĕmĭni
 La Photographie est unaire lorsqu’elle transforme emphatiquement la “réalité” sans la dédoubler, la faire vaciller (l’emphase est une force de cohésion) : aucun duel, aucun indirect, aucune disturbance. La Photographie unaire a tout pour être banale, l’“unité” de la composition étant la première règle de la rhétorique vulgaire (et notamment scolaire) : “Le sujet, dit un conseil aux amateurs photographes, doit être simple, débarrassé d’accessoires inutiles; cela porte un nom : la recherche de l’unité.”
Une photo unaire, c’est la photo pornographique (je ne dis pas érotique : l’érotique est un pornographique dérangé, fissuré). Rien de plus homogène qu’une photographie pornographique. C’est une photo toujours naïve, sans intention et sans calcul. Comme une vitrine qui ne montrerait, éclairé, qu’un seul joyau, elle est tout entière constituée par la présentation d’une seule chose, le sexe : jamais d’objet second, intempestif, qui vienne cacher à moitié, retarder ou distraire. »
Archéologie

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