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Point de fuite ? |
« Quelle est la différence entre être pédé et être nègre ? C’est une blague que j’ai entendue en Afrique, au Cap, où ces deux sortes d’individus sont abondamment représentées. Vous posez la question une seconde fois, afin de la faire pénétrer encore mieux dans toute son écrasante simplicité. “Quelle est la différence entre être pédé et être nègre ?”
Vous faites une bonne petite pause et après cela seulement vous livrez la réponse : “Si vous êtes nègre, vous n’avez pas besoin de le dire à vos parents.”
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« Elle se considère ouvertement comme bisexuelle. Elle ne fume pas et ne consomme pas de drogues ni d'alcool. Elle est végétarienne. » Taille : 163 cm. Poids : 40 kg. Yeux : bruns |
Mais si, en revanche, vous êtes pédé ou gouine, vous savez bien qu’un jour le moment viendra, crucial et dérisoire à la fois, où vous devrez avoir avec vos parents l’une des conversations les plus gênantes, pour les deux côtés d’ailleurs, qu’un être humain puisse entamer avec ses géniteurs. Vous-même êtes le produit d’un échange sexuel entre eux et voilà que vous devez, le plus sérieusement du monde, parler de sexe avec eux. Une expérience qu’aucun rejeton ne brûle de faire. Vous devrez être témoin de la stupéfaction sans mélange ou du désespoir qui se peindra sur leur face, car ils seront totalement non préparés à votre révélation, puisque c’est vous qui pouvez choisir le lieu et l’heure de la déclaration. L’avantage du terrain est d’ailleurs le seul que vous ayez, à moins que vous ne soyez assez stupide pour vous laisser surprendre par eux, le pantalon sur les chaussures, avec le fils du voisin.
Il faudra les tester, faire la part entre leur amour pour vous et les espoirs qu’ils mettent en vous, entre leurs préjugés et leur confiance. Entre la mentalité de plus en plus libérée dans laquelle vous avez eu la chance de grandir et l’âge de pierre où eux-mêmes ont dû parvenir à la maturité avec toutes les habitudes morales et les conceptions de leur époque. Celles-ci peuvent paraître, entre-temps, tout à fait dépassées, mais pas pour eux, ils ont été formés par elles et ce fondement, cette jeunesse, ce cadre de référence, ils ne pourront jamais rien y changer.
Depuis que vous êtes tout jeune, vous savez qu’une telle conversation adviendra, comme vous savez aussi que, sans cette conversation, vous ne pouvez être le digne fils de vos parents, qui vous ont toujours inculqué qu’il faut avant tout être sincère et courageux et ne jamais avoir honte de ce qu’on est. Et pourtant vous êtes tout aussi conscient que ces mêmes parents, pendant cette conversation, sont en train de se mordre moralement les doigts de n’avoir pas mieux mis en valeur, durant votre éducation, les avantages de l’hypocrisie charmante et de la discrétion sexuelle.
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La pomme comme invitation à la sodomie ? |
Vous les connaissez assez bien pour savoir que vous allez les blesser, mais vous savez aussi fichtrement bien que ce n’est pas vous, mais leurs propres conceptions et leur passé qui infligent cette blessure. Peu importe*, la blessure va venir et c’est vous qui portez le coup à deux personnes qui sont proches de votre cœur. Qu’est-ce que cela peut fiche que ce ne soient que des illusions que vous faites valser en mille morceaux ? Vous les avez portées et supportées jusque-là. Vous-même n’avez jamais demandé qu’on nourrisse ces illusions. Cela n’y change rien, vous les avez entretenues et laissé grandir depuis le début de votre puberté.
Et maintenant la plaie de la désillusion ne peut en être que plus profonde. “Peut”, car l’issue n’est pas certaine. Vous risquez la brouille à vie mais, presque aussi grave, vous courez le risque d’être accueilli par un haussement d’épaules indifférent et un soupir : “Ce n’était que ça ?” ou “Mais on le savait depuis longtemps.” Ce qui fera paraître ridiculement godiches vos années d’hésitation et de plans stratégiques, ridiculement pauvre tout votre courage, ridiculement médiocre votre confiance en eux. Donc, quoi qu’il puisse se passer, ce ne sera jamais bien. Par conséquent, avant d’en arriver là, vous voulez être suffisamment droit dans vos bottes pour pouvoir affronter sans flancher la tempête, aussi forte et aussi idiote qu’elle puisse être, et en sortir avec le moins de dommage possible pour tous les intéressés. Douleur, bonheur, acceptation, soulagement, souci, hystérie, indifférence, rien ne pourra vous démonter et démoraliser et démolir, c’est votre volonté. Surtout si vous avez affaire à une mère qui, à plus d’un (juste) titre, jouit d’une réputation de tragédienne pure et dure*. »
* En français dans le texte original
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Peur de quoi ? Taille originale : 2 fois 29,7 x 21 cm |
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