jeudi 26 juin 2025

Cette obsession de tous les instants

« Je sais que les hommes sont lâches. Aussi lâches que les femmes sont compliquées. »
« Et je me promène maintenant dans ma robe sac, le ventre bombé, ma ceinture ajustée sous les seins pour que nul n'ignore mes cinq mois de grossesse, un Romain Gary à la main ; mes meilleurs amis, les hommes de ma vie à l’exception de Jules, sont entièrement dans les livres et je goûte leur compagnie comme jamais auparavant, squattant les terrasses ensoleillées dans une félicité intérieure où ma perception de mon corps se noie entièrement. J’ai fait un deuil paisible de mon moi sexuel, il ne me semble plus vivre qu’a travers ce ventre où je sens parfois se déplacer quelque chose.
« Finalement, même s’ils ont les cheveux poivre et sel aujourd’hui, les hommes qu’on fréquente sont toujours aussi bébés. Toi et moi, et toutes les filles qu’on connaît, nous n’avons fait que suivre un processus logique de maturation. La seule chose qui ait vraiment changé depuis la seconde, c’est la taille de notre trou du cul.
— Élégant !
 »
J’imagine une époque où je serai à nouveau aussi mince que toutes ces filles autour de moi. La sensualité, cette obsession de tous les instants, m’apparaît comme un passé lointain ou un futur étrange, presque imaginaire. Sans doute est-ce dû à l’âge que je prends plus qu’à la grossesse - j’ai une nostalgie poignante de ces courses folles dans Paris où chaque regard d'homme m'était une bouffée d'air. Leur façon de tourner la tête ; comme je tournais la mienne alors. Étourdie par la possibilité de. Affolée par ce que je les imaginais imaginer. Cette conscience de ma chair, ce confort infini d’être et de bouger, cet amour de moi. Ces regards que j’emportais jusque dans les confins de ma banlieue, toute brûlante d’être passée sous leur nez comme une odeur exquise. Ces manigances intérieures à propos du premier venu que je ne reverrais jamais, et à propos de ceux que je côtoyais quotidiennement ; ce travail de sape acharné pour un sourire que je trouvais plus franc que d'habitude. Ces couilles énormes que je me sentais pousser. Ce besoin pathologique de les savoir mordus - le pire et le plus délicieux de tous mes esclavages.
C’est étonnant que je puisse aujourd’hui m’en foutre à ce point. Disons plutôt que j’ai renoncé à cette distraction pendant que je suis enceinte.
jin, jîyan, azadî
Enfermée en moi-même, Romain Gary à mes côtés, bras dessus bras dessous. Je ris aux éclats. Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable ; quelle misère que ces contingences humaines, n’est-ce pas ? Cette manie de la queue dure, quand l’amour nom de Dieu se suffit pleinement d’une communion des âmes. Jouir - oui, bon. C’est si limité, si restreint. Des heures de contorsions et d’ahanements pour le simple plaisir de jouir à deux, par la main d’un autre - quand on torcherait ça soi-même avec un tel brio. Tout ce raffut pour un spasme ; n’importe quel homme sensé y renoncerait.
Maintenant que le sexe me semble vain, c’est dire si je suis dans les conditions parfaites pour me faire surprendre par une liaison d’une envergure sans précédent. »
Ne pas toucher, ne pas s’asseoir
Taille originale : deux fois 29,7 x 21 cm

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