dimanche 3 avril 2011

Générosité pornographique

dessin pornographique fellation triolisme penetration
taille originale : 36 x 27 cm
Sur un forum consacré à une star du porno, un visiteur écrit qu’il remercie cette actrice pour sa « générosité ». Un tel remerciement ne peut qu’étonner les contempteurs de la pornographie : pour ceux-ci en effet, les amateurs de ces images considèrent les femmes (plus rarement les hommes) uniquement comme des « objets », de la « viande », des « bêtes » sans âme ni sentiments… Quant aux actrices, elles seraient censées n’agir que « pour l’argent » (poussées même par la « misère »), n’y trouver aucun plaisir et être traitées comme des esclaves.
Comment dès lors expliquer qu’un amateur de pornographie puisse parler de la « générosité » d’une telle actrice, un terme qui ne semble d’ailleurs pas étonner les autres participants à ce forum ? C’est le sens de ce terme, évident pour les uns, incompréhensible pour les autres, que je voudrais donc expliciter.
La générosité dans ce contexte tient, me semble-t-il, à deux choses.
D’abord, une actrice porno offre aux amateurs du genre, même si ce n’est qu’en images, son corps, son sexe, toute sa sexualité faite de gestes et de paroles, alors que, dans la vie « réelle », les femmes restreignent l’accès à leur « intimité » : elle ne se promènent pas nues, elles ne font pas l’amour en public, elles choisissent ceux (ou celles) avec qui elles acceptent d’avoir des rapports sexuels, et elles se refusent au plus grand nombre, étant majoritairement adeptes de la monogamie (de fait ou de droit)… Autrement dit, contrairement à l’utopie d’une liberté sexuelle généralisée, elles pratiquent une économie de la sexualité fondée (comme le capitalisme) sur la rareté : ce qui est rare est cher, et donc les femmes ne se donnent pas à n’importe qui, ni n’importe quand, ni à n’importe quelle condition.
C’est précisément cette économie (qui peut souvent paraître avaricieuse) que bousculent les actrices du porno qui offrent (au moins en images) leur sexe, leur corps, leurs gestes sans contrepartie ni monnaie d’échange, comme un pur don d’elles-mêmes. C’est cette générosité qui est incompréhensible pour toutes celles qui cherchent au contraire à préserver la valeur de leur intimité comme un trésor caché, et il faut dès lors accuser ces actrices de n’agir « que pour l’argent ». Mais les amateurs du genre savent intuitivement que ce qu’elles offrent « vaut » beaucoup plus que le prix éventuellement payé : une actrice porno se donne totalement, sans limites, sans pudeur, sans restriction alors que toutes les relations sociales entre hommes et femmes (les homosexuels sont peut-être moins restrictifs en ce domaine) sont au contraire fondées sur des règles de convenance, des restrictions, des normes, des politesses, le « respect » de l’intimité, le souci prioritaire de l’intérêt personnel, etc.
En cela et contrairement à une accusation récurrente, les amateurs du genre savent très bien faire la différence entre la pornographie et la « réalité », et, s’ils « consomment » de telles images, c’est précisément parce qu’elles ne correspondent pas à la « réalité » où règne la « propriété » des choses et des corps : dans une société de plus en plus égalitaire, les femmes sont évidemment propriétaires de leur propre corps et elles en usent à leur guise, même si c’est de façon restrictive en limitant l’accès à cette « propriété », le viol étant désormais et à juste titre considéré comme un crime majeur. L’utopie d’un « communisme sexuel », où hommes et femmes ne s’appartiendraient plus et se donneraient à tous et à toutes, se transformerait rapidement en un totalitarisme d’une violence insupportable.
Contrairement à la société environnante, la pornographie propose donc un monde d’images où des femmes exceptionnelles se donnent de façon généreuse, ne mettant aucune limite aux demandes qui leur sont adressées (sodomie, fellation, amour à trois, éjaculation faciale et bien d’autres choses encore), se soumettant à tous les caprices et toutes les fantaisies. On pourrait rétorquer que cette générosité est imaginaire, et que ces actrices ne font pas « n’importe quoi » : on suppose (et on espère) que, dans la réalité des tournages, elles peuvent négocier leurs conditions de travail (on pense notamment à la protection en matière de VIH), et il est vraisemblable qu’elle refusent certaines pratiques ou même certains partenaires. Mais ces limites — évidemment nécessaires et respectables — sont ignorées à l’écran où n’apparaît qu’une sexualité libre, généreuse, sans restrictions ni entraves.
Cette générosité n’est cependant pas uniquement celles du corps mais aussi celle de « l’âme », et c’est sur ce deuxième aspect que je voudrais à présent insister. Les grandes actrices porno — célébrées notamment sur les forums qui leur sont consacrés — ne se contentent pas en effet d’exhiber leur anatomie (comme certains le leur reprochent sommairement), et elles manifestent un entrain, un enthousiasme, une vitalité, une énergie, une endurance qui donnent toute leur valeur et toute leur saveur à leurs prestations. Telle actrice par exemple sourit et éclate même de rire après avoir reçu une dizaine d’éjaculations faciales, telle autre se renverse sans hésitation le cul en l’air pour se faire prestement sodomiser, une autre encore se saisit vigoureusement d’une bite pour la sucer et l’avaler entièrement… La caméra cherche d’ailleurs à saisir ces expressions sur leur visage, ces émotions qui révèlent leur humanité et auxquelles le voyeur peut s’identifier : il n’y a pas de pornographie sans subjectivité, sans une « âme » qui effectivement se donne et s’offre à travers les gestes et l’exhibition corporelle (sinon on filmerait des poupées gonflables ou des robots à apparence humaine).
Cette participation subjective ne prend pas nécessairement une forme rieuse ou joyeuse, et une très belle actrice porno est restée célèbre à cause de la moue ennuyée qu’elle répétait de film en film. Mais c’est précisément cette répétition, cette obstination à s’exhiber, à baiser et à se faire baiser, ce consentement sans cesse renouvelé aux gestes, aux positions, aux postures demandés, qui prouvaient ou révélaient une indéniable générosité dans le don d’elle-même à ses partenaires mais surtout à la caméra et aux spectateurs.
Il ne s’agit pas de généraliser cette analyse ni d’affirmer que tous les tournages de films pornographiques se font dans l’enthousiasme général. Il y a bien entendu une part de mise en scène, et beaucoup de cris de jouissance sont totalement artificiels. Mais les stars du porno, qui ont participé à des dizaines de films différents, ne pourraient pas répéter de telles scènes, de tels gestes, de telles exhibitions sans une espèce d’engagement subjectif qui mérite bien d’être appelé, comme l’a fait ce participant à un forum, une réelle générosité.

1 commentaire:

  1. J'pense votre dessins est belle plus !

    J'aime les couleurs sur des papiers differents.

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