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Portrait moderne Taille originale : 29,7 x 21 cm |
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Toute pornographie n'est pas bonne à voir Taille originale : 24 x 32 cm |
« Ils gagnent bientôt un nouveau territoire, descendent à l’angle de la 28e et de Broadway, le mot BATH est gravé sur le trottoir, Rudi ajuste sa vieille casquette en cuir, Victor frappe quatre fois à la porte, le code, puis lance Salutations ! au jeune homme qui ouvre, ils posent leur argent sur le comptoir, on leur donne leurs serviettes, ils avancent le long du couloir lambrissé, dans une lumière indéfinie, vers les vestiaires, ils se déshabillent en se laissant engloutir par les bruits, le flip-flap des pieds nus, l’eau qui goutte, la vapeur qui siffle, rires et petits cris distants, puis, la serviette autour de la taille, la clé du casier accrochée à la cheville, Rudi et Victor partent vers le cœur de l’Everard, qui a tout finalement d’un ballet aussi - ici s’exerce le commerce mécanique de la fesse, c’est un sommet en ville -, mecs à boucles d’oreilles, mecs à talons hauts, mecs à mascara, mecs en robe droit sortis des décors d’Autant en emporte le vent, mecs dans leur maillot du Viêt-nam, mecs à lunettes d’aviateur, mecs barbouillés de graisse, mecs au look de gonzesse, mecs qui veulent en être une, des mecs entre-deux, des mecs bien dressés, des malheureux en berne, quelques-uns accroupis au-dessus d’un jet d’eau pour un lavement rapide, un braillement dans les douches, et tout le monde qui baise, qui baise dans les cabines, baise à la fontaine, baise dans les saunas, baise à la chaudière, dans le placard à balais, dans les toilettes, dans les bains, et qui fiste, et qui doigte, même avec les orteils, qui baise en groupe, en grappes, qui s’encule et qui se feuille-de-rose, le super pour ordinaire, des sandwiches de chair, comme si Victor-Rudi avait jeté la pilule à baiser dans toute la plomberie, gloire à elle, alléluia ! Avé sainte Baise ! au travail ! bienvenue ! qui que vous soyez ! petit ou gros ! grand ou mince ! riche ou pauvre ! long ou court ! (long surtout !) jouissons au Ever-Hard ! et Victor repère un mec, bourré d’adrénaline et d’amphés, vêtu en tout et pour tout d’un gant de boxe lubrifié, qui gueule Viens te le mettre, viens te le mettre, je suis gaucher ! et un autre, silencieux dans un coin, qui regarde, l’alliance au doigt, un tout autre genre de trou du cul, Victor déteste les hommes mariés, ce sans-gêne sournois avant de rentrer chez bobonne, mais qu’importe, on s’en fout, de ceux-là, il y a largement de quoi se sustenter, et il se tourne vers Rudi et dit Fais tes courses ! car jamais ils ne se servent ensemble, ils restent séparés, chacun son choix dans l’éventail, et, l’instant d’après, Rudi est là-bas au fond du couloir, pendant que Victor sillonne ici, sonde l’atmosphère, scrute et mesure, visages et balisage, le rituel des dix premières minutes, car, attentif, sérieux, Victor se demande toujours par quel bout commencer, il collecte les données — c’est mission impossible, il le sait, de se ruer dans la mêlée —, il se rince la figure devant un tuyau qui fuit, traverse le courant, la serviette sur les hanches, bandit armé, baisse les cils pour dire. Non, je n ’ai pas envie, et je n’aurai jamais envie, même s’il ne restait que toi et moi sur Terre, ou il les relève pour, Peut-être, voire ouvre grand les yeux et c’est, Oui oui oui, son attention soudain sollicitée par une jambe dans les douches, une chute de reins, la courbure d’un torse, l’arc d’une bouche, la ligne d’une hanche, et il marche en sentant son moteur s’emballer, le sang bouillonner, le désir monter, la vapeur l’enveloppe maintenant, oui oui oui oui, il hoche la tête à un petit blond barbu tout seul dans l’embrasure de la cabine, l’œil bleu, grave, et l’instant d’après ils sont emboîtés sous la lampe rouge, ignorent le triste matelas tassé par terre, ils y vont contre le mur, le glissement de la peau et l’appétit qui gifle, Victor laisse faire, un souffle brûlant sur sa nuque, la main tendue pour flatter derrière lui ces bourses amoureuses, plutôt piéton comme baise, pense-t-il, ne choisit pas qui est emprunté, il se reprend quand le type a fini, Gracias !, et il repart à l’attaque, décide qu’il sera actif maintenant toute la nuit, car il préfère, cheval, locomotive, Gracias ! Gracias ! Gracias ! un raz-de-baise arrive, brutal et sans pitié, d’abord un gamin, puis un mec, puis encore un gamin, celui-là a certainement les plus belles omoplates que Victor ait connues, il adore les omoplates, adore passer la langue dans le creux puis glisser sa bouche sur la nuque quand son amant frissonne, gémit, et mordiller l’épine dorsale, Victor n’est jamais fatigué de baiser, espère ne jamais l’être — ses rares amis hétéros, ceux mariés surtout, refusent foncièrement de croire qu’il puisse baiser une journée entière et recommencer le lendemain, ils le tiennent pour menteur quand il affirme avoir consommé plus d’amants que de repas chauds, mais c’est la vérité, la vérité toute nue, La bouffe, mon gars, c’est largement surfait, et il continue, passe de corps en corps, avant de décider, finalement, de se reposer cinq minutes, une petite pause, il part vers les bains, satisfait, heureux, chasse momentanément interrompue, glisse dans la vapeur puis dans l’eau apaisante, flotte tranquillement pendant qu’autour de lui se poursuit la gymnastique — il fut un temps où ces bains étaient propriété des Italiens et des Irlandais, mais, depuis la fin des années 60, ces glorieuses sixties où la chair s’est faite mœurs, ils appartiennent aux Victor du monde, victorieux, triomphants, affaire à risque toutefois, sujette aux descentes de flics, et Victor a passé des nuits au trou, où d’ailleurs persiste l’esprit des bains, franche camaraderie ! merveilleuse courtoisie ! ah, les rockers du bagne ! — et, tandis qu’il s’enfonce tout entier sous l’eau, Victor se demande où en est Rudi, mais il sait qu’il n’a pas de souci à se faire, Rudi, c’est du papier tue-mouches, les mecs restent collés à lui, à la force de l’instant, ils en reparleront à voix basse pendant des années, Eh, j’ai lutté contre la guerre froide, moi ! Ouais, je me suis fait baiser par Noureïev ! Et, je vais te dire un truc, mec, sa faucille, c’était le marteau-pilon ! et chacun ira de sa petite histoire, vraie ou fausse, la taille de sa bitte, les battements de son cœur, le toucher de ses doigts, le goût de sa langue, la sueur sur ses cuisses, l’empreinte de ses lèvres, peut-être même le souvenir de leur propre cœur brisé contre les os des côtes tandis qu’il s’en allait »
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Décidément ! |
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Rétrospectivement… |
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