jeudi 12 décembre 2024

Un réceptacle de l'esprit saint

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Les mystiques : saintes ou hérétiques ?

« On peut constater à partir du XIIe siècle, et plus encore au XIIIe, l’existence d’une “profonde inquiétude religieuse” qui a poussé beaucoup d’hommes et de femmes à abandonner les formes traditionnelles de piété et, rassemblés le plus souvent en groupes ou en groupuscules de croyants animés par les mêmes idées, à chercher le salut de leur âme par des voies que l’Église n’avait pas indiquées, ou qu’elle avait même interdites, et qui conduisaient à l’hérésie et à la persécution. Au nord des Alpes, cet élan nouveau était surtout soutenu par les femmes, au point que le poète Ulrich de Lichtenstein, au milieu du XIIIe siècle, se plaignait, par manière de plaisanterie, de ce que soudainement toutes les femmes, telles des nonnes, courussent en tout sens, voilées et munies du rosaire, se hâtant jour et nuit vers l’église, sans plus octroyer aux chevaliers et à l’amour courtois un mot plaisant.
Ce mouvement, qui s’étendit à l’ensemble du continent européen mais s’épanouit surtout dans les grandes villes commerçantes possédant des capitaux et un haut niveau de développement économique, en Italie, en France, en Flandre et le long du Rhin, avait des objectifs variés ; au premier chef, il visait cependant au renouveau religieux de la chrétienté et au retour vers des valeurs ascétiques et apostoliques telles que la pauvreté, l’humilité, la chasteté, et enfin le travail, la vita activa.
Galvanisées par les prédicateurs qui parcouraient le pays et appelaient à se détourner du monde de l’ignoble Mammon, du bien-être superficiel et de l’usure, toutes choses qu’ils pensaient trouver dans les villes florissantes où les tensions sociales allaient croissant, des femmes se rassemblèrent dans des maisons privées ou dans de petites cabanes à la limite des villes pour mener une “vie apostolique” et subsister, à l’image des disciples du Christ, grâce à la prédication et à la mendicité. L’amour chrétien du prochain devait également occuper une grande place dans cette nouvelle existence plus agréable à Dieu. C’était une entreprise téméraire pour des femmes, dans une société où celles qui vivaient dans la rue sans être contrôlées et organisées étaient plutôt considérées comme des putains que comme des saintes. Sous la pression croissante de la société, des instances laïques et surtout ecclésiastiques, cette manière de vivre, à laquelle avaient aspiré par exemple Claire d’Assise, Élisabeth de Thuringe ou Mechthild de Magdebourg (vers 1250), fut de plus en plus restreinte et condamnée. Lorsqu’il devint évident qu’on ne pouvait pas endiguer le mouvement et que femmes et jeunes filles, issues de toutes les couches sociales, décidaient, en nombre toujours plus grand, de suivre cette nouvelle forme de vie religieuse, on tenta, avec succès, de diviser et de canaliser le mouvement.
L’approbation et la reconnaissance furent réservées aux groupes et aux communautés qui avaient accumulé suffisamment de biens et qui s’étaient installés dans une maison fixe. Quant aux autres groupes et aux communautés qui vivaient de mendicité et, parfois, “vagabondaient” par groupes mixtes dans les rues, sur les places et par les grands chemins, on les considéra désormais comme des “hérétiques”, des destructeurs de la communauté chrétienne et des gens qui divulguaient des doctrines blasphématoires, d’autant plus que, souvent, ils répandaient des idées très anticléricales et extrêmement critiques vis-à-vis de l’Église. Ces “Frères et Sœurs du Libre Esprit” devinrent dans le courant du XIVe siècle la cible principale des poursuites inquisitoriales. Beaucoup d’entre eux connurent le même sort que Marguerite Porète, mystique cultivée et auteur du traité du Libre Esprit le Miroir des simples âmes, qui finit sur le bûcher à Paris en 1310 après avoir comparu devant le tribunal de l’Inquisition .
C’est en particulier l’intérêt que montraient de nombreuses communautés féminines pour la théologie qui éveillait la méfiance chez leurs contemporains. La multiplication des textes d’inspiration mystique venus des cercles de ces communautés féminines animées par un idéal religieux et qui y circulaient, par exemple les vers d’une Hadewijch (vers 1230), l’autobiographie de Béatrice de Nazareth ou la Lumière ruisselante de la Divinité de Mechthild de Magdebourg (vers 1250), aboutit finalement à une floraison culturelle “féminine” jusque-là inconnue en Europe — un état de fait qui provoquait un grand étonnement, même chez ceux qui leur étaient favorables. Vers la fin du XIIIe siècle, le franciscain Lamprecht de Ratisbonne constatait avec surprise que “de nos jours les femmes aussi s’expriment sur des questions théologiques, et même semblent s’y entendre mieux dans les questions religieuses que des hommes avisés”. Il donnait à ce phénomène l’explication suivante : “Quand une femme s’efforce de mener une vie agréable à Dieu, son cœur tendre et la moindre volonté quelle doit à la simplicité de ses facultés intellectuelles l’enflamment plus rapidement, si bien que son désir de Dieu appréhende mieux la sagesse du Ciel que ne le ferait un homme rude qui est peu apte à cela.”
Thinking Sex: Notes for a Radical Theory of the Politics of Sexuality
Cette explication manquait de pertinence dans la mesure où les femmes auteurs d’écrits mystiques n’étaient en aucune manière moins bien pourvues en “facultés intellectuelles” que leurs contemporains masculins ; la plupart d’entre elles ne manquaient pas non plus de formation théologique. Le traité de Marguerite Porète témoigne, comme les œuvres d’une Hildegarde de Bingen (✝ 1196) ou d’une Catherine de Sienne, de leurs bonnes connaissances des écrits théologiques et de la Bible et d’une volonté déclarée de développer une autre “vision” des questions théologiques controversées. Cependant, la parole de l’apôtre Paul déclarant que la femme doit se taire à l’intérieur de la communauté chrétienne s’appliquait encore aux femmes de la fin du Moyen Age ; elles étaient privées de l’ordination sacerdotale et, par là, de l’accès à la théologie ainsi qu’à la prédication publique. Aussi la voie que les femmes animées d’un sentiment religieux choisirent à la fin du Moyen Age fut-elle celle du “discours mystique”. Hildegarde de Bingen se définit elle-même comme un “réceptacle de l’Esprit saint”, image que les mystiques venant après elle reprirent à leur compte ; de ce fait, ces femmes pouvaient éprouver le sentiment d’être “l’instrument de Dieu”, et elles trouvèrent presque partout une oreille attentive auprès des croyants désorientés par l’état de désolation où était tombée l’“Église pontificale”, divisée en factions rivales luttant pour le pouvoir, et déchirée par le Grand Schisme jusqu’à la “réconciliation” provisoire du concile de Constance (1414-1418).
En fait, tout au long du Moyen Âge tardif, des femmes ne cessèrent de prendre la parole jusque dans des situations politiques très explosives ; Catherine de Sienne et Brigitte de Suède, qui tentèrent toutes deux de mettre fin au Grand Schisme, étaient certainement les plus connues d’entre elles, mais n’étaient pas, de loin, les seules. Dans le sud et le sud-ouest de l’Allemagne vivaient plusieurs femmes animées par un sentiment religieux “ayant le don de mysticisme”, et qui non seulement mettaient ou faisaient mettre par écrit leurs visions et révélations mystiques, mais aussi s’immisçaient activement dans les conflits sociaux et politiques. Et elles étaient écoutées, ainsi la Suissesse Marguerite Ebner ou son homonyme de Nuremberg Christine Ebner (toutes deux vers 1350), ou en Italie, outre Catherine de Sienne, des femmes éminentes comme Angèle de Foligno et Claire de Montefalco (✝ 1308). Dans la France ravagée par la guerre de Cent Ans, ce furent surtout des femmes qui se sentirent appelées à sauver le pays, l’Église et la chrétienté : Jeanne d’Arc, qui s’intitulait elle-même la libératrice, n’était qu’une des nombreuses “envoyées de Dieu” qui n’avaient cessé de faire parler d’elles depuis la fin du XIVe siècle et qui n’étaient pas mieux vues de l’Inquisition que la “Pucelle d’Orléans” : par exemple la “veuve de Rabastens” dans le Sud-Ouest, vers 1350, ou Jeanne-Marie de Maillé en Touraine (1331-1414).
Dans cette mesure, la fin du Moyen Âge fut une époque particulièrement marquée par les femmes dans les domaines politique et religieux ; jamais le nombre des femmes canonisées n’avait été et ne devait être aussi élevé que durant les trois derniers siècles du Moyen Age : les femmes constituent jusqu’au quart de l’ensemble des saints canonisés à cette époque — et une grande partie d’entre elles étaient même des femmes mariées et des mères. Jamais auparavant ni par la suite, les femmes n’eurent le sentiment de vivre dans un monde de fidèles et de saints aussi “féminisé”, même si leur exclusion du service de l’autel et du sacrement sacerdotal ne fut jamais sérieusement remise en question - du moins à l’intérieur du cadre ecclésiastique.
Car, comme dans le monde du travail où les femmes se préoccupaient manifestement peu — trop peu, ainsi que l’historienne américaine Martha C. Howell l’a récemment écrit — d’assurer leur position sur le plan juridique et institutionnel, les visionnaires, les mystiques et toutes les femmes animées par un idéal religieux ne profitèrent pas de cette importance nouvellement acquise pour obtenir un statut meilleur et bien établi au sein de l’Église ; elles se fièrent au contraire au charisme des mystiques, c’est-à-dire à la force de l’esprit divin capable de faire voler en éclats autorités et hiérarchies.
Alors que Brigitte de Suède et Catherine de Sienne, plus avisées, se mettaient à couvert en recherchant la protection de la curie et d’une organisation monastique, et réussissaient, au moins partiellement, à faire partager leurs aspirations politiques et leurs idées théologiques, la mauvaise humeur grandit à l’encontre du “goût excessif des femmes pour le miraculeux” au cours du XVe siècle, et pas seulement dans le milieu des théologiens. De plus en plus de femmes furent dénoncées comme “fausses prophétesses”, et Rome refusa la canonisation à des mystiques et des visionnaires déjà vénérées communément comme des saintes - notamment Jeanne d’Arc ! Dès les débuts de la Réforme et, avec elle, d’une critique radicale du concept de sainteté promu par l’Église catholique, les possibilités qu’avaient les femmes d’exercer une influence sur la théologie, en ce monde comme dans l’autre, diminuèrent sensiblement. La fin du Moyen Age sonna le glas de la célébrité et de la sainteté féminines. Dès le XVIe siècle, lorsque, dans le sillage de la Réforme et de la Contre-Réforme, les faits et les arguments, la connaissance solide de la Bible et la formation théologique commencèrent à compter davantage que l’inspiration divine, le nombre des femmes vénérées comme saintes, voire canonisées, baissa nettement. Au XVIe siècle, finalement, on ne fit plus que se méfier de la spiritualité féminine, du “tendre cœur” des mystiques et de leur “volonté amoindrie par la simplicité de leurs facultés intellectuelles” ; ne pouvaient-elles pas, aussi bien, être inspirées par le Diable, voire “pénétrées” par lui ? La place réservée à la spiritualité féminine, quand celle-ci revêtait un caractère exceptionnel, fut dorénavant la chambre de torture des inquisiteurs et pour finir le bûcher, et non plus l’autel. On transforma les ravissements extatiques des mystiques en voyages nocturnes de sorcières.
Jetons un dernier regard sur l’ensemble des évolutions multiformes qui ont affecté l’existence et l’expérience quotidiennes des femmes, telles qu’on peut les appréhender au travers des sources textuelles et iconographiques de la fin du Moyen Age. Comme on l’a montré pour le travail féminin, mais aussi pour le mariage et la religiosité, la fin du Moyen Age a été une époque de renouveau et de formidables changements qui, vers la fin de la période, pour partie se consolidèrent, et pour partie cédèrent la place à d’autres transformations radicales. Tous ces bouleversements marquèrent de leur empreinte et transformèrent la vie et la place de la femme, par le fait qu’ils impliquaient et modifiaient les relations entre les sexes, que ce fût d’un point de vue économique ou juridique, religieux ou idéologique.
Il nous semble assez clair que, dans les trois derniers siècles du Moyen Age, avec des différences selon les couches sociales et les régions, les femmes conquirent des espaces de liberté et purent ouvrir des brèches dans la structure patriarcale du “mâle Moyen Age” ; ainsi en alla-t-il de leur place dans les corporations artisanales des villes, ou de leur situation juridique de “mineures”. Dans l’ensemble, le rapport des sexes apparaît vers 1500 plus ambigu qu’auparavant.
C’est ce que montre, par exemple, la polémique menée par Christine de Pizan contre une tradition fondée sur des croyances et une culture misogynes, à laquelle la femme de lettres franco-italienne dans sa Cité des Dames opposa le projet de “sauver l’honneur du sexe féminin” ; mais c’est ce que montrent aussi les attaques toujours menées contre l’ensemble du sexe féminin par les maîtres de métier et les compagnons s’efforçant d’évincer la concurrence féminine. L’émancipation et la répression, la valorisation et la dévalorisation des femmes sont les deux côtés d’une même médaille. Tel est le legs de la société médiévale à l’“époque moderne” : la dispute sur la valeur des femmes et sur leur place dans la société, la “querelle des femmes”, même au plus noir des siècles de la ”chasse aux sorcières”, ne finira plus. »
L'abus d'alcool nuit à la santé
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