lundi 30 janvier 2023

Pauline et Virginien

Du grotesque

L’éjaculation faciale soumet la beauté (le plus souvent féminine) à une forme de grotesque dû aussi bien aux coulées de sperme qu’aux bouches grandement ouvertes. Le grotesque n’efface cependant pas la beauté qui est seulement souillée, offensée, humiliée, brièvement déformée par la grimace, et c’est ce paradoxe qui en justifie l’attrait et explique son succès. Il ne faut pas oublier en effet qu’en temps ordinaire la beauté qui est offerte à notre vue nous est également le plus souvent sexuellement refusée. Que d’aucunes ou d’aucuns (si l’on a des préférences gays) consentent à un tel traitement grotesque ne transforme pas ce geste en réelle domination, ni même en revanche (le vilain mot !), seulement en une sorte de célébration de la beauté elle-même qui reste présente, inaltérable même.

Et le voyeur grotesque.
Taille originale : cinq fois 21 x 29,7cm & deux fois 29,7 x 21 cm

Pastorale moderne

Pauline et Virginien étaient deux enfants vivant en Île-de-France dans des appartements voisins d’une HLM de banlieue. Leurs mères seules les élevaient, les pères ayant immédiatement fui à l’annonce d’une grossesse qui risquait de mettre fin à leurs soirées entre copains et à leurs parties de jeux vidéos. Madame Dufour, la mère de Pauline, vivait modestement d’un salaire d’infirmière dans une maison de repos. Rachida élevait de façon plus modeste encore son fils Virginien (même s’il avait été enregistré à la naissance sous le prénom d’Eadhra) grâce à l’argent des ménages qu’elle faisait de façon intermittente et de quelques allocations de survie. La nécessité plus que l’amitié les avait rapprochées, leurs horaires décalés les amenant à se confier leurs enfants respectifs quand elles devaient se rendre au travail. C’étaient des arrangements pratiques sous couvert d’amitié ou plutôt de simple voisinage, et Rachida pensait en son for intérieur que madame Dufour était une grosse imbécile — il est vrai qu’elle avait pris beaucoup de poids après son accouchement et devait à présent peser près de cent kilos pour un mètre soixante-dix —, prétentieuse de surcroît, adepte de fumeuses théories naturopathes. Et celle-ci ne pouvait s’empêcher d’estimer que sa voisine vivait, comme tous ses congénères, aux crochets des Français trop bonnes poires, même si Rachida se levait à cinq heures du matin pour aller nettoyer des bureaux à l’autre bout de la capitale…

Pauline et Virginien jouèrent et grandirent ensemble pendant une enfance ponctuée bien sûr de quelques disputes et réconciliations, mais qui leur sembla interminable. On en épargnera donc les détails au lecteur ainsi qu’à la lectrice qui, nous l’espérons, nous accompagne. Venons-en rapidement aux faits qui devraient permettre bientôt de libérer notre entre-jambes des contraintes vestimentaires et de mettre en branle nos sexes respectifs. C’est ce qui arriva d’ailleurs à nos deux héros.

À la venue de l’adolescence, quand les poils et l’acné surgirent, Pauline fut reçue à plusieurs reprises avec une froideur nouvelle par son gentil voisin. Elle s’en étonna, et les prétextes avancés — des devoirs à faire — lui parurent ridicules. Elle se doutait bien qu’il y avait anguille sous roche ou plus certainement pénis sous la couette, car on n’était plus en ces temps anciens où les mystères de la nature étaient supposément inconnus des jouvenceaux. Dans les cours d’école, les copines n’arrêtaient pas d’évoquer avec des rires complices les intenses masturbations auxquelles devait certainement se livrer tel ou tel condisciple boutonneux. Mais Pauline était désappointée que Virginien n’ait manifesté aucune envie de lui montrer comment il pratiquait la chose. Et il y avait bien longtemps qu’ils ne s’étaient plus retrouvés à jouer nus ensemble un jour de canicule dans une minuscule piscine gonflable. Elle essayait d’imaginer la forme et la taille de son pénis sans parvenir à se le figurer concrètement.

Elle mit en place quelques pauvres stratagèmes pour surprendre Virginien en pleine action, mais elle ne parvint pas à saisir le moment opportun. Heureusement, sa mère avait les clefs de sa voisine « au cas où… », dont un jour elle s’empara pour pénétrer dans l’appartement, tôt le matin, peu après le départ de Rachida. Elle attendit silencieusement dans le couloir devant la porte de la chambre de Virginien. L’attente fut longue, mais après une demi-heure environ, des bruits suspects se firent entendre, qui devinrent bientôt des aveux explicites. Elle patienta encore quelques secondes pour être sûre de le surprendre en pleine action, puis entra sans hésitation dans la chambre qui était plongée dans l’obscurité et sentait fortement la transpiration et le renfermé. Elle parvint à articuler de façon audible : « Ho ! Qu’est-ce que tu fais ? Tu dors encore ? », tout en se dirigeant vers la fenêtre dont elle entrouvrit les rideaux. Elle avait l’air assurée mais était en réalité tremblante, incapable de prononcer d’autres mots que cette formule qu’elle ruminait depuis un moment. Virginien se récria, mais Pauline était suffisamment décidée pour saisir la couverture et la rejeter violemment au pied du lit. Elle découvrit la bite de Virginien bien raide, même si sa main s’en était déjà éloignée. Le spectacle était remarquable même s’il correspondait en gros à ce qu’elle avait imaginé : la veste du pyjama était entrouverte jusqu’au nombril, et le pantalon à peine baissé laissait apparaître la bite dressée de ses douze ou treize centimètres de longueur avec les deux couilles rondes au milieu d’un petit matelas de poils noirs. Grâce à son geste décidé, Pauline avait pris l’ascendant et pouvait à présent conduire la conversation à sa guise : « Ah, ah, tu es en train de te branler ! Mais continue ! Ne te gêne pas pour moi. Si, si, vas-y, j’ai envie de voir comment tu t’y prends. Allez, ne sois pas timide, on se connaît depuis si longtemps. » Virginien obéit lentement et se caressa sans grande vigueur, manifestement perturbé dans ses rêveries fantasmatiques où Pauline n’avait sans doute pas sa place. Il est vrai qu’avec son corps d’adolescente filiforme, son visage quelconque et une acné envahissante, elle ne dégageait qu’une très faible aura érotique. Mais, toujours aussi assurée, elle s’assit au bord du lit et mit sa main sur la bite que Virginien lui abandonna : « Laisse-moi faire, je vais m’occuper de toi ». C’était sa première expérience en la matière, mais l’instinct lui indiqua rapidement comment procéder. Les leçons de la Nature sont en effet les meilleures, et l’engin qui avait déjà perdu de sa vigueur recommença à bander et répandit bientôt deux petits jets blanchâtres grâce aux caresses enveloppantes de Pauline. Virginien bredouilla : « C’est déjà la deuxième fois ce matin, alors tu comprends, il y en a moins… » « Mais ça t’a quand même bien plu », répliqua Pauline. Virginien acquiesça.

Mais son amie avait d’autres idées en tête. « Dorénavant, lui déclara-t-elle, tu ne te branleras plus tout seul. Tu devras m’appeler et c’est moi qui m’occuperai de ta bite. Notre amitié est trop longue et trop sensible pour que je t’abandonne à ta solitude. Il est juste que ce soit moi qui prenne les choses en main et te conduise régulièrement à la félicité. » Virginien approuva à nouveau. Pauline ne savait cependant pas à quoi elle s’engageait. Dès le lendemain matin, elle reçut un message de Virginien qui se déclarait en situation d’urgence. Quand elle arriva sur place, les choses étaient manifestement bien avancées, et le membre en question dur comme du bois. Virginien suppliait : « Branle-moi, branle-moi, je souffre atrocement ! » C’était un peu exagéré, mais Pauline eut un plaisir nouveau à saisir cette bite étonnamment durcie. C’était particulièrement troublant de se sentir la maîtresse de ce membre qui ne lui appartenait pourtant pas. On aurait dit un esclave dont elle pouvait profiter à sa guise, le faisant durcir, puis le relâchant, le branlant à nouveau fermement, l’astiquant de haut en bas rapidement puis plus lentement. La chose lui obéissait muettement, pleine d’une reconnaissance contenue. La moisson fut saine et abondante, montant haut dans le ciel avant de retomber en gerbe sur le ventre, le torse et même le visage de Virginien.

Pauline se réjouit de ce beau spectacle de la Nature, inédit pour elle. Ni l’un ni l’autre cependant ne pouvaient négliger ce matin-là leurs obligations scolaires. Mais à midi déjà, Pauline recevait un message désespéré de Virginien en proie à une nouvelle érection. Il fallut trouver un endroit discret aux abords du collège pour soulager le pauvre garçon. Et les appels se multiplièrent ainsi plusieurs fois par jour. Pauline s’activait autant qu’elle le pouvait, et Virginien ne manquait pas de s’exclamer à l’issue de chacune de ces précieuses masturbations : « Ah, mon amie, quelle belle action tu as faite là ! ». Chaque jour était pour ces deux amis un jour de bonheur et de paix. Ni l’envie ni l’ambition ne les tourmentaient. Pourtant, la fatigue et l’épuisement saisirent bientôt Pauline, et, n’eût été son jeune âge, elle aurait certainement été victime d’une tendinite du coude ou du poignet. Elle réussit à convaincre son jeune ami d’espacer leurs rencontres, bien qu’elle fut persuadée qu’en son absence, il reprendrait certainement ses habitudes solitaires. Mais elle sentait également que la nature faisait son œuvre en leurs âmes sensibles et que sa main laborieuse ne suffirait bientôt plus à contenter les élans qui les saisissaient tous les deux. Répondant à un nouvel appel matinal de son jeune ami, elle lui déclara qu’elle était bien disposée à lui prodiguer de tendres caresses, mais qu’il convenait d’abord qu’il prenne une douche pendant qu’elle ouvrirait la fenêtre pour profiter d’un air plus pur et du climat fort doux pour la saison. Il s’exécuta rapidement et revint bientôt complètement nu, avec une érection qui ne semblait pas avoir faibli : ainsi croissait cet enfant qu’aucun préjugé, aucune intempérance, aucune passion malheureuse n’avait détourné de la voie droite que lui dictait la Nature. Allongé sur le lit, il remettait une nouvelle fois son destin entre les mains de Pauline, mais celle-ci après quelques mouvements rapides se pencha sur l’engin de leur commune félicité et le prit en bouche. La chose lui parut délectable comme le plus succulent des fruits des Tropiques, et elle l’avala bientôt en entier, s’activant uniquement avec sa bouche pour en faire jaillir le suc exquis. Virginien s’exclama faiblement : « Mais que fais-tu, ma tendre amie ? », ce à quoi elle répondit lors d’une courte interruption : « Lorsque je prends ta bite en bouche, tu ravis tous mes sens, et si je touche tes couilles seulement du bout du doigt, tout mon corps frémit de plaisir ! » Et elle reprit aussitôt sa douce entreprise, et une espèce d’orage tropical la récompensa bientôt de ses efforts, lui remplissant la bouche d’une abondance de foutre qu’elle avala entièrement.

Fellation et masturbation alternèrent régulièrement pendant les semaines qui suivirent. L’amour, la pureté, l’innocence développaient chaque jour la beauté de leur âme et de leurs corps juvéniles en grâces ineffables et en mouvements lubriques. Une certaine langueur saisit cependant Pauline qui était prise d’une chaleur excessive lors de leurs rencontres et ne parvenait pas ensuite à trouver le repos. Dans les nuits ardentes qui suivaient, elle explorait grandement sa chatte dont elle connaissait désormais la propension à s’émouvoir ainsi que les points sensibles où devaient plonger profondément ses doigts ou qu’ils devaient habilement caresser pour atteindre l’orgasme, mais la jouissance que lui procurait ces caresses n’était que temporaire et laissait la place à la mélancolie : il fallait à présent qu’elle se fasse baiser, qu’elle se fasse mettre par la bite dont elle entretenait si vivement les érections. Mais elle n’était pas naïve, et sa mère lui avait mis depuis longtemps sous les yeux un manuel d’éducation sexuelle aux illustrations colorées. Il ne s’agissait pas qu’elle tombe enceinte du premier venu à qui le mot vertu serait inconnu et qui l’abandonnerait dès qu’on lui parlerait de responsabilité parentale !

C’est donc munie de quelques préservatifs qu’elle se rendit au nouvel appel de Virginien. Celui-ci n’était animé d’aucun vice, et sa douce confiance en Pauline l’incitait à la laisser entièrement maître de leur destin commun. Comme c’était désormais son habitude, il l’attendait sur le lit, entièrement nu, la pine dressée, après avoir pris une courte douche. Malgré l’excitation, la jeune fille était légèrement troublée par ce qu’elle s’apprêtait à faire. Sans hésitation apparente pourtant, elle saisit la bite que lui offrait Virginien et commença à la branler. Puis elle s’interrompit et se déshabilla. Heureusement, la chaleur tropicale, conséquence du réchauffement climatique, imposait des vêtements légers et rapides à enlever. Virginien découvrit dans la demi-obscurité son corps mince, ses seins menus, sa toison sombre. Mais il n’osa aucun geste en sa direction. Agenouillée sur ses cuisses, elle prit sa bite en bouche et le suça rapidement. Quand elle fut sûre que l’érection était solide, elle se releva, enfila un préservatif sur l’engin et vint s’installer au-dessus de lui. Malgré sa légère inquiétude, elle était suffisamment mouillée pour que la pénétration se fasse en douceur (ses doigts habiles et insistants avaient sans doute suffi à la débarrasser depuis quelque temps d’une virginité dont elle ne se souciait guère). Elle le baisa plus qu’il ne la baisa, à son rythme, montant et descendant sur son sexe de façon à bien sentir la dure érection dans sa chatte. D’abord prudente, elle mouilla bientôt abondamment, permettant un va-et-vient plus rapide, plus profond, plus passionné.

Pauline devint ainsi l’institutrice naturelle de Virginien, car les femmes ont contribué plus que les philosophes à former et à réformer les nations. Elles ne pâlissent point les nuits à composer de longs traités de morale ; elles ne montent point dans des tribunes pour faire tonner les lois. C’est dans leurs bras qu’elles font goûter aux hommes le bonheur d’être des amants fidèles, précautionneux, vigoureux et habiles. S’agenouillant au-dessus de son visage, Pauline apprit notamment à Virginien à utiliser sa langue pour explorer les vallons humides de sa chatte et à en atteindre les sommets les plus sensibles : là était une moisson, ici un verger.

Curieuse de découvrir les merveilles naturelles de la sexualité, Pauline aimait par ailleurs explorer les sites pornographiques sur l’ordinateur de Virginien, pour autant qu’ils soient gratuits, car elle ne disposait malheureusement pas d’une carte de crédit. Elle invitait son jeune amant à l’accompagner dans ses explorations et constatait avec plaisir combien ces promenades suscitaient l’enthousiasme de l’adolescent. Elle-même sentait souvent des torrents de mouille couler de sa chatte qu’elle lui donnait alors à goûter et à lécher avec délicatesse.

Un jour cependant, leurs jeunes yeux découvrirent ce que les hommes les plus dépravés par les préjugés du monde aiment imaginer pour satisfaire une lubricité pervertie par des jouissances artificielles. Enserrée par de nombreux liens, n’ayant pour vêtement qu’un lambeau de caleçon rose, une jeune femme blanche était réduite à l’état d’esclave, contrainte de satisfaire de la plus vile des façons les désirs apparemment insatiables de trois grands Noirs dont les sexes surdimensionnés passaient successivement de sa bouche à son sexe et de son cul à sa bouche ! L’ordre naturel des choses était complètement bouleversé ! L’infortunée créature montrait par ailleurs un corps sillonné de marques rouges, laissées par les coups de fouet qu’elle avait reçus. Et ses orifices, en particulier son anus, étaient largement défoncés, rendus béants pas les intromissions qu’on lui imposait sans relâche. Elle était en outre couverte de sécrétions diverses, bave, crachats et sperme mêlés. Lorsque ses maîtres cruels la contraignirent à se mettre en position pour satisfaire des désirs orduriers, Pauline interrompit soudainement la vidéo alors qu’un premier jet d’urine atteignait la bouche de la malheureuse. Le regard de Virginien derrière elle lui parut soudainement inconvenant et elle se sentit fort embarrassée de ce qu’ils venaient de voir. Il était temps de revenir vers les rivages ombragés d’une sexualité bienveillante, simple et pure. L’innocence de Virginien semblait préservée et sa bite se dressait bien raide sans aucun tremblement. Pauline en revanche était bouleversée par ce qu’elle venait de voir et était incapable de monter sur son jeune amant. Elle se contenta de le branler lentement puis plus vigoureusement avant de le sucer et de le faire jouir dans sa bouche. Quelques instants plus tard, il s’endormait.

Elle se sentit obligée de revenir à l’ordinateur pour y retrouver grâce à l’historique la séquence pleine de vices affreux qui l’avait tant bouleversée. Ne devait-elle pas signaler à quelque organisme de défense des droits humains l’effroyable esclavage auquel cette pauvre femme était condamnée ? N’était-elle d’ailleurs pas séquestrée en quelque lieu infâme ? De quelle tyrannie obscure était-elle la victime ? N’y avait-il pas d’ailleurs des ligues de vertu susceptibles de surveiller et, le cas échéant, de faire interdire de tels excès pornographiques ? En revenant sur cette page pleine de mœurs licencieuses, elle remarqua que le nom de l’infortunée y était affiché et que le lien renvoyait à des dizaines d’autres vidéos. Le sentiment de la vertu poussa Pauline à parcourir toutes ces nouvelles pages illustrant les perversités les plus diverses : doubles pénétrations, éjaculations multiples, ligotages serrés, fessées rudement appliquées, recours à des pénis artificiels aussi gros que le poing, soumissions aux gestes les plus rudes, baisers obscènes aux orifices honteux, passages continuels des bites d’un trou à l’autre, dilatation monstrueuse du cul, exhibitions dans les poses les plus scandaleuses et les plus humiliantes… Les perversions étaient sans fin, et la pauvre malheureuse semblait même s’en réjouir à l’issue de ces séances éprouvantes ! L’étonnement de Pauline fut redoublé quand elle découvrit une vidéo où cette femme — qu’il lui fallait sans doute considérer désormais comme une actrice experte en artifices — jouait le rôle d’une maîtresse couverte d’une casquette policière et maltraitant un esclave masculin dont les bras et les jambes étaient entravés dans un grand écartement qui permettait à celle-là de lui appliquer de vigoureux coups de pieds dans les couilles ! Pauline, qui savait qu’il s’agissait là chez le mâle de l’espèce humaine du lieu d’une sensibilité particulière, ne put s’empêcher de plaindre le malheureux soumis à un traitement aussi cruel (son dos était par ailleurs zébré des marques de coups de fouet, rougeoyant comme le soleil couchant sur les flots apaisés).

Son âme fut à peine tranquillisée par cette étonnante découverte, et son trouble perdura toute la journée et la nuit suivante. La première image qu’elle avait vue, celle d’un fort pénis noir pénétrant un orifice rose et serré, revenait régulièrement dans ses pensées et dans ses rêves. Quel singulier plaisir cette femme pouvait-elle trouver à cet acte contre nature ? Pauline se sentait agitée d’un mal inconnu. Elle se levait, elle s’asseyait, elle se recouchait, et ne trouvait dans aucune attitude ni le sommeil ni le repos.

Le lendemain matin, à l’appel de Virginien (qui était toujours particulièrement vif au sortir du sommeil), elle se rendit à l’appartement voisin, mais ne vint pas s’installer, comme à son habitude, au-dessus de lui pour le chevaucher. Elle se coucha à ses côtés en lui présentant son fessier qu’elle poussa sensiblement vers l’arrière. « Viens-là », lui dit-elle en l’obligeant à se tourner vers elle, l’un et l’autre s’étreignant tendrement comme deux cuillères jumelles. Ce doux tableau s’anima rapidement, Pauline saisissant le membre que lui offrait Virginien et le dirigeant fermement entre ses fesses. Il croyait qu’elle voulait le faire pénétrer dans sa chatte humide, mais elle lui murmura tendrement : « Vas-y, mets-la-moi dans le cul, je sais que tu en as envie, viens au fond de mon cul, j’ai envie que tu m’encules, tu peux m’enculer à ta guise. » C’était pourtant tout nouveau pour lui, et il n’aurait jamais imaginé emprunter une voie aussi étroite, mais la Nature apprend vite, et Pauline dut bientôt refréner son enthousiasme prêt à franchir trop rapidement les obstacles. Elle lui servit alors de guide en l’incitant à maintenir un patient effort : « Oh, mon ami ! un tel bienfait mérite une récompense », murmura-t-elle encore lorsqu’elle sentit l’engin parvenu à destination. Elle ne put contenir son émotion, et des larmes de joie coulèrent de ses yeux pendant que ses doigts parcouraient sans relâche son mont de Vénus et que le foutre de Virginien lui remplissait le cul. À l’issue de cette généreuse action, Virginien constata cependant que son instrument revenu du sentier obscur était légèrement souillé. Pauline remarquant sa confusion lui indiqua alors : « Va donc nettoyer ce peu de caca à l’eau claire de la salle de bains. J’ai été bien imprudente de ne pas prévenir ce léger malheur par un lavement matinal. »

Ecce homo

Il y a de grandes analogies entre la scène de l’Ecce Homo dans les évangiles et les éjaculations faciales en pornographie. Dans les deux cas, il s’agit d’une situation d’humiliation, de soumission, de déshonneur, de ridicule aussi, mais qui, en son final, conduit à une forme supérieure d’humanité (car Jésus s’est fait homme) et d’amour de l’humanité pour qui le sacrifice est accompli. Sans doute, le sacrifice est dans un cas majeur (la crucifixion) et dans l’autre mineur puisque le visage s’essuiera facilement de l’offense, mais il s’agit bien pour l’un et pour l’autre de l’acceptation consciente d’une offense qui se transforme en rédemption.

Ainsi se formait le tempérament des deux amants, et chaque rencontre renforçait leur caractère aimable et généreux. Ils furent bientôt en âge de passer le bac, professionnel pour Virginien, général pour Pauline. Ils n’étaient guère savants, ce qui leur paraissait inutile, et la réussite fut difficile bien qu’effective. Ayant toujours vécu de médiocre façon, ils n’avaient guère de projets de fortune ni de commerce aventureux. Madame Dufour avait cependant une sœur qui vivait en Allemagne et à qui elle fit part de la réussite de sa fille, sans doute le seul événement digne d’intérêt des dix dernières années. Cette sœur, qui était divorcée et se faisait appeler désormais Birgit, dirigeait une entreprise qu’elle présentait comme particulièrement prospère et qu’elle avait arrachée semble-t-il aux mains de son ex-mari. Les liens entre les deux sœurs étaient cependant bien distendus, et elles ne s’étaient guère vues qu’une fois tous les deux ou trois ans depuis leur entrée respective dans l’âge adulte. Birgit profitait occasionnellement de vacances dans le sud de la France pour faire un bref passage chez sa sœur. Il est vrai que son bolide allemand aux vitres teintées détonnait dans ce quartier de banlieue (même si d’aucuns soupçonnaient qu’il s’agissait certainement là du véhicule d’un trafiquant de drogue en gros). Cet écart de fortune, mais également de corpulence — car Birgit était mince et galbée, perchée sur de hauts talons — explique que madame Dufour se soit empressée de lui faire part au téléphone de la réussite de sa fille, ce qui était sans doute le seul avantage dont elle pouvait se prévaloir à l’égard de sa sœur. Celle-ci, divorcée donc, n’avait pas non plus d’enfant. Et il n’y avait apparemment pas d’autre homme ni d’autre femme dans sa vie.

Madame Dufour fut dès lors étonnée quand sa sœur la rappela quelques jours plus tard et voulut entamer avec elle et Pauline une plus longue conversation en visioconférence. Elle proposait d’accueillir la jeune fille chez elle en Allemagne et de lui assurer une formation professionnelle dans son entreprise, formation qui à terme pouvait déboucher sur un emploi bien rémunéré. La France était un pays en déclin irrémédiable, en proie à une dépression continue (surtout depuis ses éliminations successives aux compétitions internationales de football), alors qu’ici, les opportunités de développement étaient multiples, le dynamisme industriel intact, le commerce florissant, les perspectives de carrière innombrables. Et elle voulait bien sûr offrir à sa nièce la chance de faire à son tour fortune. Sans doute, Pauline ne parlait pas l’allemand, une langue dont la réputation de difficulté l’avait tenue éloignée dans son cursus scolaire (au profit d’un espagnol qui n’avait qu’un intérêt touristique), mais quelques mois de pratique intensive devraient remédier à cette lacune. Madame Dufour demanda quelles étaient exactement les activités de l’entreprise von Ofen GmbH et quel poste Pauline serait susceptible d’y occuper, mais les réponses furent obscures pour les deux Françaises : il s’agissait d’une maison de production doublée d’un important circuit de distribution avec à présent un grand nombre de sites payants, sous des appellations diverses, sur la grande toile électronique ; les possibilités de carrière étaient évidemment diverses et dépendraient des capacités et des intérêts de Pauline.

Celle-ci était manifestement enthousiaste, contente sans doute de quitter les tristes rivages de cette banlieue polluée, et sa mère, malgré quelques appréhensions, se réjouissait d’être débarrassée de cette adolescente paresseuse qui passait ses journées au lit ou chez le voisin, sans ranger la vaisselle sale ni lancer la machine à laver alors qu’elle-même revenait au petit matin épuisée par les nuits de garde. En outre, elle redoutait le coût d’études supérieures aussi longues qu’inutiles en cette période de chômage réputé incompressible. Elle n’avait cependant pas osé poser la question qui lui brûlait les lèvres : est-ce que Birgit envisageait, elle qui était apparemment bénie par la fortune, de prendre en charge tous les frais d’entretien de sa nièce ?

Virginien ne fut pas consulté et il ne put que faiblement déplorer le départ subit de Pauline. Celle-ci le consola en lui prodiguant moult caresses et une fellation profonde qui lui arracha un sourire de contentement, même si la mauvaise humeur le gagna bientôt à nouveau : avec son air benêt, sa tignasse rousse, son corps dégingandé, il redoutait de ne point trouver une âme assez compatissante pour le soulager de la nervosité toujours renaissante au bas de son ventre. Il savait qu’il lui faudrait certainement revenir à une pratique manuelle intensive, mais peu satisfaisante.

Pauline partit donc en train jusqu’à Francfort. Virginien et Madame Dufour reçurent d’abord de nombreux messages, toujours brefs (la jeune fille n’était pas écrivaine), mais d’une humeur joyeuse. Puis au fil des semaines et bientôt des mois, ils se raréfièrent même s’ils étaient toujours enthousiastes et accompagnés de nombreuses photos des lieux où séjournait et travaillait Pauline. Elle annonçait également voyager dans plusieurs villes d’Allemagne, d’Autriche, de Hongrie, de Tchéquie, de Roumanie, dont elle envoyait également des images : selon le défaut commun à tous ces autoportraits d’adolescents saisis par téléphone portable, elle occupait néanmoins l’essentiel de l’avant-plan derrière lequel on distinguait vaguement des chambres d’hôtel lumineuses. Elle répondit à sa mère que le travail était effectivement plaisant et intéressant, même s’il exigeait un grand investissement personnel.

L’hiver arriva répandant bientôt sa grisaille sur les banlieues françaises, et Pauline annonça qu’elle partait pour des raisons professionnelles avec sa tante aux États-Unis, à Los Angeles plus précisément. Ce voyage qui semblait tiré d’un épisode de télévision populaire piqua la curiosité de madame Dufour qui insista au retour de Pauline en Europe pour qu’elle lui fasse un compte rendu détaillé au cours d’une opportune visioconférence. Bien que l’emploi du temps de la jeune fille était fort chargé, elle consentit à une telle rencontre à laquelle Virginien et Rachida furent également conviés et qui fut heureusement enregistrée, nous permettant d’en donner une transcription presque mot pour mot où se dépeint si bien la situation et le caractère de Pauline. Malgré la circonspection de son aimable et indulgente fille, madame Dufour jugea qu’elle était bien heureuse et bien satisfaite d’une réussite qui la plaçait aujourd’hui très au-dessus de son ancienne condition.

Au-delà du grotesque

« Ma bien aimée maman, mes très chers amis, j’ai traversé bien des épreuves, mais également connu bien des plaisirs depuis notre séparation. Ma tante qui peut sembler hautaine a un caractère excessivement bienveillant et m’a transmis ces derniers mois les fruits de sa longue expérience. Elle m’a fait une place dans l’entreprise qu’elle dirige d’une main aussi habile que ferme et qui offre au public tous les produits pouvant satisfaire les besoins d’une vie sexuelle épanouie : lubrifiants, godemichés, lingerie, accessoires divers… Mais l’essentiel de l’activité réside dans la réalisation de films pornographiques de grande qualité. Comme elle est excessivement féministe, tous les postes de responsabilité sont entre les mains de dames de qualité et pleines d’attention pour la jeunette que je suis. J’ai pu faire un bref apprentissage dans les différents postes de réalisation, qu’il s’agisse du tournage, de l’éclairage, du maquillage, de la gestion des accessoires ou même des boissons et nourritures de toute une équipe. Mais ce que je préfère, c’est le travail d’actrice ou de performeuse. Bien que je sois maigrelette — ce qui, dans ce métier, est moins préféré que des courbes généreuses —, l’enthousiasme dont je fais preuve garantit, semble-t-il, mon succès auprès d’un large public disposé à payer des abonnements aux différents sites où j’apparais. Après quelques timides essais, j’ai pu maîtriser tous les savoirs et toutes les techniques nécessaires dans cette carrière exigeante.

Les choses, qui se déroulent dans un studio spécialement aménagé, peuvent sembler en effet au départ faciles. Il suffit que je me défasse rapidement des courts vêtements dont je suis vêtue, en souriant coquinement à la caméra et en balançant avec légèreté mon fessier musclé. C’est avec aisance que j’écarte ensuite les cuisses pour présenter un sexe parfaitement épilé dont j’exhibe les lèvres bientôt écartées entre mes doigts pour donner à voir la rose ouverture de mon vagin. Il ne faut cependant pas oublier pendant tout ce temps de sourire à tous ceux et à toutes celles qui découvrent ce bijou indiscret. Mais c’est bien sûr autre chose qui est universellement attendu : le trou de mon cul dans lequel il m’est demandé d’enfoncer immédiatement un godemiché heureusement lubrifié. Plus gros est-il, et plus nombreuses sont les marques de satisfaction des visiteurs de nos sites étoilés. J’ai bien appris à assouplir ce sphincter, et j’y accueille avec facilité (et un sourire toujours nécessaire) les engins les plus formidables. C’est dans diverses positions obscènes que je facilite ces intromissions répétées jusqu’à ce que surgissent de façon merveilleuse trois forts gaillards (ou parfois quatre, ou parfois cinq) qui s’empressent de m’entourer pour me rendre un hommage appuyé. Il est vrai que c’est plutôt moi qui commence par m’agenouiller, suçant bientôt alternativement leurs membres fortement érigés (grâce à des injections péniennes de puissants alcaloïdes). La gorge profonde est une technique indispensable, mais qui s’acquiert aisément avec un peu de pratique. Les minutes passent et je suis bientôt renversée sur le blanc canapé du studio, dans une position favorable à une immédiate sodomie, avant qu’un nouveau bouleversement des positions permette une double pénétration alors que je prends en bouche la dernière bite présente (parfois mes mains sont également sollicitées pour branler quelques queues supplémentaires). Bien entendu, ces réalisations élaborées exigent de fréquentes variations, et vous imaginez facilement comment mes différents orifices sont occupés tour à tour et parfois simultanément par les membres de cette cohorte. Dans les intervalles, je continue à sourire à celles et ceux qui s’étonnent qu’un corps aussi menu que le mien puisse accueillir de tels Hercules tout nus et excessivement nerveux. Comme une tempête impétueuse, le final voit une vaste nappe d’écumes blanches se répandre en mouvements irréguliers sur mon visage et dans ma bouche, et je relèche avec un regard de connivence à la caméra les dernières gouttes de foutre qui coulent sur mes doigts ou bien d’une queue noire.

— N’y a-t-il cependant pas quelque chose d’immoral dans une telle entreprise qui, quoi que vous en disiez ma fille, s’appuie sur les instincts les plus bas de l’être humain ? ne put s’empêcher de remarquer madame Dufour.

— Immoral peut-être, mais parfaitement légal en tout cas, car ma tante attentionnée vérifie bien que tous nous soyons majeurs, multiplement vaccinés et porteurs de récents tests de séronégativité. Elle est également très attentive à ce qu’un climat de douce bienveillance, plus importante même que sur les campus universitaires américains, règne sur les tournages, ainsi qu’un consentement universel et constant.

— Éclairez-nous donc, ma tendre amie, sur ces fréquents voyages que vous avez effectués puisque vous dites toujours tourner dans le même studio ? s’enquit Virginien à son tour.

— Oui, mon doux ami, nous changeons fréquemment de place et passons d’une résidence à une autre, malgré les avantages qu’offre un studio bien équipé, parce que les décors qui semblent accessoires au regard de l’intérêt principal du public essentiellement attiré par le trou de mon cul, participent au renouvellement de l’ambiance générale. L’atmosphère de luxe et de loisir que l’on recherche en ces lieux peut paraître contraire à l’ordre naturel des choses aux yeux notamment des travailleurs en permaculture, mais elle participe grandement, bien que de façon indirecte, à la satisfaction des spectateurs, comme d’ailleurs les perruques ou les accessoires vestimentaires aussi vite soient-ils enlevés ou déchirés. Des accords sont également pris par ma chère tante avec d’autres studios pour des prestations particulières…

— Qu’entendez-vous par là ? s’enquit à nouveau Virginien.

— C’est une question délicate qui pourrait effaroucher votre pudeur naturelle. Pour vous éclairer, j’évoquerai seulement un studio ici en Allemagne qui requiert des prestations très ordinaires comme d’intenses fellations, des sodomies multiples ou des doubles pénétrations, mais qui sont régulièrement accompagnées au cours de la séquence filmée d’actions visant à satisfaire un besoin qui serait naturel s’il n’était provoqué par l’ingestion préalable d’innombrables pintes d’eau ou plus vraisemblablement de bière vu les mœurs germaniques des participants. Leur nombre pourrait bien être suffisant pour former une phalange grecque ou une cohorte romaine. Il convient alors d’ouvrir la bouche et d’offrir son corps à ces flots qui ne tombent pas du ciel.

— Oh, mon Dieu, se récria madame Dufour. J’espère qu’une telle abnégation de votre part — car je comprends que vous avez participé à ce genre de représentation — est justement rémunérée. Et qu’en est-il de votre séjour aux Amériques ?

— Comment aborder ce sujet sensible ? Vous trouverez dans un célèbre roman français du XVIIIe siècle l’évocation de l’achat et de la possession d’esclaves par les deux pauvres héroïnes comme s’il s’agissait là d’un fait d’évidence sur lequel il ne convient même pas de s’interroger[1]. Et ces esclaves sont réputés aussi zélés que laborieux, car très attachés à leurs maîtresses ! Quelle atteinte, n’est-ce pas, aux droits naturels des créatures humaines, quelle effroyable injustice qui révulse notre sensibilité alors qu’aujourd’hui nous nous offusquons même du triste sort des animaux asservis à nos besoins domestiques ! N’est-il pas juste que nous payons pour les crimes affreux de nos blancs ancêtres et que nous soyons soumises à notre tour, ma chère maman, à quelque maître à la peau sombre et au pénis arrogant ? Ce studio américain permet à des personnes sensibles comme moi d’expérimenter pendant un intense moment la condition d’esclave. Loin d’être monotone, cette condition servile m’a d’ailleurs obligé à endurer mille infamies différentes au gré de l’imagination de maîtres intensément pervers. J’ai été ligotée bien sûr, dans une position de grand écartement, suspendue au plafond, bâillonnée pour m’interdire toute récrimination, enfermée dans une cage, enchaînée à un lourd carcan, le sexe toujours offert, le cul toujours disponible, tous deux ouverts aux pénétrations obscènes de godes souples et démesurés comme des pines de cheval. On m’a contrainte à toutes les humiliations, à tous les abaissements, à toutes les soumissions, m’obligeant à lécher les pieds et les orteils d’un roi africain, à embrasser successivement trois, quatre ou cinq anus alignés devant moi, à effectuer de violentes fellations sans pouvoir reprendre mon souffle, à subir des flagellations répétées sur les fesses, mais également sur les parties les plus sensibles de mon sexe. Chacun et chacune venait à sa guise me pénétrer la bouche, le con ou le cul, avec la bite, les doigts ou tout instrument susceptible de m’offenser et d’ouvrir encore un peu plus largement mes orifices. D’aucuns s’amusaient à en faire un spectacle, m’exhibant complètement nue devant le public d’un bar populaire et grossier, qui jouissait en riant de mon abaissement, rajoutant crachats, moqueries, fessées, gifles ou même bières renversées à ma disgrâce totale. Mais l’instant le plus troublant est sans doute celui de l’attente avec les yeux bandés où mes bras et jambes sont fermement attachés, relevés au-dessus de mes épaules de telle façon tout mon ventre est exposé à la concupiscence d’un maître dont je devine la présence sans connaître ses intentions : va-t-il me pénétrer, me punir de façon cruelle, me pincer les tétons, me caresser ou me lécher le clito pour me faire jouir d’indécente façon, me donner comme jouet à deux ou trois de ses amis, ou me livrer à des amies effrontées connaissant mieux que moi les limites de mon propre corps et capables d’en abuser avec une arrogante ironie… Je pense que toi aussi, mon cher Virginien, tu devrais te soumettre à de telles épreuves qui fortifient l’âme en nous faisant prendre conscience de l’injuste privilège que nous procure notre pâle couleur de peau !

— Ah, non ! s’exclama Rachida, qui s’était tue jusque-là. Ma pauvre Pauline, tu te trompes complètement de triangle intersectionnel. Tu oublies en effet la domination coloniale et post-coloniale (même si je ne suis pas sûre que le père de Virginien n’était pas ce petit blanc imbécile qui travaillait avec moi dans l’équipe d’entretien de l’hôtel où j’étais occupée il y a bientôt vingt ans). Car, de mon côté, je suis fille de harki, grande victime du colonialisme français même si je ne suis pas certaine que cette qualification puisse passer de génération en génération sous la forme d’un stress post-traumatique. Même s’il est cisgenre, Eadhra (c’est la première fois qu’elle utilisait le prénom véritable de Virginien) se trouve dans un triangle où s’exercent les dominations blanche, coloniale et… je ne sais plus ! Si, patriarcale ! puisque son père a manqué à tous ses devoirs en le laissant dans le dénuement le plus complet… Il serait juste qu’à présent, Eadhra puisse œuvrer pour une société plus juste, plus inclusive où il puisse à son tour exercer ses droits légitimes sur des femmes blanches comme toi !

— Tu as sans doute raison, ma chère maman, intervint Virginien, mais évitons de longues querelles philosophiques sur la déconstruction du phallocentrisme et le nécessaire renversement de l’onto-théologie. Et dis-moi, ma tendre amie Pauline, l’idée d’un retour prochain ne vous séduirait-elle pas ? Votre douce patrie ne vous manque-t-elle pas ? Vos activités favorites ne trouveraient-elles pas à se réaliser dans un studio local et favoriser ainsi l’économie nationale ?

— Je vis ici au milieu de la fortune et l’on m’a enseigné de grands talents qui sont mal connus en France. Ceux qu’on nomme chez vous des professionnels sont bien souvent des amateurs d’une affreuse saleté et fort malodorants. Leur réputation outre-mer et outre-Rhin est détestable, car les grandes vertus et même la simple délicatesse leur sont inconnues, et ils traitent avec bien de rudesse des personnes de qualité comme moi. Mais je ne manquerai pas de vous rendre visite, mes chers amis, à l’occasion d’un séjour sur les bords de la mer ensoleillée, là où l’on peut jouir d’une vue immense et d’une solitude profonde dans des villas protégées des regards indiscrets. »

Cet échange franc et honnête, où s’était exprimée la nature simple et aimable de cette fille sans afféteries, rassura tout le monde. Virginien en particulier se réjouissait de découvrir ces vidéos où se révélaient tous les heureux talents de Pauline.

Plusieurs mois passèrent cependant. Un soir, Virginien reçut un message énigmatique de Pauline : « On doit évacuer le navire. On se dirige vers les canots. » Il lui demanda des éclaircissements, mais ne reçut point de réponse. C’est par la télévision qu’il apprit un peu plus tard le naufrage d’un énorme navire de croisière dont l’imprudent capitaine avait voulu frôler de trop près les côtes d’une île italienne pour en saluer les habitants sur le port. Un piton rocheux avait déchiré la coque sur une longueur de plus de cinquante mètres (cet énorme bateau en faisait plus de trois cents), entraînant l’inondation des salles de machines ainsi que celles des batteries électriques. Privé de propulsion et plongé dans le noir, le navire avait commencé à dériver avant de s’incliner fortement et de s’échouer à moitié immergé au bord de l’île. On parlait de morts et de disparus, mais sans précisions. Pauline était-elle sur ce bateau ? Une longue attente commença. Virginien terriblement inquiet se demandait s’il fallait prévenir la mère de Pauline. Sans réponse à ses multiples messages, il se résolut finalement à lui faire part de ses inquiétudes. Peut-être était-elle sur ce navire ? Peut-être son téléphone était-il hors d’usage à cause de l’eau ? Peut-être était-elle sur l’île voisine avec les rescapés sans moyen de communication ?

Les nouvelles s’accumulaient au fil des heures. Plus de quatre mille personnes avaient réussi à sortir du bateau malgré la panique générale, mais il y avait une centaine de blessés provoqués par les bousculades et surtout une trentaine de morts pris au piège. C’est la mère de Pauline qui reçut l’appel téléphonique lui annonçant que sa fille était parmi les victimes sans beaucoup d’autres précisions. Elle dut se rendre en Italie pour l’identification du corps et l’organisation de son rapatriement. Puis les funérailles.

Virginien après quelques jours d’hébétude ne put s’empêcher de regarder les innombrables vidéos pornos de Pauline qu’il avait téléchargées les derniers mois. Mais en proie à une sorte d’égarement, il passait fébrilement d’une vidéo à l’autre, non pas pour ressentir une quelconque excitation comme ça avait été le cas précédemment, mais seulement pour retrouver l’image de l’être aimé. Il saisissait la souris de ses faibles mains pour découvrir à chaque minuscule mouvement de l’index une autre image, mais sa poitrine s’oppressait encore plus, et de ses yeux à demi sanglants les larmes ne s’arrêtaient de couler. Il voulut se branler pour lui rendre un dernier hommage, mais la bandaison lui fit défaut.

Pensa-t-il à mourir ? Pas vraiment, car la période romantique ou plus précisément préromantique était depuis longtemps terminée. Mais quelques années plus tard, il entreprit une transition féminine. Cela lui permit de devenir ensuite, à l’instar de celle qu’il avait tant aimée et admirée, une des actrices pornographiques (transgenres) les plus renommées sous le nom de Virginie.


1. La brave Pauline est ici injuste avec Bernardin de Saint-Pierre dont elle ne connaît pas le Voyage à l’Isle de France, à l'Isle de bourbon, au cap de Bonne-Espérance, etc dont la lettre XII et son « Post-scriptum » dénoncent de façon véhémente l’esclavage des Noirs dans les colonies françaises et ailleurs.

Tout est dit…


Note de l’éditeur : ce court roman, l’un des plus médiocres de son temps, a connu un immense succès et a fait l’objet de nombreuses rééditions tout au long du XXIe (21e) siècle. La bibliographie est immense à son sujet et nous renvoyons à celle établie par P. Branlet, Pauline et Virginien, Répertoire bibliographique et iconographique. Paris, Maisonvieille et Lafeuillederose, 2063.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire