jeudi 21 juillet 2022

Les amants imaginaires

La Fellation de Bréda (ou Les Bites)
« Bien m’en prit d'élever l'égoïste masturbation à la dignité de culte ! Que je commence le geste, une transposition immonde et surnaturelle décale la vérité. Tout en moi devient adorateur. La vision extérieure des accessoires de mon désir m’isole, très loin du monde. Plaisir du solitaire, geste de solitude qui fait que tu te suffis à toi-même, possédant les autres intimement, qui servent ton plaisir sans qu'ils s’en doutent, plaisir qui donne, même quand tu veilles, à tes moindres gestes cet air d’indifférence suprême à l’égard de tous et aussi cette allure maladroite telle que, si un jour tu couches dans ton lit un garçon, tu crois t’être cogné le front à une dalle de granit. »
Taille originale :
trois dessins 42 x 29,7 cm et un dessin 29,7 x 21 cm
« Je raffole des travestis. Les amants imaginaires de mes nuits de prisonnier sont quelquefois un prince mais je l’oblige à vêtir la défroque d’un gueux - ou quelquefois une gouape à qui je prête des habits royaux; ma plus grande jouissance je l’éprouverai peut-être lorsque je jouerai à m’imaginer l’héritier d'une vieille famille italienne, mais l’héritier imposteur, car mon véritable ancêtre serait un beau vagabond, marchant pieds nus sous le ciel étoilé, qui, par son audace, aurait pris la place de ce prince Aldini. J’aime l’imposture. »
"What Will Make Us Truly Proud of Ourselves?"
« Comment tu t’appelles?
— Jean.
C’est assez. Comme moi et comme cet enfant mort pour qui j’écris, il s’appelle Jean. Qu’importerait d’ailleurs, s’il était moins beau, mais je joue de malheur. Jean là-bas. Jean ici. Quand je dis à l’un que je l’aime, je doute que ce ne soit à moi. Je ne suis plus là, parce qu’à nouveau je m’efforce de revivre ces quelques fois alors qu’il m’accorda de le caresser. J’osais tout, et pour l’apprivoiser, je consentais qu’il eût sur moi la supériorité du mâle ; son membre était solide comme celui d’un homme et son visage d’adolescent était la douceur même, si bien qu’étendu sur mon lit, dans ma chambre, droit, sans mouvement, quand il me déchargeait dans la bouche, il ne perdait rien d’une virginale chasteté. C’est un autre Jean, ici, qui me raconte son histoire. Je ne suis plus seul, mais de ce fait je suis plus seul que jamais. Je veux dire que la solitude de la prison me donnait cette liberté d’être avec les cent Jean G. entrevus au vol chez cent passants, car je suis bien pareil à Mignon, qui volait aussi les Mignon qu’un geste irréfléchi laissait s’échapper de tous les inconnus qu’il avait frôlés ; mais le nouveau Jean fait rentrer en moi-même — comme un éventail, qui se replie, les dessins de la gaze — fait rentrer je ne sais quoi. Pourtant, il s’en faut de beaucoup qu’il soit antipathique. Il est même assez bête pour que j’aie quelque tendresse pour lui. Les yeux minces et noirs, la peau brune, les cheveux en broussaille et cet air éveillé… Quelque chose comme un voyou grec que l’on devine accroupi au pied de l’invisible statue de Mercure, jouant au jeu de l’oie, mais de l’œil épiant le dieu pour lui voler ses sandales. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire