lundi 21 juillet 2014

L’étoile du soir

Taille originale : 17,6 x 26,6

« Il y a quelque chose que je voudrais te demander, j’ai dit à E.S.
Elle s’est retournée, m’a regardé et m’a souri. Oui, et quoi donc, mon petit ?
Bon, je me demandais... je me disais que peut-être t’aurais envie de me baiser. Tu comprends, parce que en réalité je l’ai jamais fait.
Ça paraîtra sans doute complètement froid, mais ça ne l’était pas. En tout cas pas tout à fait. Parce que, bon, E.S. était quand même très sexy malgré son âge, et depuis le moment où elle m’avait pris dans ses bras - quand j’étais descendu par l’escalier pour les saluer, elle et Doc - je me sentais pas mal excité. Et puis, pour une raison ou une autre, il suffisait que je me trouve dans cette baraque pour que je sois plein de liquides érotiques. D’emblée, avec toutes les baiseries qui s’y passaient, cette maison ancienne et gigantesque m’était apparue comme un lieu de sexe. On a du mal quand on est un adolescent à ne pas lorgner une poétesse de La Nouvelle-Orléans au bord de la piscine en train de se passer du lait solaire sur tout le corps, et à ne pas remarquer les rastas noirs super-bien bâtis, torse nu, avec leur artillerie bien en vue sous des shorts qui bâillent, filer en douce pour retrouver les nombreuses amies blanches d’E.S. Et même si j’ai du mal à l’admettre, les lesbiennes de Boston qui trottaient partout en bikini m’excitaient aussi. Mais ce qui m’avait vraiment allumé depuis le début, c’étaient les vibrations érotiques qu’E.S. émettait sans cesse pour suggérer en quelque sorte que son seul but dans la vie était de donner du plaisir. Peu importait que ce soit sous forme de bouffe, de drogue ou de sexe, ce qui comptait c’était de donner : c’était ça qui lui procurait du plaisir par ricochet. Et quand on y réfléchit comme je l’ai fait, c’est une générosité bizarre qui ressemble plus à du désir permanent qu’à de la générosité, mais c’est aussi une attitude qui peut vraiment brancher un mec. Avec tout ce processus en marche depuis des mois, des années, et même à mon sens depuis pratiquement des siècles, cette maison n’était plus sur terre mais s’élevait quelque part au-dessus de l’obscurité quotidienne à la manière d’une île au Plaisir vibrante et scintillante qui m’aurait donné une érection permanente dont jusqu’à présent je m’étais occupé en quelque sorte tout seul.
Mais il est vrai aussi que j’ai agi froidement en demandant à E.S. si je pouvais la baiser, ou, pour être plus exact, si elle voulait me baiser. Premièrement c’était à cause de la curiosité intense mais presque scientifique que j’avais de voir comment ce serait. Je me posais des questions depuis au moins deux ans sur les détails mécaniques de la baise - en fait depuis que j’avais découvert que d’autres mecs de mon âge ou à peine plus vieux le faisaient avec des filles qu’ils draguaient au centre commercial et ailleurs. Elle est restée debout un long moment devant la cuisinière sans rien dire, un petit sourire aux lèvres comme si elle faisait défiler une vidéo mentale à toute allure vers l’avant pour essayer de voir comment ce serait de baiser avec moi. À la fin elle a lâché la cuillère avec laquelle elle avait remué ce qu’elle préparait et elle a baissé soigneusement la flamme du gaz. Se retournant, elle m’a dit avec un sourire. Tu veux qu’on le fasse maintenant ?
Bien sûr. Pourquoi pas ?
Elle a jeté un coup d’œil à l’horloge murale comme pour dire ça prendra pas longtemps et elle a dit qu’elle devait d’abord aller chercher quelque chose dans sa chambre. Je me suis dit qu’il devait s’agir d’un machin contraceptif ce que j’ai trouvé très bien parce que j’étais absolument pas branché paternité. Attends-moi dans la buanderie, m’a-t-elle dit. A mon avis personne ne viendra nous y embêter. Sauf peut-être toi. Et toi, je t’aurai tout à moi, cette fois, pas vrai, mon chou ?
Pour ça, oui ! j’ai dit. Et je suis entré dans la buanderie obscure où se trouvaient un lave-linge, un séchoir, divers outils de jardinage et aussi le petit lit pliant contre le mur du fond. Je sentais que je bandais déjà à mort mais je n’ai pas enlevé mes vêtements ni rien. Je me souvenais, pour l’avoir vu dans des films pornos, que la femme se déshabille toujours la première et je suis donc resté assis sur le lit comme si j’étais dans le cabinet d’un docteur jusqu’à ce que la porte de la cuisine s’ouvre. À la lumière du jour éclairant alors E.S. de dos, j’ai vu qu’elle avait ôté son maillot de bain et que sous sa longue chemise de gaze à rayures elle était toute nue. Ma respiration s’est accélérée, j’ai entendu mon cœur cogner dans ma poitrine et mes mains sont devenues moites de transpiration. J’avais une méchante trouille — davantage de faire quelque chose de mal que d’E.S., mais il n’était plus question que je fasse machine arrière.
Elle s’est approchée, s’est assise près de moi et elle a commencé à m’embrasser en glissant sa langue dans ma bouche et tout, puis elle a guidé mes mains en direction de ses seins bien qu’en fait elles n’aient pas tellement eu besoin d’être guidées. Elle m’a donc lâché les mains puis elle s’est employée à déboutonner mes jeans coupés et à m’ouvrir la braguette. J’ai expédié mes vieilles sandales d’un coup de pied, je me suis extrait de mon T-shirt en me tortillant, et elle, laissant tomber sa chemise à ses pieds, s’est penchée en arrière et m’a tiré sur elle. Je suis entré tout droit en elle comme si, bien plus que tout le bricolage sexuel que j’avais connu dans un passé lointain, c’était exactement pour ça que j’étais fait. Je vous épargnerai la plupart des détails, mais disons qu’elle dirigeait presque toutes les opérations, ce que je trouvais bien parce que sinon, si j’avais été livré à ma seule initiative, j’aurais probablement fait quelques secondes de cabriole et puis fini. Ensuite il m’aurait fallu cinq ou dix minutes pour pouvoir remettre ça, ce que j’aurais trouvé gênant. Mais elle m’a agrippé les fesses de ses mains, m’a fait faire de lentes allées et venues, quelques petits soubresauts bizarres qui la titillaient bien et des rotations souples des hanches qui apparemment la branchaient très fort. Je me sentais alors assez fier de moi, mais quand elle a commencé à gémir et à m’attirer en elle de plus en plus vite je me suis terriblement excité et juste au moment où je commençais à avoir des pensées vraiment agréables sur le sujet, à trouver que l’acte sexuel avec une autre personne vous libère la tête de tout sauf de cet autre qui vous remplit alors l’esprit et devient en quelque sorte tout l’univers, ou que ça vous aide vraiment à vous concentrer et vous permet d’oublier tous vos ennuis, ou que ça vous retient tellement l’attention que vous ne pensez plus en fait à vous-même - vous ne pouvez même pas essayer parce que ça vous bloque la pensée -, juste à ce moment-là ma pensée s’est bloquée et j’ai déchargé.
Elle a continué à me faire bouger un petit peu, puis j’ai abandonné, sans doute parce que mes pensées m’étaient revenues. Elle m’a lâché les fesses et s’est affalée sur le lit, toute trempée de sueur et fleurant bon le gâteau. Elle souriait pourtant, comme je pouvais le voir dans la faible lumière filtrant à travers les volets, et à mes yeux c’était une créature magnifique et stupéfiante telle que la terre n’en avait jamais connu, d’une autre espèce que moi et dix fois plus belle. Une femme adulte toute nue. Je n’en avais encore jamais vu de près que je puisse ainsi regarder à loisir et j’ai donc pris mon temps pour la contempler.
Je lui ai dit que j’étais désolé d’avoir déchargé si vite mais elle m’a répondu de ne pas m’en faire, que j’étais vraiment super-bien et qu’un jour je serais un champion de l’amour. Selon elle, j’avais les gestes qu’il fallait et elle était fière et heureuse d’avoir eu le privilège d’entrevoir ainsi mon avenir. C’était gentil de sa part pour un ado qui en était à sa première tentative de rapport sexuel véritable, quels que soient les motifs qu’il ait eus.
Bon, elle a dit, il faut que je retourne préparer le dîner pour mes invités. »

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