dimanche 7 décembre 2025

Insurrection anale

Amour sodomite
« Cette histoire largement oubliée est essentielle, parce qu’elle nous montre que des coalitions et des forces politiques se sont construites sur des politiques du désir, des éropolitiques. Il s’agissait, au début des années 1970, de faire dévier la définition de la sexualité encore largement affectée à la reproduction, et d’attirer l’attention sur la violence systémique de l’hétéropatriarcat, dont les valeurs et le projet politique allaient main dans la main avec le capitalisme. En scandant dans la rue “nous sommes des déviants”, les pédés ont invité à comprendre le désir non pas comme une chose privée ni comme une pratique, encore moins comme une identité, mais comme un soulèvement et une négativité, en dehors de la reconnaissance et la dignité, de l’intégration, et même du bonheur comme ciments de la vie sociale dont la famille nucléaire était le socle. L’éropolitique révolutionnaire pédée s’est construite dans des slogans tels que le notable “notre trou du cul est révolutionnaire”, inversant ainsi la charge négative autour de l’anus qui faisait de lui — et de la capacité à être pénétré·e — l’insulte suprême. En réduisant l’anus à sa fonction excrémentielle exclusive, l’hétéropatriarcat a toujours cherché à en expulser tous ses potentiels éropolitiques. Réduire un organe à une unique fonction - qu’on pense aux fameux “organes reproducteurs” — revient à verrouiller et paradoxalement sous-entendre tous les usages queers, les contre-usages qu’on peut en faire. Les pédés sont ainsi peut-être les premiers corps sans organes, ceux qui ont porté l’anus dans l’arène du politique comme une porte, une ouverture radicale, une transgression joyeuse, au lieu de le confiner à l’espace de la honte, du clinique ou du symbolique.
traquer les signes de « l’intériorisation de la domination »
Taille originale : 24 x 32 cm
Si être pénétré·e signifie être dévalorisé·e (et c’est le cas sous l’hétéropatriarcat), alors en refusant la pénétration nous nous rendons indisponibles à ce qui peut, littéralement, nous traverser. Pisser, cracher, mouiller, déféquer, avaler, éjaculer, garder en bouche, ouvrir sa gorge, son anus, voilà a contrario des mouvements circulaires qui fluidifient, décloisonnent. De sorte à faire de nous des multiplicités infinies de trous qui s’ouvrent et se ferment, dégorgent et régurgitent, prennent et rendent, faisant communiquer nos écosystèmes avec d’autres, tous formant un ensemble d’enchâssement dont il est impossible de définir des contours clairs.
Madame rêve
Taille originale : 29,7 x 21 cm
Ces politiques révolutionnaires anales de la décennie 1970 nous invitent à penser les subjectivations politiques non plus dans leur capacité à se tenir debout, entières et dignes, mais à se faire baiser et pénétrer. Cinquante ans plus tard, le fantastique slogan queer “Macron, on t’encule pas, la sodomie c’est entre ami·es” réaffirme ce refus de faire de la pénétration une insulte (à la fois présente dans “enculé”, mais aussi dans “aller se faire foutre”, ou “se faire baiser”) pour la transformer en serment d’allégeance entre des corps qui revendiquent une insurrection anale contre le désir-conquête de l’hétéropatriarcat. »
« des anti-héroïnes qui ne se laissent pas facilement subsumer dans un stéréotype »

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