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« La bourgeoisie culturelle est, aujourd’hui, un environnement privilégié pour la formation de pratiques corporelles et de discours sur le changement d’identification genrée, soutenue par des collectifs militants structurés depuis quelques années autour de la critique queer (dont le refus de la binarité du genre au profit d’une prolifération des genres constitue un axe central), par des pratiques culturelles subversives et festives compatibles avec d’autres pratiques propres à ce milieu social. Leurs référents ne sont pas d’abord français mais tournés vers les États-Unis et sont relayés sur les réseaux sociaux et dans des lieux de sociabilité parisiens, comme il n’en existe (à ma connaissance) ni en milieu rural ni dans les cités d’habitat social périurbaines. Le répertoire de la fille non binaire procure une échappatoire à l’alternative étroite, asphyxiante, du genre, en raison de l’émergence d’une mobilisation collective internationalisée qui, de ce fait, a tous les atours d’une avant-garde et se trouve dès lors particulièrement appropriable par ce segment de la bourgeoisie, dont une part de la reproduction sociale s’appuie sur la légitimation culturelle de nouvelles avant-gardes1. Le fait que j’ai enquêté dans ce segment de l’espace social en dernier ne permet pas de mesurer la diffusion des formes de subversion ou de contestation queer au sein des populations vivant aujourd’hui sur les lieux de mes deux premiers terrains [rural et populaire] - dont il est difficile de penser qu’ils y soient totalement étanches (à cause notamment de la puissance de diffusion, en particulier sur ce type de sujet, des réseaux sociaux dont on sait qu’ils ne sont pas utilisés seulement dans les classes dominantes) sans que l’on en sache vraiment plus pour l’instant, faute d’enquête spécifique sur ce sujet.
La fille non binaire vient compléter la galerie des filles bonshommes et autres garçons manqués, comme une possibilité d’échapper au stigmate de la pute par le refus du grime de la-féminité mais, contrairement au garçon manqué et à la fille bonhomme, la fille non binaire n’est pas prisonnière de l’enfance : en faisant de ses traits masculins une revendication, un acte volontariste, culturel et politique, elle permettait, sur mon troisième terrain [la bourgeoisie], de mettre à distance le stigmate sans interférer avec le passage à l’âge adulte. »
1. Pierre Bourdieu, La Distinction, 1979.
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