dimanche 6 septembre 2015

Pansexualisme

Taille originale : 21 x 29,7

« L'idée qu'il y aurait un “vrai sexe”, des “genres distincts” et des sexualités spécifiques a constitué pour de très nombreuses féministes un point de référence stable dans leur travail théorique et politique. Ces catégories identitaires sont des constructions servant de point de départ pour faire émerger la théorie et donner forme à la politique elle-même. Dans le cas du féminisme, la politique est apparemment faite pour exprimer les intérêts, les perspectives des “femmes”. Mais la catégorie “femme” n'est-elle pas une construction politique qui précède et préfigure la manière dont les intérêts et le point de vue épistémique des femmes seront politiquement formulés ? Comment façonne-t-on leur identité ? Est-ce un façonnement politique qui se fonde sur la morphologie et la frontière même du corps sexué comme s'il était une surface ou un lieu d'inscription culturelle ? Comment comprendre que ce lieu soit défini comme le “corps féminin”? Le “corps” ou le “corps sexué” est-il le fondement inébranlable sur lequel opèrent le genre et les systèmes de sexualité obligatoire ? Ou serait-ce plutôt que le “corps” est façonné par des forces politiques ayant stratégiquement intérêt à faire en sorte qu'il reste fini et constitué par les marqueurs du sexe ?
La distinction sexe/genre et la catégorie de sexe semblent présupposer que le “corps” existe en général avant de prendre sa signification sexuée. Ce “corps” apparaît souvent comme un simple véhicule prenant une signification par l'inscription d'une source culturelle supposée “extérieure” au corps. Toute théorie envisageant le corps comme un construit culturel devrait tout de même mettre en question la généralité suspecte de ce construit lorsque le “corps” est représenté comme passif et pré-discursif. Il existe des précédents chrétiens et cartésiens à de telles conceptions qui, avant l'émergence des biologies vitalistes du XIXe siècle, comprenaient le “corps” comme autant de matière inerte dépourvue de signification. Plus précisément, le corps signifiait un vide profane, l'état de la chute : la tromperie, le péché, les métaphores prémonitoires de l'enfer et de l'éternel féminin. À de nombreuses reprises, dans les œuvres de Sartre et de Beauvoir, le “corps” est représenté comme un fait silencieux, en attente de signification que seule une conscience transcendante, au sens cartésien, c'est-à-dire radicalement immatérielle, est en mesure d'attribuer. Mais qu'est-ce qui établit ce dualisme pour nous ? Qu'est-ce qui distingue le “corps” non signifié de la signification elle-même comme l'acte d'une conscience radicalement désincarnée ou plutôt comme l'acte qui désincarne fondamentalement la conscience ? Dans quelle mesure le dualisme cartésien corps/esprit, présupposé dans la phénoménologie, est-il adapté au cadre structuraliste où il apparaît sous la forme de l'opposition nature/culture ? Si l'on considère le langage du genre, dans quelle mesure ces dualismes problématiques opèrent-ils encore dans les descriptions censées précisément nous faire sortir de cette binarité et de sa hiérarchie implicite ? Comment les contours du corps sont-ils clairement marqués comme base ou surface évidente, sur laquelle les significations de genre s'inscrivent comme sur des faits bruts, dépourvus de valeur avant toute signification ?  »

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