samedi 23 novembre 2013

Une ligne parfaite et infinie

« L’art de bâtir progressa par une suite d’expériences qui s’enchaînèrent et qui préparèrent les chefs-d’œuvre de l’an 1100.
On peut voir, dans cette floraison progressive et dont les premiers éclats frappèrent si fort Raoul Glaber, l’un des effets de la croissance économique qui, aux approches de l’an mil, tirait lentement l’Occident de sa rudesse et de son indigence. Car tous ces murs furent élevés à prix d’argent par des armées de carriers, de convoyeurs, de tailleurs de pierre et de maçons. Ce ne furent ni des corvéables, ni des donateurs offrant leur peine au Christ qui remuèrent ces masses énormes de matériau pour en façonner les demeures de Dieu, mais bien des ouvriers qui réclamaient salaire.
L’innovation principale de l’architecture qui fleurit au sud de la Gaule, dans le domaine où la féodalité triomphante étouffait les vestiges de l’esthétique carolingienne, réside dans un emploi systématique de la voûte.

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Taille originale : 24 x  32 cm
Il faut en vérité voir dans la voûte l’un des éléments cardinaux de ce langage que créèrent, à l’époque, les moines d’Occident. D’un langage qui voulait être expression du monde, naturel et surnaturel, qui était en même temps recherche, voie d’initiation, itinéraire vers une appréhension moins dérisoire des réalités invisibles. Peut-être les abbés bénédictins, à l’heure où l’Église monastique étendait ses fonctions funéraires et gagnait ainsi la faveur des masses laïques, cherchèrent-ils à répandre dans l’ensemble de l’église l’atmosphère obscure où, sous les voûtes de la crypte et du porche, se développaient les rites des funérailles, annonciateurs de la résurrection. On ne peut douter en tout cas que, par la substitution de la pierre au bois dans les couvertures, l’édifice ait conquis, dans son matériau même, une unité substantielle qui le rendait plus apte à signifier l’univers, lui-même totale unité dans la volonté divine. La voûte d’autre part, mais accessoirement, améliorait singulièrement les valeurs acoustiques d’un bâtiment que sa fonction primordiale destinait à contenir une célébration musicale. La voûte, enfin et surtout, introduisait dans les rythmes architecturaux le cercle, c’est-à-dire une image du temps circulaire, une ligne parfaite et infinie, donc le plus clair symbole de l’éternité, de ce ciel dont l’église monastique entendait être l’antichambre. »

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