lundi 29 septembre 2025

Dire des trucs cochons

Three Studies of Cumshots
« Écrire là-dessus, ai-je pensé, comment puis-je écrire là-dessus ? Cunnilingus. Soixante-neuf. Descendre à la cave. Broute-minou. Tous les mots que je connaissais concernant cet acte résonnaient dans ma tête. Je me rappelais une discussion passionnée, il y a un peu plus d’un an de cela, avec ma copine lorsque j’avais glissé le long de son ventre doux de façon à enfouir mon visage entre ses cuisses.
“Donne-toi, lui avais-je murmuré, mais j’avais glapi lorsqu’elle m’avait remonté par les cheveux.
— Je déteste ça, avait-elle sifflé. C’est ce qu’ils croient qu’on fait.” Son ils était perçant et méprisant, évoquant chaque homme qui s’était branlé en pensant à des images de gouines léchant goulûment des clitos durcis. Blessée et frustrée, j’avais rétorqué que je n’étais pas un homme et que je désirais le faire. C’était devenu une vraie question, débattue dans notre groupe de conscience. Le tribadisme, le sexe buccal, le doigter. Nulle n’admettait utiliser des godemichés, ou vouloir être attachée, être pénétrée, dire des trucs cochons — tous ces trucs de mecs. Le sexe était important, sérieux, c’était un terrain de lutte. Ma copine voulait que l’on pratique le tribadisme, que l’on se regarde bien dans les yeux et jouisse simultanément. Égalitaire, de sexe féminin, féministe, révolutionnaire. Étaient-ce des euphémismes ? Des euphémismes pour dire Je ne peux pas jouir comme ça.
Différence et répétition
« Un concept de la répétition implique une répétition qui n’est pas seulement celle d’une même chose ou d’un même élément. Les choses ou les éléments supposent une répétition plus profonde, rythmique. L’art n’est-il pas à la recherche de cette répétition paradoxale, mais aussi la pensée (Kierkegaard, Nietzsche, Péguy) ? »
Taille originale : 3 fois 21 x 29,7 cm
J’ai repensé à toute la pornographie que j’avais lue. Un langage de mâle. La baise. J’aimais le sexe bucco-génital comme un don de soi, après avoir baisé énergiquement, après avoir joui et l’avoir fait jouir. Après ça, titiller un clito si gonflé que mon toucher est presque déchirant, écouter ses gémissements et ses pleurs au-dessus de moi, ou réaliser cet acte d’abandon alors que son poing s’emmêle dans mes cheveux, me tenant douloureusement, me demandant de continuer à travailler cette chose, tous les muscles de mon corps tendus jusqu’à ce que ma nuque et mon dos me fassent mal et que je puisse à peine continuer, la suivant dans tous ses instants, dans toutes ses demandes avides, jouissant moi-même au moment où elle jouit, libérée du tourment, orgasmant sur le supplice et sa réalisation.
Je ne pouvais pas écrire ça ! »
Rappel écologique

dimanche 21 septembre 2025

Une institution sociale

La concierge est dans…
« Pluralisme, diversité, subjectivisme, relativisme — concepts récurrents dans les discours sur l’art inspirés de la philosophie analytique — sont devenus, depuis une dizaine d’années, les maîtres mots du nouveau paradigme esthétique. Leur implantation en philosophie de l’art entraîne la disqualification de notions telles que le jugement, les critères, l’évaluation, le partage de l’expérience esthétique.
Tout se passe comme si l’esthétique, la philosophie, et la philosophie politique elle-même n’avaient plus pour vocation de s’interroger sur les formes, elles aussi diverses, de contraintes et de conditionnement qu’exercent, par exemple, l’industrie culturelle, le système marchand et consumériste. L’assimilation du pluralisme culturel à la démocratie libérale est acceptée tel un postulat.
Issue de secours
La part manquante de l’image
Ce nouveau paradigme fait ainsi l’impasse sur une dialectique élémentaire qui devrait être pourtant à la base de toute réflexion sur l’organisation et le fonctionnement de la société actuelle. On peut dire, en effet, que notre système politique, économique et culturel autorise une diversification extrême des comportements, des pratiques, des conduites, des modes de vie, des expériences esthétiques et artistiques. On peut aussi reconnaître qu’il favorise le projet d’émancipation d’un individu de moins en moins soumis à des normes de pensée et goûts autoritaires et à prétention universaliste. Il entraînerait même potentiellement un accroissement de l’autonomie, une plus grande liberté des forces créatrices, un approfondissement et un enrichissement de la réflexion.
Mais, simultanément, c’est ce même système qui transforme l’individu en un serviteur docile et un consommateur passif, soumis aux stratégies et aux contraintes institutionnelles, industrielles, économiques, communicationnelles et technologiques qui, elles, s’appliquent massivement sans que l’individu en question ait son mot à dire.
En définitive, le nouveau modèle d’interprétation de l’art actuel proposée sous le slogan de “pluralisme” reproduit les mêmes insuffisances qui caractérisent les théories anglo-saxonnes, et notamment nord-américaines, qui constituent à l’origine, sa principale référence.
Vue d’en haut
Richard Shusterman, philosophe américain, qui plaide pour une esthétique pragmatiste proche de la vie quotidienne, a fort bien défini ce qu’il appelle le “trait saillant” de l’esthétique analytique, en particulier le fait qu’“elle néglige le contexte social de l’art”. Selon Shusterman, exclure tout jugement de valeur et vouloir définir l’art uniquement de façon institutionnelle est paradoxal au regard des enjeux qui concernent le statut de l’art dans le contexte social et culturel. Ces enjeux se situent en effet bien au- delà du monde de l’art : “La cécité de la philosophie analytique par rapport au contexte social à la fois de l’art, de la critique et même de sa propre théorisation esthétique […] est paradoxalement très frappante précisément dans sa tentative pour définir l’art dans les termes d’une institution sociale”. »
Dé-composition
Taille originale : 24 x 32 cm & 59,5 x 40 cm

jeudi 18 septembre 2025

Une profession qualifiée ?

« Ces images suggèrent tout ce qu’elles doivent renoncer à montrer. Nous avons l’impression que certains traits caractéristiques, qui nous sont invisibles, sont néanmoins présents, et l’artiste pourra ainsi nous montrer une jeune fille qui nous tourne le dos en dansant — image qui, aux yeux de n’importe quel artiste d’une période antérieure à l’art grec aurait paru privée de sens. Imaginez Pygmalion créant un personnage qui n’aurait qu’un bras ou qu’une tête sans regard ! »
« De la même façon, ce n’est pas ma sexualité, mon lesbianisme, que ma famille a trouvé le plus rebelle, durant la plus grande partie de ma vie personne excepté ma mère n’a pris mon orientation sexuelle très au sérieux. Non, c’était ce que je pensais au sujet du travail, de l’ambition et du respect de soi. Les femmes de ma famille étaient serveuses, filles de comptoir ou ouvrières dans des blanchisseries. J’étais la seule qui ait travaillé comme bonne, une chose que je n’ai dite à personne. Cela les aurait mis en colère si elles ou eux l’avaient appris. De leur point de vue, le travail c’était le travail, quelque chose de nécessaire. Tu faisais ce que tu avais à faire pour survivre. Elles et eux ne tiraient pas autant de fierté de leur travail que de leur capacité à endurer le dur labeur et les mauvaises passes. En même temps, elles et eux maintenaient qu’il y avait certaines formes de travail, dont celui de femme de ménage, qui étaient seulement pour les Noir•e•s, pas pour les Blanc•he•s, et, alors que je ne partageais pas cette opinion, je savais qu’elle faisait intrinsèquement partie de la façon dont ma famille voyait le monde. Parfois j’avais l’impression d’être à cheval sur deux cultures sans appartenir à l’une ou à l’autre. Je serrais les dents face au racisme indiscutable de ma famille et je continuais à respecter leur patience pleine de pragmatisme. Mais de plus en plus, en vieillissant, ce que j’ai ressenti était un profond trouble de mes sentiments affectifs en raison de leur vision du monde et, graduellement, une honte qui leur a été totalement incompréhensible.
Taille originale : 24 x 32 cm & 2 fois 29,7 x 21 cm
“Tant qu’il y a des restaurants pour manger, tu peux trouver du travail”, me disaient ma mère et mes tantes. Puis elles ajoutaient : “On peut faire un petit extra avec un sourire”. Il est évident qu’il n’y avait rien de honteux derrière cela, ce sourire attendu derrière le comptoir, ce sourire triste lorsque vous n’aviez pas le loyer, ou la façon mi-provocante mi-implorante de ma mère de couvrir d’amabilités le patron du magasin pour obtenir un petit crédit. Mais je détestais ça, je détestais quelle ait à le faire, tout comme ma honte chaque fois que je le faisais moi-même. Pour moi c’était de la mendicité, une quasi-prostitution que je méprisais, alors même que je continuais à compter dessus. Après tout, j’avais besoin de l’argent.
Tourner le dos…
“Fais juste un sourire”, plaisantaient mes cousines, et je n’aimais pas ce qu’elles voulaient dire. Après mes études supérieures, lorsque j’ai commencé à subvenir à mes besoins et à étudier les théories féministes, je suis devenue plus méprisante que compréhensive à l’égard des femmes de ma famille. Je me disais que la prostitution était une profession qualifiée et que mes cousines n’étaient jamais que des amateures. Cela contenait une certaine part de vérité bien que, comme tout jugement sévère rendu de l’extérieur, il faisait l’impasse sur les conditions dans lesquelles on en était arrivées là. Les femmes de ma famille, y compris ma mère, avaient des papas-gâteau, pas des jules, des hommes qui leur glissaient de l’argent parce qu’elles en avaient terriblement besoin. De leur point de vue elles étaient gentilles avec ces hommes parce qu’ils étaient gentils avec elles, et ce n’était jamais un arrangement direct et grossier au point de mettre un prix sur leurs faveurs. Elles n’auraient d’ailleurs jamais décrit ce qu’elles faisaient comme étant de la prostitution. Rien ne les mettait plus en colère que de suggérer que les hommes qui les aidaient le faisaient uniquement pour leurs faveurs. Elles travaillaient pour vivre, juraient-elles, mais ça, c’était différent. »
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?