jeudi 25 décembre 2025

Une foutue obsession anale

« Hello ! Mon nom et mon image sont des marques déposées. Par conséquent, légalement, vous ne pouvez pas créer d’animation me représentant. Veuillez supprimer toute animation que vous avez créée. Dans le cas contraire, je serai contrainte d’engager des poursuites judiciaires. »

Taille originale : 21 x 29,7 cm

« “Oh chérie, me susurraient mes amantes, t’es obligée de parler comme ça ?”. Je l’étais. Je l’étais vraiment. Je leur faisais le sourire de ma maman et je leur jouais ses mots tandis qu’elles reculaient et se crispaient, me percevant comme quelqu’une qu’elles ne m’avaient pas imaginée être jusque-là. Elles ne criaient pas, elles chuintaient ; et même lorsqu’elles se mettaient en colère, leur langage ne s’élevait jamais vraiment d’elles comme la rage s’envolait de ma maman.
“T’es obligée ? T’es obligée ?” Elles me suppliaient. Et puis : “Pour l’amour de Dieu !
- Doux Jésus ! je leur répondais en criant, mais elles n’en savaient pas assez pour rire avec moi.
- T’es obligée ? T’es obligée ?”
Chuinte, chuinte.
“Pour l’amour de Dieu, t’es obligée de toujours tout terminer par cul ? Une obsession anale, voilà ce que tu as, une foutue obsession anale.
- C’est vrai, c’est vrai, je leur disais, et tu sais même pas dire foutue. Une femme qui dit foutue avec autant de mollesse que toi vaut même pas le prix d’une assiette remplie de merde !”
Les mots grossiers, crus, vulgaires et les gestes encore plus vulgaires - maman les connaissait tous. Espèce d’enculé, fous le camp de mes platebandes, au flic qui était venu prendre les meubles. Sale bâtard suceur de merde ! à l’homme qui avait mis sa main sous sa jupe. Chaque jour de la vie de maman, Jésus chiait dans son froc. Même si elle me giflait quand je les utilisais, ma maman m’a appris le pouvoir des vilains mots. Dis foutu. Dis nom de Dieu. Dis tout ce que tu veux mais commence par Jésus et termine par merde. Ajoute ce rire, celui qui camoufle ton cœur brisé. Oh, ne montre jamais ton cœur brisé ! Fais-leur plutôt croire que tu n’en as pas.
“Si des gens s’apprêtent à te frapper, ne reste pas juste allongée là. Crie-leur dessus !
- Oui, maman.”
Le langage, donc, et le ton, et la cadence. Mettez- moi en colère et je prendrai la voix de ma mère pour vous maudire jusqu’à la septième génération. Mais il faut vous donner de la peine pour me mettre en colère. Je mesure ma colère aux rages de ma maman et à son insistance sur le fait que la plupart des gens ne méritent même pas notre temps. “On est d’un autre peuple. On ne voit pas si souvent des gens de notre espèce sur Terre”, m’a dit ma maman. Je savais ce qu’elle voulait dire par là. Je connais la valeur des culs tannés de ce monde. Et je suis la fille de ma maman - plus coriace que du chiendent, plus méchante que tous les botteurs de culs, les chieurs, les culs froids et les mous du cul que j’ai jamais connus. Mais c’est vrai que parfois je parle comme ça juste pour me rappeler ma maman, la survivante, la résistante, celle qui ne pouvait pas toujours se taire. »
La pornographie est faite pour être vue

vendredi 19 décembre 2025

Fais juste un sourire

Voyage en Italie
« Puis elles ajoutaient : “On peut faire un petit extra avec un sourire.” Il est évident qu’il n’y avait rien de honteux derrière cela, ce sourire attendu derrière le comptoir, ce sourire triste lorsque vous n’aviez pas le loyer, ou la façon mi-provocante mi-implorante de ma mère de couvrir d’amabilités le patron du magasin pour obtenir un petit crédit. Mais je détestais ça, je détestais quelle ait à le faire, tout comme ma honte chaque fois que je le faisais moi-même. Pour moi c’était de la mendicité, une quasi-prostitution que je méprisais, alors même que je continuais à compter dessus. Après tout, j’avais besoin de l’argent.
Parole d’artiste
Taille originale : 2 fois 21 x 29,7 cm
“Fais juste un sourire”, plaisantaient mes cousines, et je n’aimais pas ce qu’elles voulaient dire. Après mes études supérieures, lorsque j’ai commencé à subvenir à mes besoins et à étudier les théories féministes, je suis devenue plus méprisante que compréhensive à l’égard des femmes de ma famille. Je me disais que la prostitution était une profession qualifiée et que mes cousines n’étaient jamais que des amateures. Cela contenait une certaine part de vérité bien que, comme tout jugement sévère rendu de l’extérieur, il faisait l’impasse sur les conditions dans lesquelles on en était arrivées là. Les femmes de ma famille, y compris ma mère, avaient des papas-gâteau, pas des jules, des hommes qui leur glissaient de l’argent parce qu’elles en avaient terriblement besoin. De leur point de vue elles étaient gentilles avec ces hommes parce qu’ils étaient gentils avec elles, et ce n’était jamais un arrangement direct et grossier au point de mettre un prix sur leurs faveurs. Elles n’auraient d’ailleurs jamais décrit ce qu’elles faisaient comme étant de la prostitution. Rien ne les mettait plus en colère que de suggérer que les hommes qui les aidaient le faisaient uniquement pour leurs faveurs. Elles travaillaient pour vivre, juraient-elles, mais ça, c’était différent.
« Je suis surtout connue pour les gang bangs, simplement parce que c’est ce que j’aime faire le plus. »
Je me suis toujours demandé si ma mère détestait son papa-gâteau, ou sinon lui, en tout cas son besoin à elle de ce qu’il lui offrait, mais je n’en ai pas le souvenir. C’était un vieil homme, à moitié infirme, hésitant et dépendant, et il traitait ma mère avec beaucoup de considération et, oui, de respect. Leur relation était douloureuse, et comme ni mon beau-père ni elle ne gagnaient assez d’argent pour faire vivre la famille, maman ne pouvait pas refuser son argent. En même temps, cet homme ne donnait aucune indication comme quoi cet argent servait à acheter à maman ce qu’elle n’aurait pas normalement pu s’offrir. La vérité, je crois, est quelle l’aimait sincèrement, et que cela était en partie dû au fait qu’il la traitait si bien.
« Mais dès que je commence, je sais quoi faire. Je sais comment donner du plaisir aux mecs. Je sais quelles positions adopter. Je sais comment faire l’amour. Dès que ça commence, toute ma nervosité disparaît, ainsi qu’une grande part de ma timidité. C'est la même chose avec les séances photo. Je peux faire une séance photo glamour avec un photographe, et je peux être très maladroite, timide et même un peu raide, parce que c'est comme ça que je suis naturellement. Mais ensuite, si un autre acteur arrive et que nous faisons une séance photo classée X, je me détends. La séance photo devient plus naturelle et meilleure parce que j’interagis avec l'’autre acteur et que je sais exactement quoi faire avec les bites. »
Même maintenant, je ne suis pas sûre qu’ils avaient des relations sexuelles. Maman était une jolie femme et elle était gentille avec lui, une gentillesse dont évidemment personne n’avait fait preuve envers lui durant sa vie. De plus, il prenait grand soin de ne lui causer aucun problème avec mon beau-père. En tant qu’adolescente, avec le mépris des adolescent·e·s pour les entorses à la morale et les complexités sexuelles quelles qu’elles soient, j’étais persuadée que les relations entre maman et ce vieil homme étaient méprisables. Et aussi que jamais je ne ferais une chose pareille. Mais la première fois qu’une petite amie m’a donné de l’argent et que je l’ai pris, tout a bougé dans ma tête.
Méditation
Le montant n’était pas élevé pour elle, mais pour moi il l’était et j’en avais besoin. Alors que je ne pouvais le refuser, je me suis haïe de le prendre et je l’ai haïe de me le donner. Pire, elle faisait preuve de moins de délicatesse envers ma situation que papa-gâteau envers maman. Tout le mépris acide que j’éprouvais envers mes tantes et mes cousines dans le besoin s’est déchaîné et a consumé l’amour que j’éprouvais pour elle. J’ai rapidement mis un terme à notre relation, incapable de me pardonner d’avoir vendu ce qui, estimais-je, ne devait être qu’offert librement — pas le sexe mais l’amour lui-même »
Avertissement
Taille originale : 29,7 x 21 cm

dimanche 7 décembre 2025

Insurrection anale

Amour sodomite
« Cette histoire largement oubliée est essentielle, parce qu’elle nous montre que des coalitions et des forces politiques se sont construites sur des politiques du désir, des éropolitiques. Il s’agissait, au début des années 1970, de faire dévier la définition de la sexualité encore largement affectée à la reproduction, et d’attirer l’attention sur la violence systémique de l’hétéropatriarcat, dont les valeurs et le projet politique allaient main dans la main avec le capitalisme. En scandant dans la rue “nous sommes des déviants”, les pédés ont invité à comprendre le désir non pas comme une chose privée ni comme une pratique, encore moins comme une identité, mais comme un soulèvement et une négativité, en dehors de la reconnaissance et la dignité, de l’intégration, et même du bonheur comme ciments de la vie sociale dont la famille nucléaire était le socle. L’éropolitique révolutionnaire pédée s’est construite dans des slogans tels que le notable “notre trou du cul est révolutionnaire”, inversant ainsi la charge négative autour de l’anus qui faisait de lui — et de la capacité à être pénétré·e — l’insulte suprême. En réduisant l’anus à sa fonction excrémentielle exclusive, l’hétéropatriarcat a toujours cherché à en expulser tous ses potentiels éropolitiques. Réduire un organe à une unique fonction - qu’on pense aux fameux “organes reproducteurs” — revient à verrouiller et paradoxalement sous-entendre tous les usages queers, les contre-usages qu’on peut en faire. Les pédés sont ainsi peut-être les premiers corps sans organes, ceux qui ont porté l’anus dans l’arène du politique comme une porte, une ouverture radicale, une transgression joyeuse, au lieu de le confiner à l’espace de la honte, du clinique ou du symbolique.
traquer les signes de « l’intériorisation de la domination »
Taille originale : 24 x 32 cm
Si être pénétré·e signifie être dévalorisé·e (et c’est le cas sous l’hétéropatriarcat), alors en refusant la pénétration nous nous rendons indisponibles à ce qui peut, littéralement, nous traverser. Pisser, cracher, mouiller, déféquer, avaler, éjaculer, garder en bouche, ouvrir sa gorge, son anus, voilà a contrario des mouvements circulaires qui fluidifient, décloisonnent. De sorte à faire de nous des multiplicités infinies de trous qui s’ouvrent et se ferment, dégorgent et régurgitent, prennent et rendent, faisant communiquer nos écosystèmes avec d’autres, tous formant un ensemble d’enchâssement dont il est impossible de définir des contours clairs.
Madame rêve
Taille originale : 29,7 x 21 cm
Ces politiques révolutionnaires anales de la décennie 1970 nous invitent à penser les subjectivations politiques non plus dans leur capacité à se tenir debout, entières et dignes, mais à se faire baiser et pénétrer. Cinquante ans plus tard, le fantastique slogan queer “Macron, on t’encule pas, la sodomie c’est entre ami·es” réaffirme ce refus de faire de la pénétration une insulte (à la fois présente dans “enculé”, mais aussi dans “aller se faire foutre”, ou “se faire baiser”) pour la transformer en serment d’allégeance entre des corps qui revendiquent une insurrection anale contre le désir-conquête de l’hétéropatriarcat. »
« des anti-héroïnes qui ne se laissent pas facilement subsumer dans un stéréotype »

jeudi 6 novembre 2025

L'expérience intime du sexe

Dissident languages that challenge the eroticization to which the non-binary body is subjected by the binary gaze and desire
« En résumé, depuis l’affaire Le Marcis jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, on voit se développer, à propos du sexe mal décidé, une analyse qui n’est plus celle du mélange monstrueux. La question de l’un et l’autre sexe se subordonne à la question de l’un ou l’autre : quel est finalement le sexe de l’individu, sexe premier et dernier par rapport auquel les éléments de l’autre, ou les ressemblances avec l’autre seront autant de malformations ? Sans doute l’indécision peut demeurer, soit qu’on n’arrive pas à découvrir le secret, soit qu’il faille attendre l’épreuve décisive de la puberté, soit peut-être encore que la nature se soit arrêtée dans les chemins de la formation. Mais ce que la théorie rejette — et que l’expérience écarte avec une certaine prudence — c’est la coexistence des deux sexes, leur “accolement” qui répercuterait dans la descendance d’abominables conjonctions. Il n’y a pas de dyarchie des sexes. Un sexe et un seul, au plus, peut régner — quitte même à n’avoir même pas réussi à établir sa domination. Ou encore : la loi naturelle et fondamentale “du” sexe (entendu en général au sens de principe de reproduction sexuée), c’est qu’il y ait deux sexes, mais un seul à la fois en chaque individu. “Le” sexe veut qu’il y ait “un” sexe; et que l’existence individuelle soit corrélative de l’appartenance à l’un des deux sexes.
Milieu inhospitalier ?
Taille originale : 2 fois 21 x 29,7 cm
Mais ce principe, que la médecine du XVIIIe siècle reconnaît avec les naturalistes, a pour corrélatif la mise en place d’une “sexualité” : ensemble organique d’éléments, de formes et de fonctions ; mais ensemble également de sensibilités, d’impressions, de penchants, de mouvements du corps et d’affections de l’âme. Dans son organisation, cette sexualité relève toujours d’un sexe ou de l’autre. Elle en est la manifestation, l’instrumentation physique, la poussée dans l’âme et le corps, l’expérience intime. Ce qu’on “sait” du sexe — ce qu’en sait le sujet lui-même et ce que peuvent en savoir les autres. Et c’est dans cette sexualité que peut se produire le trouble. Trouble qui a toujours deux aspects : l’un, c’est la “non-conformité” de la sexualité au sexe caché ou à venir qu’elle aurait dû manifester et servir, — une sorte de désobéissance, qui peut prendre l’allure d’organes inadéquats, d’éléments supplémentaires ou en défaut, d’expressions paradoxales, d’appétits mal ajustés ; l’autre, c’est “l’erreur”, car toutes ces malformations et déformations ont l’aspect de l’autre sexe ou de l’indécision entre les deux sexes, comme si la nature s’était “trompée” en donnant à un sexe une partie de la sexualité de l’autre. Et cette “erreur” a ceci qu’elle trompe en effet les observateurs et jusqu’à l’individu lui-même dont la “sexualité” réelle peut lui faire illusion quant à son sexe vrai. Et si on ajoute à cela les “tromperies” supplémentaires auxquelles peuvent donner lieu soit l’ignorance des médecins soit les ruses du libertinage, on voit dans quel labyrinthe de vérités et d’erreurs peuvent introduire les jeux d’une sexualité complexe, fragile et rétive au sexe qui devrait la dominer.
Telle est, en effet, dans ce cas, la difficulté singulière qu’on ne trouve pas à propos des autres défauts physiques. L’écart y prend la forme du passage à l’autre ; en déviant, la nature se déguise ; il y a, dans ces déformations du sexe, quelque chose de la supercherie. Et si, pendant longtemps, la sodomie a hanté la condamnation de l’hermaphrodisme, les équivoques du travesti, au XVIIIe siècle, relaient cette vieille peur, et, sans l’effacer, lui donnent une forme plus diffuse et plus trouble. À la couture de l’imaginaire et du réel, on cherchait l’hermaphrodite du côté du magicien qui mêlait les deux sexes comme on supposait qu’il mêlait le ciel et la terre, Satan et l’Ange, la toute-puissance et la malfaisance, ou qu’il faisait avec du métal de l’or. On le verra plutôt sous les traits ambigus du personnage secret, du voyageur déguisé, diplomate et espion, soldat et courtisan, échangeant selon les besoins ou les envies les habits d’un abbé contre les robes de la femme galante. Il n’est plus nécessaire d’invoquer la transgression majeure des lois fondamentales de la nature ; il suffit d’une inattention de celle-ci, d’un relâchement de ses mécanismes, pour que s’ouvre la possibilité de formes qui abusent, d’illusions naturelles, d’erreurs presque inévitables, d’ignorances qu’il faudrait dissiper, de complaisances aussi et d’immoralité. L’analyse qui était autrefois centrée sur deux questions (quel sexe ? et quel acte ?) s’ouvre sur toute une dimension intermédiaire en quelque sorte entre le sexe identificateur et l’acte de conjonction ; celle d’une sexualité où les éléments du masculin et du féminin se combinent et interfèrent avec une tout autre complexité.
Prolongement
À noter : cette dimension de la sexualité, ce n’est pas à propos des hommes qu’elle a été dégagée du XVIIe au XVIIIe siècle et mise en place à la fois comme domaine de connaissance, et lieu d’intervention ; car pour l’homme, justement, son sexe est le sexe par excellence ; et il trouve dans l’acte de conjonction légitime sa fonction, son but et son accomplissement. Et la sexualité, comme dimension intermédiaire et relativement autonome, ne pourra apparaître que chez ceux en qui ne joue pas de façon exhaustive la détermination du sexe. Soit que leur sexe ne constitue pas le sexe — et ce sont les femmes. Soit que leur sexe ne soit pas encore capable du seul acte légitime qui l’accomplit — et ce sont les enfants. Soit que leur sexe soit indécis et que leur corps, leurs manières d’être, leurs sensations et leurs penchants échappent à l’identité de leur sexe — et ce sont les hermaphrodites. Les hommes ont essentiellement un sexe (le sexe), femmes, enfants, hermaphrodites ont une sexualité qui a à être recherchée ; à attendre, à retrouver le sexe par rapport auquel ils sont en insuffisance, en défaut, en incertitude. L’homme est sujet de droit dans l’ordre impératif du sexe ; les femmes, les enfants, les hermaphrodites sont porteurs d’une sexualité dans l’ordre fragile de la nature. »
Mettre à l’ombre ?

samedi 4 octobre 2025

Les contours corporels

La traversée des genres
Taille originale : 42 x 29,7 cm
« Si le corps est une synecdoque pour le système social en tant que tel, ou un lieu où convergent des systèmes ouverts, alors tout ce qui est perméable sans être régulé devient un lieu de pollution et de danger. Puisque le sexe anal et oral entre hommes instaure clairement certaines formes de perméabilités corporelles non admises par l’ordre hégémonique, l’homosexualité masculine constituerait un lieu de danger et de pollution avant que le sida n’entre dans la culture et indépendamment de lui. De la même manière, le statut “pollué” des lesbiennes, indépendamment de leur moindre chance de contracter le virus, fait ressortir les dangers de leurs échanges corporels. De manière significative, être “hors” de l’ordre hégémonique ne signifie pas être “dans” un état de nature, sale et désordonné. Paradoxalement, dans l’économie homophobe de la signification, l’homosexualité n’est le plus souvent ni civilisée ni naturelle.
« Une frontière variable, une surface perméable »
La construction de contours corporels stables dépend de points fixes de perméabilité et d’imperméabilité corporelles. Les pratiques sexuelles qui, dans des contextes tant homosexuels qu’hétérosexuels, ouvrent des surfaces et des orifices à la signification érotique ou en ferment d’autres, réinscrivent les frontières du corps le long de nouvelles lignes culturelles. Le sexe anal entre hommes en est un exemple, comme le remembrement du corps dans Le Corps lesbien de Wittig. Douglas fait allusion “à un type de pollution sexuelle qui traduit le désir de conserver le corps (physique et social) intact”, suggérant que “le” corps est une idée naturalisée, découlant elle-même des tabous qui rendent ce corps fini en vertu de ses frontières stables. De plus, les rites de passage gouvernant les différents orifices corporels présupposent une construction hétérosexuelle d’échanges, de positions et de possibilités érotiques genrées. Lorsque de tels échanges sont déréglés, les frontières déterminant précisément ce qu’est un corps s’en trouvent déstabilisées. En réalité, l’analyse critique retraçant les pratiques régulatrices par lesquelles les contours corporels sont construits constitue précisément la généalogie du “corps” dans sa finitude, ce qui donnerait un tour encore plus radical à la théorie de Foucault. »

jeudi 2 octobre 2025

La proximité du membre de l'inconnu

Tre studi della testa di una donna e uno studio della mano
« Dans la première année de leur liaison, Tereza criait pendant l’amour, et ce cri, comme je l’ai dit, cherchait à aveugler et assourdir les sens. Ensuite, elle criait moins, mais son âme était toujours aveuglée par l’amour et ne voyait rien. Quand elle avait couché avec l’ingénieur, l’absence d’amour avait enfin rendu la vue à son âme. Elle était retournée au sauna et elle était de nouveau devant le miroir. Elle se regardait et revoyait en pensée la scène d’amour chez l’ingénieur. Ce qu’elle se rappelait, ce n’était pas l’amant. À vrai dire, elle n’aurait même pas pu le décrire, peut-être n’avait-elle même pas remarqué de quoi il avait l’air tout nu.
Après l'incendie
Ce dont elle se souvenait (et ce qu’elle regardait maintenant avec excitation devant le miroir) c’était de son propre corps ; sa toison et la tache ronde juste au-dessus. Cette tache, qui n’avait été jusqu’ici pour elle qu’un simple défaut cutané, s’était gravée dans sa mémoire. Elle voulait la voir et la revoir dans l’incroyable proximité du membre de l’inconnu.
Taille originale : carton 29,7 x 21 cm
sur une feuille 29,7 x 40 cm
& 21 x 29,7 cm
Je ne peux que le souligner encore une fois : elle n’avait pas envie de voir le sexe de l’inconnu. Elle voulait voir, à proximité de ce sexe, son propre pubis.
Elle ne désirait pas le corps de l’autre. Elle désirait son propre corps, soudain révélé, d’autant plus excitant qu’il était plus proche et plus étranger.
Taille originale : 2 fois 21 x 29,7 cm
Elle regarde son corps couvert des fines gouttelettes de la douche et songe que l’ingénieur va passer au bar d’un jour à l’autre. Elle a envie qu’il vienne, qu’il l’invite ! Elle en a immensément envie ! »
Tableau invisible