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« Elle a commencé le porno au début des années 2000. Elle a eu de la chance. Elle a connu les dernières heures de gloire de la profession. Elle gagnait bien sa vie mieux qu’elle n’avait jamais rêvé de le faire. Il y avait des connards, il y en a partout — mais c’était une bonne ambiance. On parlait encore de pornstars. Il y avait une compétition entre les filles, même si elles s’entendaient bien, elles étaient là pour être la meilleure. Pam voulait se faire un nom. Ce n’était pas donné à n’importe qui, mais ce n’était pas non plus trop compliqué. Éliminer les concurrents, capter la plus grande part de marché, chercher à valoriser ses avantages compétitifs — elle avait eu, au lycée, un prof d’économie qui l’avait marquée, elle gardait une idée très claire de ce qu’elle devait mettre en œuvre pour être la meilleure. Ça n’avait pas mal marché.
Arrêter avait été le plus difficile, pour elle comme pour les autres filles du X. Les gens continuaient de la reconnaître, dans la rue, mais l’ambiance du plateau, des sessions photo, cette ivresse d’être au centre de l’attention et d’être en mesure de donner ce qu’on attend de vous lui ont cruellement manqué. Elle adorait être traitée en créature. En star de cinéma.
Ensuite, le plus terrible, c’est de comprendre qu’on n’arrête jamais. On est coupé de son milieu, on perd ses amis, on perd l’argent facile - mais on est marqué à vie. Pendant qu’elle faisait du X, elle ne fréquentait que des gens qui faisaient le même travail, la désapprobation était un concept assez lointain. Mais porter l’étoile du X parmi les gens normaux, jour après jour, c’est une autre affaire. Elle préférerait crever que de l’admettre à voix haute, niais les braves gens finissent toujours par gagner : ils vous rendent la vie si difficile que même une fille comme elle, un jour ou l’autre, le reconnaît — elle aurait mieux fait de rester dans son coin. Dix ans plus tard, elle ne peut toujours pas faire ses courses au supermarché sans qu’une connasse la reconnaisse et la dévisage durement — les femmes sont les juges les plus dures. Celles qui se contentent de ce qu’on les laisse faire haïssent les amazones. Si elles pouvaient, elles brûleraient les idoles de leurs époux. Elles savent que leurs mecs bandent tous pour Pamela Kant, et ça les rend malades. Le porno est devenu cette industrie glauque, conforme à leurs vœux morbides. »
Ombre et lumière / clair-obscur Taille originale : 29,7 x 21 cm & 42 x 29,7 cm |
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