Le registre sacré de l'image
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La dynamique des regards
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« Les portraits dAndy Warhol, qu’il s’agisse de Marilyn Monroe, de Joseph Beuys, de Mick Jagger, de Sigmund Freud, de clients fortunés ou de lui-même, répondent tous de la même exigence. Saisis dans une pose frontale, pétrifiés par des aplats de couleurs, dépourvus de toute psychologie, ces tableaux montrent le visage et non l’expression. Ce refus de l’interprétation, de l’émotion reconnaissable, de l’esthétique, d’une vérité derrière l’apparence, d’une intériorité, se retrouve chez de nombreux artistes modernes, dans le théâtre de Robert Wilson, dans le cinéma de Robert Bresson ou Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, dans les pièces de théâtre de Samuel Beckett.
L’impressionnante série des Mao de 1972-1974 joue avec brio de la tension entre l’ordonnancement du visage sérigraphié, sorte d’effigie, et le déploiement le la couleur qui n’est plus alors descriptive, mais se montre dans sa profondeur émouvante.
Peu d’artistes ont eu, comme Warhol, un rapport aussi profond au pouvoir de l’image — l’image comme ce qui fait effet instantanément et qui dans tous les sens “éblouit” celui qui la regarde. En réalité — et il est étrange que cela ne soit pas plus souvent constaté — l’enthousiasme qui a frappé tant de gens devant l’œuvre de Warhol tient au fait qu’il est l’un des très rares artistes du XXe siècle à avoir touché à ce registre sacré de l’image avec une pudeur extraordinaire.
La peinture ne se déploie généralement qu’en abandonnant l’image. C’est en ce sens que Matisse souligne : “Un tableau de Rembrandt, de Fra Angelico, un tableau d’un bon artiste, suscite toujours cette espèce de sentiment d’évasion et d’élévation d’esprit. [...] Je ne conçois pas une peinture dépourvue de cette qualité-là. Sinon c’est une image.” La modernité cherche à être fidèle à cette dimension nommée ici par Matisse et qui n’est pas une qualité plastique ou une élaboration conceptuelle. La peinture disparaît à mesure qu’apparaît l’image comme copie, information, reproduction.
Andy Warhol est l’un des rares peintres modernes à donner à l’image un autre sens. Elle est ce qui donne à voir et rend visible. À la différence de la plupart des artistes ayant travaillé sur l’image — de Dalí à Magritte —, elle n’est jamais chez lui narrative et anecdotique.
La manière dont Andy Warhol faisait ses portraits est significative. Il prenait environ deux cents polaroïds de la personne qu’il cherchait à peindre, en choisissait un, voire prenait des éléments de plusieurs qu’il assemblait, transformait la photo couleur en photo noir et blanc, l’agrandissait, faisait faire un écran sérigraphique et y mettait des couleurs, souvent outrées et artificielles, avec un soin extrême. »
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L’esprit de l’escalier
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