Cum grano salis
« Transcrire en droit une notion psychologique comme celle de l’emprise mentale peut avoir des conséquences importantes, imprévues mais intéressantes à considérer en toute objectivité. Là où règnent le flou, l’approximation, l’intuition, l’à-peu-près des sciences dites humaines, on va en effet établir une distinction nette, tranchée, catégorique, même si celle-ci peut comporter des degrés. L’emprise sera ou ne sera pas. Mais cette affirmation implique que la victime d’une telle emprise est aliénée à autrui, à sa volonté ou à son désir. Autrement dit, elle n’est plus un sujet libre, un sujet de droit, et doit être considérée comme un mineur d’âge ou un animal qui doit être protégé mais qui n’a pas de personnalité juridique.
Dès lors, pour le bien de cette personne, l’on pourra exercer une contrainte à son égard, en particulier si l’on estime que son intégrité physique (et/ou mentale) est en danger. Cela peut sembler être une considération abstraite, mais il suffit de suivre les équipes policières qui interviennent dans les affaires de violences conjugales, notamment lorsqu’elles répondent à des appels des voisins : très souvent, la personne victime de telles violences refuse de porter plainte, arguant de l’alcoolémie, d’une incompréhension temporaire ou d’une dispute sans gravité, et cela malgré l’insistance des policiers et policières qui se retrouvent ainsi dans l’incapacité d’agir. Et la répétition de tels faits ne change rien au déni de la victime. Les proches témoins de tels actes, qui bien souvent évoquent une nécessaire séparation du conjoint violent (plus rarement d’une conjointe), sont également dans l’impossibilité de surmonter les résistances de la victime. Faut-il dès lors considérer que celle-ci est sous emprise et que la contrainte est justifiée et même indispensable au nom de la nécessaire assistance à personne en danger ? L’emprise n’est-elle pas en effet comparable à une addiction sévère ou à la crise psychotique qui impose un internement immédiat ?
On l’a bien vu avec cette femme battue pendant de longues années et assassinant finalement son mari, ensuite condamnée puis graciée présidentiellement : la société n’aurait-elle pas dû intervenir autoritairement bien avant le drame et la soustraire à l’emprise de cet homme brutal ?
Mais les violences physiques ne sont pas seules en cause, on le sait bien. À partir de quand le rabaissement répété, l’humiliation consentie, la colère subie, la violence verbale, le non-partage des tâches domestiques sont-ils les révélateurs d’une emprise, d’une aliénation, d’une dépossession de soi qui privent l’individu de sa liberté subjective et le transforment en mineur à protéger ? Si la victime ne s’appartient plus, n’est-ce pas à la société à la protéger ? Et ne convient-il pas de considérer de façon suspicieuse toutes les relations inégalitaires (par l’âge, par la situation professionnelle ou sociale, par le prestige intellectuel ou autre) qui se masquent derrière le voile trompeur de l’amour ? Une police des mœurs ne devrait-elle pas intervenir préventivement pour évaluer la dangerosité des relations amoureuses dans une société patriarcale où les femmes sont dominées de façon systémique ? Comment pourrait-on croire en effet que, dans un tel système, ce sont des sujets réellement libres et non pas des êtres aliénés, dépendants et victimes d’une illusion mortifère ? Ne faut-il pas enfin soumettre les pratiques sexuelles à une évaluation plus fine afin d’en mesurer le caractère inégalitaire et aliénant (comme l’est de toute évidence l’éjaculation faciale, mais sans doute aussi la fellation, la sodomie, l’usage de liens, l’anulingus ou la levrette) ? Tout est politique, on le sait, et il temps qu’un regard politique soit jeté sur l’ensemble des relations sexuelles et amoureuses pour mettre fin de façon décidée à toute aliénation féminine. »
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