dimanche 14 décembre 2014

Je ne suis pas un jouet, ni un instrument. Je suis à vous.


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taille originale : 29,7 x 42 cm

« Toute la journée j'eus dans la tête le ton de ma voix, si suppliant et sa voix à elle, et le bruit de la porte, et je la remerciais intérieurement de ce qu'elle avait fait car il me semblait bien que grâce à cela je commençais à la détester.
[…]
S'était-elle aperçu de quelque chose ? Le lendemain elle me parut particulièrement gentille. C'était peut-être seulement qu'il me semblait recevoir d'autant plus de sa part que je m'étais résigné et décidé à en attendre moins.
Nous prenions le thé, allongés dans des chaises longues côte à côte sur la terrasse. Depuis quelques minutes, elle bougeait beaucoup, se tournant d'un côté, de l'autre, changeant sans cesse de position. Je ne l'avais jamais vue ainsi. J'eus peur soudain qu'elle n'ait quelque chose à me dire et ne sache comment le faire. J'avais le regard au loin, perdu dans mes pensées, quand je sentis sa main sur mon bras. Elle désigna le salon derrière nous, de la tête, tout en mettant un doigt sur ses lèvres. Elle souriait d'une manière que je ne lui avais jamais vue, espiègle pourrais-je dire. Nous nous levâmes ensemble. Je la suivis dans le salon. Elle souriait maintenant comme une petite fille qui réprime un rire, heureuse de faire une chose défendue mais qu'elle sait être sans gravité. Elle s'arrêta derrière le dossier d'un canapé qui faisait face à la terrasse. Elle désigna le sol en le pointant plusieurs fois du doigt. Comme je ne comprenais pas, elle chuchota, toujours comme si elle réprimait une innocente hilarité : “Allongez-vous.”
Je m'allongeai. Le bas de sa tunique caressa mon visage. Elle se tenait debout au-dessus de ma tête. Je voyais, dans la lumière tamisée par le tissu, ses jambes, ses cuisses, son slip. L'incroyable arrivait. Je vivais un rêve. La lumière changea. Elle relevait sa tunique sur le devant tandis qu'elle se déplaçait d'un pas vers l'avant. Un pan de tissu retomba, sa main apparut et, comme elle s'accroupissait, avec deux doigts elle tira son slip à l'entrecuisse, dégageant son sexe. Je le vis. Il se rapprochait encore de mon visage, elle murmura un mot. Je crus entendre : “Sucez.” J'avançai le visage à la rencontre de ses lèvres. Ce n'est que lorsque je vis sourdre les premières gouttes que je compris qu'elle avait dit : “Buvez.” Je reculai la tête instinctivement. Le liquide suivit d'abord la fente. Quelques gouttes tombèrent sur mon cou, le haut de ma poitrine. Puis le jet, prenant soudain de la force, sortit tout droit, me frappa le visage. Je me souviens que ma première pensée fut qu'il fallait que je boive car sinon le tapis serait taché. C'était une drôle d'idée et une piètre excuse pour ma faiblesse, vite oubliée, car déjà, la bouche grande ouverte, je cherchais avidement à recueillir le liquide. Comme j'avais la tête renversée, le cou allongé au maximum, l'orifice de ma gorge était resserré et, malgré tous mes efforts pour déglutir aussi rapidement que possible, le liquide débordait de ma bouche par les commissures des lèvres, me coulant le long des mâchoires dans le cou, sur la poitrine. Il semblait que cela ne finirait jamais. Je l'aurais voulu aussi. Mais déjà elle s'était relevée. Les plis de sa tunique me caressèrent à nouveau le visage. Elle se tenait à côté de moi. Elle me regardait. Je la regardais. J'avais encore la bouche pleine. J'avalai ce qui me restait d'elle, les yeux dans ses yeux. Elle s'accroupit près de moi. Avec sa tunique elle m'essuya les lèvres, le menton, les épaules, rapidement. Puis elle me caressa les cheveux, à peine, très vite. Elle avait le même sourire amusé et fautif.
“Nous recommencerons, murmura-t-elle, vous voulez bien ?”
Elle s'éloignait.
Je courus jusqu'à ma chambre. J'avais la bouche entr'ouverte afin de saliver le moins possible et garder ainsi le goût autant que je pouvais. Je m'allongeai par terre et ouvris la bouche comme si je la recueillais encore et derrière mes paupières fermées je tâchai de voir à nouveau le slip blanc, les doigts qui le maintenaient tiré sur la mousse blonde, la nacre rosé et la coquille brune, sentir sur ma langue l'eau qui en tombait.
Dans la nuit je me libérai une seconde fois.  »
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taille originale : 32 x 24 cm

dimanche 30 novembre 2014

La clarté du monde

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Taille originale : 29,7 x 21 cm

« Pourquoi est-ce que je ne peux pas baiser avec toi en utilisant tout notre vocabulaire obscur et vulgaire, tous ces mots qui engorgent la bouche, et me laisser ensuite étreindre chastement et presque pudiquement, avant qu'on se mette à se bidonner comme des fous et qu'on se rentre dedans à coups de ventre et de cul en éclatant d'un rire hystérique ? Pourquoi est-ce que nous ne sommes pas là, côte à côte sur le flanc, à nous sucer en nous concentrant sur notre propre orgasme et celui de l'autre sans dire lequel nous exciterait le plus ? Et que je n'entends pas ton “attends” quand j'ai ta bite dans la gueule, et que je ne peux pas te mettre en boîte en te voyant si avare de ton sperme et de tes orgasmes et, quand tu as balancé ta sauce, te prouver que ta parcimonie n'a vraiment aucun sens ? Et encore te lécher, éreinté, presque impuissant, te sucer et t'exciter en te taillant une pipe d'une heure, interminable et épuisante, une pipe qui culminerait en un spasme plus douloureux qu'orgasmique, qui exacerberait tes sens jusqu'au désarroi et où tantôt tu verrais le monde avec tant de clarté que ce serait comme si quelqu'un d'autre était étendu à ta place et tantôt tu te laisserais aller à mon excitation et ferais d'infimes soubresauts, un peu parce que ça te ferait jouir et un peu parce que tu essaierais de t'exciter en faisant semblant de jouir ? Et pourquoi est-ce que je ne me réveille pas ensuite auprès de toi pour te monter, les yeux tout ensommeillés, dans une espèce de léthargie, et te sauter en profitant de ton érection matinale qui ne vient pas seulement du désir, te sauter à moitié endormi et un peu déconcerté et te cramponnant des deux mains à mes nichons ? »
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Taille originale : 21 x 29,7 cm

dimanche 16 novembre 2014

Murmurant, gesticulant, faisant l’amour violemment

taille originale : 24 x 32 cm

« Je vous ai vus enlacés dans le vent
Mouillés par la langue rugueuse du désir
Vos seins lactés unis
Sans haleine
Comme des roseaux enivrés par la délicatesse de l'eau
Comme des jumeaux.
Je vous ai vus couchés dans l’or fieilleux des ajoncs
Déchirant vos peaux aux ombres furtives
Écrémant vos passions
Endormies.
Et moi comme un arbre douloureux de sa nudité
Seul, aplati contre un ciel méchant
Je n’étais qu’un pauvre clown au cœur ébouriffé. »
taille originale : 21 x 29,7 cm

dimanche 31 août 2014

Iconoclasme contemporain

« Comme dans les conflits iconoclastes, défenseurs et vandales se rejoignent pour s’opposer au nom de l’art : en accusant les vandales de ne pas reconnaître l’art, les défenseurs de l’exposition refusent eux aussi de reconnaître que le geste de l’autre a un sens, qu’il est agression, et non pas ignorance ; leur posture reproduit exactement celle des auteurs de dégradations qui, accusant l’art contemporain de n’être pas de l’art et non d’être mauvais, répondaient à une violence par un déni d’existence. Le recours au vocabulaire de l’iconoclasme est donc justifié, il souligne la reconnaissance commune impliquée aussi bien dans l’attaque que dans la défense des objets d’art, doublée du refus de reconnaître à l’autre qu’il parle au nom de l’art. Mise en scène saisissante des stratégies d’un art contemporain qui, à force de surenchérir dans l’auto-affichage du néant de son objet, semble ne plus tenir que par la contre-persécution anticipée de tous ses persécuteurs potentiels, enrôlés par leur ardeur même dans la défense paradoxale d’un art que l’indifférence tuerait, qui n’est plus que dans la résistance qu’il provoque : les vandales deviennent la dernière trace de la valeur artistique d’un art qui ne cesse de proclamer sa propre mort — mais qui ne veut pas être tout à fait cru ! »
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Taille originale : 29,7 x 21

dimanche 27 juillet 2014

Modèle courtois

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Taille originale : 21 x 29,7

« Le modèle est simple. Un personnage féminin occupe le centre de la figure. C'est une “dame”. Le terme, dérivé du latin domina, signifie que cette femme est en position dominante, en même temps qu'il définit sa situation : elle est mariée. Un homme, un “jeune” (le mot en ce temps désignait précisément les célibataires), l'aperçoit. Ce qu'il voit de son visage, ce qu'il devine de sa chevelure, masquée par la guimpe, de son corps, masqué par les atours, le trouble. Tout commence par un regard jeté. La métaphore est d'une flèche qui pénètre par les yeux, s'enfonce jusqu'au cœur, l'embrase, y porte le feu du désir. Dès lors, blessé d'amour (il faut ici encore prendre garde au vocabulaire : “amour”, dans son sens exact, désignait en ce temps l'appétit charnel), l'homme ne songe plus qu'à s'emparer de cette femme. Il en entreprend le siège et, pour s'introduire dans la place, le stratagème dont il use, la feinte, est de s'incliner, de s'abaisser. La “dame” est l'épouse d'un seigneur, souvent de son propre seigneur. Elle est en tout cas maîtresse de la maison qu'il fréquente. En vertu des hiérarchies gouvernant alors les rapports sociaux, elle se tient effectivement au-dessus de lui. Ce qu'il souligne en accomplissant des gestes d'allégeance. Il s'agenouille, prenant la posture du vassal. Il parle, il engage sa foi, promettant, comme un homme lige, de ne pas porter son service ailleurs. Il va plus loin : à la manière d'un serf, il fait donation de lui-même.
Il n'est plus libre désormais. La femme, elle, l'est encore, d'accueillir ou de refuser l'offrande. Se découvre en ce point le pouvoir féminin. Par une femme, par cette femme, l'homme est mis à l'épreuve, sommé de montrer ce qu'il vaut. Cependant, si la dame, au terme de cet examen, accepte, si elle prête l'oreille, se laisse envelopper de paroles, elle devient à son tour prisonnière, puisque, dans cette société, il est établi que tout don mérite un contredon. Calquées sur les stipulations du contrat vassalique, lesquelles obligent le seigneur à rendre au bon vassal autant qu'il reçoit de lui, les règles de l'amour courtois astreignent l'élue, pour prix d'un loyal service, à se livrer finalement tout entière. D'intention, l'amour courtois, contrairement à ce que beaucoup croient, n'était pas platonique. C'était un jeu. Comme dans tous les jeux, le joueur était animé par l'espoir de gagner. En ce cas, comme à la chasse, gagner, c'était saisir la proie. En outre, ne l'oublions pas, de ce jeu, les hommes étaient en vérité les maîtres.
En effet, pièce majeure comme aux échecs, la dame pourtant, parce qu'elle est femme - voici où son pouvoir s'arrête -, ne saurait disposer librement de son corps. Celui-ci appartenait à son père, il appartient maintenant à son mari. Il contient en dépôt l'honneur de cet époux, ainsi que celui de tous les mâles adultes de la maisonnée, solidaires. Ce corps est donc attentivement surveillé. Dans les demeures nobles, sans cloison, sans véritable retrait, où l'on vit pressés les uns contre les autres à toutes les heures du jour ou de la nuit, il ne peut échapper longtemps au regard de ceux qui l'épient, et qui préjugent que cette femme est trompeuse, faible comme le sont toutes les femmes. Surprennent-ils dans sa conduite le moindre indice d'incartade, ils la disent aussitôt coupable. Elle est alors passible des pires châtiments, lesquels menacent également l'homme que l'on croit son complice. Le piquant de ce jeu tenait au péril à quoi s'exposaient les partenaires. Aimer de fine amour, c'était courir l'aventure. Le chevalier qui décidait de la tenter savait ce qu'il risquait. Obligé à la prudence, et surtout à la discrétion, il lui fallait s'exprimer par signes, édifier au sein de la cohue domestique la clôture d'une sorte de jardin secret, et s'enfermer avec sa dame dans cet espace d'intimité.
Là, confiant, il attendait sa récompense, les faveurs que son amie était tenue de lui accorder. Toutefois, le code amoureux imposait de doser minutieusement celles-ci et la femme alors reprenait l'avantage. Elle se donnait, mais par étapes. Le rituel prescrivait qu'elle acceptât d'être d'abord embrassée, puis qu'elle offrît ses lèvres au baiser, puis qu'elle s'abandonnât à des tendresses de plus en plus appuyées dont l'effet était d'exacerber le désir de l'autre. L'un des thèmes de la lyrique courtoise décrit ce que l'“essai” par excellence, l’assaig comme disent les troubadours, aurait pu être, épreuve décisive à quoi l'amant rêvait d'être finalement soumis et dont l'image fantasmatique l'obsédait, le tenait en haleine. Il se voyait allongé nu à côté de la dame nue, admis à tirer parti d'une telle proximité charnelle. Jusqu'à un certain point cependant, car en toute dernière instance, la règle du jeu lui imposait de se contenir, de ne pas se départir, s'il voulait se montrer vaillant, d'une pleine maîtrise de son corps. Ce que chantaient les poètes retardait donc indéfiniment, repoussait toujours dans le futur le moment où tomberait l'aimée, où son servant prendrait en elle son plaisir. Celui-ci, le plaisir de l'homme, se trouvait déplacé. Il ne résidait plus dans l'assouvissement mais dans l'attente. Le plaisir culminait dans le désir lui-même. C'est ici que l'amour courtois révèle sa vraie nature : onirique. L'amour courtois concédait à la femme un pouvoir certain. Mais il maintenait ce pouvoir confiné au sein d'un champ bien défini, celui de l'imaginaire et du jeu.
Le modèle de comportement dont je viens d'esquisser les traits est connu par des poèmes qui furent élaborés pour le divertissement des gens de cour. Les plus anciens sont, semble-t-il, ces onze chansons que des manuscrits tardifs attribuent à un certain Guillaume de Poitiers, en qui la tradition reconnaît le neuvième duc des Aquitains, actif au début du XIe siècle, des sentiments et des attitudes qu'il était convenu d'attribuer aux partenaires de l'autre sexe. Ces poèmes ne montrent pas la femme. Ils montrent l'image que les hommes s'en faisaient. Cela fermement établi, il est évident que ce qu'inventèrent les poètes n’était pas sans rapport avec la manière dont les gens dont ils cherchaient à capter l'attention conduisaient leur existence. En effet, ces œuvres eurent du succès, un succès immense et durable. La preuve en est qu'elles ne se sont pas toutes perdues en un temps où l'on ne confiait à l'écriture que les paroles essentielles. Elles furent reçues. Pour l'être si bien, il fallait que le nœud des intrigues qu'elles développaient ne présentât pas de trop fortes discordances avec les situations concrètes dont l'auditoire avait l’expérience. D'autre part et surtout, parce qu'elles séduisirent cet auditoire, elles ne manquèrent pas d'infléchir quelque peu ses mœurs. Leur influence sur les comportements fut analogue à celle qu'entendait alors exercer la littérature hagiographique. Comme les vies de saints, les chansons et les romans mettaient en scène des êtres exemplaires afin qu'ils fussent imités ; ces héros pratiquaient certaines vertus à la perfection ; mais ils ne devaient pas paraître tout à fait inimitables. En raison d'un tel accord, évident, entre poésie et vérité, force est de rechercher ce qui, dans les structures de la société féodale, put favoriser dans la France du XIIe siècle l'éclosion de la “névrose courtoise” et son rapide épanouissement.
Pourquoi le modèle fut-il reçu ?
Dans cette société, les hommes se répartissaient en deux classes : d'un côté, les travailleurs, paysans pour la plupart, vivant au village, les “vilains” ; de l'autre, les maîtres, entretenus par les fruits du labeur populaire et qui se réunissaient dans les cours. “Courtois” : Gaston Paris fut bien inspiré lorsqu'il choisit ce mot pour définir le type de relations amoureuses dont il est ici question. La cour des princes de la France féodale, ces rassemblements festifs que tout seigneur était tenu d'organiser périodiquement pour y déployer ses largesses, où ses hommes, tous ceux qui lui rendaient hommage, devaient se rendre s'ils ne voulaient pas être soupçonnés de trahir leur engagement, la maisonnée se gonflant alors démesurément pour quelques jours, agglomérant autour du patron tous ses amis en une commensalité temporaire - sur de telles réunions reposait le maintien de l'ordre et de la paix dans l'aristocratie -, la cour fut effectivement le lieu où le jeu de fine amour prit forme. En s'y livrant, en s'efforçant de traiter avec plus de raffinement les femmes, en démontrant son habileté à les capturer, non point de force, mais par des caresses verbales ou manuelles, l'homme de cour, qu'il fût noble ou simplement reçu parmi les compagnons du prince, entendait manifester qu'il appartenait au monde des privilégiés, associés aux profits de l'exploitation seigneuriale et soustraits aux contraintes qui pesaient sur le peuple. Il marquait ainsi nettement ses distances à l'égard du vilain, rejeté sans recours dans les ténèbres de l'inculture et de la bestialité. La pratique de l'amour courtois fut en premier lieu, j'insiste sur ce point, un critère de distinction dans la société masculine. Voilà bien ce qui conféra tant de force au modèle proposé par les poètes et qui le fit s'imposer jusqu'à modifier dans le courant de la vie l'attitude de certains hommes à l'égard des femmes.
À l'égard du moins de certaines femmes, car la division séparant les hommes en deux classes se reportait dans la société féminine. Elle traçait parmi les femmes une ligne de partage aussi nette, isolant de la masse des vilaines, que le “courtois” était autorisé à traquer à sa guise pour en faire brutalement sa volonté, les “dames” et les “pucelles”. Invitées à entrer elles aussi dans le jeu, celles-ci se voyaient reconnaître le droit à des égards particuliers et quelque pouvoir sur leur partenaire masculin tant que durait la partie.
Remarquons cependant que Guillaume de Poitiers ne parle pas d'amour courtois, mais d'“amour de chevalier”, désignant ceux des mâles qui dans la cour étaient conviés à servir les dames. La partition sociale en effet n'était pas binaire, mais ternaire. Au sein de la classe dominante s'opposaient deux catégories d'hommes, ceux dont la fonction était de prier, les clercs, ceux dont la fonction était de combattre, les chevaliers. Les uns et les autres se disputaient les faveurs du prince et les avantages du pouvoir. Cette rivalité, dans un moment de très vive croissance économique, détermina le rapide affermissement d'une culture propre aux gens de guerre, laquelle afficha résolument son indépendance à l'égard de celle des gens d'Église. Le poème en langue romane fut l'une des expressions maîtresses de la culture chevaleresque. En ces œuvres littéraires se découvrent plus clairement qu'ailleurs les traits singuliers de cette culture, fondée sur l'exaltation de l'amour profane, du désir masculin et du plaisir que donnent les femmes. Car entre clercs et chevaliers, la distinction fondamentale était d'ordre sexuel. Aux premiers, le commerce des femmes était en principe interdit, alors que les seconds se devaient de les assaillir. Exclues du cloître, les femmes peuplaient la cour. Toutefois, dans la cour, les usages élevaient une clôture qui les écartait franchement des hommes. Cette barrière se montrait certes moins étanche que dans d'autres civilisations, et notamment en pays d'Islam : le prince syrien Ouzâma a confessé son étonnement devant la manière, à ses yeux scandaleuse, dont les croisés “francs” exhibaient leurs compagnes, conversaient avec elles dans les lieux publics, allaient jusqu'à fréquenter le hammam en leur compagnie. Elle s'élevait pourtant assez haut pour contrarier les communications entre l'univers masculin et l'univers féminin et pour introduire de part et d'autre incompréhension et méfiance. Il était en effet coutume d'extraire tous les garçons du gynécée vers l'âge de sept ans, de les arracher aux jupons de leur mère, de leurs sœurs, de leur nourrice pour les embrigader dans des équipes d'hommes qui, dès lors, vivaient entre eux, soit dans les “écoles” où se formaient les futurs clercs, soit dans ces escouades plus tumultueuses où le jeune mâle apprenait à dompter les chevaux et à manier les armes. Une telle séparation favorisait l'efflorescence des tendances homosexuelles. Elle entretenait aussi parmi les chevaliers appelés à jouer le jeu d'amour la nostalgie de la femme inaccessible et consolante. Elle les rendait à tout jamais intrigués, effrayés par ce que les femmes entre elles pouvaient manigancer, les portait à leur attribuer un pouvoir mystérieux, redoutable, qui les fascinait et les inhibait. La ségrégation entre les deux sexes implantait dans les consciences masculines une inquiétude dont les chevaliers s'évertuaient à triompher par la jactance, par l'affectation de mépris et par la proclamation tonitruante de leur supériorité naturelle.
Pour comprendre pourquoi les règles de l'amour courtois furent adoptées au XIe siècle par l'aristocratie féodale, il convient également de considérer les pratiques matrimoniales en vigueur dans ce milieu social. Il était constitué d'héritiers dont les prérogatives se transmettaient de génération en génération par le sang des ancêtres. Toute son ordonnance se fondait par conséquent sur le mariage. Or, du vivant de Guillaume IX d'Aquitaine, alors que l'Église parvenait à imposer aux princes et aux chevaliers le respect des principes qu'elle édictait en matière de conjugalité, la morale des prêtres s'accordait à celle des familles nobles sur un point capital. Chargé d'assurer la reproduction de la société dans la solidité de ses armatures, le mariage était chose très sérieuse qu'il importait de contrôler sévèrement. Il convenait que l'union des époux reposât sur l'accord des sentiments. Mais les clercs parlaient à ce propos d'“affection”, qui se dit en latin dilectio. Non pas d'amor, c'est-à-dire de cette recherche passionnée du plaisir qui conduit naturellement au désordre. Proclamant que seule l'intention de procréer justifie la conjonction des sexes et lui retire un peu de son caractère inexorablement peccamineux, réputant le mari qui sollicite trop ardemment son épouse plus coupable, parce que le mariage est sacré, que s'il va forniquer ailleurs, les ecclésiastiques rigoristes incitaient la virilité dont les hommes de guerre étaient si fiers à se déployer hors du cadre conjugal, dans le champ de la gratuité et du jeu.
D'ailleurs, tout mariage était mariage de raison, l'aboutissement de longues tractations menées par les dirigeants des lignages. Ceux-ci, ne songeant qu'aux intérêts de la famille, n'avaient nul souci des sentiments des deux promis. Et pour les jeunes hommes eux-mêmes, cette fille que l'on combinait de conduire à leur couche, que parfois ils n'avaient jamais vue, qui souvent était encore d'âge très tendre, ne représentait que l'occasion de sortir par le mariage de leur condition dépendante. Ils ne désiraient pas cette femme, ils désiraient simplement s'établir. En conséquence, ce qu'on appelait l'amour, l'appétit sexuel masculin, n'entrait guère en ligne de compte durant les procédures précédant la conclusion du pacte conjugal. Cela contribuait encore à détourner vers d'autres espaces les conduites amoureuses.
Enfin, la politique des lignées nobles, visant à limiter les partages successoraux, exigeait que la nuptialité des garçons fût réduite. On s'appliquait à bien marier l'un d'eux, généralement l'aîné ; les autres fils, jetés dans l'aventure, devaient se tirer d'affaire tout seuls. Quelques-uns, les plus chanceux, parvenaient à se faire donner, le plus souvent par le patron qu'ils avaient bien servi, une pucelle de bon sang, dépourvue de frère, héritière par conséquent d'une seigneurie où ils pourraient enraciner leur propre dynastie. Mais la plupart demeuraient célibataires. Au XIe siècle, dans son immense majorité, la chevalerie - c'est-à-dire la société d'hommes que chansonniers et romanciers se souciaient d'abord de charmer - était composée de “jeunes”, d'adultes sans épouse, jaloux des maris et qui se sentaient frustrés. Non point que leur activité sexuelle fût bridée le moins du monde : ils trouvaient aisément à libérer leur ardeur auprès des prostituées, des servantes, des bâtardes dont les grandes maisonnées étaient remplies ou de ces paysannes qu'ils forçaient au passage. C'étaient là cependant proies trop faciles. La gloire allait aux ingénieux qui parvenaient à séduire une femme de leur condition et à la prendre : quel adolescent n’espérait pas enlever à la barbe de sa parenté une pucelle aux riches espérances ? Toutefois, à l'horizon des rêves de la “jeunesse”, s'emparer furtivement, par défi, de la femme qu'un frère, un oncle ou le seigneur rejoignait le soir dans sa chambre, constituait le bel exploit, symbolique, car c'était faire preuve d'un rare courage et braver un péril extrême. L'interdit le plus abrupt défendait en effet de toucher cette femme puisque, la régularité des successions dépendant de la conduite de l'épouse, il fallait celle-ci non seulement féconde, mais fidèle et qu'elle n'allât pas accueillir dans ses flancs d'autre semence que celle de son époux.
Les troubadours sans doute n'ont pas célébré l'adultère autant qu'on l'a dit, mais lorsqu'ils le firent, ils savaient toucher au fond des consciences masculines une corde très sensible. »
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samedi 26 juillet 2014

Maintenir le lien social

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« Pour l’épicurisme, la fellation comme la sodomie illustrent et défendent une sexualité de pur plaisir, sans finalité de reproduction. Elles sont l’emblème d’une morale capable de tracer une distinction entre reproduction et sexualité et d’arracher l’homme à la dictature d'une nature soi-disant divine. Le plus grand danger est de se référer à une nature donnée pour fonder une morale ou une éthique. A-moral, un acte érotique comme la fellation permet de maintenir le lien social, de cimenter la communauté; l’ataraxie individuelle a pour effet de conserver le calme civil. »

Les mauvaises mœurs

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« Pour préparer dans d’heureuses conditions les jeunes filles à la vie domestique, il ne suffit pas de les habituer au travail manuel, de leur donner de la dextérité et l’habileté des mains, la justesse du coup d’œil ; il faut de plus, appliquer avec esprit de suite, avec persévérance, les moyens d’éducation les plus propres à développer en elles, le qualités morales de la femme et celles de la bonne ménagère. Quelles sont ces qualités morales ?
Parmi les plus précieuses, il faut citer : le courage, la patience, la douceur et la gaieté.
Le courage c’est-à-dire simplement le zèle, la bonne volonté, l’ardeur au travail qui naît du plaisir qu’on éprouve à la tâche et des satisfactions qu’elle procure. Ce courage doit être doublé de patience. De même que le courage, la patience naît chez la femme d’un sentiment fort. Le courage et la patience s’allient à la douceur que l’on peut considérer comme l’une des qualités les plus essentielles à la femme.
Nécessaire pour l’accomplissement régulier des travaux ordinaires du ménage, la douceur est plus nécessaire encore pour l’éducation des enfants. Elle est le plus puissant moyen de bonheur au foyer. Une femme hargneuse, boudeuse… accomplit-elle même avec régularité les travaux du ménage ne peut être aimable, ni donner à son œuvre ce reflet de joie qui embellit la maison, attire et retient l’homme. Or quand un mari a pris l’habitude de chercher le repos et la gaieté hors de sa demeure, adieu la prévoyance et l’économie, adieu la paix intérieure, adieu tout le bonheur de la vie. Les querelles, la misère s’emparent du ménage, les mauvaises mœurs s’introduisent au milieu de ce désordre et tout est perdu. » (circa 1910)

lundi 21 juillet 2014

L’étoile du soir

Taille originale : 17,6 x 26,6

« Il y a quelque chose que je voudrais te demander, j’ai dit à E.S.
Elle s’est retournée, m’a regardé et m’a souri. Oui, et quoi donc, mon petit ?
Bon, je me demandais... je me disais que peut-être t’aurais envie de me baiser. Tu comprends, parce que en réalité je l’ai jamais fait.
Ça paraîtra sans doute complètement froid, mais ça ne l’était pas. En tout cas pas tout à fait. Parce que, bon, E.S. était quand même très sexy malgré son âge, et depuis le moment où elle m’avait pris dans ses bras - quand j’étais descendu par l’escalier pour les saluer, elle et Doc - je me sentais pas mal excité. Et puis, pour une raison ou une autre, il suffisait que je me trouve dans cette baraque pour que je sois plein de liquides érotiques. D’emblée, avec toutes les baiseries qui s’y passaient, cette maison ancienne et gigantesque m’était apparue comme un lieu de sexe. On a du mal quand on est un adolescent à ne pas lorgner une poétesse de La Nouvelle-Orléans au bord de la piscine en train de se passer du lait solaire sur tout le corps, et à ne pas remarquer les rastas noirs super-bien bâtis, torse nu, avec leur artillerie bien en vue sous des shorts qui bâillent, filer en douce pour retrouver les nombreuses amies blanches d’E.S. Et même si j’ai du mal à l’admettre, les lesbiennes de Boston qui trottaient partout en bikini m’excitaient aussi. Mais ce qui m’avait vraiment allumé depuis le début, c’étaient les vibrations érotiques qu’E.S. émettait sans cesse pour suggérer en quelque sorte que son seul but dans la vie était de donner du plaisir. Peu importait que ce soit sous forme de bouffe, de drogue ou de sexe, ce qui comptait c’était de donner : c’était ça qui lui procurait du plaisir par ricochet. Et quand on y réfléchit comme je l’ai fait, c’est une générosité bizarre qui ressemble plus à du désir permanent qu’à de la générosité, mais c’est aussi une attitude qui peut vraiment brancher un mec. Avec tout ce processus en marche depuis des mois, des années, et même à mon sens depuis pratiquement des siècles, cette maison n’était plus sur terre mais s’élevait quelque part au-dessus de l’obscurité quotidienne à la manière d’une île au Plaisir vibrante et scintillante qui m’aurait donné une érection permanente dont jusqu’à présent je m’étais occupé en quelque sorte tout seul.
Mais il est vrai aussi que j’ai agi froidement en demandant à E.S. si je pouvais la baiser, ou, pour être plus exact, si elle voulait me baiser. Premièrement c’était à cause de la curiosité intense mais presque scientifique que j’avais de voir comment ce serait. Je me posais des questions depuis au moins deux ans sur les détails mécaniques de la baise - en fait depuis que j’avais découvert que d’autres mecs de mon âge ou à peine plus vieux le faisaient avec des filles qu’ils draguaient au centre commercial et ailleurs. Elle est restée debout un long moment devant la cuisinière sans rien dire, un petit sourire aux lèvres comme si elle faisait défiler une vidéo mentale à toute allure vers l’avant pour essayer de voir comment ce serait de baiser avec moi. À la fin elle a lâché la cuillère avec laquelle elle avait remué ce qu’elle préparait et elle a baissé soigneusement la flamme du gaz. Se retournant, elle m’a dit avec un sourire. Tu veux qu’on le fasse maintenant ?
Bien sûr. Pourquoi pas ?
Elle a jeté un coup d’œil à l’horloge murale comme pour dire ça prendra pas longtemps et elle a dit qu’elle devait d’abord aller chercher quelque chose dans sa chambre. Je me suis dit qu’il devait s’agir d’un machin contraceptif ce que j’ai trouvé très bien parce que j’étais absolument pas branché paternité. Attends-moi dans la buanderie, m’a-t-elle dit. A mon avis personne ne viendra nous y embêter. Sauf peut-être toi. Et toi, je t’aurai tout à moi, cette fois, pas vrai, mon chou ?
Pour ça, oui ! j’ai dit. Et je suis entré dans la buanderie obscure où se trouvaient un lave-linge, un séchoir, divers outils de jardinage et aussi le petit lit pliant contre le mur du fond. Je sentais que je bandais déjà à mort mais je n’ai pas enlevé mes vêtements ni rien. Je me souvenais, pour l’avoir vu dans des films pornos, que la femme se déshabille toujours la première et je suis donc resté assis sur le lit comme si j’étais dans le cabinet d’un docteur jusqu’à ce que la porte de la cuisine s’ouvre. À la lumière du jour éclairant alors E.S. de dos, j’ai vu qu’elle avait ôté son maillot de bain et que sous sa longue chemise de gaze à rayures elle était toute nue. Ma respiration s’est accélérée, j’ai entendu mon cœur cogner dans ma poitrine et mes mains sont devenues moites de transpiration. J’avais une méchante trouille — davantage de faire quelque chose de mal que d’E.S., mais il n’était plus question que je fasse machine arrière.
Elle s’est approchée, s’est assise près de moi et elle a commencé à m’embrasser en glissant sa langue dans ma bouche et tout, puis elle a guidé mes mains en direction de ses seins bien qu’en fait elles n’aient pas tellement eu besoin d’être guidées. Elle m’a donc lâché les mains puis elle s’est employée à déboutonner mes jeans coupés et à m’ouvrir la braguette. J’ai expédié mes vieilles sandales d’un coup de pied, je me suis extrait de mon T-shirt en me tortillant, et elle, laissant tomber sa chemise à ses pieds, s’est penchée en arrière et m’a tiré sur elle. Je suis entré tout droit en elle comme si, bien plus que tout le bricolage sexuel que j’avais connu dans un passé lointain, c’était exactement pour ça que j’étais fait. Je vous épargnerai la plupart des détails, mais disons qu’elle dirigeait presque toutes les opérations, ce que je trouvais bien parce que sinon, si j’avais été livré à ma seule initiative, j’aurais probablement fait quelques secondes de cabriole et puis fini. Ensuite il m’aurait fallu cinq ou dix minutes pour pouvoir remettre ça, ce que j’aurais trouvé gênant. Mais elle m’a agrippé les fesses de ses mains, m’a fait faire de lentes allées et venues, quelques petits soubresauts bizarres qui la titillaient bien et des rotations souples des hanches qui apparemment la branchaient très fort. Je me sentais alors assez fier de moi, mais quand elle a commencé à gémir et à m’attirer en elle de plus en plus vite je me suis terriblement excité et juste au moment où je commençais à avoir des pensées vraiment agréables sur le sujet, à trouver que l’acte sexuel avec une autre personne vous libère la tête de tout sauf de cet autre qui vous remplit alors l’esprit et devient en quelque sorte tout l’univers, ou que ça vous aide vraiment à vous concentrer et vous permet d’oublier tous vos ennuis, ou que ça vous retient tellement l’attention que vous ne pensez plus en fait à vous-même - vous ne pouvez même pas essayer parce que ça vous bloque la pensée -, juste à ce moment-là ma pensée s’est bloquée et j’ai déchargé.
Elle a continué à me faire bouger un petit peu, puis j’ai abandonné, sans doute parce que mes pensées m’étaient revenues. Elle m’a lâché les fesses et s’est affalée sur le lit, toute trempée de sueur et fleurant bon le gâteau. Elle souriait pourtant, comme je pouvais le voir dans la faible lumière filtrant à travers les volets, et à mes yeux c’était une créature magnifique et stupéfiante telle que la terre n’en avait jamais connu, d’une autre espèce que moi et dix fois plus belle. Une femme adulte toute nue. Je n’en avais encore jamais vu de près que je puisse ainsi regarder à loisir et j’ai donc pris mon temps pour la contempler.
Je lui ai dit que j’étais désolé d’avoir déchargé si vite mais elle m’a répondu de ne pas m’en faire, que j’étais vraiment super-bien et qu’un jour je serais un champion de l’amour. Selon elle, j’avais les gestes qu’il fallait et elle était fière et heureuse d’avoir eu le privilège d’entrevoir ainsi mon avenir. C’était gentil de sa part pour un ado qui en était à sa première tentative de rapport sexuel véritable, quels que soient les motifs qu’il ait eus.
Bon, elle a dit, il faut que je retourne préparer le dîner pour mes invités. »

Le jeu dissonant des attributs…

Taille des dessins originaux: 29,7 x 21 et 21 x 29,7 cm

« S’il est possible de parler d’un “homme” ayant un attribut masculin et de comprendre cet attribut comme l’un de ses traits, heureux mais accidentels, on peut alors aussi parler d’un “homme” ayant un attribut féminin, quel qu’il soit mais tout en maintenant l’intégrité du genre. Mais une fois que l’on se défait de l’idée que l’homme et la femme préexistent comme des substances durables, il n’est plus alors possible de subordonner les traits dissonants du genre à autant de caractéristiques secondaires et accidentelles d’une ontologie de genre qui reste fondamentalement intacte. Si l’idée d’une substance durable est une construction fictive produite par la mise en ordre obligatoire des attributs en séquences de genre cohérentes, il semble alors que le genre en tant que substance, la viabilité de l’homme et de la femme comme noms sont mis en cause par le jeu dissonant des attributs qui ne sont pas conformes aux modèles séquentiels ou causaux d’intelligibilité.
Dans un coin de musée…
En ce sens, le genre n’est pas un nom, pas plus qu’il n’est un ensemble d’attributs flottants. Dans la tradition héritée de la métaphysique de la substance, le genre se révèle performatif — c’est-à-dire qu’il constitue l’identité qu’il est censé être. Ainsi le genre est toujours un faire, mais non le fait d’un sujet qui précéderait ce faire. »
…ou ailleurs

vendredi 27 juin 2014

Ascétisme

dessin pornographique double penetration
Une question de point de vue…
« Les institutions ascétiques sont elles-mêmes liées à la valorisation d’un nouveau rapport au monde et à soi. Comme l’ascétisme protestant condamne l’universalisme de l’amour des religions mystiques de la fraternité, la solution d’une vie communautaire libérée des contraintes mondaines lui est refusée. À quelle instance peut-il alors se référer pour guider sa vie ? Weber n’a aucun mal à montrer que, pour le puritain, le calcul se substitue à toutes les formes d’adhésion naïve au réel. La rationalité comptable est l’attitude la plus conforme au désenchantement du monde : pour l’ascète intramondain importent avant tout les prestations (en particulier économiques) dont il le maître d’œuvre.
Le propre de l’ascétisme moderne est de transformer la colère contre le monde en calcul précautionneux. On peut le vérifier en se référant à l’activité humaine où l’on s’attendrait le moins à voir la raison jouer un rôle de premier plan : la sexualité. Dans la vie ascétique, celle-ci est susceptible de recevoir une signification dès lors qu’elle perd les dimensions orgiaques (c’est-à-dire communautaires) qu’elle conservait dans maintes formes de mysticisme. En même temps qu’elles s’individualisent, les pratiques sexuelles se voient conférer un sens rationnel : le sexe s’identifie à une extraquotidienneté acceptable. Dans un univers social saturé par la prévoyance économique, l’activité sexuelle désigne, selon Weber, “la sensation spécifique d’être délivré du rationnel à l’intérieur même du monde”.
Cette délivrance érotique par rapport au rationnel est encore rationnelle puisqu’elle permet à l’individu de supporter le désenchantement du monde sans recourir à un ailleurs inaccessible. Comme toute chose, le corps devient un instrument du salut sans que l’on sache exactement, surtout lorsque le puritain cède la place à l’entrepreneur capitaliste, s’il faut se sauver de la colère de Dieu ou échapper à un monde social devenu ennuyeux.
Nous sommes habitués, aujourd’hui, à envisager la sexualité comme une décharge sensitive libératrice par rapport aux contraintes sociales. La généalogie de cette attitude dans la conduite ascétique indique que cette approche de la sensualité présuppose une rupture avec le monde. Il faut que ce dernier soit vécu comme une charge, un obstacle à l’épanouissement de soi, pour que le plaisir sexuel prenne la dimension sémantique d’une libération. Dans un monde désenchanté, la jouissance n’est plus une adhésion à ce qui est, mais une technique de fuite devant l’angoisse que suscite le mutisme du monde social. L’idée d’une “révolution sexuelle”, quelles que soient les nuances attachées à cette expression, suppose que la sexualité puisse s’inscrire en rupture par rapport aux contraintes du monde. C’est seulement au terme de la rationnalisation, lorsque le monde des institutions est réduit à un squelette sans chair, que le sexe peut apparaître comme une échappée subversive mais, somme toute, assez peu risquée puisqu’elle se fait “à l’intérieur du monde”. »
Version double

dimanche 20 avril 2014

L'union des opposés

taille originale : 21 x 29,7 cm

« [Au Xe siècle à Byzance], la nouvelle esthétique de l’icône sert également à représenter des composantes éthiques dans l’image humaine idéale, celle de la Vierge.
Ces idées, comme les moyens rhétoriques utilisés, dataient déjà de plusieurs siècles, mais ce n’est qu’à cette époque qu’ils furent appliqués à l’icône, qui remplissait deux conditions nouvelles permettant d’atteindre à l’éloquence. N’étant plus un objet de controverse, elle avait acquis une place sûre dans la vie des Byzantins, ce qui lui conférait également une nouvelle liberté et augmentait les espoirs placés en elle. D’anciens textes littéraires furent actualisés en vue d’une utilisation nouvelle dans le domaine liturgique, influencé par des donateurs privés, en particulier dans les “couvents privés”. La liturgie favorisait aussi les transformations des icônes, qui ne devaient pas apparaître comme des créations des peintres, mais pouvaient être comparées à la poésie, dans la mesure où toutes deux se fondaient sur la liturgie.
Mais la transformation rhétorique de l’icône prend encore un autre sens, parce que, loin de dissimuler les paradoxes du dogme chrétien, si souvent évoqués, elle les met au jour. La littérature théologique aimait également se servir de ce moyen pour faire admettre à un esprit philosophique que c’était justement ce qui était contradictoire qui prouvait une intervention surnaturelle dans le cours de la nature. L’antithèse rhétorique célèbre l’union des opposés, de Dieu et de l’homme, du Créateur et de la créature, de la mort physique et de la vie divine comme but et sujet de la foi, d’où l’attraction exercée par les icônes qui reposent sur de tels exercices rhétoriques auprès de l’élite littéraire et sociale. Lorsque l’icône de la Mère de Dieu renforçait encore le paradoxe d’une créature portant son Créateur dans les bras en montrant la Mère embrassant son Fils ou celui-ci gigotant comme un enfant ordinaire, cette accentuation favorisait précisément l’acceptation de la “foi éduquée”. Il en est de même des comportements contrastés dans une même figure, comme le sommeil (la mort) et l’agitation (la vie) de l’Enfant, ou les expressions de joie et de tristesse de la Mère. Si le problème de la foi restait identique, le spectateur appréciait la manière cultivée et philosophique de sa présentation. C’est ainsi que l’icône combla son retard sur la littérature.
Vue de cette façon, l’“icône d’un nouveau genre” n’était pas simplement une réplique nouvelle d’archétypes anciens, qu’on continuait à respecter, mais auxquels manquaient les avantages des images nouvelles, plus poétiques et plus parlantes. C’est pour cette raison que Psellos s’évertue à louer l’icône en question en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’une copie, mais qu’elle était son propre modèle. Son prototype était le sujet lui-même (la Crucifixion) dans une acception incontestablement philosophique, et non une autre icône. En “visualisant la vie”, la vision peinte satisfait non seulement aux règles de l’art, mais son esprit véritable surpasse également toute imitation extérieure. D’où le refus de Psellos de comparer son icône de la Crucifixion à d’autres œuvres, qu’elles soient peintes selon la manière ancienne ou nouvelle.
Dans un court commentaire de la célèbre citation biblique selon laquelle l’homme a été créé à l’image de Dieu, Psellos définit sa conception philosophique de l’image comme un concept dynamique, caractérisé surtout par une compréhension éthique. Il y polémique contre tout concept statique de l’eikôn, tel qu’on le trouvait dans la tradition philosophique, en lui opposant sa conception d’un accomplissement éthique progressif de l’homme vers l’“image de Dieu”. L’image n’a pas d’existence propre, n’est pas une instance indépendante entre Dieu et l’homme, mais elle reflète la plus ou moins grande proximité de l’homme à Dieu. Le vice est donc une “incapacité de concevoir la beauté”, qui est une catégorie morale. Les figures de la peinture d’icônes peuvent ainsi être conçues comme modèles de l’accomplissement spirituel atteint après que la souffrance a été surmontée. Dans le texte sur la Crucifixion, Psellos voit en Marie au pied de la croix l’“image idéale vivante des vertus. Ses douleurs ne lui ont pas fait perdre sa dignité.”
Une esthétique de la peinture, qui s’applique particulièrement à l’icône, commence à se mettre en place à l’époque. Ses bases étaient à la fois formelles (telles la symétrie et l’harmonie dans la composition) et théologico-philosophiques, philosophiques dans la mesure où le peintre peut capter la vie dans le miroir de son art, théologiques parce que, par la “grâce” (charis), il participe à la révélation d’une vérité supérieure. Les deux niveaux se fondent sur la distinction néo-platonicienne entre l’interne et l’externe, l’âme et le corps, l’esprit et la nature. Cette vision dualiste peut également s’appliquer à la description de personnes vivantes. Ainsi que l’exprime Anna, la fille de l’empereur, la régularité des traits de ses parents surpasse encore les symétries dans l’art. Mais le feu des yeux atteste d’une vie intérieure, la vie de l’âme, supérieure à celle du corps. C’est pour cette raison que, dans la peinture d’icônes, le regard est souvent en biais par rapport à l’axe du corps, afin d’exprimer le mouvement et la liberté par rapport à la simple corporéité. Mais la mimique reste bannie, sauf si le contenu la rend nécessaire, car elle détruirait la beauté iconique du corps.
Dans un de ses écrits, Psellos se qualifie lui-même de “grand connaisseur des icônes, parmi lesquelles une [icône mariale] m’enchante particulièrement, Pareille à un éclair, elle me touche par sa beauté et me ravit force et raison […]. Je ne sais si elle révèle l’identité de l’original, mais la variété des couleurs rend parfaitement compte de la nature de la chair.” Dans un autre texte sur la Crucifixion, Psellos célèbre la beauté des moyens purement formels tels que le “contraste” (antilogia) et l’“harmonie” (euharmostia) des différentes parties. Comme il le fait dire à un “homme sage”, la couleur contribue également à donner l’effet d’une “peinture vivante”. Mais il s’agit ici de règles artistiques, qui ne garantissent pas encore la vérité au sens supérieur, même si elles y participent, dans la mesure où la beauté physique y renvoie. L’image idéale de la beauté juvénile et de l’élégance de cour s’incarne à l’époque dans le médecin et officier Panteleimon aux belles boucles. Sa légende ne célèbre pas seulement sa “beauté extraordinaire” (to kallos exaisios) mais aussi son regard calme et majestueux. L’empereur païen Maximien l’avait choisi comme courtisan à cause de son aspect, mais le saint se voua au service du Christ. Il représente une figure sociale idéale en même temps qu’un prototype céleste dans la peinture médiévale. Mais le véritable prototype de la beauté restait évidemment le Christ, dont le portrait imprimé sur un tissu constituait la base d’un canon idéal de l’icône.
L’icône n’a pas d’espace pictural propre, elle n’est qu’une figure et peut donc être “habillée” d’or et d’argent à condition de laisser au moins le visage et les mains visibles, car elle doit donner l’impression de la vie, ce que seule peut faire la peinture. On peut orner la figure, non la remplacer par des décorations. Les inventaires de l’époque distinguent ainsi les icônes “décorées”, c’est-à-dire serties de métal, des autres. La représentation de la figure est soumise à un double critère : elle doit donner l’impression de vie, faisant ainsi oublier le produit matériel, inerte, mais doit également révéler l’existence supraterrestre de la personne représentée, au-delà de la vie physique. »

dimanche 6 avril 2014

Il n'y allait pas de main morte

taille des dessins originaux: 29,7 x 21

« dans le bus du retour déjà
l’obscurité s’installe il est
venu se mettre près de moi
son œil était très grave et noir
j’avais trop tremblé sous les vi-
brations des cars j’avais trop rê-
vé de son corps et des baisers
que j’y posais près du pubis
sur les reins sur le ventre et par-
tout sur les cuisses) sa chair s’offrit
à mes caprices et soulagé
de mes images et fatigué
comme un cadavre je reçus
la vigueur de son cœur hirsute
il n’y allait pas de main morte
et moi je me traînais sans force 

dimanche 30 mars 2014

Adolescence

Taille originale : 29,7 x 21 cm
« Au tout début il y avait la croyance superficielle d’étapes à franchir, de gradation. Il fallait y aller petit à petit. On pouvait à la limite se laisser peloter. Puis après, le reste devait se faire dans le confort d’une relation. Même un doigt, même mouiller, sans doute, ça pouvait être déjà trop, si ça se passait dans un dehors vague, un indéfini. D’où je la tenais, cette croyance à laquelle je n’adhérais même pas vraiment, impossible à dire précisément. Ce n’était pas un modèle parental de vertu, mais le flou d’un milieu social, de codes ancrés malgré moi.
Alors j’avais attendu, un peu. Même si j’avais très envie, même si je ne comprenais pas pourquoi, au final, il fallait attendre, même si le regard des autres ne m’inquiétait que modérément (pour une ado), parce qu’il m’avait toujours stigmatisée et vilipendée pour des choses qui me paraissaient belles (être une “intellectuelle”, par exemple) et que je le concevais comme fondamentalement erroné, bête et méchant.
Si ça n’avait tenu qu’à moi, si j’avais su, à l’époque, que ça ne tenait qu’à moi, alors oui, bien sûr, nous aurions couché ensemble. Très vite, sans doute, parce que les progressions amoureuses, adolescent, ont une fulgurance qu’il faut saisir d’emblée.
Ma peur était physique, c’est tout. Je redoutais la douleur qu’on me disait inévitable, tout comme l’acte, en soi, avait quelque chose d’inévitable.
Parce que c’est certain, que les filles finissent par se faire dépuceler. On accepte l’idée d’une cassure et le bout de chair qui traîne dans le chemin nous fait accepter l’idée d’un changement incarné.
Dès qu’il m’a dit “c’est fini, je ne suis plus amoureux de toi”, la dévastation a pris une tournure spécifique : “merde, j’aurais dû coucher”.
Pendant des années, je me suis repassé ce moment, et l’amer regret me serrait la gorge. Au moins, maintenant, je ferais ce que je voudrais, me disais-je, je saurais ce que c’est, intimement. Et je sentais le poids de mon inexpérience me recouvrir comme un voile de honte dans lequel je m’empêtrai.
Je suis restée taraudée par ce pucelage. Obnubilée, obsédée. Je n’étais que regret d’être vierge, douleur de l’être, rage de ne pouvoir changer seule la situation. Tout n’a plus été qu’une question de stratégies ratées, je n’ai regardé les garçons que comme des porteurs de cette délivrance. Un moyen de me libérer. Mon dépucelage m’affranchirait une fois pour toute. Je concevais mon hymen comme s’il eut été mon nez, un nez démesuré et boursouflé, une protubérance à la vue de tous dont on détourne le regard pudiquement pour ne pas faire trop honte au porteur qui n’en peut mais.
Le retournement de perspective s’est opéré dans la seconde qui a suivi la rupture : de quelque chose à perdre facilement (ça n’a jamais été quelque chose à conserver, ça non), c’est devenu une chose dont il était difficile de se débarrasser.
J’étais trop jeune pour coucher ? J’étais déjà trop vieille pour me trimballer ma virginité. Je la portais comme un fardeau sans nom; j’aurais voulu simplement me réveiller quelques années plus tard et que ça soit fait. J’aurais donné ces années, sans les vivre, sans regret.
Car les mois passaient et rien n’aboutissait. Ce n’était plus si certain, que les filles finissent par se faire dépuceler. Il n’y avait aucun garçon qui voulait de moi et l’autre me restait en mémoire comme le seul digne de mon affection, ce qui compliquait fortement les choses : je déclinais les rares propositions de relations sérieuses. Je sortais avec des types quelconques par souci de normalité, mais ce n’était pas eux qui allaient me dépuceler. Il me fallait un protocole : ça ne pouvait pas se faire en “présence” de mes amies. Plus le temps passait, plus le désespoir était grand : allais-je rester vierge toute ma vie ? Pour ridicule qu’elle soit, ce fut ma question principale pendant quatre longues années parsemées de tentatives ridicules, vite avortées.
Une seul vraie stratégie s’est dégagée, la seule efficace : partir. Fuir le connu, fuir la honte de devoir raconter, vivre cela tout à fait seule et ailleurs. Ça me faisait tard, pour un dépucelage, il fallait vraiment que ça aille vite, il fallait que je trouve quelqu’un avant mon anniversaire, avant ma majorité. Je n’aurais que quelques petits mois devant moi. Il ne m’en a fallu qu’un.
Étrangère, déracinée, il ne m’a suffi que de quelques pauvres mots mal prononcés pour me faire comprendre.
Les filles finissent par se faire dépuceler. Et c’est un immense soulagement. Nul savoir ne s’en trouve acquis, nul plaisir, nulle tendresse. Il y a un type qui se désape en même temps que moi. J’ai éteint la lumière. Bien dressé, il a acheté des préservatifs, une énorme boite trône fièrement sur la table de nuit. Il a de la suite dans les idées; et sans doute il pourra utiliser tout le paquet, à l’avenir. Mais pour moi, il ne lui en faudra qu’un. Peut-être ne s’en rend-il pas compte, qu’il n’y aura qu’une fois, cette fois-ci.
Il enfile la capote et je suis là à attendre couchée sur le dos, je distingue à peine son membre foncé dans la pénombre. J’écarte les jambes mais ça ne rentre pas, c’est malaisé, c’est gênant. Heureusement, il est persévérant. À force de pousser et pousser, l’engin se fraie une voie. La douleur me cloue au lit, je reste immobile, serre les dents, tente de n’émettre aucun son qui révélerait ma souffrance.
Mais tout cela n’est rien, rien, parce qu’en fait, je jubile. C’est fait. Plus de comptes à rendre, plus de sentiments de faiblesse, d’inexpérience. Je sais. Je sais que ce n’est rien, rien du tout. Une vaste blague que cette question du dépucelage. Mais il fallait le faire pour le savoir. L’homme dont je viens de me servir a perdu le peu de panache que son utilité temporaire lui conférait, et son sexe flasque reflète adéquatement l’inintérêt de la situation post-coïtale. La seule question digne d’intérêt m’apparaît enfin une fois la brume du dépucelage dissipée : la question du plaisir et de la jouissance. Cet homme ne participera pas à ce questionnement, il m’est dorénavant inutile, usé. Je pars sans me retourner, satisfaite, une douleur grisante entre les jambes. »

Vers l'abstraction ou l'effacement du désir ?

lundi 24 mars 2014

Conduites atypiques

Taille originale : 29,7 x 21 cm

« Norbert Elias, on le sait, défend une conception radicalement différente de l’action individuelle. Selon lui, la socialisation n’est pas un processus d’uniformisation qui, en “bombardant” le “vrai moi” des individus, s’efforcerait de gommer leurs caractéristiques singulières pour les rendre le plus semblables possible aux autres membres de leur société. Tout au contraire, elle est justement le processus qui permet aux hommes et aux femmes de devenir dès l’enfance des êtres singuliers, distincts de tous les autres. Cette façon d’envisager les conduites singulières des individus constitue un renversement radical par rapport à la conception que Margaret Mead et Elena Gianini Belotti développent dans leurs ouvrages respectifs. Elle revient en effet à considérer que les conduites atypiques à l’intérieur d’un groupe ne résultent pas de la résistance que les individus — poussés par leurs “penchants naturels” ou par leur “tempérament” — opposeraient aux influences sociales dont ils sont l’objet, mais qu’elles sont tout entières le produit de ces influences.
Partageant cette idée que les conduites atypiques ne sont pas ce qui “persiste”, ce qui “survit” ou ce qui “résiste” des dispositions naturelles de l’individu en dépit de la socialisation dont il est l’objet, mais qu’elles sont un produit de cette socialisation elle-même, on a jugé fructueux d’inclure l’analyse de ces conduites dans l’objet de la recherche. Pour qui les conçoit de cette manière, les conduites atypiques à l’intérieur d’une classe sexuelle sont en effet particulièrement intéressantes à étudier dans une enquête sur la socialisation de genre. En donnant à voir ce qui, dans la socialisation d’un enfant, peut entraver l’acquisition des dispositions conformes à son genre ou produire des dispositions caractéristiques de l’autre classe sexuelle, l’étude de ces conduites atypiques peut éclairer utilement les processus qui sont à l’œuvre dans la construction sociale des dispositions sexuées. »

vendredi 21 mars 2014

Code moral

dessin pornographique bisex
Faire montre d'ouverture d'esprit
taille des dessins originaux : 29,7 x 21 cm et 21 x 29,7

« Les hommes ont tendance à prendre l’avortement à la légère ; ils le regardent comme un de ces nombreux accidents auxquels la malignité de la nature a voué les femmes : ils ne mesurent pas les valeurs qui y sont engagées. La femme renie les valeurs de la féminité, ses valeurs, au moment où l’éthique mâle se conteste de la façon la plus radicale. Tout son avenir moral en est ébranlé. En effet, on répète à la femme depuis son enfance qu’elle est faite pour engendrer et on lui chante la splendeur de la maternité ; les inconvénients de sa condition — règles, maladies, etc. —, l’ennui des tâches ménagères, tout est justifié par ce merveilleux privilège de mettre des enfants au monde. Et voilà que l’homme, pour garder sa liberté, pour ne pas handicaper son avenir, dans l’intérêt de son métier, demande à la femme de renoncer à son triomphe de femelle. L’enfant n’est plus du tout un trésor sans prix ; engendrer n’est plus une fonction sacrée : cette prolifération devient contingente, importune, c’est encore une des tares de la féminité. La corvée mensuelle de la menstruation apparaît en comparaison comme bénie : voilà qu’on guette anxieusement le retour de cet écoulement rouge qui avait plongé la fillette dans l’horreur ; c’est en lui promettant les joies de l’enfantement qu’on l’avait consolée. Même consentant à l’avortement, la femme le ressent comme un sacrifice de sa féminité : il faut que définitivement elle voie dans son sexe une malédiction, une espèce d’infirmité, un danger. Cependant, au même moment où l’homme pour mieux réussir son destin d’homme demande à la femme de sacrifier ses possibilités charnelles, il dénonce l’hypocrisie du code moral des mâles. Ceux-ci interdisent universellement l’avortement ; mais ils l’acceptent singulièrement comme une solution commode. » (1949)
Démolition…

lundi 17 mars 2014

viele, viele Monde

dessin erotique pornographique masturbation jerk-off
taille des dessin originaux : 33 x 26

« Ce jour-là dans le mois bleu de septembre
Au calme sous un jeune prunier
Je la tenais là, l’amour pâle et calme
Dans mes bras comme un rêve tendre.
Et au-dessus de nous dans le beau ciel d’été
Il y avait un nuage que j’ai vu un long moment
Très blanc et très haut,
Mais quand je le regardai à nouveau, il n’était plus là.
Depuis ce jour, beaucoup, beaucoup de mois
Se sont doucement écoulés.
Les pruniers ont sans aucun doute été abattus
Et tu me demandes : qu’en est-il de l’aimée ?
Aussi je te réponds : je ne peux pas m’en souvenir
Et, pourtant, je sais bien ce que tu veux dire.
Mais je ne connais plus son visage,
Je me souviens seulement : je l’ai embrassée.
Et ce baiser, je l’aurais depuis longtemps oublié
Si n’avait été ce nuage.
Ça, je le sais bien et je le saurai à jamais
Qu’il était très blanc et glissait d’en haut.
Les pruniers fleurissent peut-être encore
Et elle a peut-être un septième enfant.
Mais ce nuage n’a fleuri que quelques minutes
Et quand j’ai levé les yeux, il disparaissait déjà dans le vent. »

samedi 15 mars 2014

La première mondialisation

dessin erotique pornographique bondage gay
Taille originale : 29,7 x 21

« Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j’ai raisonné dans tous mes Ecrits, et que j’ai développé dans ce dernier avec toute la clarté dont j’étois capable, est que l’homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l’ordre ; qu’il n’y a point de perversité originelle dans le cœur humain, et que les premiers mouvements de la nature sont toujours droits. J'ai fait voir que l'unique passion qui naisse avec l'homme, savoir l'amour de soi, est une passion indifférente en elle-même au bien et au mal; qu'elle ne devient bonne ou mauvaise que par accident et selon les circonstances dans lesquelles elle se développe. J'ai montré que tous les vices qu'on impute au cœur humain ne lui sont point naturels ; j'ai dit la manière dont ils naissent; j'en ai, pour ainsi dire, suivi la généalogie, et j'ai fait voir comment, par l'altération successive de leur bonté originelle, les hommes deviennent enfin ce qu'ils sont.
J’ai encore expliqué ce que j’entendois par cette bonté originelle, qui ne semble pas se déduire de l’indifférence au bien et au mal, naturelle à l’amour de soi. L’appétit des sens tend à celui du corps, et l’amour de l’ordre à celui de l’ame. Ce dernier amour développé et rendu actif porte le nom de conscience ; mais la conscience ne se développe et n’agit qu’avec les lumieres de l’homme. Ce n’est que par ces lumieres qu’il parvient à connoître l’ordre, et ce n’est que quand il le connoît que sa conscience le porte à l’aimer. La conscience est donc nulle dans l’homme qui n’a rien comparé, et qui n’a point vû ses rapports. Dans cet état l’homme ne connoît que lui ; il ne voit son bien-être opposé ni conforme à celui de personne ; il ne hait ni n’aime rien ; borné au seul instinct physique, il est nul, il est bête ; c’est ce que j’ai fait voir dans mon Discours sur l’inégalité.
Quand, par un développement dont j’ai montré le progrès, les hommes commencent à jetter les yeux sur leurs semblables, ils commencent aussi à voir leurs rapports et les rapports des choses, à prendre des idées de convenance, de justice et d’ordre ; le beau moral commence à leur devenir sensible et la conscience agit. Alors ils ont des vertus, et s’ils ont aussi des vices c’est parce que leurs intérêts se croisent et que leur ambition s’éveille, à mesure que leurs lumieres s’étendent. Mais tant qu’il y a moins d’opposition d’intérêts que de concours de lumieres, les hommes sont essentiellement bons. Voilà le second état.
Quand enfin tous les intérêts particuliers agités s’entrechoquent, quand l’amour de soi mis en fermentation devient amour-propre, que l’opinion, rendant l’univers entier nécessaire à chaque homme, les rend tous ennemis nés les uns des autres et fait que nul ne trouve son bien que dans le mal d’autrui, alors la conscience, plus foible que les passions exaltées, est étouffée par elles, et ne reste plus dans la bouche des hommes qu’un mot fait pour se tromper mutuellement. Chacun feint alors de vouloir sacrifier ses intérêts à ceux du public, et tous mentent. Nul ne veut le bien public que quand il s’accorde avec le sien ; aussi cet accord est-il l’objet du vrai politique qui cherche à rendre les peuples heureux et bons. Mais c’est ici que je commence à parler une langue étrangere, aussi peu connue des Lecteur que de vous.
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le bleu du ciel
Voilà, Monseigneur, le troisieme et dernier terme, au delà duquel rien ne reste à faire, et comment l’homme étant bon, les hommes deviennent méchans. »
Art nouveau

dimanche 2 mars 2014

Dans l'ombre je te vois divinement pâlir


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taille originale : 29,7 x 21 cm
Premier état
«  J'adore la langueur de ta lèvre charnelle
Où persiste le pli des baisers d'autrefois.
Ta démarche ensorcelle,
et la perversité calme de ta prunelle
A pris au ciel du nord ses bleus traîtres et froids.
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Deuxième état
Le soir voluptueux a des moiteurs d'alcôve;
Les astres sont comme des regards sensuels
Dans l'éther d'un gris mauve,
Et je vois s'allonger, inquiétant et fauve,
Le lumineux reflet de tes ongles cruels.
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Troisième état
Sous ta robe, qui glisse en un frôlement d'aile,
Je devine ton corps, — les lys ardents des seins,
L'or blême de l'aisselle,
Les flancs doux et fleuris, les jambes d'Immortelle,
Le velouté du ventre et la rondeur des reins. »
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Montage numérique