Taille originale : 24 x 34 cm |
« Cette importance, reconnue par toute la tradition, s’explique par le prestige dont a joui de tout temps, en Chine, la magie des sécrétions, des excrétions et des souffles. Les précautions qu’exige l’étiquette et qui paraissent relever des soins de propreté sont imposées par le souci de ne pas laisser un supérieur pâtir ou un ennemi profiter des exhalaisons, pertes ou dégradations de ce qui constitue la puissance ce vie. C’est aux proches, c’est aux fils qu’il appartient de recueillir et de cacher soigneusement les crachats et la morve des parents ; c’est à eux qu’il incombe de recueillir le dernier souffle, de clore les yeux, la bouche, d’amonceler sur tous les orifices un amas de vêtements, de ne rien laisser perdre de la substance paternelle, d’enfouir dans le sol de la maison les ongles, les cheveux du défunt, l’eau qui a servi à laver le cadavre. On peut agir sur autrui (et sur tous les siens) dès qu’on possède une part ou un résidu de sa substance. En lui dérobant quelque portion choisie, on peut aussi s’annexer ce qu’il détient de vie, la puissance de sa vue ou de son ouïe si l’on s’empare d’yeux ou d’oreilles, la vie à sa source même si l’on dérobe le premier sang des vierges ou l’embryon à peine formé. Ces pratiques, encore punies par les codes des dynasties les plus récentes, ne sont point nouvelles. Ce n’était point par cruauté ou dilettantisme de tyran que Cheou-sin, le dernier des Yin, éventrait les femmes enceintes et mangeait la chair de ses ennemis. Tout chef, tout magicien a besoin de récupérer de la puissance, de la substance, de la vie, car il doit dépenser, au profit de tous, son entière vitalité. Les nobles, les chefs, les dieux sont riches en substance et puissance : ce sont deds pourvoyeurs de nourriture. Ce qu’ils possèdent en abondance, ils affectent de le donner et d’en faire fi pour eux-mêmes. Toute la nourriture est à eux : ils n’en prennent que l’essence (tsing) ou la vertu (tö). Ils se contentent de humer et de goûter. La vie en eux se fortifie en même temps qu’elle se spiritualise. »
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