taille originale : 34,5 x 24 cm
(crayon sur papier de couleur avec transformation numérique)
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« Ces jeux sont une bagatelle comparés à ceux des singes capucins au Costa-Rica. Personne n'autoriserait des humains à les copier, et n'importe quel avocat les déconseillerait vivement. Ces petits singes se livrent là-haut, dans les arbres, à des amusements si absurdes que je n'y croyais pas avant d'avoir visionné les vidéos qu'une primatologue américaine projette à des spectateurs crispés d'empathie. Ils raffolent de deux jeux typiques : “on se met le doigt dans le nez” et “on se fourre le doigt dans l'œil”.
Dans le premier jeu, deux singes se font face, assis sur une branche, chacun insérant un doigt de plus en plus profondément dans la narine de l'autre jusqu'à la disparition de la première phalange. En se balançant doucement, ils restent ainsi avec une expression dite de “transe”. Les petits singes se caractérisent en temps normal par leur hyperactivité et leur sociabilité, mais les fourreurs de doigt dans le nez se tiennent à l'écart du groupe et peuvent rester jusqu'à une demi-heure concentrés de cette façon l'un sur l'autre.
Encore plus curieux est le second jeu, dans lequel un singe insère un doigt presque entier entre la paupière et le globe oculaire d'un autre. Les petits singes ont de petits doigts, mais en réalité pas plus que les nôtres compte tenu de la taille de leurs yeux et de leur nez. Et puis leurs doigts ont des ongles, pas spécialement propres, qui peuvent griffer la cornée ou provoquer des infections. De plus, mieux vaut que les singes restent parfaitement immobiles, sinon l'un des deux y laissera un œil. Ces amusements sont une torture pour le spectateur [=l’observateur scientifique]. Le couple garde la posture durant plusieurs minutes, rien n'empêchant celui qui a un doigt dans l'œil de fourrer un des siens dans la narine de l'autre.
L'objectif de ces jeux tordus reste obscur, mais on a avancé l'hypothèse que les singes testeraient ainsi leurs liens. La même explication a été proposée pour certains rituels humains dans lesquels nous nous mettons en état de vulnérabilité. Le baiser avec la langue, par exemple, risque de transmettre des maladies. Le baiser intime est infiniment délectable ou totalement répugnant suivant le partenaire, et il nous en dit long sur l'idée que nous avons de notre relation amoureuse. Dans un couple, le baiser servirait à tester l'amour, l'ardeur, voire la fidélité du partenaire. Peut-être les singes capucins cherchent-ils aussi à mesurer leur affection mutuelle, pour savoir ensuite sur quels appuis compter lors de conflits au sein du groupe.
Une seconde explication veut que ces jeux aident les singes à réduire le stress, et ils en ont à revendre. Leur vie en groupe regorge de calamités. Pendant qu'ils se fourrent le doigt dans l'œil ou dans le nez, ils semblent entrer dans un état inhabituel de calme et de rêverie. Explorent-ils la frontière entre la douleur et le plaisir, libérant peut-être ce faisant des endorphines ? »
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