jeudi 25 décembre 2025

Une foutue obsession anale

« Hello ! Mon nom et mon image sont des marques déposées. Par conséquent, légalement, vous ne pouvez pas créer d’animation me représentant. Veuillez supprimer toute animation que vous avez créée. Dans le cas contraire, je serai contrainte d’engager des poursuites judiciaires. »

Taille originale : 21 x 29,7 cm

« “Oh chérie, me susurraient mes amantes, t’es obligée de parler comme ça ?”. Je l’étais. Je l’étais vraiment. Je leur faisais le sourire de ma maman et je leur jouais ses mots tandis qu’elles reculaient et se crispaient, me percevant comme quelqu’une qu’elles ne m’avaient pas imaginée être jusque-là. Elles ne criaient pas, elles chuintaient ; et même lorsqu’elles se mettaient en colère, leur langage ne s’élevait jamais vraiment d’elles comme la rage s’envolait de ma maman.
“T’es obligée ? T’es obligée ?” Elles me suppliaient. Et puis : “Pour l’amour de Dieu !
- Doux Jésus ! je leur répondais en criant, mais elles n’en savaient pas assez pour rire avec moi.
- T’es obligée ? T’es obligée ?”
Chuinte, chuinte.
“Pour l’amour de Dieu, t’es obligée de toujours tout terminer par cul ? Une obsession anale, voilà ce que tu as, une foutue obsession anale.
- C’est vrai, c’est vrai, je leur disais, et tu sais même pas dire foutue. Une femme qui dit foutue avec autant de mollesse que toi vaut même pas le prix d’une assiette remplie de merde !”
Les mots grossiers, crus, vulgaires et les gestes encore plus vulgaires - maman les connaissait tous. Espèce d’enculé, fous le camp de mes platebandes, au flic qui était venu prendre les meubles. Sale bâtard suceur de merde ! à l’homme qui avait mis sa main sous sa jupe. Chaque jour de la vie de maman, Jésus chiait dans son froc. Même si elle me giflait quand je les utilisais, ma maman m’a appris le pouvoir des vilains mots. Dis foutu. Dis nom de Dieu. Dis tout ce que tu veux mais commence par Jésus et termine par merde. Ajoute ce rire, celui qui camoufle ton cœur brisé. Oh, ne montre jamais ton cœur brisé ! Fais-leur plutôt croire que tu n’en as pas.
“Si des gens s’apprêtent à te frapper, ne reste pas juste allongée là. Crie-leur dessus !
- Oui, maman.”
Le langage, donc, et le ton, et la cadence. Mettez- moi en colère et je prendrai la voix de ma mère pour vous maudire jusqu’à la septième génération. Mais il faut vous donner de la peine pour me mettre en colère. Je mesure ma colère aux rages de ma maman et à son insistance sur le fait que la plupart des gens ne méritent même pas notre temps. “On est d’un autre peuple. On ne voit pas si souvent des gens de notre espèce sur Terre”, m’a dit ma maman. Je savais ce qu’elle voulait dire par là. Je connais la valeur des culs tannés de ce monde. Et je suis la fille de ma maman - plus coriace que du chiendent, plus méchante que tous les botteurs de culs, les chieurs, les culs froids et les mous du cul que j’ai jamais connus. Mais c’est vrai que parfois je parle comme ça juste pour me rappeler ma maman, la survivante, la résistante, celle qui ne pouvait pas toujours se taire. »
La pornographie est faite pour être vue

vendredi 19 décembre 2025

Fais juste un sourire

Voyage en Italie
« Puis elles ajoutaient : “On peut faire un petit extra avec un sourire.” Il est évident qu’il n’y avait rien de honteux derrière cela, ce sourire attendu derrière le comptoir, ce sourire triste lorsque vous n’aviez pas le loyer, ou la façon mi-provocante mi-implorante de ma mère de couvrir d’amabilités le patron du magasin pour obtenir un petit crédit. Mais je détestais ça, je détestais quelle ait à le faire, tout comme ma honte chaque fois que je le faisais moi-même. Pour moi c’était de la mendicité, une quasi-prostitution que je méprisais, alors même que je continuais à compter dessus. Après tout, j’avais besoin de l’argent.
Parole d’artiste
Taille originale : 2 fois 21 x 29,7 cm
“Fais juste un sourire”, plaisantaient mes cousines, et je n’aimais pas ce qu’elles voulaient dire. Après mes études supérieures, lorsque j’ai commencé à subvenir à mes besoins et à étudier les théories féministes, je suis devenue plus méprisante que compréhensive à l’égard des femmes de ma famille. Je me disais que la prostitution était une profession qualifiée et que mes cousines n’étaient jamais que des amateures. Cela contenait une certaine part de vérité bien que, comme tout jugement sévère rendu de l’extérieur, il faisait l’impasse sur les conditions dans lesquelles on en était arrivées là. Les femmes de ma famille, y compris ma mère, avaient des papas-gâteau, pas des jules, des hommes qui leur glissaient de l’argent parce qu’elles en avaient terriblement besoin. De leur point de vue elles étaient gentilles avec ces hommes parce qu’ils étaient gentils avec elles, et ce n’était jamais un arrangement direct et grossier au point de mettre un prix sur leurs faveurs. Elles n’auraient d’ailleurs jamais décrit ce qu’elles faisaient comme étant de la prostitution. Rien ne les mettait plus en colère que de suggérer que les hommes qui les aidaient le faisaient uniquement pour leurs faveurs. Elles travaillaient pour vivre, juraient-elles, mais ça, c’était différent.
« Je suis surtout connue pour les gang bangs, simplement parce que c’est ce que j’aime faire le plus. »
Je me suis toujours demandé si ma mère détestait son papa-gâteau, ou sinon lui, en tout cas son besoin à elle de ce qu’il lui offrait, mais je n’en ai pas le souvenir. C’était un vieil homme, à moitié infirme, hésitant et dépendant, et il traitait ma mère avec beaucoup de considération et, oui, de respect. Leur relation était douloureuse, et comme ni mon beau-père ni elle ne gagnaient assez d’argent pour faire vivre la famille, maman ne pouvait pas refuser son argent. En même temps, cet homme ne donnait aucune indication comme quoi cet argent servait à acheter à maman ce qu’elle n’aurait pas normalement pu s’offrir. La vérité, je crois, est quelle l’aimait sincèrement, et que cela était en partie dû au fait qu’il la traitait si bien.
« Mais dès que je commence, je sais quoi faire. Je sais comment donner du plaisir aux mecs. Je sais quelles positions adopter. Je sais comment faire l’amour. Dès que ça commence, toute ma nervosité disparaît, ainsi qu’une grande part de ma timidité. C'est la même chose avec les séances photo. Je peux faire une séance photo glamour avec un photographe, et je peux être très maladroite, timide et même un peu raide, parce que c'est comme ça que je suis naturellement. Mais ensuite, si un autre acteur arrive et que nous faisons une séance photo classée X, je me détends. La séance photo devient plus naturelle et meilleure parce que j’interagis avec l'’autre acteur et que je sais exactement quoi faire avec les bites. »
Même maintenant, je ne suis pas sûre qu’ils avaient des relations sexuelles. Maman était une jolie femme et elle était gentille avec lui, une gentillesse dont évidemment personne n’avait fait preuve envers lui durant sa vie. De plus, il prenait grand soin de ne lui causer aucun problème avec mon beau-père. En tant qu’adolescente, avec le mépris des adolescent·e·s pour les entorses à la morale et les complexités sexuelles quelles qu’elles soient, j’étais persuadée que les relations entre maman et ce vieil homme étaient méprisables. Et aussi que jamais je ne ferais une chose pareille. Mais la première fois qu’une petite amie m’a donné de l’argent et que je l’ai pris, tout a bougé dans ma tête.
Méditation
Le montant n’était pas élevé pour elle, mais pour moi il l’était et j’en avais besoin. Alors que je ne pouvais le refuser, je me suis haïe de le prendre et je l’ai haïe de me le donner. Pire, elle faisait preuve de moins de délicatesse envers ma situation que papa-gâteau envers maman. Tout le mépris acide que j’éprouvais envers mes tantes et mes cousines dans le besoin s’est déchaîné et a consumé l’amour que j’éprouvais pour elle. J’ai rapidement mis un terme à notre relation, incapable de me pardonner d’avoir vendu ce qui, estimais-je, ne devait être qu’offert librement — pas le sexe mais l’amour lui-même »
Avertissement
Taille originale : 29,7 x 21 cm

dimanche 7 décembre 2025

Insurrection anale

Amour sodomite
« Cette histoire largement oubliée est essentielle, parce qu’elle nous montre que des coalitions et des forces politiques se sont construites sur des politiques du désir, des éropolitiques. Il s’agissait, au début des années 1970, de faire dévier la définition de la sexualité encore largement affectée à la reproduction, et d’attirer l’attention sur la violence systémique de l’hétéropatriarcat, dont les valeurs et le projet politique allaient main dans la main avec le capitalisme. En scandant dans la rue “nous sommes des déviants”, les pédés ont invité à comprendre le désir non pas comme une chose privée ni comme une pratique, encore moins comme une identité, mais comme un soulèvement et une négativité, en dehors de la reconnaissance et la dignité, de l’intégration, et même du bonheur comme ciments de la vie sociale dont la famille nucléaire était le socle. L’éropolitique révolutionnaire pédée s’est construite dans des slogans tels que le notable “notre trou du cul est révolutionnaire”, inversant ainsi la charge négative autour de l’anus qui faisait de lui — et de la capacité à être pénétré·e — l’insulte suprême. En réduisant l’anus à sa fonction excrémentielle exclusive, l’hétéropatriarcat a toujours cherché à en expulser tous ses potentiels éropolitiques. Réduire un organe à une unique fonction - qu’on pense aux fameux “organes reproducteurs” — revient à verrouiller et paradoxalement sous-entendre tous les usages queers, les contre-usages qu’on peut en faire. Les pédés sont ainsi peut-être les premiers corps sans organes, ceux qui ont porté l’anus dans l’arène du politique comme une porte, une ouverture radicale, une transgression joyeuse, au lieu de le confiner à l’espace de la honte, du clinique ou du symbolique.
traquer les signes de « l’intériorisation de la domination »
Taille originale : 24 x 32 cm
Si être pénétré·e signifie être dévalorisé·e (et c’est le cas sous l’hétéropatriarcat), alors en refusant la pénétration nous nous rendons indisponibles à ce qui peut, littéralement, nous traverser. Pisser, cracher, mouiller, déféquer, avaler, éjaculer, garder en bouche, ouvrir sa gorge, son anus, voilà a contrario des mouvements circulaires qui fluidifient, décloisonnent. De sorte à faire de nous des multiplicités infinies de trous qui s’ouvrent et se ferment, dégorgent et régurgitent, prennent et rendent, faisant communiquer nos écosystèmes avec d’autres, tous formant un ensemble d’enchâssement dont il est impossible de définir des contours clairs.
Madame rêve
Taille originale : 29,7 x 21 cm
Ces politiques révolutionnaires anales de la décennie 1970 nous invitent à penser les subjectivations politiques non plus dans leur capacité à se tenir debout, entières et dignes, mais à se faire baiser et pénétrer. Cinquante ans plus tard, le fantastique slogan queer “Macron, on t’encule pas, la sodomie c’est entre ami·es” réaffirme ce refus de faire de la pénétration une insulte (à la fois présente dans “enculé”, mais aussi dans “aller se faire foutre”, ou “se faire baiser”) pour la transformer en serment d’allégeance entre des corps qui revendiquent une insurrection anale contre le désir-conquête de l’hétéropatriarcat. »
« des anti-héroïnes qui ne se laissent pas facilement subsumer dans un stéréotype »

jeudi 6 novembre 2025

L'expérience intime du sexe

Dissident languages that challenge the eroticization to which the non-binary body is subjected by the binary gaze and desire
« En résumé, depuis l’affaire Le Marcis jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, on voit se développer, à propos du sexe mal décidé, une analyse qui n’est plus celle du mélange monstrueux. La question de l’un et l’autre sexe se subordonne à la question de l’un ou l’autre : quel est finalement le sexe de l’individu, sexe premier et dernier par rapport auquel les éléments de l’autre, ou les ressemblances avec l’autre seront autant de malformations ? Sans doute l’indécision peut demeurer, soit qu’on n’arrive pas à découvrir le secret, soit qu’il faille attendre l’épreuve décisive de la puberté, soit peut-être encore que la nature se soit arrêtée dans les chemins de la formation. Mais ce que la théorie rejette — et que l’expérience écarte avec une certaine prudence — c’est la coexistence des deux sexes, leur “accolement” qui répercuterait dans la descendance d’abominables conjonctions. Il n’y a pas de dyarchie des sexes. Un sexe et un seul, au plus, peut régner — quitte même à n’avoir même pas réussi à établir sa domination. Ou encore : la loi naturelle et fondamentale “du” sexe (entendu en général au sens de principe de reproduction sexuée), c’est qu’il y ait deux sexes, mais un seul à la fois en chaque individu. “Le” sexe veut qu’il y ait “un” sexe; et que l’existence individuelle soit corrélative de l’appartenance à l’un des deux sexes.
Milieu inhospitalier ?
Taille originale : 2 fois 21 x 29,7 cm
Mais ce principe, que la médecine du XVIIIe siècle reconnaît avec les naturalistes, a pour corrélatif la mise en place d’une “sexualité” : ensemble organique d’éléments, de formes et de fonctions ; mais ensemble également de sensibilités, d’impressions, de penchants, de mouvements du corps et d’affections de l’âme. Dans son organisation, cette sexualité relève toujours d’un sexe ou de l’autre. Elle en est la manifestation, l’instrumentation physique, la poussée dans l’âme et le corps, l’expérience intime. Ce qu’on “sait” du sexe — ce qu’en sait le sujet lui-même et ce que peuvent en savoir les autres. Et c’est dans cette sexualité que peut se produire le trouble. Trouble qui a toujours deux aspects : l’un, c’est la “non-conformité” de la sexualité au sexe caché ou à venir qu’elle aurait dû manifester et servir, — une sorte de désobéissance, qui peut prendre l’allure d’organes inadéquats, d’éléments supplémentaires ou en défaut, d’expressions paradoxales, d’appétits mal ajustés ; l’autre, c’est “l’erreur”, car toutes ces malformations et déformations ont l’aspect de l’autre sexe ou de l’indécision entre les deux sexes, comme si la nature s’était “trompée” en donnant à un sexe une partie de la sexualité de l’autre. Et cette “erreur” a ceci qu’elle trompe en effet les observateurs et jusqu’à l’individu lui-même dont la “sexualité” réelle peut lui faire illusion quant à son sexe vrai. Et si on ajoute à cela les “tromperies” supplémentaires auxquelles peuvent donner lieu soit l’ignorance des médecins soit les ruses du libertinage, on voit dans quel labyrinthe de vérités et d’erreurs peuvent introduire les jeux d’une sexualité complexe, fragile et rétive au sexe qui devrait la dominer.
Telle est, en effet, dans ce cas, la difficulté singulière qu’on ne trouve pas à propos des autres défauts physiques. L’écart y prend la forme du passage à l’autre ; en déviant, la nature se déguise ; il y a, dans ces déformations du sexe, quelque chose de la supercherie. Et si, pendant longtemps, la sodomie a hanté la condamnation de l’hermaphrodisme, les équivoques du travesti, au XVIIIe siècle, relaient cette vieille peur, et, sans l’effacer, lui donnent une forme plus diffuse et plus trouble. À la couture de l’imaginaire et du réel, on cherchait l’hermaphrodite du côté du magicien qui mêlait les deux sexes comme on supposait qu’il mêlait le ciel et la terre, Satan et l’Ange, la toute-puissance et la malfaisance, ou qu’il faisait avec du métal de l’or. On le verra plutôt sous les traits ambigus du personnage secret, du voyageur déguisé, diplomate et espion, soldat et courtisan, échangeant selon les besoins ou les envies les habits d’un abbé contre les robes de la femme galante. Il n’est plus nécessaire d’invoquer la transgression majeure des lois fondamentales de la nature ; il suffit d’une inattention de celle-ci, d’un relâchement de ses mécanismes, pour que s’ouvre la possibilité de formes qui abusent, d’illusions naturelles, d’erreurs presque inévitables, d’ignorances qu’il faudrait dissiper, de complaisances aussi et d’immoralité. L’analyse qui était autrefois centrée sur deux questions (quel sexe ? et quel acte ?) s’ouvre sur toute une dimension intermédiaire en quelque sorte entre le sexe identificateur et l’acte de conjonction ; celle d’une sexualité où les éléments du masculin et du féminin se combinent et interfèrent avec une tout autre complexité.
Prolongement
À noter : cette dimension de la sexualité, ce n’est pas à propos des hommes qu’elle a été dégagée du XVIIe au XVIIIe siècle et mise en place à la fois comme domaine de connaissance, et lieu d’intervention ; car pour l’homme, justement, son sexe est le sexe par excellence ; et il trouve dans l’acte de conjonction légitime sa fonction, son but et son accomplissement. Et la sexualité, comme dimension intermédiaire et relativement autonome, ne pourra apparaître que chez ceux en qui ne joue pas de façon exhaustive la détermination du sexe. Soit que leur sexe ne constitue pas le sexe — et ce sont les femmes. Soit que leur sexe ne soit pas encore capable du seul acte légitime qui l’accomplit — et ce sont les enfants. Soit que leur sexe soit indécis et que leur corps, leurs manières d’être, leurs sensations et leurs penchants échappent à l’identité de leur sexe — et ce sont les hermaphrodites. Les hommes ont essentiellement un sexe (le sexe), femmes, enfants, hermaphrodites ont une sexualité qui a à être recherchée ; à attendre, à retrouver le sexe par rapport auquel ils sont en insuffisance, en défaut, en incertitude. L’homme est sujet de droit dans l’ordre impératif du sexe ; les femmes, les enfants, les hermaphrodites sont porteurs d’une sexualité dans l’ordre fragile de la nature. »
Mettre à l’ombre ?

samedi 4 octobre 2025

Les contours corporels

La traversée des genres
Taille originale : 42 x 29,7 cm
« Si le corps est une synecdoque pour le système social en tant que tel, ou un lieu où convergent des systèmes ouverts, alors tout ce qui est perméable sans être régulé devient un lieu de pollution et de danger. Puisque le sexe anal et oral entre hommes instaure clairement certaines formes de perméabilités corporelles non admises par l’ordre hégémonique, l’homosexualité masculine constituerait un lieu de danger et de pollution avant que le sida n’entre dans la culture et indépendamment de lui. De la même manière, le statut “pollué” des lesbiennes, indépendamment de leur moindre chance de contracter le virus, fait ressortir les dangers de leurs échanges corporels. De manière significative, être “hors” de l’ordre hégémonique ne signifie pas être “dans” un état de nature, sale et désordonné. Paradoxalement, dans l’économie homophobe de la signification, l’homosexualité n’est le plus souvent ni civilisée ni naturelle.
« Une frontière variable, une surface perméable »
La construction de contours corporels stables dépend de points fixes de perméabilité et d’imperméabilité corporelles. Les pratiques sexuelles qui, dans des contextes tant homosexuels qu’hétérosexuels, ouvrent des surfaces et des orifices à la signification érotique ou en ferment d’autres, réinscrivent les frontières du corps le long de nouvelles lignes culturelles. Le sexe anal entre hommes en est un exemple, comme le remembrement du corps dans Le Corps lesbien de Wittig. Douglas fait allusion “à un type de pollution sexuelle qui traduit le désir de conserver le corps (physique et social) intact”, suggérant que “le” corps est une idée naturalisée, découlant elle-même des tabous qui rendent ce corps fini en vertu de ses frontières stables. De plus, les rites de passage gouvernant les différents orifices corporels présupposent une construction hétérosexuelle d’échanges, de positions et de possibilités érotiques genrées. Lorsque de tels échanges sont déréglés, les frontières déterminant précisément ce qu’est un corps s’en trouvent déstabilisées. En réalité, l’analyse critique retraçant les pratiques régulatrices par lesquelles les contours corporels sont construits constitue précisément la généalogie du “corps” dans sa finitude, ce qui donnerait un tour encore plus radical à la théorie de Foucault. »

jeudi 2 octobre 2025

La proximité du membre de l'inconnu

Tre studi della testa di una donna e uno studio della mano
« Dans la première année de leur liaison, Tereza criait pendant l’amour, et ce cri, comme je l’ai dit, cherchait à aveugler et assourdir les sens. Ensuite, elle criait moins, mais son âme était toujours aveuglée par l’amour et ne voyait rien. Quand elle avait couché avec l’ingénieur, l’absence d’amour avait enfin rendu la vue à son âme. Elle était retournée au sauna et elle était de nouveau devant le miroir. Elle se regardait et revoyait en pensée la scène d’amour chez l’ingénieur. Ce qu’elle se rappelait, ce n’était pas l’amant. À vrai dire, elle n’aurait même pas pu le décrire, peut-être n’avait-elle même pas remarqué de quoi il avait l’air tout nu.
Après l'incendie
Ce dont elle se souvenait (et ce qu’elle regardait maintenant avec excitation devant le miroir) c’était de son propre corps ; sa toison et la tache ronde juste au-dessus. Cette tache, qui n’avait été jusqu’ici pour elle qu’un simple défaut cutané, s’était gravée dans sa mémoire. Elle voulait la voir et la revoir dans l’incroyable proximité du membre de l’inconnu.
Taille originale : carton 29,7 x 21 cm
sur une feuille 29,7 x 40 cm
& 21 x 29,7 cm
Je ne peux que le souligner encore une fois : elle n’avait pas envie de voir le sexe de l’inconnu. Elle voulait voir, à proximité de ce sexe, son propre pubis.
Elle ne désirait pas le corps de l’autre. Elle désirait son propre corps, soudain révélé, d’autant plus excitant qu’il était plus proche et plus étranger.
Taille originale : 2 fois 21 x 29,7 cm
Elle regarde son corps couvert des fines gouttelettes de la douche et songe que l’ingénieur va passer au bar d’un jour à l’autre. Elle a envie qu’il vienne, qu’il l’invite ! Elle en a immensément envie ! »
Tableau invisible

lundi 29 septembre 2025

Dire des trucs cochons

Three Studies of Cumshots
« Écrire là-dessus, ai-je pensé, comment puis-je écrire là-dessus ? Cunnilingus. Soixante-neuf. Descendre à la cave. Broute-minou. Tous les mots que je connaissais concernant cet acte résonnaient dans ma tête. Je me rappelais une discussion passionnée, il y a un peu plus d’un an de cela, avec ma copine lorsque j’avais glissé le long de son ventre doux de façon à enfouir mon visage entre ses cuisses.
“Donne-toi, lui avais-je murmuré, mais j’avais glapi lorsqu’elle m’avait remonté par les cheveux.
— Je déteste ça, avait-elle sifflé. C’est ce qu’ils croient qu’on fait.” Son ils était perçant et méprisant, évoquant chaque homme qui s’était branlé en pensant à des images de gouines léchant goulûment des clitos durcis. Blessée et frustrée, j’avais rétorqué que je n’étais pas un homme et que je désirais le faire. C’était devenu une vraie question, débattue dans notre groupe de conscience. Le tribadisme, le sexe buccal, le doigter. Nulle n’admettait utiliser des godemichés, ou vouloir être attachée, être pénétrée, dire des trucs cochons — tous ces trucs de mecs. Le sexe était important, sérieux, c’était un terrain de lutte. Ma copine voulait que l’on pratique le tribadisme, que l’on se regarde bien dans les yeux et jouisse simultanément. Égalitaire, de sexe féminin, féministe, révolutionnaire. Étaient-ce des euphémismes ? Des euphémismes pour dire Je ne peux pas jouir comme ça.
Différence et répétition
« Un concept de la répétition implique une répétition qui n’est pas seulement celle d’une même chose ou d’un même élément. Les choses ou les éléments supposent une répétition plus profonde, rythmique. L’art n’est-il pas à la recherche de cette répétition paradoxale, mais aussi la pensée (Kierkegaard, Nietzsche, Péguy) ? »
Taille originale : 3 fois 21 x 29,7 cm
J’ai repensé à toute la pornographie que j’avais lue. Un langage de mâle. La baise. J’aimais le sexe bucco-génital comme un don de soi, après avoir baisé énergiquement, après avoir joui et l’avoir fait jouir. Après ça, titiller un clito si gonflé que mon toucher est presque déchirant, écouter ses gémissements et ses pleurs au-dessus de moi, ou réaliser cet acte d’abandon alors que son poing s’emmêle dans mes cheveux, me tenant douloureusement, me demandant de continuer à travailler cette chose, tous les muscles de mon corps tendus jusqu’à ce que ma nuque et mon dos me fassent mal et que je puisse à peine continuer, la suivant dans tous ses instants, dans toutes ses demandes avides, jouissant moi-même au moment où elle jouit, libérée du tourment, orgasmant sur le supplice et sa réalisation.
Je ne pouvais pas écrire ça ! »
Rappel écologique

dimanche 21 septembre 2025

Une institution sociale

La concierge est dans…
« Pluralisme, diversité, subjectivisme, relativisme — concepts récurrents dans les discours sur l’art inspirés de la philosophie analytique — sont devenus, depuis une dizaine d’années, les maîtres mots du nouveau paradigme esthétique. Leur implantation en philosophie de l’art entraîne la disqualification de notions telles que le jugement, les critères, l’évaluation, le partage de l’expérience esthétique.
Tout se passe comme si l’esthétique, la philosophie, et la philosophie politique elle-même n’avaient plus pour vocation de s’interroger sur les formes, elles aussi diverses, de contraintes et de conditionnement qu’exercent, par exemple, l’industrie culturelle, le système marchand et consumériste. L’assimilation du pluralisme culturel à la démocratie libérale est acceptée tel un postulat.
Issue de secours
La part manquante de l’image
Ce nouveau paradigme fait ainsi l’impasse sur une dialectique élémentaire qui devrait être pourtant à la base de toute réflexion sur l’organisation et le fonctionnement de la société actuelle. On peut dire, en effet, que notre système politique, économique et culturel autorise une diversification extrême des comportements, des pratiques, des conduites, des modes de vie, des expériences esthétiques et artistiques. On peut aussi reconnaître qu’il favorise le projet d’émancipation d’un individu de moins en moins soumis à des normes de pensée et goûts autoritaires et à prétention universaliste. Il entraînerait même potentiellement un accroissement de l’autonomie, une plus grande liberté des forces créatrices, un approfondissement et un enrichissement de la réflexion.
Mais, simultanément, c’est ce même système qui transforme l’individu en un serviteur docile et un consommateur passif, soumis aux stratégies et aux contraintes institutionnelles, industrielles, économiques, communicationnelles et technologiques qui, elles, s’appliquent massivement sans que l’individu en question ait son mot à dire.
En définitive, le nouveau modèle d’interprétation de l’art actuel proposée sous le slogan de “pluralisme” reproduit les mêmes insuffisances qui caractérisent les théories anglo-saxonnes, et notamment nord-américaines, qui constituent à l’origine, sa principale référence.
Vue d’en haut
Richard Shusterman, philosophe américain, qui plaide pour une esthétique pragmatiste proche de la vie quotidienne, a fort bien défini ce qu’il appelle le “trait saillant” de l’esthétique analytique, en particulier le fait qu’“elle néglige le contexte social de l’art”. Selon Shusterman, exclure tout jugement de valeur et vouloir définir l’art uniquement de façon institutionnelle est paradoxal au regard des enjeux qui concernent le statut de l’art dans le contexte social et culturel. Ces enjeux se situent en effet bien au- delà du monde de l’art : “La cécité de la philosophie analytique par rapport au contexte social à la fois de l’art, de la critique et même de sa propre théorisation esthétique […] est paradoxalement très frappante précisément dans sa tentative pour définir l’art dans les termes d’une institution sociale”. »
Dé-composition
Taille originale : 24 x 32 cm & 59,5 x 40 cm

jeudi 18 septembre 2025

Une profession qualifiée ?

« Ces images suggèrent tout ce qu’elles doivent renoncer à montrer. Nous avons l’impression que certains traits caractéristiques, qui nous sont invisibles, sont néanmoins présents, et l’artiste pourra ainsi nous montrer une jeune fille qui nous tourne le dos en dansant — image qui, aux yeux de n’importe quel artiste d’une période antérieure à l’art grec aurait paru privée de sens. Imaginez Pygmalion créant un personnage qui n’aurait qu’un bras ou qu’une tête sans regard ! »
« De la même façon, ce n’est pas ma sexualité, mon lesbianisme, que ma famille a trouvé le plus rebelle, durant la plus grande partie de ma vie personne excepté ma mère n’a pris mon orientation sexuelle très au sérieux. Non, c’était ce que je pensais au sujet du travail, de l’ambition et du respect de soi. Les femmes de ma famille étaient serveuses, filles de comptoir ou ouvrières dans des blanchisseries. J’étais la seule qui ait travaillé comme bonne, une chose que je n’ai dite à personne. Cela les aurait mis en colère si elles ou eux l’avaient appris. De leur point de vue, le travail c’était le travail, quelque chose de nécessaire. Tu faisais ce que tu avais à faire pour survivre. Elles et eux ne tiraient pas autant de fierté de leur travail que de leur capacité à endurer le dur labeur et les mauvaises passes. En même temps, elles et eux maintenaient qu’il y avait certaines formes de travail, dont celui de femme de ménage, qui étaient seulement pour les Noir•e•s, pas pour les Blanc•he•s, et, alors que je ne partageais pas cette opinion, je savais qu’elle faisait intrinsèquement partie de la façon dont ma famille voyait le monde. Parfois j’avais l’impression d’être à cheval sur deux cultures sans appartenir à l’une ou à l’autre. Je serrais les dents face au racisme indiscutable de ma famille et je continuais à respecter leur patience pleine de pragmatisme. Mais de plus en plus, en vieillissant, ce que j’ai ressenti était un profond trouble de mes sentiments affectifs en raison de leur vision du monde et, graduellement, une honte qui leur a été totalement incompréhensible.
Taille originale : 24 x 32 cm & 2 fois 29,7 x 21 cm
“Tant qu’il y a des restaurants pour manger, tu peux trouver du travail”, me disaient ma mère et mes tantes. Puis elles ajoutaient : “On peut faire un petit extra avec un sourire”. Il est évident qu’il n’y avait rien de honteux derrière cela, ce sourire attendu derrière le comptoir, ce sourire triste lorsque vous n’aviez pas le loyer, ou la façon mi-provocante mi-implorante de ma mère de couvrir d’amabilités le patron du magasin pour obtenir un petit crédit. Mais je détestais ça, je détestais quelle ait à le faire, tout comme ma honte chaque fois que je le faisais moi-même. Pour moi c’était de la mendicité, une quasi-prostitution que je méprisais, alors même que je continuais à compter dessus. Après tout, j’avais besoin de l’argent.
Tourner le dos…
“Fais juste un sourire”, plaisantaient mes cousines, et je n’aimais pas ce qu’elles voulaient dire. Après mes études supérieures, lorsque j’ai commencé à subvenir à mes besoins et à étudier les théories féministes, je suis devenue plus méprisante que compréhensive à l’égard des femmes de ma famille. Je me disais que la prostitution était une profession qualifiée et que mes cousines n’étaient jamais que des amateures. Cela contenait une certaine part de vérité bien que, comme tout jugement sévère rendu de l’extérieur, il faisait l’impasse sur les conditions dans lesquelles on en était arrivées là. Les femmes de ma famille, y compris ma mère, avaient des papas-gâteau, pas des jules, des hommes qui leur glissaient de l’argent parce qu’elles en avaient terriblement besoin. De leur point de vue elles étaient gentilles avec ces hommes parce qu’ils étaient gentils avec elles, et ce n’était jamais un arrangement direct et grossier au point de mettre un prix sur leurs faveurs. Elles n’auraient d’ailleurs jamais décrit ce qu’elles faisaient comme étant de la prostitution. Rien ne les mettait plus en colère que de suggérer que les hommes qui les aidaient le faisaient uniquement pour leurs faveurs. Elles travaillaient pour vivre, juraient-elles, mais ça, c’était différent. »
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m’enivre ardemment des senteurs confondues
De l’huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

samedi 30 août 2025

Des principes ou de la philosophie ?

Reprise en main
Taille originale : 29,7 x 42 & 21 x 29,7 cm
« Sur tous mes terrains [d’observation sociologique], j’ai recueilli des discours critiques sur le couple et ses contraintes. Mais pour les filles des classes populaires, comme c’était le cas de Marjorie, il n’était pas facile de le dire explicitement ni de le vivre ouvertement. Les transgressions effectives de la norme conjugale étaient à l’œuvre partout, mais de façon limitée, et elles n’allaient pas de soi. En revanche, la critique de la norme conjugale pouvait être formulée plus facilement sur mon troisième terrain [celui de la bourgeoisie] et même y être revendiquée, à certaines conditions.
Analogie
[Et au palier inférieur…]
Alicia (16 ans, seconde) - À chaque fois que je suis avec quelqu’un, c’est comme si j’étais moins libre. [...] J’aime bien regarder les beaux garçons - même si je leur parle pas forcément. Ça m’amuse. [...] On est parties, y a pas longtemps, à Royan [avec le centre de loisirs] : y avait plein d’autres villes, d’autres centres ; y avait beaucoup de monde, c’était bien ! [Elle rit.] — Juillet 2002
Qui est là ?
Léa (16 ans, première L) - J’ai rarement eu des histoires longues et sérieuses, tout simplement parce que je pense que j’aime pas ça, en fait. Ça colle pas avec, entre guillemets, ma philosophie. […] Je tiens énormément à ma liberté, mon indépendance. Et je dis pas que le couple est une prison, mais je le ressens un peu comme ça. Pour moi, il y a des contraintes dans tous les cas. [...] En ce moment, y a une fille dans ma classe avec qui j’ai une touche et qui me plaît. Du coup, on joue un peu. Mais en tout cas, moi, je veux pas que ça débouche sur quelque chose de sérieux, non seulement parce que je me suis rendu compte, avec Maylis [une ex], que ça me faisait chier d’être en couple, pour le moment, et en plus, parce qu’on est dans la même classe et ce, pour deux ans, et donc ce serait relou [lourd, pénible] s’il y avait des conséquences. [...] Elle est amie avec les gens de la bande qui sont dans notre classe. Et moi je suis un peu amie avec ses potes. Mais je trouve que c’est bien parce qu’il y a quand même de la distance : quand elle parle de mes amis c’est les miens, et quand je parle de ses amis, c’est les siens. Il faut pas tout mélanger. — Octobre 2017
Ni sainte, ni martyre…
Sur mon troisième terrain, l’expérimentation sexuelle des filles était plus qu’ailleurs valorisée, en tout cas dans les discussions entre filles : parler de sexe sans gêne les grandissait, faisait d’elles des femmes (libres). Mais les récits d’expérimentation sexuelle concrète étaient rares et, lorsque celle-ci semblait être vécue sans culpabilité ni regret, elle avait généralement eu lieu dans des contextes spécifiques : dans le cadre de relations entre filles qui étaient souvent conjugalisées mais pouvaient, bien plus qu’avec des garçons, donner lieu à des échanges sexuels, ponctuels ou suivis, en dehors de toute mention de couple et même de sentiments amoureux ; ou bien lors de vacances en dehors du cadre de vie et de scolarité ordinaire ; ou encore dans des configurations (très rares) d’hétérogamie, avec des garçons dont elles redoutaient moins le jugement parce qu’ils se trouvaient moins hauts qu’elles dans la hiérarchie sociale. Dans tous les cas, il était question de liberté, et c’est ce même mot qui est revenu dans les propos d’Alicia qui, comme beaucoup d’autres, avait fait l’expérience de la diminution de liberté dans l’expérience conjugale. Pour cette raison, Alicia ne courait pas après. Elle, ce qu’elle aimait, c’était regarder les beaux garçons. Surveillée dans son quartier, par les garçons et par ses copines pour qui la morale amoureuse était cruciale et se parait parfois, en particulier pour Malika, cheffe de leur bande, de quelques atours de morale religieuse, elle s’en contentait - évitant ainsi les problèmes de réputation, les problèmes amicaux mais aussi les problèmes conjugaux. Car Alicia et ses copines ne manquaient pas de “principes” - elles en parlaient beaucoup. En revanche, elles avaient moins de “philosophie” que Léa et ses copines. Les “principes” avaient à voir avec une relecture des interdits religieux adaptée aux contraintes engendrées par l’obligation de ne pas concourir à diminuer des garçons déjà diminués par le manque de perspectives et par l’expérience du racisme.
Se suspendre aux branches
La “philosophie” de la plupart des filles de la bourgeoise que j’ai rencontrées avait à voir, elle, avec un affichage du primat de l’autonomie individuelle sur la préservation du groupe et un attrait pour l’indifférenciation des genres et des sexualités, qui marquaient profondément leurs subjectivités et se faisaient marqueurs de leur supériorité sociale. C’est pourquoi Léa avait un ton revendicatif : elle avait des choses à défendre et elle disposait d’un répertoire pour le faire.
Pas d’exclusive
Mais ce n’était pas la déconstruction du couple qu’elle prônait et, de cela, il a été rarement question, y compris sur mon troisième terrain. Judith/Jules y a été la seule personne à me raconter une expérience amoureuse qui subvertissait la norme conjugale - et ne se contentait pas de la transgresser, comme le font les expérimentations sexuelles en dehors du couple ou encore l’extraconjugalité cachée (qui n’est au fond qu’une déclinaison de la norme conjugale). L’histoire de son “trouple” (relation amoureuse à trois) s’est avérée unique sur mon terrain (qui compte moins de trente personnes et ne vise aucune représentativité), mais elle n’était pas un accident et participait d’un phénomène qui n’était pas isolé - j’ai eu vent d’autres histoires de trouple, mais de manière rapportée, de la part d’autres filles. Le “couple à trois” n’est pas une nouveauté historique, mais la catégorie de trouple, contemporaine, charrie avec elle quelques spécificités. Elle circule abondamment sur Twitter et semble s’inscrire dans le sillage, plus ancien, du polyamour, avec une coloration LGBTQ+. »
Plan américain / Plan rapproché

mardi 26 août 2025

Vanité de la beauté

Petite mise à jour d’un dessin ancien
Taille originale : 36 x 27 cm

« La beauté, quelle qu'elle soit, nous donne une jouissance et une satisfaction particulières ; de même la difformité produit-elle du déplaisir, en quelque sujet qu'elle se trouve, qu'il s'agisse d'un être animé ou d'un être inanimé. Si cette beauté ou cette difformité est celle de notre propre visage, de notre silhouette ou de notre personne, le plaisir ou le malaise se convertit en orgueil ou en humilité.
Mise en situation (avec extincteur)
Il semblerait bien que l'essence de la beauté réside entièrement dans son pouvoir de produire du plaisir. Tous ses effets doivent donc procéder de cette composante ; et si la beauté est aussi universellement sujet de vanité, elle le doit seulement au fait qu'elle est cause de plaisir. »
En profondeur