lundi 30 mai 2022

Le meilleur orgasme

« — Branle ta petite chatte. Fais-le, ou je ne te baise plus.
J'aurais aimé qu'il comprenne à quel point je voulais, à quel point je mourais d'envie de me faire et de lui faire ce plaisir. Qu'au final je subissais cette pudeur autant que lui. Et que ce verbe “branler”, même bandant à souhait dans sa bouche douce et épicée, m'avait agressée plus que de raison : je ne savais pas trop si j'avais réellement envie de me branler devant Monsieur. J'aurais aimé qu'il comprenne cela. Il n'en serait peut-être pas venu à des extrémités comme le chantage. Monsieur a reculé sans sortir totalement de moi, et tout net s'est arrêté de bouger. D'indignation j'ai rué en avant, mais avec deux mains fermes il a bloqué mon ventre.
— Je te jure que je ne te baise plus. Branle-toi devant moi. Tu sais que le meilleur orgasme que tu puisses avoir, c'est en te caressant pendant que tu te fais enculer ?
(Monsieur dit «enculer» avec la noblesse des plus belles pages érotiques. Ça n'est pas du tout le “enculer” injurieux ou espiègle de mes amies. Quand il prononce ces trois syllabes, on sent exactement à partir de quels mots celui-ci a été créé. Même émerveillement que lorsque j'ai lu et compris “déconner” dans un roman libertin du XVIIIe. Cette richesse originelle du français.) »
Taille originale 21 x 29,7 cm
« Soudain, le visage au-dessus de moi s'est remis à vivre, et d'une voix très grave mais au bord de la brisure, Monsieur m'a dit : Je vais jouir dans ton cul.
J'ai suivi, haletante, l'exquise montée du plaisir dans tout son corps long et mince, les derniers allers-retours frémissants où sa respiration s'est faite trébuchante, puis l'ultime ruade, qui l'a projeté tout au fond de moi, et tandis que je le griffais il a poussé un seul cri, un seul essoufflement rauque qui m'a touchée au point qu'un instant j’ai cru que j'allais jouir aussi. Je me suis concentrée de toutes mes forces pour sentir les jets, mais je n'ai capté que les spasmes incontrôlables de sa queue, puis Monsieur en respirant comme on berce s'est niché dans mon cou, encore dur.
— Ton cul m'avait manqué, m'a-t-il dit en sortant de moi — et j'ai été submergée par une sensation de solitude physique terrible. »
L'usure du temps

dimanche 29 mai 2022

Le terrifiant constat de l'impossible

Taille originale : 21 x 29,7 cm
« L’abandon de tout voile et de toute mièvrerie factice éclate avec les planches du Kinoe-no-Komatsu, “Jeunes pousses de pin”, daté de 1814, dans l’une des Shunga (œuvres obscènes) les plus connues de Hokusaï, avec le rêve de Awabi, cette Ophélie au fil de l’eau et de la roche marine, demi-vivante et demi-morte, qu’enlace et suce une pieuvre monstrueuse. Loin des planches érotiques ordinaires qui, dans leur crudité exagérée de l’acte sexuel, visaient également à une excitation calculée des sens - sans se départir d’un code de mise en scène de la joliesse des plis - les vêtements japonais semblent avoir des branchies - il y a dans cette vibration rêvée de tous les sens, fusion de volupté et d’horreur, une sorte de réalisme désabusé des rêves et des désirs d’amour. Ce qu’un amant éperdu peut faire, dans un de ces rares et précieux moments où l’on croit, à travers les révélations des sens, pouvoir accéder à l’absolu, une pieuvre le saurait mieux. Planche qui est peut-être obscène parce qu’elle révélerait chez Hokusaï une tendance perverse à réfuter l’amour de la vie, mais qui est peut-être aussi très pure, comme le constat terrifiant de l’impossible. »
Vouée à la disparition
« Après le Fukujusô, tourbillon de lignes et de couleurs autour des pratiques de l’amour, publié vers 1818, Hokusaï publia encore d’autres Shunga : Tsuma-Gasane, puis Manpuku-Wagô-jin (vers 182l) et Enmushi Izumo-no Sugi (vers 1822). Avec l’exagération graphique habituelle des sexes dans ce genre de contexte, et son étonnante promptitude à saisir la vérité d’une situation, son imagination toujours en éveil, Hokusaï a sans doute exploré tout ce qu’il y a à dire en matière d’érotisme direct. La violence répertoriée de la sexualité y prend le pas sur ce qu’il y a de sauvage et d’indompté dans toute vie qui se fait. À cette lassitude de tout savoir et de n’en savoir pas plus, Hokusaï sembla céder, qui ne publia pas par la suite de nouvelle série érotique. Quoique la société japonaise, aujourd’hui pudibonde, se soit longtemps montrée bienveillante envers l’extase des corps, il y avait pour Hokusaï même une limite très exacte : l’ennui de la trop simple et trop naïve animalité.
Parmi les nombreuses et extravagantes coiffures de femmes, il en existait une, à Edo, inventée par une courtisane et appelée Tabosashi : les cheveux de la nuque, baignés d’huile et maintenus à la cire d’abeille, prenaient la forme symbolique d’un phallus. Aussi éphémère qu’une rose, cette coiffure était un aboutissement. Quelque chose d’émouvant, plutôt que de luxurieux, émane de cet appas singulier.
Dans la vie moralement compartimentée de l’ancien Japon, le compartiment de l’érotisme, parce qu’il suscitait lui aussi tout un code de raffinements, a malgré tout conservé, même dans l’amour vénal, une sorte de fraîcheur, mêlant les exigences de la courtoisie et de l’élégance des gestes à la pure sensualité tarifée. Hokusaï, menant une vie simple et fruste, ne connut guère de l’intérieur ce monde réservé et ne partagea sans doute dans sa vie que les fantaisies moins élaborées du pays populaire. En matière d’érotisme comme pour nombre de ses travaux, Hokusaï dut recourir à l’imagination pour participer lui aussi de ces rêveries de débauches raffinées qui faisaient les délices de ses contemporains. À cela sans doute nous devons ce renvoi à la sauvagerie des pulsions naturelles, à ce bien commun de tout vivant - dans ce qu’il y a de formidable au vivant - dans son imagerie érotique la plus originale. »
performeur / performeuse / performance

mardi 24 mai 2022

Le désarroi que les voluptueux cherchent chez les femmes

Taille originale : 21 x 29,7cm
« Ce cercle enchanté ! Si l'intrusion de K* dans la vie de la jeune fille n'avait suscité de sa part que du dégoût, elle aurait su se révolter et se libérer. Mais ce n'était pas si simple. La petite fille trouvait flatteur qu'un bel homme grisonnant, qui aurait pu être son père, un homme qu'on applaudissait dans les assemblées et dont on parlait dans les journaux, dépensât pour elle son temps et son argent, l'appelât divine, l'emmenât au théâtre et aux concerts et la “développât intellectuellement”, comme on dit.
Pourtant elle n'était encore qu'une petite lycéenne en robe marron, qui prenait part en secret aux conspirations et aux gamineries innocentes de ses camarades de classe. Les galanteries de K* au fond d'une voiture, sous le nez du cocher, ou dans une avant-loge isolée sous du théâtre avaient quelque chose de sournoisement audacieux qui la captivait et qui incitait à la riposte le diablotin qui se réveillait en elle.
Mais cette ardeur effrontée d'écolière passait vite. Une douloureuse déchirure et l'horreur de soi s'enracinaient en elle pour longtemps. Et sans cesse, elle avait sommeil, à cause des nuits où elle n’avait pas assez dormi, de ses larmes, de ses migraines continuelles, des leçons qu’il fallait apprendre, de sa fatigue physique générale. »
« Ce n'est pas elle qui est soumise,
c'est lui »
« Il était sa malédiction, elle le haïssait. Ses pensées refaisaient chaque jour le même chemin. Elle était maintenant sa prisonnière pour toute la vie. Par quoi l'avait-il asservie ? Comment lui extorquait-il sa soumission, lorsqu'elle se rendait, lorsqu'elle satisfaisait ses désirs et lui faisait savourer le frémissement de sa honte sans fard ? Devait-il cela à l'ascendant de l'âge, à la dépendance financière où sa mère se trouvait à l'égard de cet homme, à l'habileté du chantage qu'il exerçait sur elle ? Non, non et non. Sornettes que tout cela.
Ce n’est pas elle qui est soumise, c'est lui. Ne voit-elle donc pas comment il se languit d’elle ? Elle n’a rien à craindre, sa conscience est pure. Toute sa honte, toute la peur doivent être pour lui, s'il songe qu'elle pourrait le démasquer. Mais justement, elle ne le fera jamais. Ce qui lui manque pour cela, c'est la bassesse qui fait la force de K* à l'égard des subordonnés et des faibles.
C'est là tout ce qui les oppose. C'est là ce qui rend la vie si effrayante. De quoi se sert-elle pour assourdir ? Du tonnerre et de l'éclair ? Non, des regards obliques et des murmures de la médisance. Tout en elle est supercherie et équivoque. Comme une toile d'araignée on croit saisir un fil, on tire, il n'est plus là, mais que l'on essaie de se délivrer de la toile, on ne réussit qu'à s'emmêler davantage. Et le fort est entre les mains du faible et du lâche. »
« Le fort est entre les mains du faible »
« Dès le printemps 1906, avant son passage dans la dernière classe du lycée, six mois de liaison avec K* avaient passé la mesure de la patience de la jeune fille. Il était très habile à profiter de son abattement, et lorsqu'il le lui fallait, il savait, sans le faire paraître, lui rappeler subitement son déshonneur. Elle tombait alors dans le désarroi que les voluptueux cherchent chez les femmes. Ce désarroi la livrait chaque jour davantage au cauchemar sensuel qui lui faisait dresser les cheveux d'horreur lorsqu'elle était dégrisée. Les contradictions de la démence nocturne étaient pour elle de la magie noire. Tout y était sens dessus dessous et au rebours de la logique, une douleur poignante s'exprimait par les éclats de rire argentin, la lutte et le refus signifiaient le consentement et la main du bourreau était couverte de baisers de reconnaissance.
Il semblait que cela ne finirait jamais. »
« La main du bourreau était couverte
de baisers de reconnaissance »

vendredi 20 mai 2022

La présentation d'une seule chose : le sexe

Taille originale : 21 x 29,7 cm
« Et celui ou cela qui est photographié, c’est la cible, le référent, sorte de petit simulacre, d’eidôlon émis par l’objet, que j’appellerais volontiers le Spectrum de la Photographie, parce que ce mot garde à travers sa racine un rapport au “spectacle” et y ajoute cette chose un peu terrible qu’il y a dans toute photographie : le retour du mort.
On dirait que, terrifié, le Photographe doit lutter énormément pour que la Photographie ne soit pas la Mort. Mais moi, déjà objet, je ne lutte pas. Je pressens que de ce mauvais rêve il faudra me réveiller encore plus durement ; car ce que la société fait de ma photo, ce qu’elle y lit, je ne le sais pas (de toute façon, il y a tant de lectures d’un même visage); mais lorsque je me découvre sur le produit de cette opération, ce que je vois, c’est que je suis devenu Tout-Image, c’est-à-dire la Mort en personne ; les autres – l’Autre – me déproprient de moi-même, ils font de moi, avec férocité, un objet, ils me tiennent à merci, à disposition, rangé dans un fichier, préparé pour tous les truquages subtils. »
Les étoiles meurent aussi…
« Si la Photo me paraît plus proche du Théâtre, c’est à travers un relais singulier (peut-être suis-je le seul à le voir) : la Mort. On connaît le rapport originel du théâtre et du culte des Morts : les premiers acteurs se détachaient de la communauté en jouant le rôle des Morts : se grimer, c’était se désigner comme un corps à la fois vivant et mort : buste blanchi du théâtre totémique, homme au visage peint du théâtre chinois, maquillage à base de pâte de riz du Katha Kali lndien, masque du Nô japonais. Or c’est ce même rapport que je trouve dans la Photo ; si vivante qu’on s’efforce de la concevoir (et cette rage à “faire vivant” ne peut être que la dénégation mythique d’un malaise de mort), la Photo est comme un théâtre primitif, comme un Tableau Vivant, la figuration de la face immobile et fardée sous laquelle nous voyons les morts. »
mĕmĭni
 La Photographie est unaire lorsqu’elle transforme emphatiquement la “réalité” sans la dédoubler, la faire vaciller (l’emphase est une force de cohésion) : aucun duel, aucun indirect, aucune disturbance. La Photographie unaire a tout pour être banale, l’“unité” de la composition étant la première règle de la rhétorique vulgaire (et notamment scolaire) : “Le sujet, dit un conseil aux amateurs photographes, doit être simple, débarrassé d’accessoires inutiles; cela porte un nom : la recherche de l’unité.”
Une photo unaire, c’est la photo pornographique (je ne dis pas érotique : l’érotique est un pornographique dérangé, fissuré). Rien de plus homogène qu’une photographie pornographique. C’est une photo toujours naïve, sans intention et sans calcul. Comme une vitrine qui ne montrerait, éclairé, qu’un seul joyau, elle est tout entière constituée par la présentation d’une seule chose, le sexe : jamais d’objet second, intempestif, qui vienne cacher à moitié, retarder ou distraire. »
Archéologie

dimanche 15 mai 2022

Toutes les filles le disaient…

« En croisade contre la virilité qu’on nous impose »
Taille originale : 21 x 29,7 cm
« Mais elle, elle voyait l’intérieur. Triste. Une chaleur écœurante d’animal blessé. Une éternelle puanteur de fumée.
“Y a des jours, j’ai envie de voir personne.” Manuel posa sa console de jeux et écrasa sa cigarette. “Même pas toi. Des jours de merde dans un été de merde. Tu comprends pas ça, parce que t’as rien dans la tête.”
« 540 € le stage de 4 jours »
Adèle avait appris que les soucis des hommes sont mille fois plus sérieux que ceux des femmes. Que les femmes devaient garder leurs problèmes pour elles, alors que les hommes pouvaient les gueuler à la cantonade, les jeter à la figure des autres.
Elle le laisserait se défouler. Supporterait les insultes, les silences. Il ne fallait pas qu’il la quitte. Il fallait qu’il lui demande de s’asseoir là, près de lui, qu’il la prenne dans ses bras. Ses grands bras, aux veines saillantes. Ses cheveux noirs, follement bouclés, qui dégringolaient sur son dos nu et bronzé.
Toutes les filles le disaient, qu’il était beau, même sa mère. Il aurait pu faire l’acteur, passer à la télé, avoir sa photo dans les journaux. Et il était à elle. Elle l’avait conquis de haute lutte. Quand Rosaria avait découvert qu’il dealait et lui avait interdit de le fréquenter, elle avait pris sa défense et elle avait désobéi. Quelque chose dans son corps la rendait incapable de se passer de lui. Le “besoin”, ça voulait dire le manque absolu, se réveiller le matin sans que plus rien ait de sens. »
« Crise de la masculinité : autopsie d’un mythe tenace »

mercredi 11 mai 2022

Dindons difformes

Taille originale : 29,7 x 21 cm
« À cet égard, il n’aurait su trouver une partenaire moins adaptée (mais on ne lui avait guère laissé le choix en ce domaine) que Dorothy, qu'il avait épousée au printemps 1962. Ils avaient passé leur lune de miel dans un hôtel avec vue sur le lac Derwent : et c'était dans ce même hôtel, vingt ans plus tard, que George se trouvait boire seul par une poisseuse soirée de juin. Tout embué d’alcool qu’il était, son esprit ruminait un souvenir désagréablement précis de leur nuit de noces. Dorothy ne l’avait pas exactement repoussé, mais sa complète passivité avait été une forme avouée de résistance, empreinte, pour augmenter l’humiliation, d’un ennui marqué et d’une ironie sous-jacente. Malgré la précaution de ses travaux d’approche, George n’avait rencontré au bout de ses doigts fouineurs qu’une sécheresse resserrée. Continuer dans ces conditions aurait été pour ainsi dire commettre un viol (pour lequel il n’avait pas la force physique, en plus du reste). Il avait fait trois ou quatre autres tentatives dans les semaines qui avaient suivi, après quoi il avait abandonné le sujet, autant que ses espoirs. En se souvenant de cette époque dans un brouillard éthylique, il trouvait risible, absurde, d'avoir seulement songé à consommer son mariage. Entre Dorothy et lui, il y avait eu une totale incompatibilité physique. Une union sexuelle entre eux aurait été aussi impossible qu’entre ces dindons difformes dont sa femme avait dû récemment assurer la reproduction par insémination artificielle : la viande autour de leurs bréchets avait été si monstrueusement gonflée par des injections chimiques et un élevage sélectif que leurs organes sexuels ne pouvaient plus entrer en contact.
Partage des tâches
Pourquoi George ne haïssait-il pas sa femme ? Était-ce parce qu'elle l’avait enrichi (financièrement) au-delà des plus folles attentes ? Était-ce parce qu'il éprouvait malgré lui une certaine fierté dans le fait qu’elle eût bâti, à partir d’une modeste ferme familiale fonctionnant paisiblement selon les anciennes méthodes, un des plus grands empires agrochimiques du pays ? Ou est-ce que la haine avait simplement été noyée au cours des années par les flots de whisky qu’il absorbait quotidiennement avec de moins en moins de prétention au secret ? En tout cas, sa femme et lui menaient désormais des vies séparées. »
Aide à la déconstruction masculine

lundi 9 mai 2022

Il y avait pire…

Taille originale : 29,7 x 13,5 cm
« …
“Tu sais, ça me met dans tous mes états de devoir adresser la parole à un type de son genre, qui a profité de ce que tu étais vulnérable pour te tromper”, fit Jeanne.
“Je sais.”
“Et pour toi, ça doit être encore pire que pour moi !” Pour éviter un mensonge inutile, Polly préféra ne rien dire.
“Bon, eh bien, si on parlait un peu d'autre chose que de cette canaille”, fit Jeanne d'une voix tout autre, beaucoup plus chaleureuse. “Allons, montre-nous ce que tu as trouvé chez Macy's.” Elle transféra une partie des papiers qui l'entouraient sur la table à apéritif et tapota le coin du canapé qu'elle venait de dégager. Elle était maintenant prête à écouter le récit de l'odyssée de Polly, sa lutte contre la neige et la grisaille, les grands magasins et les bus bondés. Elle était même prête à la prendre dans ses bras.
“Une seconde, tu veux ? Il faut que je fonce à la salle de bains.”
Polly emprunta le couloir mais, arrivée à destination, au lieu de relever l'abattant du siège des toilettes, se laissa tomber dessus et se mit très lentement à enlever ses bottes. Oui, c'est vrai, ça devrait être une corvée de parler à Mac, pensa-t-elle. Elle devrait même avoir besoin de faire une croix sur tout ça. Elle n'avait pas encore réussi à oublier, ni Mac, ni le contact de son corps, ni sa façon de bouger, ni le large à-plat cubiste de son torse, ni ses longues jambes aux muscles durs, ni ses doigts carrés du bout. Mais il y avait pire. Elle n'arrêtait pas de penser à son sexe : sa taille, son teint vanille-framboise, sa forme légèrement incurvée.
Elle avait quand même eu deux semaines pour récupérer ! Et elle faisait de réels progrès. Dans quelques mois, elle aurait totalement oublié cette histoire. C'est d'ailleurs ce qu'elle avait dit à Jeanne pas plus tard que la veille. “Bien sûr que tu oublieras”, avait répondu Jeanne. “Et peut-être même plus tôt que tu ne crois.”
… »
“If the report is accurate, the Supreme Court is poised to inflict the greatest restriction of rights in the past fifty years – not just on women but on all Americans.”

jeudi 5 mai 2022

D'un goût déplorable…

Taille originale : 29,7 x 21 cm
« Nouvelle mimique, nouvelle bourrade dans le dos : “Tu tombes bien, c'est moi qui ai été chargé de l'organisation de la fête.
— Félicitations. Un nouvel aspect de tes activités multiformes.
— Voilà. Dans le hall, j'ai monté ce qu'autrefois on appelait des tableaux vivants et qu'aujourd'hui on dénomme happening. C'est une série de happenings sur un même thème.
— Quel thème ?
— Les esclaves.”
Ce mot me rappelle immédiatement un des films secrets et masturbatoires d'Irena et je dis : “C'est un thème qui plaît beaucoup. Alors comment se déroule ton happening ?”
Il grimace et ricane : “C'est tout ce qui reste d'un projet de scénario où il s'agissait de la traite des esclaves en Afrique, dont on espérait faire un film. Quelques-unes des femmes qui sont ici défileront sur une estrade. Elles seront à peu près nues et couvertes de chaînes et on les vendra aux enchères. Il y aura un type, la figure enduite de noir de fumée, qui sera chargé de caresser les plus récalcitrantes d'une cravache. Il les exhibera toutes les unes après les autres en vantant leurs particularités physiques et leurs qualités. Ensuite les enchères commenceront. Quelqu'un lancera un chiffre. On ne parlera pas en lires, non, ce serait idiot, mais en monnaie du temps de l'esclavage : en thalers de Marie-Thérèse, en sequins, en doublons d'Espagne, en ducats, en louis, etc., etc. Naturellement, on convertira plus tard en lires. Devine un peu à qui iront ces lires ? Aux exilés africains. On dit qu'ils sont très nombreux dans les camps de rétention. Nous offrons une fête typiquement africaine en faveur des peuples africains.”
Temps passé
Pour la troisième fois, il ricane et me tape dans le dos. Mon complexe d'infériorité s'est endormi et je sens l'irrésistible besoin de le coucher, moralement, sous mes pieds et de lui montrer ce que je vaux. Je dis d'un ton sec : “C'est une idée d'un goût déplorable.”
Le rire meurt sur ses lèvres et je triomphe. Il garde pourtant la bouche entrouverte comme une benne qui vient d'interrompre son travail : “Et pourquoi, s'il te plait ?
— Je respecte trop la femme pour admirer un spectacle où elle apparaît abaissée, avilie, humiliée.”
Paf ! Il vient de recevoir sur le crâne un choc qu'il n'attendait pas. Mais, visiblement, il n'accepte pas la défaite et il s'exclame : “Ah ! elle est bien bonne celle-là !” »
Temps incertain

mardi 3 mai 2022

Le dynamisme expressif

« Dès lors, le centre de gravité de l'image consiste moins dans sa valeur représentative que dans le dynamisme expressif par lequel la figure se dépasse vers l'unité optique. Dans une telle démarche, la persistance d'un principe formel passé n'est nullement un retard historique, mais bien une condition fondamentale de la disposition expressionniste. L'acte expressif, en effet, ne peut naître que comme un coup de force par lequel l'intériorité force l'opposition de l'extériorité. Il a donc besoin, pour se réaliser, d'une résistance qu'il ne pose que pour pouvoir la dépasser. En fait, il n'est pas autre chose que ce mouvement même de dépassement, de transcendance. La persistance de la forme passée détermine au sein de l'image une sorte de retard interne par rapport à l'anticipation sur le futur à quoi tend la poussée intérieure, et fournit ainsi au coup de force expressionniste la résistance, le point d'appui dont il a besoin. Portée à son point d'éclatement, la tension entre passé et futur, objectivité de la figure et intériorité subjective, réalité sculpturale et vision picturale, se résout alors dans le devenir expressif d'un travail à chaud sur les moyens de formulation, qui récupère la forme passée pour se projeter vers le futur. »
Éthiquement inacceptable
Taille originale : 21 x 29,7 cm

dimanche 1 mai 2022

Capitalisme

Propriété capitaliste
La main de l'artiste
« Le producteur, indulgent et bon-papa, répond : “Je préférerais que tu ne mettes pas en vedette des mots comme subversion, suicide de classe, et cætera. Il s'agit de jeunes qui s'amusent, à leur manière. Nous, dans ma génération, nous ne pensions qu'aux femmes. Eux, ils ont mis la politique à la place des femmes. Et puis, puisque tu me parles de capitalisme, moi je dois te dire, étant un capitaliste, que l'intérêt principal du capitalisme est que les contestataires, au lieu de s'emparer sérieusement de nos biens, se contentent d'en faire un sujet de film. Et, bien entendu, de la manière la plus pittoresque possible. D'un côté, je pense que c'est une manière pour ces braves gosses de se défouler sans toucher le moindre cheveu de la tête de qui que ce soit. De l'autre, parce que je crois que c'est une bonne affaire : les films violents et subversifs font, en ce moment, beaucoup d’argent. Quant à moi, modèle d’un capitaliste exploiteur et cynique… pourquoi pas ? Après tout, c’est la vérité ? Peut-être que je ne suis pas aussi cynique que je le devrais, mais capitaliste et bourgeois, ça je le suis. Et c’est indiscutable.” »
Taille originale : 17,5 x 29,5 cm