taille originale : 24 x 32 cm |
«…“Votre sœur ne paraît pas avoir une haute opinion des raisons qui vous ont poussé à m'inviter.”
Il haussa les épaules comme pour s'excuser et déclara : “Elle a peut-être raison.
- Quel est le marché ?
- Le marché ?
- Je couche avec vous, et j'obtiens... quoi ? Une exposition collective? Une exposition personnelle ? Des articles dans les journaux ? Une introduction auprès d'un tas de gens riches et influents ?
- Je pense que vous brûlez un peu vite les étapes.
- Et est-ce que nous n'allons faire ça qu'une fois, ou est-ce que ce doit être le début de quelque chose de plus sérieux ?”
Il s'approcha du feu où les deux barres d'un chauffage électrique faisaient de leur mieux pour combattre le froid mortel de la salle. Il semblait s'apprêter à se lancer dans un discours.
“Oh, vous avez parfaitement raison, commença-t-il avec difficulté. Il était clair que je voulais coucher avec vous... comme n'importe quel homme normalement constitué... et je savais que la seule façon de pouvoir vous... persuader était de vous proposer de vous aider dans votre carrière, aide que je suis certainement en position de vous apporter. Mais il se trouve que..., hésita-t-il avec un rire gêné en se passant la main dans les cheveux, voyez-vous, je suis furieux de devoir reconnaître que les propos de ma sœur peuvent avoir la moindre influence, mais l'entendre pérorer de cette façon m'a fait comprendre que mes suppositions, mes présomptions, puis-je dire, étaient vraiment... Eh bien, toute cette histoire m'a soudain paru terriblement vulgaire. Et je sens que je vous dois des excuses. Je suis vraiment navré de vous avoir emmenée ici sous... de faux prétextes.
- Vous devez croire que je suis très innocente, répondit-elle en le rejoignant près du feu, si vous imaginez que je suis venue ici sans me douter de quelque chose.
- Alors, pourquoi êtes-vous venue ?
- Ma foi, c'est une bonne question. Laissez- moi vous dire deux choses.” Elle s'appuya contre la cheminée, en croisant de temps en temps le regard de son interlocuteur. “La première, c'est que même si je pense sincèrement que vous ne connaissez pas grand-chose en art, que le pouvoir que vous exercez est malsain, et que vos tractations puent à plein nez, je ne vous trouve pas complètement repoussant.”
Il poussa un grognement. “Voilà un bon point, j'imagine.
- La seconde, poursuivit Phoebe en hésitant, les yeux fermés, puis en reprenant sa respiration, c'est une chose que je n'ai jamais eu le courage de dire à personne jusque là, mais... voyez-vous, au cours des années, j'ai fini, avec beaucoup de difficulté, par acquérir une certaine... confiance en moi En ma peinture, veux-je dire. En fait, j'en suis venue à penser qu'elle est vraiment bonne. Ça doit vous paraître très arrogant, conclut-elle avec un sourire.
- Pas du tout.
- Ça n'a pas toujours été le cas. À une certaine époque, je n'avais plus aucune foi en moi. C'est assez... pénible d'en parler, mais... eh bien, c'est arrivé quand j'étais élève. J'avais abandonné mes études d'infirmière pour suivre des cours de peinture. Je partageais un logement, et, une fois, quelqu'un est venu passer quelques jours chez nous.
taille originale : 24 x 32 cm |
[…]
Journée portes ouvertes |
Elle ouvrit complètement la porte et l'homme, en kimono de satin, se glissa à l'intérieur pour aller s'asseoir sur le lit.
“Que se passe-t-il ?
- Venez un instant ici”, fit-il en tapotant le matelas.
Elle s'assit à côté de lui.
“Je n'arrivais pas à dormir”, déclara-t-il. Il paraissait estimer que l'explication était suffisante.
“Et alors ?
- Alors j'ai pensé que je pourrais venir vous demander si vous alliez bien.
- Mais oui, je vais bien. Je veux dire, je n'ai pas contracté de maladie mortelle dans la dernière demi-heure.
- Ce n'est pas ça... je suis venu voir si vous n'étiez pas trop perturbée.
- Perturbée ?
- Par l'attitude de ma sœur, et... oh, je ne sais pas, par tout le reste. J'ai pensé que tout cela, c'était peut-être un peu trop pour vous.
- C'est très gentil à vous, mais je vais bien. Vraiment. Je suis une petite dure à cuire, vous savez, ajouta-t-elle avec un sourire. Êtes-vous certain que ce soit la raison de votre venue ?
- Bien sûr que oui. Enfin, en grande partie.” Il se rapprocha d'elle. “Si vous voulez savoir, j'étais couché et je réfléchissais à l'histoire que vous m'avez racontée. Et j'ai pensé... dites-moi si je me trompe... que c'est le genre d'histoire qu'on ne raconte pas à n'importe qui. Il m'a semblé, poursuivit-il en l'entourant d'un bras, que vous commenciez peut-être à m'aimer un peu.
- C'est possible, répondit-elle en s'écartant légèrement.
- Le courant passe entre nous, n'est-ce pas ? Ce n'est pas une illusion de ma part. Quelque chose commence à se nouer entre nous.
- C'est possible”, répéta-t-elle d'une voix blanche.
Elle se sentait étrangement absente, et elle s'aperçut à peine qu'il posait doucement sa bouche sur la sienne. Mais elle remarqua bien son second baiser : le contact de sa langue qui se glissait entre ses lèvres humides. Elle le repoussa doucement en déclarant : “Écoutez, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.
- Vraiment ? Alors je vais vous dire ce qui serait une bonne idée. Le 13 novembre.
- Le 13 novembre? reprit-elle en se rendant vaguement compte qu'il s'était mis à lui déboutonner sa chemise de nuit. Qu'y aura-t-il le 13 novembre ?
- Le vernissage de votre exposition, bien entendu.” Il défit le dernier des trois boutons.
Elle se mit à rire. “Vous êtes sérieux ?
- Naturellement.” Elle sentit sa chemise de nuit glisser par-dessus ses épaules. Dans la faible lueur de la lampe, sa peau irréprochable avait une couleur uniforme, d'un ocre doré. “J'ai jeté un coup d'œil sur mon agenda. C'est la première date possible.
- Mais vous n'avez pas encore vu mes tableaux, protesta-t-elle tandis qu'il lui caressait le cou, puis le dos, avec un doigt.
- Ça va un peu bouleverser mes plans, continua-t-il en profitant de son étonnement pour lui planter un autre baiser sur la bouche, mais quelle importance ?” Et il se mit à lui masser les seins.
Elle se sentit renversée sur les oreillers. Des doigts fouillèrent entre ses cuisses. Elle avait la tête qui tournait. Le 13 novembre, c'était dans six semaines à peine. Avait-elle suffisamment de tableaux pour une exposition complète ? Des tableaux dont elle fût suffisamment contente ? Aurait-elle le temps d'achever les deux grandes toiles qui n'étaient qu'à moitié entamées dans son atelier ? Ces idées l'enivraient et la rendaient soumise. Son esprit courait si vite à cette perspective que rien ne lui parut plus simple de laisser Roddy s'étendre sur elle, son kimono ouvert, révélant des bras vigoureux et un torse imberbe. Il lui écartait les jambes avec ses genoux, il promenait activement sa langue sur le bout de ses seins, mais elle reprit ses esprits et tout son corps se crispa pour résister.
“Écoutez… il faut que nous en discutions.
- Je sais. Nous devons discuter d'une centaine de choses. Des prix, par exemple.”
En dépit d'elle-même, elle se mit à vibrer sous ses mains et écarta un peu plus les jambes.
“Les prix ? fit-elle avec effort.
- Il faut les faire monter le plus possible. J'ai des clients japonais prêts à payer trente ou quarante mille livres pour une grande toile. Mettons deux mètres sur trois. De l'abstrait, du figuratif, du minimalisme, n'importe quoi : ça leur est égal. C'est agréable, au fait ?
- Trente ou quarante mille... ? Mais je n'ai rien peint qui... Oui, oui, c'est agréable.
- Attendez un instant.”
Il pivota et prit quelque chose dans le tiroir de la table de chevet. Phoebe l'entendit déchirer le paquet et dérouler l'objet en caoutchouc.
“Il va falloir bien sûr transporter l'exposition à New York après quelques semaines à Londres”, continuait-il. Il s'était assis le dos tourné. Ses doigts s'activaient avec une dextérité issue d'une longue pratique. “Je suis en quelque sorte jumelé avec une galerie de Manhattan, donc j'imagine qu'il n'y aura aucun problème. Eh bien, qu'en pensez-vous ? demanda-t-il en s'allongeant de nouveau sur le dos. - Je pense que vous êtes fou”, répondit Phoebe avec un gloussement joyeux. Il l'invita des yeux. Elle comprit, accepta, se redressa, le chevaucha, en lui frôlant le visage avec sa chevelure. “Et je ne pensais pas devoir faire une chose pareille.”
Mais elle la fit.
Il s'endormit peu après. »
Main courante |
taille originale : 24 x 32 cm |
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