Collage numérique (taille des dessins originaux : 32,5 x 50 cm) |
« Parmi toutes les informations qui nous sont fournies par la vue, relativement au mouvement, aux couleurs, aux formes, aux volumes, au relief, aux distances, aux proportions, aux tailles, il sera intéressant de rechercher celles qui nous permettent le mieux de reconnaître la ressemblance entre un objet et son icône. Bien entendu, ces informations ne peuvent en suppléer de non visuelles que pour ceux qui ont déjà, de l'objet, une connaissance leur permettant d'en associer tel aspect visible à telle sensation auditive, olfactive, gustative, tactile ou motrice. Toutes sortes de raisons peuvent empêcher la ressemblance visuelle de s'imposer, lorsqu'elle est seule en jeu et qu'elle est limitée par des différences de couleur, de taille, de relief, de mobilité. Les jouets, soldats de plomb, poupées, petites voitures, animaux en peluche, en bois ou en matière plastique, peuvent être considérés comme des icônes destinés à donner à l'enfant une connaissance anticipée du monde qu'ils figurent. Et, de fait, l'enfant de la ville établit un certain type d'équivalence entre la voiture de son père, qu'il connaît, et la petit auto miniature qu'il manipule; mais il a beau jouer toute une année avec “les animaux de la ferme”, il risque fort, lors de sa première sortie à la campagne et de son premier contact avec le spectacle de vaches dans un pré, de demander à sa maîtresse, ce que sont “ces grosses bêtes”, comme me le racontait une institutrice de maternelle de la région parisienne. Il semble ici que la différence de taille considérable entre vache et jouet ait empêché l'identification, tout comme cela a été le cas pour ces Africains, auprès desquels on faisait une campagne pour la vaccination contre une maladie propagée par les moustiques, en affichant partout des reproductions de moustiques à une échelle démesurée.
Les illustrations des livres d'enfants, comme celles des encyclopédies ou des jeux de cartes éducatifs, remplissent, par le dessin d'un animal ou d'une plante, un cadre donné, agrandissant ou diminuant à volonté : l'éléphant et la fourmi ont la même taille. Si on les prend dans leur ensemble, elles ne sont donc pas du tout iconiques des proportions entre objets réels. Or, pour l'enfant, il y a le “grand” et le “petit”, et des représentations qui ne rendent pas compte de ce rapport de grand à petit ont toutes chances d'être non reçues. Il semble bien, en fin de compte, que dans l'expérience globale que l'individu — même enfant — a des êtres et des choses, il dégage des caractéristiques, selon des critères qui peuvent lui être personnels. Ce que l'icone doit lui fournir, pour qu'il lui reconnaisse la ressemblance, ce sont précisément ces caractéristiques. Or, la production des icônes est sous la dépendance de contraintes matérielles; on utilise ce dont on dispose : bois à sculpter, argile à modeler, fusain, couleur, geste, cri, etc., et il est possible que la matière employée ne permette justement pas de faire apparaître ces caractéristiques. Les conditions de production amènent donc une sélection des caractéristiques, qui ne correspond pas à un choix pertinent de traits. L'émetteur croit fournir une information “objective”, laissant au récepteur le soin d'interpréter le réel à son gré, alors que certaines caractéristiques se trouvent privilégiées, tandis que sont annihilées celles précisément qui permettraient au récepteur de retrouver le réel.
Le signe iconique n'indique pas, mais présente; ne relate pas, mais participe; ne nomme pas, mais fait apparaître. »
Collage numérique (taille des dessins originaux : 32,5 x 50 cm) |
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