jeudi 19 juillet 2012

Le temps d'une métamorphose

dessin erotique pornographique penetration
Impression numérique sur tee-shirt souillé
taille du dessin original : 42 x 29,7 cm

« La fenêtre s'est obscurcie progressivement, la chambre a sombré dans une eau de ténèbres parfumée par mes fards, mes laques, mes vernis à ongles, mes lotions, mais la seule odeur que je respirais, c'était l'exhalation de promontoire de l'amiral, son arôme de tornade qui faisait pencher sa moustache comme la cime des pins sur les dunes, ainsi que le relent des grottes cariées de ses gencives en capilotade. Me serrant tout contre lui, pressant les cordages de ses tendons sur mon cou, j'ai exploré une à une les innombrables anfractuosités de son corps en y découvrant des baies, des anses et des petits ports de pêche que je n'avais jamais rencontrés chez les innombrables marins de mon existence, en comptant les Vénitiens qui m'apportaient en guise de cadeau un silence de gondoles et de décomposition immergée de palais de doges décorés de toiles représentant des saints et des évêques sur le marbre des couloirs des sous-sols.
Dès que la nuit commença à se diluer dans la pièce en fragments de tissus arachnéens que les gaz des viscères des bacs pour Cacilhas [1] de sept heures faisaient fuir, alors que la femme [2] désespérait de parvenir à un résultat, malgré la minutie de son art de tisserande, elle s'échoua tout à coup sur l'immense mât du navigateur, inespéré et plein de superbe, qui se dressait à la verticale de son ventre, toutes voiles déployées, dans le bruit sourd de calebasse des coquillages. En parcourant, fascinée, la monumentalité nautique de ce pénis fleuronné d'insignes et d'échos, elle redouta d'être perforée par une énergie supérieure à la résistance de celle de son utérus, et qui allait la désarticuler irrémédiablement, comme dans les supplices arabes, sur les épis de maïs du matelas. Elle essaya de s'éloigner en rampant sur le drap, sidérée par cette puissance illimitée, mais les poignets de l'amiral immobilisèrent brusquement ses fesses avec la force qu'il avait eue trente ans auparavant pour dompter des roues de gouvernail déchaînées par les tempêtes, elle reçut, à quelques centimètres de son visage, un souffle de béribéri et de gnôle digérée et se retrouva enfin poignardée par un hauban démesuré qui faisait vibrer à l'intérieur de son corps des dizaines d'étendards royaux de caravelles.
Ce fut un petit matin mémorable, qui se prolongea tout au long de la matinée jusqu'à l'heure du déjeuner, indifférent aux coups frappés occasionnellement sur la porte, aux accordéons des aveugles sur la place, aux moteurs des paquebots et aux interminables bavardages des tourterelles sur les antennes de télévision plantées sur les toits. Un petit matin silencieux et persévérant malgré les bruits extérieurs que les voilages des fenêtres métamorphosaient en accords isolés d'une harmonie en délire, une tendre bataille d'ardents coups de poignard successifs qui déchiraient mon corps, une grande marée incessante qui m'obligeait à m'accrocher aux rampes du lit, jusqu'à ce qu'un dernier coup de reins m'arrache à la dunette du matelas, redresse mon torse en un formidable tourbillon, et qu'une écume bouillonnante inonde mes viscères en de successifs coups de pompe qui ont trempé le couvre-lit du jus de sa liqueur, au fur et à mesure que les pennons retombaient, que le sifflement des coquillages se taisait, alors la femme, apaisée, se retrouva en compagnie du petit vieux maigre et inoffensif des bars de l'Îsle de Loanda [3], imbibé de vin et en proie à l'obsession des tagides [4], qui la regardait du creux de l'oreiller, les cheveux en bataille, avec une expression bêtasse sur ses canines en plastique. »


1. Cacilhas est un des arrondissements d'Almada, ville située en face de Lisbonne.
2. “La femme” désigne la même personne que le “je” au paragraphe précédent.
3. Ancienne graphie de Luanda, capitale de l'Angola.
4. Chez le poète portugais Camõens, auteur des Lusiades (1572), les tagides sont des nymphes du Tage censées l'inspirer dans l'écriture de son poème épique.
dessin erotique pornographique penetration
Impression numérique sur tee-shirt souillé
taille du dessin original : 27 x 36 cm

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire