taille du dessin original : 23 x 17,5 cm (collage numérique) |
« Ces mots même l'excitaient. Dis-moi comment s’appelle ce que tu es en train de me faire. Ils s’enseignaient mutuellement les noms des choses, les mots communs qui désignaient les trésors les plus intimes des choses, et les sensations de l’amour, les parties les plus désirées de leurs corps. Ils désignaient du doigt pour savoir, comme s’il leur fallait tout nommer dans le monde nouveau où ils s’étaient cachés, et l’exploration de l’index se transformait en caresse. Ils pressaient de leurs lèvres, leurs dents mordaient avec suavité et leur langue explorait l’endroit dont ils avaient sollicité le nom. Des mots nouveaux, jamais appliqués jusque-là à un corps né et grandi dans une autre langue ; termes enfantins, vulgaires, dévergondés, doucement grossiers, dont les nuances subtiles acquéraient la dimension charnelle de ce qui était nommé. Ils échangeaient entre eux des mots aussi bien que des sécrétions et des caresses ; en même temps qu’ils apprenaient des mots nouveaux dans la langue de l’autre, ils découvraient des sensations dont ils ignoraient qu’elles pouvaient exister. Le corps était une carte peuplée de noms dont il fallait partir à la découverte et qu’ensuite ils invoquaient de mémoire à voix basse quand chacun d’eux était seul et s’excitait à leur souvenir. En disant le mot, ils accueillaient la caresse de l’endroit nommé. Et il était bon que les choses reçoivent des noms qu’elles n’avaient jamais eus jusque-là, parce qu’ainsi la nouveauté de la langue qu’ils venaient d’apprendre répondait à la vie inédite qu’ils n’auraient pas connue s’ils s’étaient pas rencontrés, et chaque mot évoquait une partie du corps aimé, et de lui seul. »
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