Le sexe des anges |
« Tandis que j’étais à la maison, les Pères de la Paroisse arrivèrent pour prendre les Bulletins de la Communion et ils laissèrent la porte ouverte. Agostino en profita pour monter et, en apercevant les Pères, il commença à se vanter de vouloir les bastonner, mais en parlant dans sa barbe sans que les Pères l’entendissent. Quand les Pères furent sortis, il revint et commença à se plaindre de ce que je ne me comportais pas bien avec lui, que je n’avais pas d’affection pour lui, tout en disant que j’aurais à m’en repentir. Je lui répondis : “Quel repentir ? Celui qui me veut doit me mettre ceci”, sous-entendant doit m’épouser et me passer la bague au doigt. Puis je lui tournai le dos et m’en fus dans ma chambre. Il s’en alla. Mais le jour même, après le repas, il pleuvait et j’étais en train de peindre le portrait de l’un des enfants de Tuzia pour mon plaisir, quand Agostino reparut. Il ne pouvait pas ne pas entrer parce que l’on faisait des travaux dans la maison et les maçons avaient laissé la porte ouverte. En me voyant en train de peindre, il me dit : “Ne peignez pas tant, ne peignez pas tant”, il m’arracha le chevalet et les pinceaux des mains, les jeta çà et là et dit à Tuzia : “Va-t’en d’ici.” Je dis à Tuzia de ne pas partir et de ne pas me laisser seule, comme je l’en avais déjà priée auparavant. Mais elle dit : “Je ne veux pas rester ici à me quereller, je m’en vais.” Avant même quelle fût sortie, Agostino mit sa tête sur mon sein et quand elle fut partie, il me prit par la main et me dit : “Promenons-nous un peu ensemble, on se fatigue à rester assis.” Tout en nous promenant ainsi deux ou trois fois à travers la salle, je lui dis que je me sentais mal et que je pensais avoir la fièvre. Il me répondit “J’ai plus de fièvre que vous.” Après avoir fait deux ou trois fois le tour de la salle, comme en marchant nous passions devant la porte de ma chambre, une fois arrivés à la porte, il me poussa et la ferma à clef. Cela fait, il me renversa sur le bord du lit en m’appuyant une main sur la poitrine et me mit un genou entre les cuisses pour que je ne puisse pas les serrer. Après avoir relevé mes jupes, avec grande difficulté d’ailleurs, d’une main, il me mit un mouchoir sur la bouche pour que je ne crie pas et me lâcha les mains qu’il tenait de son autre main ; il avait d’abord mis ses deux genoux entre mes jambes. Puis, ayant pointé son membre vers ma nature, il commença à pousser et me le mit dedans : cela me brûlait fort et me faisait très mal. À cause du mouchoir qu’il tenait contre ma bouche, je ne parvenais pas à crier et, pourtant, je tentais de le faire du mieux que je pouvais en appelant Tuzia. Et, avant qu’il ne me le remit dedans, je lui serrai si fortement le membre que je lui arrachai un morceau de chair. Mais il ne fit aucun cas de tout cela et continua son affaire. Il resta sur moi un long moment en maintenant son membre dans ma nature et quand il eut son fait, il se retira. Me voyant libérée, je me précipitai vers le tiroir de la table, je pris un couteau et je marchai sur Agostino en disant : “Je veux te tuer avec ce couteau puisque tu m’as déshonorée !” Il dit alors en ouvrant son gilet : “Me voilà prêt.” Je lui donnai un coup de couteau qu’il esquiva, sinon j’aurais pu lui faire mal et le tuer facilement. Cela dit, je le blessai un peu à la poitrine mais il n’en sortit que peu de sang car je l’avais à peine effleuré avec la pointe du couteau. Agostino referma alors son gilet ; quant à moi, je pleurai et me lamentai du tort qu’il m’avait fait. Pour me calmer il me dit : “Donnez-moi la main. Je vous promets de vous épouser dès que je serai sorti du labyrinthe dans lequel je me trouve en ce moment.” Et il ajouta : “Sachez bien qu’en vous prenant, je ne veux pas de vanités.” Et je lui répondis : “Je crois que vous pouvez savoir s’il y a des vanités ou pas.” À cette bonne promesse, je me tranquillisai et c’est à cause de cette promesse qu’il m’a amenée à plusieurs reprises à consentir avec amour à ses désirs. Cette promesse, il me l’a répétée plusieurs fois. Quand j’ai appris ensuite qu’il était marié, je lui ai fait reproche de cette trahison mais il l’a toujours niée, en me soutenant qu’il n’était pas marié. Il m’a toujours assuré que personne d’autre que lui ne m’aurait prise. Voilà tout ce qui s’est passé entre Agostino et moi.
[…]
L'enjeu du deuxième concile de Nicée |
La plaignante réplique alors par ces mots :
— Je déclare que tout ce que j’ai dit est la vérité et si cela n’était pas la vérité, je ne l’aurais pas dit.
À la question : la plaignante était-elle prête à maintenir ses accusations et dépositions et tout ce qui y attenait si elle était soumise aux tourments.
La réponse fut :
— Oui Monsieur, je suis prête à confirmer mon interrogatoire, même sous la torture et là où il sera nécessaire de le faire. J’ajouterai même que lorsque je me rendis à San Giovanni, il m’offrit une turquoise dont je ne voulais pas.
Lors Sa Seigneurie à l’effet de laver la plaignante de tout soupçon d’infamie, et afin de supprimer tous les doutes que l’on pourrait avoir
sur la personne et les dires de ladite Artemisia, venant de ce qu’on supposerait, par exemple, quelle était complice du crime ; dans le but de corroborer et d’avérer ses déclarations, et à toute autre fin et effet utile, et particulièrement en vue d’affaiblir l’éventuelle résistance de ladite plaignante, ordonna et décréta qu’aux yeux et à la face du prévenu, ladite plaignante serait soumise à la question par le supplice des “sibilli” [torture effectuée avec des lacets serrés autour des doigts], attendu quelle était femme à part entière, comme cela se pouvait constater de visu, âgée de dix-sept années ; le geôlier ayant été convoqué à l’effet de lui appliquer ledit supplice, avant que les lacets ne lui fussent ajustés, la plaignante fut interrogée comme suit.
Après avertissement à elle fait de prendre garde à ne pas accuser à tort ledit Agostino de viol et ce, dans la mesure où les faits relatés par elle-même n’eussent été que le fruit de fausses dépositions ; que si au contraire la vérité se trouvait être telle que ses dépositions la montraient, que la plaignante n’hésite pas à la confirmer, fusse en subissant ledit supplice des lacets.
Elle a répondu :
— J’ai dit la vérité et je la dirai toujours parce que je dis vrai : je suis ici pour le confirmer s’il le faut.
Lors Sa Seigneurie donna l’ordre au geôlier d’ajuster les lacets ; et le geôlier, après avoir joint les mains d’Artemisia sur la poitrine d’icelle, ajusta les lacets entre chaque doigt selon les us et coutumes… aux yeux et à la face du prévenu… comme le geôlier faisait courir le cordon et que lesdits lacets se resserraient, ladite plaignante se mit à dire :
— C’est vrai, c’est vrai, c’est vrai !
À plusieurs reprises elle répéta les mots susdits, puis déclara :
— Voici donc l’anneau de mariage dont tu me fais présent et ce sont là tes promesses !
À la question : les dépositions qu’elle avait faites au cours de son interrogatoire et qu’elle venait de confirmer devant le prévenu avaient-elles été et étaient-elles véridiques ; et acceptait-elle de les réitérer et de les ratifier.
Elle a répondu :
— C’est vrai, c’est vrai, tout ce que j’ai dit est vrai.
Le prévenu l’apostropha alors en ces termes :
— C’est faux, tu mens par jalousie.
Et la plaignante de répliquer :
— C’est vrai, c’est vrai, c’est vrai. »
Taille originale : 2 fois 29,7 x 21 cm |
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