dimanche 13 septembre 2015

Vénus transgenre

Taille originale : 29,7 x 21 cm

« L’art de Praxitèle trahit l’apparition d’une sorte de sensualisme cérébral qu’on voit apparaître à la même heure chez tous ses contemporains. On oublie peu à peu la charpente profonde pour caresser par le désir la surface des formes, comme la surface des visages par l’intention psychologique. Quand la statue reste vêtue, les robes se font plus légères qu’une brise sur l’eau. Mais, pour la première fois, le statuaire grec dévoile tout à fait la femme, dont la forme est surtout significative par les frémissements de sa surface, comme la forme masculine qui lui avait dicté sa science l’est avant tout par la logique et la rigueur de sa structure. Pour la première fois, il rejette les étoffes que les élèves de Phidias commençaient à draper en tous sens, au risque d’oublier la vie qui bougeait sous elles, il exprime sans voiles l’ascension mouvante des torses, l’animation des plans que la lumière et l’air modèlent en frissons puissant, la jeunesse des poitrines, la vigueur des ventres musculeux, le jet pur des bras et des jambes. Il parle du corps de la femme comme on n’en avait jamais parlé, il le dresse er l’adore dans sa rayonnante tiédeur, ses ondulations fermes, dans sa splendeur de colonne vivante où la sève du monde circule avec le sang. Ces statues mutilées confèrent à la sensualité de l’homme la noblesse la plus haute. Pleines et pures, semblables à une source de lumière, confiées par tous leurs profils à l’espace qui s’immobilise autour d’elles comme saisi de respect, ces grandes formes sanctifient le paganisme tout entier. Et si nous avons pour Praxitèle une reconnaissance intime, un sentiment attendri, c’est qu’il nous a appris que le corps féminin, par sa montée dans la lumière et la fragilité émotionnante du ventre, des flancs, des seins où sommeille notre avenir, résume l’effort humain dans son invincible idéalisme exposé à tant d’orages. »


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