lundi 18 novembre 2024

Jeu de pouvoir

Un bel enculé ?
Taille originale : 29,7 x 21 cm
« Ce qui est refusé ici [par Leo Bersani], c’est l’idée répandue, théorisée et revendiquée dans la communauté SM selon laquelle il existe une discontinuité radicale et une différence de nature entre les rapports de domination (érotiques ou pas) tels qu’ils sont vécus dans la société et les rapports de pouvoir/domination tels qu’ils sont ritualisés dans une scène SM, entre les options politiques des SM et leurs comportements sexuels ; qu’il n’y a pas forcément de continuité entre les rapports de domination qu’a pu subir un sujet donné hors SM et les rapports de domination que ce même sujet vivra dans un cadre SM. La propension de Bersani à citer les adeptes du SM qui évoquent une forme de continuité en faisant référence au caractère cathartique ou thérapeutique du SM cautionne implicitement l’idée que le SM n’est rien d’autre que le sadomasochisme freudien et que c’est le SM psychique qui permet de rendre compte de l’ensemble des pratiques SM.
C’est en cet instant où s’ouvre la trappe discursive et épistémologique que le tour critique foucaldien est nécessaire. Le SM continue d’être pensé à l’aide des catégories médicales et psychiatriques datant du XIXe siècle. L’analyse de Bersani reste puissamment animée et inspirée par une nomination exogène : c’est Freud qui a accouplé les termes sadisme et masochisme… C’est Krafft-Ebing qui a créé le terme de masochisme en souvenir de Sacher-Masoch, celui de sadisme en référence à Sade. N’est-il pas temps de “traduire” sadomaso sans l’aide de Krafft-Ebing et de Freud ? Grands classificateurs devant l’éternel et dignes représentants d’un savoir/pouvoir qui sévit encore de nos jours… Ne serait-ce qu’en France où il ne se passe pas une année éditoriale sans que l’on vienne nous rabattre les oreilles avec un Sade qui n’était pas sado-maso, sadique tout au plus ?
Admiration ?
Taille originale : 29,7 x 21 cm
L’utilisation de termes aussi chargés de ce que les SM ne sont pas — des sadiques, les héritiers directs de Sacher-Masoch, des femmes au top de leur masochisme séculaire — contribue à entretenir la confusion. Il y mille et une raisons dont certaines sont communes aux pédés, aux gouines, aux sado-masos, aux bisexuel(le)s, aux transsexuel(le)s et aux transgenres, aux travailleuses et aux travailleurs du sexe, aux minorités sexuelles en général, de créer son propre langage et d’opter pour l’auto-nomination de manière à se réapproprier leur site d’énonciation (que l’on ne parle plus à notre place) et une capacité de savoir (que l’on ne sache plus mieux que nous ce que nous sommes ou ce nous faisons). Nul doute qu’il serait politiquement intéressant et pertinent plus que correct de substituer au syntagme “sadomasochisme” celui de jeu de pouvoir (“power play”), de redéfinir périphrastiquement le SM comme “une forme d’érotisme fondée sur un échange consensuel de pouvoir” ainsi que le propose le collectif Corning to Power ou plus lapidairement d’y substituer une équation du type : pouvoir = confiance (“power = trust”).
À critiquer le néo-freudisme de Bersani, on se dit que Foucault avait raison de se méfier de la redoutable science discipline que reste la "psy" en général. Faut-il pour autant, si tant est que l’on ait envie de croire au potentiel subversif et/ou critique du SM, sur le plan personnel et politique, adhérer à l’utopie intellectuelle et discursive foucaldienne ? Cette dernière a ceci de post-moderne et de quelque peu téléologique, dans la formulation du moins, qu’elle appelle à la fuite hors d’un champ particulier maudit : celui de la psychologie. À cette vision un peu défensive, on peut opposer une perception plus modeste des glissements à l’intérieur des champs de savoir comme il est des glissements de terrains. Qui parle “psy” et comment. La voix de son maître dans l’article de Bersani. Mais dans les scènes SM et nombre d’articles des membres de la communauté SM ? Comment ne pas penser qu’il s’est produit une appropriation des concepts ressortissant de la psychologie au sens large tels qu’“identification”, “figure paternelle” ou “maternelle”, “famille”, “père et mère de substitution” comme le montre la terminologie de la scène daddy par exemple. Loin d’être les outils réservés des psychologues et sexologues, ces notions sont devenues les instruments favoris des SM, et l’exploration “mentale” l’un de leur jeu préféré. C’est dans cette instrumentalisation de la psy, du savoir et du pouvoir psy que l’on peut déceler un potentiel subversif, voire une stratégie d’appropriation et de résistance. À quoi bon partager les réticences de Foucault quant au discours psy à partir du moment où le site d’énonciation de celui-ci a changé : ce ne sont plus les médecins ou les psychanalystes qui formulent ou utilisent à eux seuls la psychologie ? Et si l’une des forces du SM, c’était — au jour d’aujourd’hui — son côté simili cuir et kitsch psy ? La récupération des concepts (une psycho pop sans psychotropes) et la création d’un langage relationnel et contractuel spécifique ? »
Deux morts accidentelles dans un violent incendie

mardi 12 novembre 2024

Elle l'aime parce qu'il est beau et qu'il a les jambes droites !

Cadre ancien
dimensions : hauteur : 4 190 mm ; largeur : 2 830 mm
Cadre moderne
(Taille originale : 42 x 29,7 cm(

Traduction nouvelle :

« Sur sa lyre l’aède préludait avec art à son chant : celui des amours d’Arès et d’Aphrodite au beau diadème, et comment pour la première fois ces deux-là baisèrent en secret dans la demeure d’Héphaistos ; il l’avait séduite par maints présents et par son engin bien érigé, et c’est ainsi qu’il déshonora la couche du puissant Héphaistos en la fourrant jusqu’aux couilles. Mais bientôt Hélios vint tout révéler à ce dernier ; car il les avait vus tous deux bien baiser jusqu’à l’orgasme. Dès qu’Héphaistos eut entendu ce récit qui le mit en rage, il s’en alla dans sa forge, ruminant sa vengeance. Il disposa son énorme enclume et fabriqua au marteau des liens infrangibles, inextricables, afin d’y retenir fixés cette salope et ce salopiaud. Puis quand il eut, dans sa colère contre Arès, fabriqué ce piège, il se rendit dans la chambre, où se trouvait son plumard puant le foutre et la cyprine ; autour de tous les montants du lit, il déploya son attirail de bondage ; une grande partie pendait d’en haut, du plafond ; c’était comme une fine toile d’araignée, que personne ne pouvait apercevoir, pas même l’un des dieux bienheureux, tant le piège était bien fabriqué. Quand il eut entouré de ce piège toute sa couche, il feignit de partir pour Lemnos à l’acropole bien construite, la terre qu’il préfèrait de beaucoup à toutes les autres.
Et Arès aux rênes d’or avait l’œil bien ouvert pour guetter Héphaistos, et il le vit s’éloigner, lui le glorieux artisan et le sinistre cocu. Il partit donc pour la demeure du très noble et très imbécile Héphaistos, avec l’impatient désir de s’unir à la salope au beau diadème (enfoui entre ses cuisses). Elle, qui venait de quitter son père, le fils de Cronos à la force invincible, s’était assise en arrivant. Entré dans la maison, l’amant la caressa de la main jusqu’à la faire mouiller, prit la parole et la salua de ces mots : “Viens ici, chérie, dans ce plumard ; baisons avec volupté et sans retenue ; Héphaistos n’est plus dans l’Olympe ; il vient, je crois, de partir pour Lemnos, chez les Sintiens au parler sauvage.”
Ainsi disait-il, et la déesse sentit monter le désir de s’accoupler bestialement avec lui. Tous deux allèrent donc au lit et s’enfilèrent à de multiples reprises et de multiples façons ; mais autour d’eux était déployé le réseau de cordes, artificieux ouvrage de l’ingénieux Héphaistos. Soudainement, ils se retrouvèrent coincés, ne pouvant plus remuer ni soulever leurs membres. Ils comprirent immédiatement qu’il ne leur restait plus aucun moyen de s’échapper. Et près d’eux arriva l’illustre cocu boîteux ; il était revenu sur ses pas avant d’arriver à l’île de Lemnos ; car Hélios faisait le guet et lui avait tout raconté. Il revint donc à sa demeure, le cœur affligé. Il s’arrêta au seuil de la chambre, et une sauvage colère le saisit. Il poussa un cri terrible et appela tous les dieux : “Zeus, notre père, et vous autres, dieux bienheureux et éternels, venez ici voir une chose risible et monstrueuse : parce que je suis boiteux, la fille de Zeus, Aphrodite, me couvre toujours de ridicule ; elle aime Arès, le destructeur, parce qu’il est beau, qu’il a les jambes droites, tandis que, moi, je suis infirme. Mais la faute en est à mes seuls parents, qui auraient mieux fait de ne pas me donner naissance. Venez voir comment ces deux-là sont allés baiser et forniquer dans mon propre lit, et j’enrage devant ce spectacle pornographique ! Mais je crois qu’à présent, ils ne souhaitent plus rester ainsi enlacés, avec sa bite enfoncée au plus profond de sa chatte, aussi excités soient-ils. Bientôt, ils ne voudront plus baiser ensemble ; mais mon piège, mon réseau les tiendra prisonniers, jusqu’à ce que le père de cette chienne m’ait exactement rendu tous les présents que je lui ai donnés pour sa salope de fille ; car elle peut être belle, c’est quand même une magnifique putain !”
Il éructa tout cela alors que les dieux s’assemblaient sur le seuil de bronze. Alors vint Poséidon porteur de la terre, et le très utile Hermès, et le puissant Apollon, qui écarte le malheur. Les déesses restaient chacune chez soi, par décence (on en doute…). Les dieux, dispensateurs des biens, s’arrêtèrent dans l’antichambre, et un rire inextinguible s’éleva parmi les Bienheureux, à la vue du piège de l’artificieux Héphaistos. Ils se disaient entre eux, chacun regardant son voisin : “Non ! Les mauvaises actions ne profitent pas ! Le plus lent attrape le plus prompt ; voici qu’aujourd’hui Héphaistos, ce gros lourdaud, a pris le plus rapide des dieux qui habitent l’Olympe, lui, le boiteux cocu, grâce à ses artifices ; aussi le coupable doit-il payer le prix de l’adultère.” Ainsi parlaient-ils en riant entre eux.
Le puissant Apollon, fils de Zeus, dit en aparté à Hermès : “Et toi, fils de Zeus, messager, dispensateur de biens, ne voudrais-tu pas, dusses-tu être pris au piège par de forts liens, baiser passionnément Aphrodite aux joyaux d’or et à la chatte enflammée ?” Le messager rayonnant et en érection à cette seule idée lui répondit : “Puissé-je avoir cette jouissance, puissant Apollon dont les traits portent au loin. Que des liens triples, sans fin, m’enserrent, et que vous me voyiez ainsi prisonnier, vous, tous les dieux et toutes les déesses, mais que je baise cette salope d’Aphrodite au cul en feu !” Et il éjacula sur ces paroles. »

N.d.E. : Cet épisode est considéré comme une interpolation licencieuse et vulgaire, ne faisant pas partie du texte original, et était considéré déjà comme tel à l’époque antique.
Son interprétation la plus vraisemblable est que la véritable passion érotique est réservée aux plus parfaits des dieux, Arès et Aphrodite, et que la grande majorité des humains sont, comme Héphaistos, les témoins jaloux et ridicules de telles amours.

samedi 2 novembre 2024

La pénétration dialogique

Parole d’artiste
« Au lieu de la plénitude inépuisable de l’objet lui-même, le prosateur découvre une multitude de chemins, routes, sentiers, tracés en lui par sa conscience sociale. En même temps que les contradictions internes en l’objet même, le prosateur découvre autour de lui des langages sociaux divers, cette confusion de Babel qui se manifeste autour de chaque objet ; la dialectique de l’objet s’entrelace au dialogue social autour de lui. Pour le prosateur, l’objet est le point de convergence de voix diverses, au milieu desquelles sa voix aussi doit retentir : c’est pour elle que les autres voix créent un fond indispensable, hors duquel ne sont ni saisissables, ni “résonnantes” les nuances de sa prose littéraire.
L’artiste-prosateur érige ce plurilinguisme social à l’entour de l’objet jusqu’à l’image parachevée, imprégnée par la plénitude des résonances dialogiques, artistement calculées pour toutes les voix, tous les tons essentiels de ce plurilinguisme. Mais aucun discours de la prose littéraire, — qu’il soit quotidien, rhétorique, scientifique — ne peut manquer de s’orienter dans le “déjà dit”, le “connu”, l’“opinion publique”, etc. L’orientation dialogique du discours est, naturellement, un phénomène propre à tout discours. C’est la fixation naturelle de toute parole vivante. Sur toutes ses voies vers l’objet, dans toutes les directions, le discours en rencontre un autre, “étranger”, et ne peut éviter une action vive et intense avec lui. Seul l’Adam mythique abordant avec sa première parole un monde pas encore mis en question, vierge, seul Adam-le-solitaire pouvait éviter totalement cette orientation dialogique sur l’objet avec la parole d’autrui. Cela n’est pas donné au discours humain concret, historique, qui ne peut l’éviter que de façon conventionnelle et jusqu’à un certain point seulement. »
Actionnisme (pas très viennois ?)
« La parole peut être tout entière perçue objectivement (quasiment comme une chose). Telle est-elle dans la plupart des disciplines linguistiques. Dans cette parole objectivée, le sens aussi est réifié : il ne permet aucune approche dialogique, immanente à toute conception profonde et actuelle. C’est pourquoi la connaissance est ici abstraite : elle s’écarte totalement de la signification idéologique de la parole vivante, de sa vérité ou de son mensonge, de son importance ou de son insignifiance, de sa beauté ou de sa laideur. La connaissance de cette parole objectivée, réifiée, est privée de toute pénétration dialogique dans un sens connaissable, et l’on ne peut converser avec une telle parole.
Toutefois, la pénétration dialogique est obligatoire en philologie (car sans elle, aucune compréhension n’est possible : elle découvre dans la parole de nouveaux éléments (sémantiques, au sens large) qui, révélés d’abord par la voie du dialogue, se réifient par la suite. Tout progrès de la science de la parole est précédé de son “stade génial” : une relation dialogique aiguë à la parole, révélant en elle de nouveaux aspects.
« Mon corps est devenu un lieu de débat »
C’est cette approche qui s’impose, plus concrète, ne s’abstrayant pas de la signification idéologique actuelle de la parole, et alliant l’objectivité de la compréhension à sa vivacité et sa profondeur dialogiques. Dans les domaines de la poétique, de l’histoire littéraire (de l’histoire des idéologies en général), et aussi, dans une grande mesure, dans la philosophie de la parole, aucune autre approche n’est possible : dans ces domaines, le positivisme le plus aride, le plus plat, ne peut traiter la parole de façon neutre, comme une chose, et se trouve contraint ici de se référer à la parole, mais aussi de parler avec elle, afin de pénétrer dans son sens idéologique, accessible seulement à une cognition dialogique incluant tant sa valorisation que sa réponse. Les formes de transmission et d’interprétation qui réalisent cette cognition dialogique peuvent, pour peu que la cognition soit profonde et vive, se rapprocher considérablement d’une représentation littéraire bivocale de la parole d’autrui. Il faut absolument noter que le roman lui aussi inclut toujours un élément de cognition de la parole d’autrui représentée par lui. »
Peut-on y voir une mise en pratique ?
Taille originale : 21 x 29,7 cm
« Tel est le sens du thème de l’homme qui parle dans tous les domaines de l’existence courante et de la vie verbale et idéologique. D’après ce qui vient d’être dit, on peut affirmer que dans la composition de presque chaque énoncé de l’homme social, depuis la courte réplique du dialogue familier jusqu’aux grandes œuvres verbales idéologiques (littéraires, scientifiques et autres), il existe, sous une forme avouée ou cachée, une part notable de paroles notoirement “étrangères”, transmises par tel ou tel procédé. Dans le champ de quasiment chaque énoncé a lieu une interaction tendue, un conflit entre sa parole à soi et celle de “l’autre”, un processus de délimitation ou d’éclairage dialogique mutuel. Il apparaît donc que l’énoncé est un organisme beaucoup plus compliqué et dynamique qu’il n’y paraît, si l’on ne tient compte que de son orientation objectale, et de son expressivité univocale directe.
Le fait que la parole est l’un des principaux objets du discours humain, n’a pas encore été pris suffisamment en considération, ni apprécié dans sa signification radicale. La philosophie n’a pas su largement embrasser tous les phénomènes qui s’y rapportent. On n’a pas compris la spécificité de cet objet du discours, qui commande la transmission et la reproduction de l’énoncé “étranger” lui-même : on ne peut parler de celui-ci qu’avec son aide, en y intégrant, il est vrai, nos propres intentions, en l’éclairant à notre façon par le contexte. Parler de la parole comme de n’importe quel autre objet, c’est-à-dire de manière thématique, sans transmission dialogique, n’est possible que si cette parole est purement objectivée, réifiée ; on peut parler ainsi, par exemple, du mot dans la grammaire, où nous intéresse, précisément, son enveloppe réifiée, amorphe. »
Serait-ce donc un mythe ?
Taille originale : 21 x 29,7 cm

dimanche 27 octobre 2024

Qu'est-ce qui nous fascine ?

Taille originale : 28,4 x 21 & 29,7 x 21 cm 
« Je peux rester longtemps plongée dans le regard de l’homme de la photo. Je peux m’y perdre. Qu’y a-t-il derrière ce regard ? Qu’est-ce qui nous fascine chez les criminels, les monstres ? On pense qu’ils détiennent des éléments de réponse sur une des plus grandes énigmes de l’existence : le mal. On se dit que, puisqu’ils ont commis l’irréparable, ils ont sans doute au moins appris quelque chose. Ils savent ce que c’est que le mal, ou, en tout cas, s’ils ne peuvent connaître par leur seul méfait le mal universel, ils sont au moins censés connaître le mal particulier qu’ils ont choisi. Ils sont de l’autre côté d’une frontière qu’on ne franchira pas. Mais on est souvent déçus. Il semble y avoir au cœur du crime lui-même une banalité qui n’est pas seulement due au caractère de certains criminels, ceux qui obéissent à des pulsions, ceux qui exécutent des ordres, les moutons du mal. Même les vrais monstres, ceux qui font le choix délibéré de plonger la tête dans l’obscurité, ne répondent pas à nos attentes.
Les études sur les abuseurs d’enfants montrent qu’il n’y a pas de profil type, en dehors du fait qu’ils sont de sexe masculin dans la grande majorité des cas. Ils viennent de tous les milieux, de toutes les classes d’âge, de tous les pays. Selon certaines études cliniques, il existe deux grandes familles de prédateurs : les “fixés”, ceux qui ont des troubles liés à la dépendance et à l’évitement, caractérisés par la soumission, la passivité, l’isolement social, et les “régressés”, ceux qui ont des troubles liés au narcissisme, des tendances antisociales et psychopathiques, caractérisés par le pouvoir, la domination et la violence. Parmi les premiers il y a beaucoup de personnes immatures, qui ne comprennent même pas que leurs gestes sont inappropriés. Les seconds résolvent un problème de souffrance profonde en dominant un être plus faible, plus facile à manipuler qu’un adulte, plus apte à devenir une proie. Les pervers appartiennent plutôt à ce groupe-là, mais en plus de résoudre un conflit intérieur par le viol, ils éprouvent du plaisir dans la souffrance de leurs victimes. Ils sont manipulateurs, fabriquent un système philosophique qui justifie leurs actes à leurs yeux, se croient au-dessus de la morale et des lois, se sentent supérieurs, assument leur geste.
Ceux qui fascinent le public sont plutôt ceux-là. On pourrait croire en effet qu’ils conduisent à des personnalités plus intéressantes, car a priori plus lucides, plus à même de nous dire quelque chose sur le mal qu’ils commettent et dont ils jouissent. On sera tout aussi déçu que par les autres, qui relèvent de la maladie psychique, du manque, du malheur, du serpent qui se mord la queue. Les pervers peuvent parler d’eux-mêmes pendant des heures, analyser leur propre tragédie, même essayer de comprendre l’absence d’empathie qui les caractérise. Ils se trouvent passionnants et sont souvent contents d’avoir un auditoire, mais ils n’ont rien à dire de neuf sur ce qu’ils ont fait. »

« Les travaux de Moscovici ont montré que l’influence sociale n’est pas le seul apanage de la majorité. Une minorité peut également exercer son influence en diffusant avec un certain succès ses normes novatrices, et ce malgré le fait que par définition elle ne dispose pas de pouvoir, qu’elle voit rarement sa compétence reconnue socialement, en bref qu’elle ne bénéficie pas d’une relation de dépendance avec sa cible qui lui soit favorable, ce qui a longtemps été considéré comme la condition nécessaire de tout processus d’influence sociale.
Lorsque ce conflit, généré par la consistance des comportements dont fait preuve la minorité, est bloqué également face à la population, lorsque donc la minorité n’est pas seulement consistante mais aussi rigide, l’influence minoritaire diminue sensiblement tout le moins au niveau manifeste.
Plusieurs recherches menées dans ce domaine ont montré que ces divers styles de comportement n’ont pas de valeur en soi, mais que s’ils sont à même de moduler de manière déterminante l’issue d’un processus d’influence minoritaire, c’est essentiellement au travers de l’image de la source qu’ils génèrent, en bref de sa représentation sociale. En effet, un style de comportement n’est pas simplement lu par la population mais également, et surtout, interprété par elle. C’est ainsi que nous pouvons constater que la rigidité minoritaire, pour prendre cet exemple, amène une interprétation spécifique de la consistance dont cette même minorité fait preuve par ailleurs, en induisant chez les sujets une forte catégorisation de celle-ci en termes de dogmatisme (ce qui est de nature, on le sait, à diminuer considérablement l’impact de la source sur la population), allant même jusqu’h “contaminer” la perception de la consistance même, masquant par là le fait que la minorité propose une véritable alternative aux normes dominantes. »

« L’évaluation de la toxicité s’appuie sur des études qualitatives (non mesurables) ou quantitatives (mesurables) adéquates. Il existe plusieurs types d’études qui nous permettent d’évaluer les effets d’un toxique. On peut les classer dans quatre catégories :

  • les études épidémiologiques, qui comparent plusieurs groupes d’individus ou les études de cas;
  • les études expérimentales in vivo, qui utilisent des animaux (ex. : lapin, rat et souris);
  • les études in vitro, effectuées sur des cultures de tissus ou des cellules;
  • et les études théoriques par modélisation (ex. : structure-activité). »

mardi 15 octobre 2024

Pas de désagréables problèmes juridiques

« Si cet homme était un véritable prophète, il saurait de quelle espèce est la femme qui le touche, et que c’est une pécheresse. »
Taille originale : 21 x 29,7 cm
« Que les trafiquants d’esclaves aient capturé de préférence des jeunes filles et des jeunes femmes reflète l’importance de la demande en concubines. Les Africains qui faisaient la chasse aux esclaves pour le compte des marchés musulmans recherchaient particulièrement ces proies qui atteignaient de plus hauts prix que les hommes. Lors des razzias qui s’abattaient sur les paisibles villages juste avant l’aube, il n’était pas rare que les Africains, souvent responsables de ces raids, tuent la plupart des hommes et des femmes âgées : ils n’avaient plus, ensuite, qu’à amener les jeunes femmes jusqu’aux points de rassemblement, points de départ du long chemin jusqu’au marché des esclaves. Ibn Battuta, un voyageur du XIVe siècle, en allant de Takedda, dans l’ouest du Soudan, à Fez, rencontra une caravane de six cents esclaves, toutes des femmes. On voyait d’ailleurs assez souvent des caravanes composées exclusivement de femmes et de jeunes filles sur les routes commerciales reliant le bilad as-Soudan à l’Afrique du Nord. Au milieu du XIXe siècle, l’érudit botaniste allemand Georg Schweinfurth rencontra ce qu’il décrit comme une petite caravane d’esclaves de cent cinquante jeunes filles. Schweinfurth, qui fut l’un des deux premiers Européens à tenter la traversée nord-sud du continent africain, a noté que beaucoup d’esclaves mouraient au cours de ces longues marches dans le désert à cause de l’imprévoyance de leurs ravisseurs qui n’emportaient pas assez d’eau ni de nourriture.
Les femmes blanches étaient presque toujours plus recherchées que les Africaines ; les Arabes étaient prêts à payer très cher pour les Circassiennes ou les Géorgiennes du Caucase et des colonies circassiennes d’Asie Mineure. Mais les Russes s’emparèrent de la Géorgie et de la Circassie au début du XIXe siècle et, en 1829, obtinrent par le traité d’Andrinople les forteresses qui contrôlaient le passage de Circassie en Turquie, et la traite des Circassiennes s’arrêta. Le résultat fut la hausse brutale de leur prix à Constantinople et au Caire. La situation se renversa au début des années 1840 quand les Russes, en échange de la promesse des Turcs de ne plus attaquer leurs forts de la rive est de la mer Noire, acceptèrent tranquillement de ne pas se mêler de la traite des esclaves. Les trafiquants ayant les mains libres, il y eut surplus sur les marchés de Constantinople et du Caire : les prix chutèrent et les Circassiennes devinrent accessibles au Turc et à l’Égyptien moyen. Dans plus d’un cas, le statut de ces femmes — esclave ou concubine — fut transformé par un mariage. Marier un de ses fils à une esclave représentait un choix plein de bon sens dans une société où se fiancer avec une femme libre entraînait souvent de grandes dépenses, en particulier sous forme d’une dot que la femme conservait en cas de divorce. En outre, une esclave était souvent plus soumise qu’une femme libre et il n’y avait pas de désagréables problèmes juridiques. »
Paroles de psy…
Taille originale : 29,7 x 21 cm

jeudi 10 octobre 2024

Tu aimes peut-être les ennuis ?

Exhibition ?
Version ancienne

 

« Le docteur Evans et Joseph étaient assis sous la véranda lorsque Catherine démarra. Elle klaxonna et les salua de la main.
“Tu ne crois pas que tu devrais t’en tenir aux adultes pour ce qui est de la bagatelle, gros malin ?”
“Oui.” Joseph savait qu’il fallait s’attendre à une réflexion de ce genre.
“Quand elles sont aussi jeunes que ça, et aussi détraquées que ça, on risque des ennuis. Je soigne sa mère.”
Le docteur sirota son verre. “Bien sûr, tu aimes peut-être les ennuis. Alors tu peux être sûr que tu vas en avoir. Ça fait combien de temps que ça dure cette histoire ?”
“Depuis octobre. C’était son idée à elle.”
Un nouveau cadre
Le docteur siffla et persifla. “Tu as quarante-trois ans et elle en a dix-sept, et tu voudrais me faire croire que c’était son idée. Tu dérailles, mon garçon.”
“Comment va ma mère ?” Il vida son verre et se leva pour s’en servir un autre.
“Elle ne passera pas le mois. Et toi non plus si le major découvre le pot-aux-roses.”
En perspective
Autre mise en scène
Le docteur riait à cette idée. “Bien sûr, il a probablement des doutes sur la nature profonde de sa fille. Peut-être se contentera-t-il de tirer dans ta jambe valide.” Il se remit à rire. “Elle n’a pas l’air mal du tout, surtout pour la région. Elles ont tendance à engraisser assez jeunes par ici. Tu prends des vitamines ? […] Bien sûr, tu sais que ça ne peut pas durer et qu’il faudra en finir d’une manière ou d’une autre.”
Effet de miroir
Joseph, d’abord troublé, se rebella. “Si ça doit finir un jour, autant que ça dure le plus longtemps possible, parce que c’est bon et parce que j’ai déjà perdu trop de temps dans ma vie, à attendre comme un con.”
“Ne monte pas sur tes grands chevaux. J’ai presque soixante-dix ans et je me débrouille encore pas trop mal quand l’occasion se présente et elle se présente plus souvent qu’on ne pourrait le croire. Mon père me disait qu’on ne regrette pas les coups qu’on tire quand on est vieux, on regrette seulement ceux qu’on n’a pas tirés.”
Le docteur lui donna une tape sur la jambe et lança :
“Et si on s’en prenait un autre ?”
Regarder, photographier
Joseph emporta son verre. “Tu veux toujours aller au Canada en juin ?”
“Si tu ne te fais pas descendre.” Le docteur le suivit à l’intérieur de la maison et désignant les côtelettes de daim que Joseph avait fait dégeler sur le comptoir de la cuisine : “Est-ce que je peux rester pour le dîner ?”
“Bien sûr. À condition que je ne t’entende plus dire que je vais me faire descendre.” »
Vice et versa

lundi 7 octobre 2024

Même si la mer se déversait entre nous

Sous le regard… (d'un possible échevin amstellodamois)
À son aimée, fermement retenue dans le secret d’une mémoire éternelle : tout ce qui mène à l’être dont la plénitude ne manque de rien.
Ceux qui nous envient, que les motifs de leur envie se prolongent et qu’ils se languissent longtemps de notre fortune, puisque c’est là ce qu’ils désirent. Me séparer de toi, même si la mer se déversait entre nous, serait impossible. Je t’aimerai toujours, je te garderai toujours à l’esprit. Tu ne dois pas t’étonner qu’une jalousie mauvaise jette ses regards sur une amitié aussi remarquable et harmonieuse que la nôtre, car si nous étions pitoyables, assurément nous pourrions vivre tant bien que mal parmi les autres sans subir la moindre marque d’envie. Qu’ils médisent donc, qu’ils calomnient, qu’ils mordent, qu’ils croupissent sur place, que notre bonheur fasse leur amertume : toi, pourtant, tu seras ma vie, mon esprit, mon réconfort dans les difficultés et pour finir ma joie parfaite.
Porte-toi bien, toi qui me fais bien porter.
Obsession muséale
Mise au goût du jour d'un dessin ancien

En latin médiéval

Dilecte in eterna memoria, tenaciter recondite : quicquid ad illud esse conducit, cuius plenitudini nichil déficit.
Qui nobis invident, utinam invidendi longa eis materia detur, et utinam nostris opimis rebus diu marcescant, quandoquidem ita volunt. Me a te separare, ipsum si nos mare interluat, non potest ; ego te semper amabo, semper in animo gestabo. Nec mirari debes si in nostram tam insignem, tam aptam amiciciam, prava emulacio suos obliquat oculos, quia si miseri essemus sine omni profecto livida notacione vivere cum aliis utcumque possemus. Rodant ergo, detrahant, mordeant, in seipsis liquescant, nostra bona suam amaritudinem faciant ; tu tamen mea eris vita, meus spiritus, mea in angustiis recreacio, meum denique perfectum gaudium.
Vale que valere me facis.